Personnages : Sisyphe & Illias (et un soupçon de Illias x Lugonis)
Genre : Famille
Univers : Canon The lost Canvas
Résumé : Au moment de quitter le sanctuaire, Illias se retrouve une dernière fois face à Sisyphe
Je crois que je me lasserai jamais d'écrire des textes sur le lien fraternel
Juste un au revoir
– Bon... et bien... nous y sommes.
Droit et fier dans son armure dorée récemment acquise, Sisyphe luttait contre les vagues d'émotion qui le submergeaient. Sa poitrine le pesait, sa gorge le serrait, ses yeux le piquaient, ses épaules tremblaient, même sa voix bégayait. Il ravala sa salive pour reprendre contenance. Il tenait à se présenter dignement devant son frère et maître, l'héroïque Lion qui, besace sur l'épaule, s'apprêtait à quitter le Sanctuaire.
Tout se passait bien trop vite pour le jeune Sagittaire. En quelque jours, son quotidien avait radicalement changé. Il était passé du statut d'apprenti critiqué à celui de chevalier respecté. Il avait quitté le cinquième temple, celui du Lion dans lequel il vivait depuis des années avec Illias, pour rejoindre celui du Sagittaire quatre maisons plus haut. Il ne pouvait plus voir aussi souvent ses meilleurs amis Rasgado et Aspros et, à peine gradé, le Grand Pope l'avait expédié en mission d'où il était revenu non sans dommage physique.
Son visage était encore parsemé de pansements. Des blessures et des ecchymoses étaient visibles sur ses bras, et l'une de ses épaules le faisait toujours souffrir, mais ces désagréments physiques n'étaient rien à côté de cette déchirure dans son cœur.
– Ce n'était donc pas une plaisanterie. Evidemment, tu ne plaisantes jamais, ricana le Sagittaire, et tu ne mens pas non plus. C'est donc bien réel, tu nous quittes...
Il s'était retenu de dire "tu me quittes", même si l'envie était grande. Illias était leur héros à tous, mais c'était son frère à lui. Sisyphe avait envie de se montrer un peu égoïste, de s'approprier un peu cet homme qui était sa famille, son sang, et qui pourtant s'en allait loin de lui.
Une larme perla. Sisyphe s'empressa de secouer la tête pour l'éjecter. Pas question de pleurer. Il était un chevalier d'or venu souhaiter bon voyage à un confrère, pas un petit frère éploré.
– Le Grand Pope me charge de te dire de prendre soin de toi, de donner des nouvelles, et de revenir quand tu le souhaites si le cœur t'en dit.
– Je reviendrais, car je n'oublie pas mon devoir, mais surement pas sous cette forme.
– Et alors comment ? Tu sais te métamorphoser ? ironisa le plus jeune.
Tentative d'humour échoué. Illias n'avait jamais été réceptif à la moindre malice. C'était bien son grand frère. Toujours sérieux, visage figé, quasiment inexpressif, ce qui l'avait longtemps intimidé. Sisyphe avait été confié à cet homme à l'âge de huit ans et il avait mis du temps à trouver sa place dans la vie de son soi-disant frère.
Illias et lui avaient dix ans d'écart. Ils n'avaient pas grandi ensemble, ils ignoraient même leurs existences respectives avant que le Grand pope ne la leur dévoile. Ils avaient eu beau posséder un lien de sang, ils n'étaient juste que deux étrangers qui avaient dû apprendre à cohabiter et à se connaître. Au final, malgré leur lien de parenté, ils s'étaient vite rendus compte qu'ils étaient différents.
Pendant longtemps, Sisyphe, admiratif, rêvait à tout prix de ressembler à Illias, mais cet objectif s'était avéré toxique pour lui car il annihilait sa propre personnalité. Aujourd'hui, chacun d'eux suivait son chemin, et leurs chemins justement se séparaient aujourd'hui.
– Fais attention à toi, s'inclina Sisyphe.
– Toi aussi, et transmets mes salutations à Lugonis.
– Je n'y manquerai pas. C'est bien dommage qu'on l'ait envoyé chercher des médicaments sur l'île des docteurs justement aujourd'hui. D'ailleurs, pourquoi est-ce que c'est un chevalier d'or qui se charge de ce genre de mission toute simple ?
A vrai dire, Illias connaissait la réponse. Lugonis et lui avaient été proches, vraiment très proches, encore plus depuis la mort de Zaphiri. Son ami, s'il pouvait encore l'appeler ainsi après tout ce qu'ils avaient partagé, n'aimait pas les adieux et il acceptait mal sa décision soudaine de partir s'isoler loin du Sanctuaire, de ses confrères, de son cadet, loin de lui. Illias lui avait expliqué sa démarche. Il pensait à l'avenir du monde, à la guerre sainte. Sa maladie qui le rongeait l'emportera avant le conflit qui opposera Athéna à Hadès. Son corps disparaitra, mais il se faisait le devoir de laisser sur cette terre un héritier pour Leo, une partie de lui. Il avait besoin de temps, de calme, d'air pur pour tenir le plus longtemps possible, et de son côté, Lugonis avait son apprenti à former. Le jeune Albafica avait commencé son entrainement depuis un an et montrait déjà des affinités avec les arcanes des Poissons.
