Bellatrix Lestrange née Black

Bellatrix soupira d'aise en s'allongeant sur le doux sofa du salon du Manoir Lestrange. La soirée avait été bonne et la nuit plus encore. Chasser le Moldu était décidément une activité plus que plaisante, d'autant plus quand on le chassait aux côtés du Seigneur des Ténèbres.

Comme il était dommage que Cissy ne veuille pas prendre la Marque. Bien sûr, c'était un privilège, et ceux qui la désiraient ne l'obtenaient pas toujours, mais Bellatrix savait au fond d'elle que Narcissa pouvait la mériter. C'était son unique petite sœur, après tout. Mais la jeune femme disait que le noir et la mort lui allaient mal au teint et qu'elle préférait de loin être un soutien financier et mondain du Maître.

Bellatrix pouvait s'en contenter. Elle avait cependant hâte que la petite Cissy quitte Poudlard pour qu'elle sache au moins ce qu'elle ratait. Et puis, il y aurait le mariage avec Lucius... Bellatrix se demanda un instant s'il y aurait de la musique, pendant la cérémonie.

Elle aurait voulu jouer pour le mariage de sa petite sœur chérie. Son regard se posa sur le piano qui trônait fièrement dans la pièce. Tante Walburga le lui avait offert quand elle avait quitté Poudlard, et maintenant... Bellatrix ne put retenir un rictus désabusé. Entre les missions du Seigneur des Ténèbres et son apprentissage de magies toujours plus noires auprès de Lui, la sorcière n'avait guère eu le temps de jouer. Avait-elle seulement posé ses yeux sur le majestueux instrument de musique, depuis Poudlard ?

Poudlard. Salazar que cela remontait loin ! Elle n'avait pas encore jeté son premier Avada, alors. Dire qu'elle n'avait pas joué pendant tout ce temps, alors que le piano avait été son premier amour, avant le Maître et la magie noire. Toutes ces soirées passées à Grimmaurd, à jouer et à rire avec le petit Sirius... Ses sourcils se froncèrent à la pensée de son cousin. Cela fait bien quatre ans qu'elle avait fait le deuil de sa relation privilégiée avec lui. Mieux valait ne pas y penser maintenant.

La sorcière se leva et s'approcha du piano à queue, souleva le couvercle de clavier et caressa les touches d'ivoire et d'onyx. Il y avait ce morceau qu'elle avait toujours aimé jouer, petite, et dont la mélodie était gravée à jamais dans sa mémoire...

Bellatrix tira la banquette de velours noir et s'assit, puis posa ses longs doigts pâles sur le clavier et commença de jouer.

Mais Bellatrix ne parvenait plus à se souvenir de la mélodie, ne parvenait plus à bien positionner ses doigts, ne parvenait plus à retrouver les justes nuances. La sorcière se leva brusquement, comme brûlée à vif par l'instrument, démunie.

Parce qu'elle aimait tellement ça, jouer. Parce qu'elle aurait voulu composer pour le Seigneur des Ténèbres, parce qu'elle aurait voulu parcourir le clavier d'ivoire pour Lui. Peut-être aurait-il alors mieux prêté attention à ses charmes lors de leurs leçons de magie noire.

Bellatrix resta quelques instants devant l'instrument rebelle, le cœur au bord des lèvres, avant de rabattre brusquement le couvercle de clavier et de fuir d'un pas pressé. Il y avait d'autres choses à faire, d'autres attaques à prévoir et organiser. Le Maître lui faisait confiance, alors ce pauvre petit piano n'avait guère d'importance.

N'est-ce pas ?


Bellatrix ne retenait pas son rire alors qu'elle se délectait de la souffrance de Frank Londubat. Un sale petit Gryffondor qu'elle avait déjà aimé effrayer, quand il était en première année et elle en septième. Après toutes ces années, elle avait presque oublié la douceur de ses cris, la beauté de son corps tordu par le Doloris lancé de sa main experte.

Il avait été son premier, alors qu'elle venait de rencontrer le Maître. Penser que ce petit cafard de traître à son sang L'avait par trois fois défié... Elle raffermit sa prise sur sa baguette et Frank hurla de plus belle, avant de n'être plus réduit qu'à un tas de chair tremblante, inconscient.

Bellatrix s'arrêta de rire et donna un coup de pied dans le corps inerte. Elle aurait préféré pouvoir jouer un peu plus longtemps avec Frank, mais avait mal évalué sa résistance. Il fallait dire qu'il y avait de quoi être déstabilisée...

