Elle suffoquait. Sa tête lui lançait atrocement. Quel jour était-il ? Des nausées lui retournaient l'estomac. Mais elle n'avait rien à vomir, si ce n'est de la bile. Elle avait déjà tout rendu.
Elle était persuadée que tout allait s'arranger. Que ce n'était qu'une question de temps et d'entente. Mais force de voir qu'elle avait tort.
Où était-il ? Parti. Peut-être au bar, ou au casino. Acheter des cigarettes ou de l'alcool. Peut-être les deux. Mais ce qu'elle savait, c'est qu'il pouvait revenir, d'un instant à l'autre. La lune éclairait sa chambre d'une lueur pâle.
Dans un instant de lucidité, elle marcha à quatre pattes jusqu'à sa malle, fouillant ses poches de son uniforme froissé. Dans le creux de sa main, un papier.
Elle n'était plus seule.
Il était tard, et Harry dormait profondément. Il était resté au château, là où la personne qui avait conquis son cœur était également. Une sonnerie régulière perça ses rêves paisibles, lui faisant marmonner le nom de son amoureux pour qu'il éteigne cette fichue alarme. Au moment même où il pensa au mot alarme, il se rendit compte que ce n'était pas un réveil. Non. Cette musique, c'était son téléphone.
Dans un moment de panique, il jura, et se dépêcha de chercher son mobile. À moitié endormi, il porta le combiné à l'oreille, et attendit de longues secondes, mais n'entendit aucun son. Même s'il savait déjà qui l'appelait, il regarda le numéro. Il hésita, ne sachant pas quoi faire. Était-ce une erreur ? Devait-il aller la voir ? Juste pour s'assurer qu'elle allait bien… Il pouvait toujours le mettre un sort d'indifférence ou de désillusion pour ne pas être vu.
Remettant le téléphone à l'oreille, il essaya de parler, espérant obtenir ne serait-ce qu'un mot. Ce n'était qu'un bruit, un tout petit bruit presque imperceptible, mais il l'avait entendu. À l'autre bout du téléphone, l'enfant pleurait.
– J'arrive.
Oubliant toute idée de sommeil, il enfila la première robe de sorcier qui lui tomba sous la main, puis sortit en trombe de la chambre, cherchant Severus, qui était en train de lire au coin du feu, probablement en train de lire un énième livre de loi, comme depuis que Maëva avait ébranlé la carapace du maître des potions.
– Harry ? il y a un problème ? s'inquiéta Severus.
– Elle m'a appelé, déclara-t-il, à brûle-pourpoint.
Dans un regard, Severus se leva, attrapa la main d'Harry, puis transplana.
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Ils arrivèrent quelques secondes plus tard dans un quartier qui avait perdu de sa superbe. Dans le temps, les grandes façades des maisons mitoyennes devaient être colorées, les jeux pour enfants dans le parc pris d'assaut, et les grandes jardinières le long des trottoirs remplies de fleurs. Tout ça avait dû motiver les gens à emménager ici, s'offrant la vie de citadin dans une des banlieues. Mais le temps avait fait son rôle, et les couleurs s'étaient ternies, le parc avait perdu de sa superbe, les jardinières dégradées, sans que la ville fasse quelque chose.
La maison de Maëva était entre deux autres maisons identiques, seulement différenciée par les numéros en fer et les noms sur les boîtes aux lettres. Un portillon rouillé menait à la porte d'entrée, qui ne tenait plus qu'à un gond, et qui pouvait se déceler au moindre coup de vent un peu fort. Le tout petit jardin devant la maison était rempli de ronces, de mauvaises herbes. Seule une petite partie du terrain avait été soigneusement entretenue, révélant, à la surprise des deux hommes, des plantes et autres jolies fleurs. Cela ne faisait pas de doute quant à la personne qui entretenait avec soin ce bout jardin. Balayant le regard sur la route et les fenêtres des voisins, Severus remercia Merlin que personne n'était dans les parages. En même temps, au vu de l'heure tardive, cela ne l'étonnait pas. Par sécurité, il plaça un sort de repousse moldu autour d'eux, se méfiant quand même de personnes pouvant être dans la rue pour une raison quelconque.