Lugonis avait compris mais il avait le cœur brisé. Illias savait qu'il avait un frère jumeau qui étudiait la médecine sur l'île des docteurs, et le Poisson avait probablement décidé d'aller le voir pour se réconforter un peu. Rien de mieux qu'un frère lorsqu'il s'agit d'écouter vos chagrins. Souvent, Illias regrettait de n'avoir jamais eu une telle relation avec son cadet. Sisyphe et lui n'étaient pas excessivement proches, mais ils étaient frères, et Illias éprouvait une grande affection pour lui. Il n'en montrait rien, mais il était triste et surtout inquiet de partir.
– N'oublie pas Sisyphe, tu dois rester toi-même, te comporter naturellement.
– J'ai bien compris, Illias. Je sais ce que je veux, je n'essaierai plus de te copier. Tu es toi, je suis moi.
– C'est bien.
Illias esquissa un faible sourire. Il était réellement fier de lui. L'armure du Sagittaire lui seyait à merveille. Le Lion avait l'impression de revoir son père, leur père, Hector du Sagittaire, dans une version plus jeune. Comment avait-il pu douter de lui ?
Au départ, Illias avait difficilement cru en ce gamin trop rêveur, mais terriblement obstiné et courageux. Aujourd'hui, l'aîné partait confiant, alors pourquoi ce poids dans sa poitrine ? Ce n'était pas la brûlure de ses poumons, mais bien son cœur qui se serrait.
Face à lui, il ne voyait pas l'honorable chevalier du Sagittaire, mais son petit frère qui cachait très mal ses émois. Sisyphe avait toujours été bien plus expressif que lui. Ses yeux brillants le touchaient. Illias ne pouvait pas rester de marbre. C'était son frère, son petit frère à lui.
– Est-ce que je te reverrai, Illias ? demanda Sisyphe avec une voix plus étranglée. Dis-moi que ce n'est pas un adieu. Dis-moi qu'on combattra ensemble.
Une fine larme coula sur la joue de Sisyphe. La tension dans la poitrine d'Illias s'accentua. Lui aussi se sentait sur le point de pleurer, alors qu'il n'avait plus versé de larme depuis la mort de son père lorsqu'il avait onze ans et qu'il était encore apprenti. A l'époque, Lugonis l'avait beaucoup soutenu. Il le prenait encore dans ses bras sans crainte. Son très cher Poisson, son tendre Lugonis qui allait aussi lui manquer.
Illias se souvenait de sa tristesse à l'époque. Il s'était senti seul au monde, ignorant encore que son père, le vaillant Sagittaire, avait d'ores et déjà semé quelque part les graines de son successeur. Aujourd'hui, Illias allait faire la même chose, mais il était triste à nouveau, triste de quitter son frère.
Spontanément, les bras de l'aîné s'enroulèrent autour du cou de Sisyphe et il l'attira contre lui. Le geste surpris le jeune chevalier qui resta bras ballants. En cinq ans, Illias n'avait jamais eu le moindre élan de la sorte.
– C'est juste un au revoir, Sisyphe. Nous sommes frères, et donc je serais toujours avec toi, d'une manière ou d'une autre.
Les bras du Sagittaire étreignirent enfin la taille d'Illias, toujours bien plus grand que lui. Il avait beau porter une armure d'or, il restait encore un amateur comparé à lui.
– J'avais encore tant à apprendre de toi, pleura cette fois le plus jeune.
– Je n'ai plus rien à t'apprendre, sauf peut-être à mieux faire ton lit.
Cette remarque fit sourire Sisyphe à travers ses larmes.
– C'est bien la première fois que je t'entends plaisanter, dit le Sagittaire en reniflant.
– Je pourrais encore te surprendre.
– Alors tu devrais rester.
– Je ne peux pas, malheureusement. Mais je ne pars pas les mains vides. J'emporte une grande richesse avec moi. Les souvenirs que j'ai avec toi me sont très précieux. Crois-moi, tu m'as apporté beaucoup de choses toi-aussi. Tu vas me manquer, petit-frère.
– Toi aussi, grand-frère. Tu seras toujours mon héros.
L'étreinte entre les deux frères se resserra. Illias essuya ses yeux humides tandis que Sisyphe épongeait ses larmes dans la tunique de son ainé. Il regrettait de porter son armure, car à cet instant, il n'était qu'un adolescent qui partageait un premier et dernier câlin avec sa seule famille.