Le Maître était tombé, la nuit dernière. Il reviendrait, Bellatrix en était certaine, mais... Il avait été arrêté par un enfant. La prophétie partagée par ce crétin de Rogue s'était vérifiée, tout du moins en partie, et rien n'aurait pu la mettre plus en colère. Nul n'avait le pouvoir d'anéantir son Maître, pas même Dumbledore, et certainement pas un enfant !

Les trois autres crétins en avaient fini avec la femme de Frank, laissée dans un état à peine moins grave que son mari. Si seulement ils n'avaient pas été là, Bellatrix aurait pu jouer d'une autre manière avec Frank... Il n'était plus si désirable qu'il l'avait été à son entrée à Poudlard, mais Bellatrix était rancunière. On ne se refusait pas à elle sans en subir les conséquences.

Rodolphus et Rabastan se tournèrent vers elle tandis que Bartemius posa son regard sur l'escalier menant à la chambre de l'enfant. Mais il était hors de question qu'un autre qu'elle se charge du rejeton. Si le Seigneur l'avait choisi, lui plutôt que l'enfant Potter, Il aurait peut-être été encore parmi eux ce soir-là.

La sorcière jeta négligemment un rapide sort de torture sur Croupton et monta d'elle même jusqu'à la chambre de l'enfant. Harry Potter avait survécu, mais ce ne serait pas le cas de Neville Londubat. Si ses parents étaient pour l'instant encore vivants, ce ne serait pas le cas de leur fils. La chair répugnante de leur chair putride.

La porte grinça quand elle l'ouvrit. L'enfant tourna la tête vers Bellatrix et la fixa de ses grands yeux insolents, d'un bleu limpide comme ceux de son père. Le garnement ne pleurait pas, alors que la maison avait été emplie des cris de ses parents durant la dernière heure.

Le sort partit tout seul et le hurlement aigu du bambin déchira l'air. L'autre potentiel Élu de la prophétie, l'autre enfant né alors que mourait le mois de juillet. Un enfant qui aurait pu être l'Élu. La sorcière gloussa en songeant qu'il n'était pas trop tard pour voler l'enfant, l'élever en bon petit Sang-Pur et en faire l'opposé de Potter.

Ce n'était pas une si mauvaise idée, et cela offrirait un Mangemort fidèle au Seigneur des Ténèbres... Bellatrix baissa sa baguette à regret, et les cris de l'enfant cessèrent. Il n'était de toute façon plus vraiment conscient.

Il était dommage qu'il soit un Sang-Pur – autrement, elle aurait volontiers continué de le torturer jusqu'à ce que mort s'ensuive. Les enfants duraient certes moins longtemps que les adultes, mais leurs cris étaient une douce mélodie à ses oreilles, et leurs organes et leur sang avaient une grande utilité en potions noires.

Alors qu'elle s'apprêtait à faire léviter l'enfant pour descendre rejoindre son mari et les deux autres crétins, elle sentit un petit frémissement et remarqua la bulle de silence. C'était donc pour cette raison que l'enfant ne pleurait pas – il s'était protégé des cris de ses parents. Il ne savait rien de leur sort. Un grand sourire étira ses lèvres.

Elle n'eut cependant pas le temps de s'intéresser aux prouesses magiques de l'enfant et sombra dans l'inconscience sans avoir eu le temps de se retourner.

Alastor Maugrey était arrivé sans que Bellatrix n'ait rien remarqué ni rien entendu, à cause de la bulle de silence. Foutu gamin.


Bellatrix tira avec rage sur ses chaînes, grognant sur les Aurors qui l'avaient amenée à la cellule. Ils souriaient, ces bâtards. Pourtant, il semblait bien qu'il y avait parmi eux Carolus Fawley, le petit frère d'un des plus féroce partisans du Maître, et Gaspard Rosier, l'oncle d'Evan. Et ils n'avaient pas été les plus zélés du corps Auroral dans la capture des Mangemorts, alors qu'ils étaient ceux dont le sourire était le plus grand ce jour-là, quelques jours après la disparition du Maître ! Quelle bande d'hypocrites.

Ils verraient, tous, quand le Seigneur des Ténèbres reviendrait ! Ils comprendraient que la crainte qu'ils avaient cru ressentir ces dernières années n'était qu'un ridicule frisson par rapport à ce qu'ils allaient vivre à Son retour !

