LA NOBLESSE DES SENTIMENTS.

VIII. COMBLE LE VIDE EN MOI.

(2ème) Hiver 84x

Le soir de Noël, les quelques explorateurs restant à la base se regroupent à une même table pour partager ensemble un repas gargantuesque.

Des rires résonnent dans la grande salle lorsque les vétérans racontent des anecdotes hilarantes ou des histoires plus surréalistes les unes que les autres. Le dîner se termine par des chants et des danses avant que chacun ne se retire pour retrouver son lit, ou continuer la fête dans une des salles communes.

Dans la bibliothèque du château, largement après minuit, le calme est revenu et seul le feu crépitant dans la cheminée vient briser le silence.

Levi est confortablement installé dans un des lourds fauteuils rembourrés, probablement le dernier des explorateurs encore debout.

Il a troqué son uniforme contre un survêtement pour être à l'aise et sur ses genoux repose un ouvrage à peine entamé.

Une tasse de thé noir en main, il profite simplement de la paix et la sérénité des lieux pour se ressourcer après ce dîner bruyant.

Un bref grincement retentit dans son dos et Erwin apparaît sur le seuil de la porte.

Je savais bien que je te trouverai ici.

Il semblerait que je sois incapable de me cacher de toi, car tu me retrouves toujours, où que j'aille.

Ce n'est pas une critique, juste une constatation, et il lui lance un regard faussement exaspéré juste pour la forme. A vrai dire, il s'attendait à le voir se pointer. Il y comptait même...

Erwin s'avance jusqu'au large fauteuil où il se trouve. Levi replie ses jambes sous lui pour lui laisser de la place.

Le blond pose un fesse sur l'assise en lui adressant un de ses sourires chaleureux dont il a le secret. Cela lui réchauffe curieusement la poitrine.

C'était une bonne soirée, non ?

Hanji était complètement bourrée. Quand elle a déclaré son amour incommensurable pour les titans, je crois qu'elle a effrayé les recrues.

Ahah, elle est trois fois plus excentrique quand elle en a un coup dans le nez.

Le doux rire d'Erwin est un son plaisant pour les oreilles de Levi après avoir souffert de la joyeuse cacophonie durant le repas.

Le grand blond se cale un peu plus contre l'accoudoir et le fond de l'assise.

Hn, je dois avouer que ça a eu le mérite d'être amusant. Fatigant, mais amusant. Il se sont tellement lâchés qu'on ne devrait pas les entendre jacqueter avant midi au plus tôt. Ça me fera des vacances.

Oui, ils vont dormir un moment. Mais toi, tu n'es pas fatigué ?

Levi repose sa tasse et s'apprête à lui dire quelque chose, mais se ravise et pose son menton dans le creux de sa main pour observer le chef du bataillon d'exploration dont la tête dodeline légèrement.

Je te retourne la question, Erwin. Tu as enchaîné les verres toi aussi.

Je me sens parfaitement bien, je t'assure.

Oui, bien sûr, grand cœur, alors pourquoi tes yeux se ferment déjà ?

Erwin ne réagit pas, comme Levi s'y attendait. L'arrière de sa tête repose maintenant contre le dossier et il a effectivement les yeux fermés, rattrapé par le sommeil.

Pas fatigué, mon oeil.

Le plus petit le contemple un long moment avec une tendre affection avant d'approcher son bras de son visage.

Ses doigts viennent doucement se glisser dans ses cheveux pour le recoiffer, écartant les mèches rebelles qui sont tombées sur son front.

Cet air décontracté le rajeuni.

Ce lourd poids qu'il porte sur ses épaules, bien qu'elles soient larges, va finir par lui donner des cheveux blancs, à force.

Une main attrape soudainement son poignet et le porte à ses lèvres, pour déposer un baiser en son creux.

Le gris acier rencontre le bleu ciel des yeux à demi-clôts du blond fixés sur lui.

Je sais que cette fête n'a pas d'intérêt pour toi... mais après une soirée en si bonne compagnie... Personne ne devrait rester seul.

Levi hausse les sourcils, surpris, mais se reprend après quelques secondes, en retrouvant son air impassible.

Je vois...

Le petit brun quitte le fauteuil pour se poster face à Smith, lui offrant sa main.

Pour lui, il veut bien faire un effort.

Tu ne verras donc pas d'inconvénient à ce que j'occupe le micro-espace restant de ton lit à nouveau. Mais c'est uniquement parce que la literie est de meilleure qualité.

Évidemment.

Erwin puise dans ses dernières forces pour se relever, grandement aidé par un Levi bien plus sobre. Il s'appuie ensuite sur son épaule solide, afin de rejoindre ses quartiers.

Il est incroyable qu'une telle puissance circule dans les veines d'un homme d'aussi petite stature. Mais aussi la douceur qu'il abrite...

Mais ses pensées s'égarent. Mieux vaut qu'il se concentre sur ses pas.

Ah, quel bonheur de retrouver son lit. Dès qu'il l'atteint, il se laisse tomber de tout son poids et de tout son long dessus en soupirant d'aise. Bras et jambes écartés. Il ne prend même pas le temps de se déshabiller.

Un ricanement lui parvient et il sent le matelas s'affaisser, lorsque Levi s'asseoit dessus avec plus de grâce que lui.