– C'est là ; ? s'enquit Harry, en regardant la maison qui n'attirait pas vraiment. Penses-tu que son père est présent ?
– Si je le croise, je le tue, siffla Severus, en avançant vers l'entrée.
– J'ai confiance en toi, je sais que tu ne feras rien.
Passant le portillon, ils remontèrent la courte allée pour arriver devant la porte d'entrée, où un sort de déverrouillage ouvrit la porte dans un fin bruit. Sur leur garde, un faible lumos au bout de la baguette, les deux hommes rentrèrent dans la maison froide et dénuée de vie. De-ci de-là, des cendriers remplis traînaient, des bouteilles vides, des assiettes sales. Severus eut un regard sombre, comprenant maintenant certaines paroles de l'enfant.
– Hominum revelio.
Une seule présence humaine apparut, avec en transparence, ce qui ressemblait à une chambre. Rassurés quant au fait qu'il n'y avait pas d'autre humain, ils prirent les escaliers, ouvrant chaque pièce sur leur passage pour trouver l'enfant.
– Ici ! interpella Harry, en s'approchant de la forme qui était recroquevillée dans le lit, un téléphone fixe sans fil à côté d'elle.
Doucement, Harry essaya de réveiller l'enfant, n'osant pas la secouer de peur de la blesser. Leur inquiétude monta d'un cran quand elle n'eut aucune réaction.
– Il faut retourner à Poudlard, tout de suite, souffla Severus, en se relevant.
– C'est grave ? s'inquiéta Harry.
– Son pouls est faible et j'ai l'impression que ses pupilles sont voilées. Après un examen de la boîte crânienne, j'en saurais un peu plus.
Après avoir confirmé que tout était OK pour lui, ils transplannèrent en même temps, et disparurent dans un pop à peine plus bruyant qu'une bouteille qu'on ouvrirait.
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– Préviens Minerva et Filius, je m'occupe d'elle, déclara-t-il, à peine arrivé dans ses appartements. Je vous retrouverai dans le bureau de Minerva.
Acquiesçant, Harry partit au pas de course. À sa baguette, trois heures du matin approchaient. Il eut une certaine gêne de la réveiller à cette heure-ci, mais cela était une urgence absolue.
Frappant quelques coups aux appartements de Minerva, il eut la surprise de la voir arriver presque immédiatement, habillée et coiffée de son habituel chignon strict.
– Comment va-t-elle ? Demanda Minerva, sans laisser le temps à Harry de parler.
Devant l'air abasourdi, elle eut un petit rire.
– Vous oubliez, Potter, que je suis directrice, je sais ce qu'il se passe à chaque instant entre ces murs. Aller chercher Filius, je vais préparer de quoi nous tenir éveiller.
Tout comme Minerva, le petit professeur de sortilège était déjà habillé, semblant n'attendre qu'un mot pour pouvoir aider. Même si Minerva avait eu la première les informations, en tant que sous-directeur, ils avaient eu une longue discussion sur ce qu'il était possible de faire pour la protéger. Mais malheureusement, ils n'avaient pas voulu briser le lien de confiance avec l'enfant en faisant un signalement dans son autorisation. Et ils en payaient le prix maintenant.
Pendant deux heures durant, les trois sorciers parcoururent les livres de lois, les textes réglementaires, aidés des connaissances d'Harry acquis lors de sa formation d'auror. Un fin toquement interrompit leur prise de notes et leur réflexion.
Severus venait de rentrer, en simple chemise et pantalon à pince. Les cheveux attachés, Harry ne l'avait jamais vu aussi fatigué que le lendemain de la bataille.
Personne ne parlait, n'osant pas demander à voix haute ce que tout le monde pensait.
– Elle est inconsciente, déclara Severus en se laissant tomber dans un fauteuil du grand bureau directorial. Mais je pense qu'elle se réveillera d'ici quelques heures. Elle est dans une fatigue extrême, car sa magie est au plus bas.