Leurs rires redoublèrent quand elle leur cracha cette vérité à la figure, et ils partirent après avoir donné un coup de pied dans les barreaux de la cellule d'un autre prisonnier pour l'effrayer. Bellatrix posa son regard sur lui, et commença, elle aussi, à ricaner en reconnaissant le traître à son sang.

Sirius Pollux, qui ne méritait plus de porter le nom de Black. Morgane que ça la faisait rire ! Lui, le parfait Auror, le parfait petit traître à son sang, chien de James Potter et énamouré du loup-garou ! Le vilain petit canard des Sang-Pur ! Lui, à Azkaban ?

Son rire aigu enfla, prenant sa source dans ses tripes, dans son cœur, dans son âme ; elle riait à gorge déployée et Sirius posa son regard torve sur elle. Il n'avait plus l'air très humain, ainsi, presque comme s'il avait déjà reçu le baiser. Alors que ce n'était pas lui, le traître.

Peter Pettigrew. Bellatrix sentit son sang bouillir à la pensée de ce sale traître. Il avait certes délivré le secret de Godric's Hollow, mais à quel prix ? Le traître avait trahi, il n'y avait pas d'autres explications. Si le Maître était tombé, ce soir-là... Ça ne pouvait pas être un hasard.

Seulement Sirius n'avait pas été mis au courant et l'imbécile s'était précipité à la poursuite de Pettigrew, et avait été envoyé à Azkaban comme elle – sans le procès, si ce qu'elle avait lu dans la Gazette s'avérait vrai. Ce simple état de fait était ridiculement hilarant. Elle-même, Mangemort la plus fidèle au Seigneur des Ténèbres, avait eu droit à un procès, tandis que Sirius, parfait petit Auror, meilleur ami des martyrs, avait été envoyé à Azkaban sur un simple interrogatoire !

Le soi-disant camp du Bien n'avait que faire de ses bons petits soldats, pas plus qu'il ne se souciait de la vérité, n'est-ce pas ? Ses lèvres fines se tordirent en un sourire inquiétant qui eut le mérite de sortir Sirius de sa torpeur. Le dégoût qui s'inscrivit alors sur ses traits, alors que c'était lui le Veracrasse de traître à son sang, aurait sans doute accentué l'hilarité de la sorcière si l'air n'avait pas soudain paru plus froid, plus gris. Sans espoir.

Le départ d'Andromeda, les accords discordants et le regard déçu de sa mère. Les yeux de son premier Avada, le dégoût de Frank et le dédain du Maître. Et les cris, les cris à n'en plus finir – sans qu'elle n'en retire quelconque satisfaction.

Les Aurors étaient partis et les Détraqueurs reprenaient possession de leur royaume.


Treize ans. Cela faisait plus de treize ans que Bellatrix n'avait pas senti le vent fouetter son visage, le satin des draps glisser contre sa peau, la brûlure de l'eau soulager la tension de ses épaules. Plus de treize ans qu'elle n'avait pas croisé le doux regard de sa petite sœur, qu'elle n'avait pas vu le petit Drago, qu'elle n'avait pas éprouvé le plaisir de sentir rouler entre ses doigts la baguette en bois sombre et bouillonner dans ses veines la puissance.

Tout aurait pu être parfait si seulement le Ministère n'était pas si stupide. Sirius. Comme s'ils allaient se rallier à lui ! Comme si ce traître à son sang méritait de vivre, après tout ce qu'il avait fait.

Bellatrix n'était pas stupide. Elle savait bien que sa petite sœur était plus sensible qu'elle, et que malgré sa volonté elle avait souffert de l'abandon de Sirius. Bellatrix savait qu'il était responsable de la mort de Scorpius, ce petit garçon qui n'avait jamais eu le temps de naître.

Et, alors que sa photographie mouvante brûlait dans l'âtre de la cheminée, Bellatrix se jura que Sirius ne survivrait pas à cette guerre. Elle s'en chargerait elle-même.

Ce chien galeux ne méritait rien d'autre que la mort.


Plus que le simple sentiment de puissance, c'était le plaisir de la souffrance de ses victimes qui lui avait manqué, songeait Bellatrix, le sourire aux lèvres, alors que la Sang-de-Bourbe se tordait sous la puissance de son maléfice.

Oui, vraiment, la douceur des cris de cette femme enceinte aurait presque valu le doux feulement de Frank Londubat.


