.

Charles et Isabella se tenaient à côté d'un chariot en bois flambant neuf, rempli de cochons heureux et satisfaits, ne sachant pas quoi faire. Devaient-ils prendre le chariot et rentrer chez eux ou devaient-ils attendre le retour d'Alice ? Elle était partie beaucoup plus longtemps qu'on ne l'aurait cru, juste pour vérifier un bruit fort.

Une brise froide obligea Isabella à resserrer son manteau autour d'elle, en serrant un peu plus la ceinture. Les nuages bas rendaient l'air humide et lourd. Elle était prête à être dans leur minuscule maison d'une pièce, en sécurité pendant la nuit froide de la fin de l'automne.

Le bruit d'une porte qui s'ouvre attira l'attention de Charles et Isabella et ils se retournèrent pour voir Emmett descendre les escaliers deux par deux.

Isabella se recroquevilla derrière son père, plus qu'effrayée par cette montagne d'homme qui s'approchait rapidement. Elle ne se détendit que lorsqu'Alice, secouant la tête d'avant en arrière en riant, descendit les marches.

"Tu fais peur à nos invités, Frère Ours !"

"Bonne journée à vous !" explosa Emmett, de la malice dans sa voix et ses yeux. "Ma sœur m'a dit que vous aviez besoin d'aide pour transporter votre bétail chez vous."

"Sœur ?" s'empressa de dire Isabella, en se demandant comment une jeune femme si petite et si légère et un jeune homme si massif et si costaud avaient pu être mis au monde par les mêmes parents.

Pourtant, leurs yeux attirèrent son attention. Oui, il y avait une ressemblance de famille, pensa-t-elle. Tous deux avaient la même couleur d'yeux dorés au soleil couchant.

Isabella se détendit complètement et sortit de derrière Charles, un sourire timide mais accueillant illuminant son visage.

"Adopté," dit Alice d'un ton rassurant, ce qui déconcerta Isabella puisqu'elle avait commencé à voir des traits similaires. Peut-être que des cousins ou un lien de ce genre était l'explication logique.

"Mais ce n'est pas grave," poursuivit Alice en agitant une main en l'air. "Emmett est exceptionnellement fort et a proposé de tirer le chariot jusqu'à votre maison. Vous n'aurez pas à vous préoccuper de la façon dont vous allez le rendre."

"Nous ne pouvons pas vous demander de faire ça," répondit Charles.

"Qui a parlé de demander ?" sourit Emmett et il se plaça entre les brancards du chariot, les soulevant facilement. "Je me suis porté volontaire. De quel côté allons-nous ?"

Réalisant qu'ils n'avaient pas vraiment le choix, ils firent leurs remerciements et leurs adieux et se dirigèrent bientôt tous les trois vers la petite cabane qu'Isabella et Charles appelaient leur maison.

"Est-ce qu'il pleut toujours autant ?" demanda Emmett alors que de grosses gouttes de pluie froides tombaient du ciel qui s'assombrissait.

"C'est pire quand l'hiver arrive," dit Charles, en faisant signe dans la direction où ils devaient aller. "En général, il ne fait pas assez froid pour qu'il y ait de la neige ou de la glace, mais il ne fait pas assez chaud pour qu'on n'ait pas froid jusqu'aux os. Mais vu la façon dont mon genou me fait mal, ça risque d'être dur."

"Eh bien, nous allons ramener ces bêtes à la maison avant que cela n'arrive."

"Je peux aider quand nous serons dans les collines. Le sol devient marécageux et le chariot pourrait se coincer."

Emmett hocha la tête, sachant pertinemment qu'il était parfaitement capable de ramasser le chariot, sa charge et tout, et de le porter sur sa tête si nécessaire mais cela briserait l'illusion d'être humain.

"J'apprécierais votre aide, Monsieur," répondit-il à la place.

"Charles. Je m'appelle Charles. Et voici ma fille, Isabella."

"Très heureux de vous rencontrer tous les deux. Je m'appelle Emmett. Ma femme, Rosalie, et moi rendons visite à mon frère qui a construit cette monstruosité qu'est la maison." Il a jeté la tête par-dessus son épaule vers "le château". "Il est célibataire et a toutes ces chambres sans personne pour les remplir. Il a passé des années à voyager et à travailler pour des gens très puissants. Il a laissé le travail le consumer jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de séparation entre lui et le travail. Ne vous méprenez pas. Il pourrait avoir toutes les femmes qu'il veut mais il n'a pas encore décidé qu'il voulait quelqu'un en particulier, alors il a passé la plupart de sa vie seul. Il n'est pas non plus la créature la plus sociable que vous ayez jamais rencontrée..."