– Comment ça se fait ? S'interloqua le professeur de sortilège, soucieux.
– Magie instinctive, pour se protéger au maximum.
– C'est si grave que ça ? Murmura Minerva, pâlissant.
– Rien qui ne peut se résoudre avec du repos et des soins. Elle a d'importantes contusions sur le thorax. Également, une entorse à l'épaule, une fracture de la main et de la huitième cote.
Severus souffla, son occlumencie mis à mal. Il avait réellement des envies de meurtre. Il serra la main d'Harry dans la sienne, le calmant légèrement, sous le regard attendri de ses collègues, qui semblait savoir, malgré leur discrétion.
– Et pour finir, elle a l'estomac et la trachée irritée probablement à cause de vomissements induits par les coups ou alors à cause de la commotion cérébrale, nécessitant un alitement strict. Et elle a recommencé à se couper profondément, mais sur les cuisses cette fois.
– Mais sa magie, elle ne l'a pas… balbutia Minerva.
– Si sa magie n'avait pas protégé au maximum ses organes nobles, elle aurait eu des blessures bien plus sérieuses. La scarification est due à la détresse psychologique dans laquelle elle est à cause de son père. Une douleur pour en oublier une autre.
– Je ne peux plus laisser le choix à miss Parker. Il faut déposer un dossier pour que sa garde soit retirée.
Pendant ce temps, le petit professeur de sortilège prit le dossier qui n'avait toujours pas été rangé, comme un rappelle constant.
– « Père : Peter Doherty » pourquoi ce nom me dit quelque chose…
– Doherty ? répéta Minerva, soudainement, avant de le lever précipitamment et d'aller dans la pièce des archives, sous le regard perplexe des enseignants.
– Oui, Peter Doherty répéta le portrait d'Albus Dumbledore, qui était resté silencieux jusque-là. Un élève brillant, à Poufsouffle. Mais un goût trop prononcé pour la bagarre. Une simple réflexion pouvait le faire entrer dans une colère noire. Mais ce qui m'a particulièrement marqué, c'est…
– Qu'il avait tabassé jusqu'au décès un élève suite à un différend, compléta Minerva, arrivant avec un dossier. Il a été exclu définitivement, et sa baguette magique retirée.
Une seule question subsistait maintenant. Comment avait-il pu adopter un enfant alors qu'il était violent ?
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Le premier réflexe de Maëva à son réveil fut de se lever pour se cacher. Cependant, elle arrêta net son geste en reconnaissant les lieux. Elle était de retour à Poudlard. Assis sur un canapé, le professeur Potter et Rogue la regardait, ne sachant pas comment réagir.
– Tu m'as appelé, déclara Harry, supposant qu'elle était perdue. Nous sommes venus te chercher. S'il te plaît, retourne te coucher, tu ne devrais pas être debout.
– Merci, chuchota Maëva, les larmes dévalant ses joues, tremblant de tout son corps. Merci pour tout. Je suis vraiment désolée, j'aurais dû rester… c'est de…
– Je t'interdis de dire que c'est de ta faute, déclara Severus de sa voix la plus menaçante, en se levant, et en prenant la main de l'enfant pour l'accompagner jusqu'au lit. Rien ne justifie la violence comme ton père l'a fait. Il faut que tu acceptes le fait que cela ne changera pas, et que cela ne peut que mal se finir.
– Je n'ai plus aucune famille, chuchota l'enfant, sanglotant toujours, quel avenir pour moi ? Personne ne veut de moi…
N'ayant pas de réponse à la question, il préféra la faire dormir, avant de s'asseoir sur la banquette, la tête entre les mains. S'il ne supportait pas de voir la violence, la détresse était encore pire.
– Nous allons l'aider, murmura Harry, comme pour ne pas réveiller Maëva qui semblait triste même dans son sommeil. Nous allons lui donner une meilleure vie, je te le promets.
– Et si notre dossier est refusé ? Notre relation est trop récente.
– Le ministère est à nos pieds, Sev. Ils ne nous refuseront jamais rien. Mais il faudra lui en parler.
– Je sais, soupira Severus.