— Londubat ? répéta Bellatrix en portant un regard nouveau sur le gamin en face d'elle. J'ai eu le plaisir de rencontrer tes parents, mon garçon. *

Comme le Destin faisait bien les choses... Les lèvres de la sorcière s'étirèrent en un large sourire.

— JE LE ZAIS BIEN ! hurla l'adolescent en se débattant de plus belle entre les bras de Dolohov. *

Il avait visiblement un certain instinct de survie – étonnant, pour un Gryffondor.

— Que quelqu'un le stupéfixe ! s'écria Dolohov, l'imbécile, inconscient de l'ironie du sort qui s'apprêtait à frapper le pauvre petit Londubat. *

Bellatrix s'en réjouissait d'avance. Le fils de Frank, celui-là même qui s'était refusé à elle quand ils étaient plus jeunes... Merlin que cela s'annonçait jouissif.

— Oh, non, non, non, susurra-t-elle, traversée par un frisson d'excitation alors que son regard passait de bébé Potter au fils de Frank. Voyons plutôt combien de temps peut tenir Londubat avant de s'effondrer comme ses parents... À moins que Potter préfère nous donner la prophétie ? *

— DE LA DODDE ZURDOUT BAS ! s'exclama Londubat en gigotant comme un ver, à la manière d'un réceptacle récalcitrant possédé par un démon. DE LADODDE ZURDOUT BAS, HARRY ! *

Bellatrix gloussa en levant sa baguette et jeta avec passion le sort de torture. Londubat cria et se recroquevilla sur lui-même avant de tomber au sol une fois libéré par Dolohov. La sentence ne dura que quelques instants mais ce fut suffisant pour laisser l'adolescent hagard.

— C'était juste un avant-goût ! s'exclama la sorcière en se tournant vers le Survivant. Et maintenant, Potter, ou bien tu nous donnes la prophétie, ou bien tu devras regarder ton cher ami mourir dans les pires souffrances ! *

Bébé Potter était chevaleresque, et Bellatrix fut presque déçue de le voir tendre la prophétie vers Lucius. Ah, les Gryffondors et leur grande âme. Comme s'ils allaient se retenir de torturer ces imbéciles parce que bébé Potter avait obéi.

Il y eut un grand bruit et soudain ce fut le chaos. L'Ordre du Phénix était arrivé, et c'était une autre paire de manche que quelques gamins de cinquième et quatrième année. Bellatrix grogna en s'engageant dans un combat contre Nymphadora Tonks, sa stupide nièce, cette crasseuse de Sang-Mêlé. Rien que de penser à Andromeda lui donnait envie de vomir.

Elle se battait bien, cette petite chiennasse, mais ce n'était pas suffisant pour parer la soif de sang de Bellatrix, son besoin de vaincre, sa rage de vivre et de rattraper les treize années d'emprisonnement. La jeune Auror dévala les gradins comme une poupée de chiffon, inconsciente.

Dans d'autres circonstances, Bellatrix se serait fait un plaisir de la tuer, mais elle est déjà hors d'état de nuire et il y avait nettement plus urgent. La sorcière courut donc se mêler à nouveau aux combats et s'engagea dans un duel avec son cher cousin, alors que bébé Potter et le fils de Frank s'éloignaient.

Bellatrix et Sirius. C'était somme toute prévisible, n'est-ce pas ? Ils avaient été très proches, enfants, avant que Sirius ne s'éprenne des Moldus. Il l'avait ensuite détestée avec passion, parce qu'elle représentait tout ce qu'il rejetait.

Le mariage arrangé, Serpentard, la magie noire, le suprémacisme Sang-Pur, la famille des Black, le Seigneur des Ténèbres. Elle, étoile de la constellation d'Orion. Lui, étoile de la constellation du Grand Chien. Eux, les prisonniers d'Azkaban.

Bellatrix ne lui pardonnerait jamais d'avoir tant fait souffrir Cissy. Autrefois, elle lui aurait également reproché le sort de Regulus – mais elle ne se souciait guère plus de ce traître à la cause du Maître.

Le combat faisait rage. Les sorts volaient, informulés sur informulés, combinaisons de magie noire contre combinaisons de magie blanche. Alors que toute activité cessait autour d'eux à cause de l'arrivée de Dumbledore, les deux cousins continuèrent de se battre, chacun assoiffé du sang de l'autre, à peine conscients du monde alentour.