Ils marchèrent tous les trois en silence pendant un moment. Isabella réfléchissait à ce qu'Emmett avait dit. Elle se sentait un peu triste pour son frère inconnu. Personne ne devrait être seul. Charles et elle n'avaient peut-être pas beaucoup de biens matériels mais ils étaient ensemble, et c'était suffisant pour elle.

"Etes-vous prise ?" demanda soudainement Emmett, la tirant de ses pensées.

Isabella rougit devant la franchise de la question d'Emmett mais en regardant son visage amical et les fossettes malicieuses qui lui faisaient un clin d'œil, elle secoua la tête et passa outre sa grossièreté.

"Eh bien, vous seriez trop bien pour mon frère de toute façon."

Les sourcils d'Isabella se froncèrent à cette affirmation. Elle n'était rien de plus qu'une simple paysanne. Elle n'avait pratiquement aucune éducation formelle, à part les quelques leçons que le père Carlisle lui avait données. L'idée qu'elle puisse être trop bonne pour quelqu'un était risible pour elle.

"Ma Rosalie est aussi trop bien pour moi," Le visage d'Emmett s'adoucit en pensant à sa femme, déclenchant un peu de nostalgie chez Isabella.

"Ah, on dirait que nous sommes arrivés," dit Emmett, interrompant ses pensées.

Une fois les cochons dans leur enclos, Charles se tourna vers Emmett et l'invita à rester pour le repas du soir mais il déclina ll'offre poliment, invoquant la nécessité de rentrer auprès de sa femme.

"Un homme bien, celui-là," dit Charles tandis que les deux regardaient Emmett franchir la crête de la colline, sans savoir qu'il avait entendu et souriait à l'évaluation. "Et fort. Il n'a même pas transpiré en tirant son chariot comme il l'a fait."

Emmett gloussa discrètement en tirant le chariot hors de vue de Charles et Isabella.

"A quelle heure le bon shérif et ses joyeux compagnons arrivent-ils ?" dit Rosalie alors que son mari s'approchait de l'endroit d'où Edward avait observé Isabella et son père pour la première fois.

"Juste après le coucher du soleil." Emmett posa le chariot puis regarda le ciel gris acier. "Ça ne devrait pas être long."

"Une idée de pourquoi Alice a dit que je devrais être ici pour ça ? Tout ce que j'ai pu obtenir d'elle, c'est que c'était important pour ma relation avec l'obsession d'Edward."

"Alice a toujours ses raisons..." répond-il en haussant les épaules. "Elle a vraiment dit 'l'obsession d'Edward' ?"

"Non," dit Rosalie avec un demi-sourire. "Je suis juste curieuse de savoir pourquoi je..."

Ses mots furent coupés par le bruit des chevaux et des cavaliers qui approchaient. Emmett se plaça derrière elle et entoura sa taille de ses bras, déposant un léger baiser sur sa tempe, ce qui lui valut un sourire paisible.

"Tiens-toi bien, toi," chuchota Rosalie, ce qui lui valut un petit rire sonore.

"Je peux si tu le fais."

Son sourire s'effaça rapidement alors qu'elle observait la scène à une courte distance.

La monture du shérif Newton fut brutalement tirée à l'arrêt, ce qui provoqua un faible grognement de Rosalie. Depuis son plus jeune âge, elle n'avait que de l'amour et du respect pour les chevaux. Leur vitesse, leur agilité et leur intelligence l'attiraient et elle méprisait quiconque osait maltraiter de si belles créatures. Il était évident, au vu de la mousse et de la tension sur la belle créature que le shérif montait, qu'elle avait été malmenée.

"Salutations, shérif Newton," dit Charles avec précaution, en cessant de ramasser du bois.

"Ce n'est pas une visite de courtoisie, Charles Swan," répondit le shérif d'un ton hautain, en baissant sa veste qui avait glissé vers le haut, exposant une bande de ventre ample et rose vif.

Charles acquiesça avant de donner à Isabella un léger haussement d'épaule quand elle le regarda curieusement comme pour lui demander s'il savait pourquoi le shérif et ses adjoints étaient ici.

"Je suis ici pour ce qui a été promis."

"Promis ? Qu'est-ce que j'aie que l'on vous a promis ?"

Le shérif Newton lâcha un soupir exaspéré et fit rapidement signe à ses adjoints. Les deux hommes descendirent de cheval et s'approchèrent d'Isabella.

"Ma femme, bien sûr," dit-il en désignant Isabella.

"Quoi ?" s'exclamèrent simultanément Isabella et Charles, l'une regardant d'un air accusateur l'autre qui secoua la tête en signe de déni véhément.