Hey, grand dadais...

La main de Levi se retrouve à nouveau dans ses cheveux, et elle lui masse le cuir chevelu.

Hmm.

Tu prends toute la place. Pousses-toi un peu, que je m'allonge aussi...

Pas besoin...

Smith l'attrape par le bras pour l'attirer à lui tout en roulant sur le dos.

Le noiraud perd l'équilibre et tombe sur son torse.

Il essaie de se redresser en prenant appui sur ses mains qui se trouvent maintenant de part et d'autre d'Erwin, mais deux bras puissants viennent enserrer sa taille, le pressant à nouveau contre lui.

Levi ne résiste pas à l'étreinte qui suit mais ne se prive pas non plus pour exprimer sa mauvaise humeur en le rouspétant.

Oï, lâche-moi grosse brute, tu m'écrase là.

Cesse de maugréer, tu n'es pas en sucre à ce que je sache...

Le blond sent le corps du plus petit remuer et il incline la tête pour voir ses doigts fins et nerveux s'affairer à débouttoner sa chemise.

Qu'est-ce que tu fais ?

Tu vas la chiffonner si tu dors avec, alors je te la retire. Faut bien qu'il y en ait un de nous qui s'en charge.

Quelle importance ?

Ça se voit que ce n'est pas toi qui se tape les corvées de linge.

Désolé...

Crétin. Aller, enlève ce débardeur, qu'on en finisse !

Erwin se plie à sa demande intransigeante et se redresse, entraînant Levi dans le mouvement. Ils sont si proches que leur souffle se mélange.

Le noiraud fait glisser la chemise le long de ses bras pour la récupérer puis Erwin retire son débardeur en le faisant passer par dessus sa tête, ce qui a pour effet d'ébouriffer ses cheveux.

Levi se débarrasse à son tour de son haut et compte se lever afin de plier leur vêtements et les ranger proprement à leur place dans la commode. Mais Erwin le voit venir, réfléchit à un plan et le met à exécution pour l'empêcher de s'éloigner :

Il lui prend les habits des mains et les jettent au loin.

Levi suit des yeux la trajectoire parabolique des vêtements, qui finissent par tomber pèle-mêle au sol, un peu n'importe où. Son regard se redirige vers Erwin et il le dévisage avec un drôle d'air mais le blond s'en fiche. Il lui adresse un regard implorant, ce qui agace le noiraud qui repousse sans délicatesse du plat de la main son compagnon contre le lit.

Tsss... T'es vraiment un gamin, des fois.

Le dos du blond rebondit sur le matelas, avant de se stabiliser. Maintenant bien allongé, il écarte son bras, l'invitant à s'installer à ses côtés.

L'explorateur finit par céder.

Il se penche au-dessus de lui et ses lèvres viennent survoler la peau de son ventre. Il remonte ensuite lentement le long de sa poitrine, provoquant un long frisson chez lui. Erwin s'arrête un instant de respirer quand son caporal stoppe sa course au niveau de son cœur, et y dépose un baiser.

Levi se love ensuite contre lui, et vient nicher sa tête au creux de son épaule, une main posée en travers de son torse.

Erwin tourne la tête pour planter un baiser sur son front.

Le plus petit s'apprête à fermer les yeux, sans appréhension.

Bonne nuit, Erwin...

Aucune réponse de sa part.

Le souffle régulier du major lui chatouille la nuque et il se redresse sur son coude pour regarder le blond déjà profondément endormi.

Sa main se glisse dans sa poche de pantalon pour en sortir une petite boîte noire. Il n'a pas réussi à trouver le bon moment pour le lui offrir...

Il retire le couvercle pour contempler à la lumière de la lune le présent qui s'y trouve. Songeur, il se demande encore si l'idée est bonne...

L'an dernier, Erwin lui a offert un cadeau, mais lui n'a rien eut à lui donner en échange. Alors cette année, il s'est dit qu'il se rattraperait. Trouver le cadeau idéal fut une autre paire de manches, et il a failli tout abandonner, agacé de se creuser la tête pour des âneries.

Jusqu'à ce qu'il tombe sur ça...

Levi passe distraitement son doigt sur les boutons de manchettes noires en forme de fleur, encerclées par de vraies iris bleues qu'il a lui-même coupé.

Il se trouve ridicule, à tergiverser de la sorte et se retient à grandes peines de balancer la boîte par la fenêtre afin de ne plus y penser. Ce qui serait encore plus idiot.

L'explorateur retire les fleurs une à une de la boîte, une idée en tête.

Une fois cela fait, il remet le couvercle, dépose le cadeau sous l'oreiller du blond et contemple son oeuvre.

Erwin dort paisiblement, inconscient des petites fleurs bleues méticuleusement disposées dans ses cheveux.

Satisfait, Levi se rallonge en se calant tout contre lui pour profiter de sa chaleur. Lorsqu'il ferme enfin les yeux, le bras du blond vient se refermer sur lui, formant un écran protecteur entre lui et l'obscurité.

Il se sent bien, comme il ne l'a pas été depuis longtemps.

Parce qu'Erwin comble ce vide en lui.


~*o*Iris*o*~

''Meilleurs voeux''

Espoir, courage, confiance

Promesse de richesse et de bonheur.