Sirius évita habilement l'un de ses Stupéfix, inconscient de ce qui suivrait.

— Allons, tu peux faire mieux que ça ! éclata-t-il de rire, plein de suffisance, comme si Azkaban ne lui avait rien appris. *

Quand le deuxième sort le frappa, Sirius écarquilla les yeux, ses lèvres encore tordues en un rictus. L'étoffe en lambeaux suspendue à l'arcade ondula doucement alors que le corps du sorcier tombait gracieusement à travers avec une lenteur infinie. Effroi et étonnement se mêlaient sur son visage abîmé par les aléas du temps, et Bellatrix croisa son regard avant que le voilage à l'aspect fantomatique ne l'emporte et que le corps ne disparaisse.

La sorcière laissa échapper un cri triomphant en voyant le voile se remettre en place sans que son cher cousin ne réapparaisse.

— SIRIUS ! hurla bébé Potter. SIRIUS ! *

Mais c'était fini, Bellatrix le savait, et sa joie semblait ne jamais pouvoir être égalée.


Lucius, ce sale petit cancrelat ! Tout était de sa faute ! Si seulement cet imbécile n'avait pas échoué dans sa mission, le Maître n'aurait pas été tant en colère contre Narcissa – et donc contre Bellatrix.

La nuit était tombée depuis longtemps, et les habitants du Manoir dormaient depuis plusieurs heures – exceptée Bellatrix. Devoir se cacher des Aurors la rendait malade, et elle ne parvenait pas à trouver le sommeil.

La sorcière avait profité de cette insomnie pour inspecter le Manoir. Durant ses années de liberté, l'imbécile avait largement eu le temps d'accumuler nombre d'œuvres d'art, et surtout une quantité astronomique d'artefacts parmi les plus obscurs. Bien sûr, ce cafard les avait cachés et Bellatrix n'y avait aucun accès, ce qui la rendait folle.

Après avoir fouiné partout, elle dut se rendre à l'évidence, dégoûtée. Si Lucius était un incapable, il y avait bien deux domaines où il la dépassait de loin : les finances et trouver de bonnes planques. En attestaient ses années de liberté...

Finalement, la sorcière retourna dans un des nombreux salons et se figea à l'entrée de la pièce. Elle ne l'avait pas remarqué, plus tôt, mais ce piano était le sien. Bien sûr, elle savait que Cissy avait pris soin des quelques biens qu'elle avait pu récupérer au Manoir Lestrange, mais Bellatrix n'avait jamais imaginé qu'elle aurait conservé le piano. Celui de leur enfance, celui du temps de la joie et de l'insouciance.

Le souvenir amer de sa dernière tentative la prit à la gorge et elle fut soudain prise de folie. Il fallait qu'elle joue. N'importe quoi – et peu importait que le piano soit désaccordé ou que ses doigts abîmés par la prison ne puissent plus suivre le mouvement ! Peu importait, si Cissy et le petit Drago dormaient, et si les airs que Bella avait autrefois connu par cœurs, dont les notes, les phrases, les nuances s'étaient autrefois gravés dans son âme, ne lui revenaient plus !

Il fallait qu'elle joue. Ce besoin viscéral la mena à l'instrument de son enfance et elle plaqua ses doigts contre les touches patinées. La cascade discordante de notes qui s'ensuivit lui apprit que le piano était désaccordé. Tant mieux ! Ce serait encore plus laid, ainsi !

Encore plus monstrueux.

Triton, septième mineure, seconde mineure ! Crescendo, mezzo forte, forte ! Fortissimo !

Toujours plus fort, toujours vite, toujours plus discordant, dissonant, brisé. Elle n'était capable que de ça, désormais, n'est-ce pas ? C'était ce qu'ils disaient tous, murmurant sur son passage, crachant dans son dos des insanités, jaloux de son don, jaloux de son intimité avec le Maître !

Accelerando, vivace, presto ! Prestissimo ! Rien ne comptait plus que la vitesse vertigineuse et son rire, son rire qui sonnait comme une plainte, et le son damné des petits marteaux qui frappaient sur les cordes désaccordées, comme elle.

Croyaient-ils donc qu'elle ne les voyait pas, qu'elle ne les entendait pas ? Merlin ce qu'ils la faisaient rire, avec leurs regards effrayés et leurs moues dégoûtées ! Ce qu'ils étaient bêtes !