Les yeux de Michael se rétrécirent alors qu'il regardait le père et la fille alternativement. Charles n'avait-il pas dit qu'Isabella pourrait choisir son mari ? Ne lui avait-il pas donné la permission de la courtiser ? Et qui, sain d'esprit, ne sauterait pas sur l'occasion d'épouser un shérif ?

"Assez de ces jeux. Prenez-la."

Isabella fut soudainement saisie par derrière et maintenue fermement contre l'un des adjoints. Elle se sentit étouffée par la puanteur qui émanait de l'homme. C'était comme s'il avait roulé dans une stalle d'un cheval bien sale.

Les bras d'Emmett se resserrèrent autour de la taille de Rosalie, et il lui murmura des mots apaisants à l'oreille tandis qu'ils regardaient Isabella écraser le pied de son ravisseur. Lorsque l'adjoint sauta et hurla de douleur, elle fit un tour sur elle-même, leva un genou, rapidement et sur la cible, envoyant l'adjoint au sol dans une grande douleur.

"Oh, j'aime les fougueuses," grogna l'autre adjoint en poursuivant Isabella dans le coin de la maison.

"Arrêtez-le !" cria Charles à Michael qui observait la scène avec un amusement détaché.

"Pour quoi faire ?"

"Il va la blesser !"

"Après ce qu'elle a fait à mon adjoint, ce serait justifié. Leur salaire est assez bas du coup je peux lui accorder un petit extra."

Les yeux de Charles s'écarquillèrent d'abord d'incrédulité puis de fureur avant de courir à la défense de sa fille, un gros morceau de bois de chauffage dans une main. Il trouva sa fille plaquée contre le côté de la maison, sa robe déchirée du cou à la taille, l'adjoint tenant ses deux poignets d'une main tandis que l'autre remontait ses jupes pendant qu'elle donnait de vains coups de pied à son assaillant.

"Laisse. Moi. Y. Aller," siffla Rosalie, les yeux noirs comme du charbon alors qu'elle se débattait dans l'étreinte d'Emmett. Il refusait de la relâcher, même si cela lui faisait mal.

"Je ne peux pas," murmura Emmett en retour, sa prise se resserrant. "Alice a dit de ne pas le faire."

"Tu sais..."

"Je sais," dit-il en déposant un doux baiser sur sa tempe pour tenter de l'apaiser. "Mais cela doit arriver."

Emmett connaissait le passé de sa femme - comment elle avait été battue et emmenée contre sa volonté par son fiancé de l'époque et ses amis - et cela lui faisait très mal de la forcer à assister aux événements qui se déroulaient devant eux.

"Attends juste," supplia Emmett.

"Je vais le tuer !" jura Rosalie.

"Quand le moment sera venu, je t'aiderai."

"Non. Le shérif Newton est à moi. Et ses adjoints." Elle se retourna et attrapa le t-shirt d'Emmet à deux mains. "Promets-le-moi."

Emmett s'arrêta alors que sa femme le fixait avec une pure angoisse dans les yeux. Il acquiesça silencieusement et la sentit se détendre très légèrement. Il ne pouvait pas changer son passé mais il pouvait lui donner ça.

Le son du bois de chêne frappant le crâne ramena leur attention sur Isabella et Charles.

"Père !" Isabella sanglota, serrant sa robe contre elle et se précipitant dans ses bras.

Charles apaisa silencieusement sa fille, laissant tomber le morceau de bois de chauffage à ses pieds.

Le bruit de l'armement d'un pistolet ramena leur attention sur le shérif Michael Newton qui tenait maintenant son arme dirigée vers la poitrine de Charles.

"Charles Swan, vous êtes en état d'arrestation pour la tentative de meurtre d'un de mes adjoints," dit Michael, en regardant le corps de l'homme affalé sur le sol. "Il est seulement inconscient, n'est-ce pas ?"

L'autre adjoint s'approcha en boitant pour vérifier et hocha la tête après avoir détecté des signes de vie.

Michael lança une paire de lourds fers à entraver à l'adjoint qui les fit d'abord tomber puis s'empressa de les ramasser et de les mettre sur Charles, ce qui valut au shérif un roulement de yeux.

"Vous ne pouvez pas faire ça !" cria Isabella, essayant d'empêcher l'adjoint d'enchaîner son père. L'adjoint la repoussa brutalement et elle tomba au sol.

"Tu vas découvrir, Istanbul, que je peux et fais tout ce que je veux."

"C'est Isabella, espèce d'idiot !" cria-t-elle alors que l'adjoint faisait rudement avancer son père vers le shérif.