Lucius pensait-il donc qu'elle était incapable de lire son visage de marbre ? Rodolphus s'imaginait-il donc qu'elle ne l'avait jamais entendu passer la nuit avec le garce Crabbe ? La croyaient-ils donc tous stupide ?

Ils disaient qu'elle était folle ! Qu'elle était sadique, effrayante, et tout ! Monstre, avait murmuré le regard accusateur de Sirius dans un dernier refus de reconnaître la grandeur et la pureté des Black.

Le rire grinçant se transforma en cri alors que le monstre brisait le piano avec ses mains, avec ses ongles tranchants, avec sa magie instinctive. Croyaient-ils donc qu'elle-même ne se souvenait pas ? De la douce et jolie Bella, de cette enfant qui jouait comme un oiseau chante et qui riait comme une fontaine d'eau claire. De la douceur de son sourire dans la glace et du regards affectueux de sa mère.

Croyaient-ils donc qu'elle avait oublié Bella Black en embrassant la magie noire et le nom de Lestrange ?

Essoufflée, la sorcière reprit peu à peu contenance alors que le soleil se levait. Ses joues étaient humides et sa magie vibrait. Elle avait besoin de..

Dans l'embrasure de la porte se tenaient sa petite sœur chérie et son neveu. Drago semblait se battre contre un haut-le-cœur, et Cissy avait couvert sa bouche avec une main en voyant les débris du piano.

Même eux, sa famille, sa petite sœur et son filleul, ne voyaient plus en elle qu'un monstre.

La sorcière leva la main et les deux hypocrites s'écroulèrent. Leurs hurlements de douleur percèrent l'aube, et Bellatrix sentit la tempête de glace et de feu qui l'animait se calmer, enfin.


— Moi, le sang... souillé ? siffla l'Auror, la respiration hachée, en lui jetant un maléfice cuisant que la Mangemort esquiva en souriant. De nous deux... Quoique, maintenant... que tu le dis, chère cousine... j'ai peut-être bien le... sang souillé.

Bellatrix haussa un sourcil en lui jetant un sort de Nécrose que la Métamorphomage évita sans sans problème, les sourcils froncés. Le sang maculait ses vêtements, mais ce n'était pas le sien.

— Le sang des Black, continua l'Auror... Maudite famille démente... décadente... Ouais, on peut dire que j'ai le... sang... souil... Ah !

Son regard s'était détourné du combat et son adversaire en avait profité pour mettre un terme à sa misérable vie de Sang-Mêlé. Dire que cette salope avait insinué que la grande famille des Black était maudite ! Dire que cette petite connasse avait osé insinuer l'impensable... Chienne !

Bellatrix s'accorda un instant de répit pour savourer sa victoire. Nymphadora Tonks, cette petite chienne de Sang-Mêlé, était morte de sa main. Bellatrix avait rétabli l'honneur de la famille en servant le Seigneur des Ténèbres et en tuant pour Lui – il n'aurait plus manqué qu'Andromeda et le compte était bon.

Le corps disloqué de la petite Auror maladroite avait une certaine grâce, même dans la mort, Bellatrix devait le reconnaître. Si seulement son père n'avait pas été un immonde Sang-de-Bourbe...

Mais, à ce moment-là, Andromeda n'aurait pas eu besoin de fuir, et tout aurait été différent. Peut-être même que cette enfant se serait battue pour le Maître avec autant de ferveur qu'elle s'était démenée, en vain, pour amener la victoire au soi-disant camp du Bien

Elle aurait été un atout certain : la gamine se battait bien. Le combat aurait pu durer des heures – elle s'était bien améliorée depuis leur dernier accrochage au Département des Mystères, deux ans auparavant. Mais quelque chose l'avait déconcentrée, quelques instants à peine, le temps pour Bellatrix de prendre l'avantage. Quelque chose... ou quelqu'un.

Un sourire étira les lèvres de la sorcière quand elle remarqua, non loin, le corps du loup-garou. Remus Lupin. Ce que l'amour pouvait rendre bête. Elle secoua la tête et para un sort avec habileté, se jetant à nouveau dans la bataille, exaltée par sa récente victoire.


La Sang-de-Bourbe, la Weasley, et la Lovegood. Que de mignonnes petites vermines... Bellatrix ricana devant la bêtise de leurs sorts.

Des enfants ! Voilà ce qu'elles étaient – des idiotes manipulées par leurs traîtres à leur sang de parents, et une immondice dont le sang était souillé par ses putrides Moldus d'ancêtres – comme Bellatrix l'avait si gentiment gravée sur son avant-bras de catin. Un frisson d'excitation la parcourut à la pensée de cette petite séance de torture. La Granger savait crier, il fallait le dire.

Dire qu'il fallait qu'elles soient trois contre elle pour rivaliser... Bellatrix gloussa. Elles n'avaient aucune chance.

Alors que son sortilège de mort passait à quelques centimètres de la fille Weasley, une voix tonitruante et, il fallait l'avouer, presque effrayante, retentit sur le champ de bataille.

— PAS MA FILLE, ESPÈCE DE GARCE ! *

Bellatrix se retourna et éclata de rire en reconnaissant la source du cri. Molly Weasley, mère exemplaire, venait au secours de sa petite fille chérie... Foutaises ! La matrone hurla aux adolescentes de s'écarter et engagea le duel.

La Mangemort perdit vite son sourire. Elle était douée, pour une vieille catin en deuil. Les sorts volaient, lumières dansantes au-dessus de leurs têtes. Rares étaient les maléfices non destinés à tuer – visiblement, le camp du Bien n'était plus ce qu'il était..

— Qu'arrivera-t-il à tes enfants quand je t'aurai tuée ? ricana Bellatrix alors qu'elle évitait d'un bond une flopée de sortilèges. Quand maman sera partie de la même manière que Freddie ? *

— Tu… ne… toucheras… plus jamais… à nos… enfants ! *

Bellatrix rit de plus belle. Ce qu'elle était ridicule, cette vieille femme !

Le choc la prit la surprise et ses yeux s'écarquillèrent alors que son rire mourait dans sa gorge quand le maléfice de la matrone Weasley fit mouche. Elle n'eut même pas le temps de lancer un dernier regard au Maître, au Seigneur des Ténèbres. À celui qu'elle aurait voulu pouvoir appeler Tom.

Le corps s'affaissa sur lui-même comme une poupée de chiffon. Le monstre avait péri.


Bonsoir ! Tout d'abord, je tiens encore une fois à vous présenter mes excuses pour le retard du chapitre. J'ai vraiment eu beaucoup de mal à écrire le personnage Bellatrix et j'ai eu un blocage d'écriture. S'ajoute à cela le nombre interminable de contrôles et bacs blancs qui se sont suivis, j'ai bien galéré à trouver du temps pour écrire le chapitre. Donc voilà, encore désolée, et j'espère que mon blocage d'écriture ne se ressent pas trop à la lecture !

Bon. Comme d'habitude, les phrases marquées d'un * ont été empruntées directement aux livres.

En ce qui concerne le chapitre, à la base, j'avais inclus la torture d'Hermione mais je n'ai pas réussi à l'écrire. C'était trop... horrible. Pour vous donner une idée, c'est une scène qui a, à mon sens et dans cette histoire, une portée érotique pour Bellatrix (en plus du besoin de lui arracher des réponses par rapport à l'épée de Gryffondor). Déjà que faire des références à sa "relation" avec Frank (qui n'en était pas une, être attirée par un gamin de onze ans et être 'émoustillée' par sa torture c'est pas une relation, c'est juste répugnant), m'avait mise extrêmement mal à l'aise... Bref. Là, je pouvais juste pas, et je me refusais à écrire quelque chose de plus light parce que, typiquement, la Bellatrix de cette histoire est monstrueuse, au-delà des mots.

Désolée du coup, peut-être que si ça avait été à un autre moment de l'année j'aurais pu mieux poser des mots sur ce que je voulais transmettre, mais il fallait que j'écrive ce chapitre, coûte que coûte.

Petite anecdote, c'est avec ce chapitre que je me suis décidée à faire un recueil sur les Black (qui est devenu cette fanfiction). À la base, il n'y avait que le personnage de Drago, et puis j'ai eu envie de développer Bellatrix, que je mentionne dans le chapitre sur Drago (qui arrive, si tout se passe bien, le 5 juin). Et le titre du chapitre devait être Fortissimo. Je crois d'ailleurs que c'est une des parties du chapitre où on voit vraiment que j'ai été assez inspirée.

N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, j'espère en tout cas que ça vous a plu et on se retrouve le plus vite possible pour la première partie du chapitre sur Nymphadora Tonks ! On entre dans la dernière ligne droite, celle et ceux qui n'ont jamais porté le nom de Black.

Merci d'avoir lu et on se dit à très bientôt ! ;)