"Et tu découvriras que je me fiche complètement de ton nom." Il regarda l'adjoint qui était debout et fit signe à l'homme inconscient. "Jette-le sur sa selle et ramène-le en ville. Je vais emmener celui-ci à la prison."

Il fit une pause avant de regarder Isabella.

"A moins que tu ne veuilles venir en ville ? Nous pouvons rendre visite au Père Carlisle et être mariés avant la nuit. Je laisserai même ton père se tenir à tes côtés et le laisserai poursuivre son chemin joyeusement après."

"Je préférerais mourir..." lâcha Isabella au moment où son père criait un "non" retentissant à cette suggestion.

Les yeux du shérif Newton devinrent froids à ce rejet et son visage se durcit.

"Alors ton père restera en prison jusqu'au retour du magistrat. Cela ne devrait pas durer plus de deux ou trois mois."

La couleur disparut du visage d'Isabella alors qu'elle comprenait ce qu'elle avait entendu. On disait que la prison n'avait pas d'autres commodités que des murs et un toit. Avec l'hiver qui approchait, Charles allait sûrement mourir de froid. Elle ne pouvait pas le permettre. Charles reconnut l'expression sur son visage et secoua frénétiquement la tête. Sa fille était généreuse à l'excès mais il ne pouvait en aucun cas la laisser épouser le shérif.

"Va dans la maison, Isabella," ordonna-t-il.

"Père, non ! Je peux..."

"Tu ne peux pas. Je ne le permettrai pas."

"Assez parlé," grommela le Sheriff Newton, en poussant son cheval à continuer. "Jusqu'à la ville."

"Dans la maison, Isabella," ordonna Charles calmement. "S'il te plaît ? Ne me regarde pas partir."

Isabella serra sa robe déchirée et une larme coula sur sa joue. Finalement, elle hocha la tête et fit ce que son père lui demandait, fermant la porte derrière elle. Elle s'appuya contre la porte et écouta jusqu'à ce qu'elle n'entende plus le bruit des sabots dans les fourrés. Dès que les sons s'estompèrent, toutes les forces qui lui restaient s'épuisèrent et elle s'effondra en un tas à côté du tabouret de son père, à côté des braises froides du feu, les bras serrés autour de sa taille et s'endormit en sanglotant.


La zone nébuleuse entre le sommeil et l'éveil est un endroit confortable, bien plus réconfortant que la réalité. Bella se blottit plus profondément dans la paille de son lit, tirant les couvertures récalcitrantes juste un peu plus près. Elle n'avait jamais alimenté le feu après l'arrestation de son père et le froid de la nuit qui avait envahi la pièce. Elle gémit lorsque la couverture s'emmêla autour de ses jambes, tira jusqu'à ce qu'elle cède et s'abandonna au peu de chaleur et de confort qu'elle lui procurait.

"Elle est très belle," chuchota une femme dans un coin sombre mais Bella était trop fatiguée pour y prêter attention.

"Elle l'est," fut la réponse également feutrée de son compagnon.

"Et il la veut maintenant ?"

"Tu l'as vu. Il veut absolument qu'on la lui amène ce soir. Il m'a presque arraché la tête quand je lui ai suggéré de suivre la voie humaine en demandant sa main à son père ou au moins en le payant."

"Edward est un peu dramatique," murmura-t-elle, en se frottant la gorge à cette simple idée.

"Ne le laisse pas t'entendre dire ça, Alice."

"Pcht...il n'est pas prêt de faire quoi que ce soit à l'un de nous deux. Nous sommes trop précieux puisqu'il pense toujours qu'il doit retourner à Volterra et entrer dans la garde."

"Je préfère ne pas repousser les limites."

"Tu t'inquiètes trop, Jasper."

"Ça vient du fait d'être entouré d'humains tout le temps. Ils sont des sacs constants de soucis."

"Vrai."

Le couple observa Bella pendant quelques instants de plus.

"Alors, comment penses-tu que nous devrions faire ça ?" demanda finalement Jasper.

"Peu importe comment nous le faisons, il faut que ce soit rapide. Son Altesse est sûrement en train de s'impatienter."

"Eh bien, s'il voulait du rapide, il aurait dû envoyer Jane. On lui a botté les fesses et elle irait n'importe où."

"Je lui dirai que tu as suggéré ça."

"Ouais, non."

Jasper étudia le lit pendant un moment puis, avant que l'on puisse cligner des yeux, empaqueta Isabella et la jeta sur son épaule comme un sac de grain.

Le mouvement la réveilla suffisamment pour qu'elle sache que quelque chose n'allait pas et Isabella commença à se débattre mais cela se termina vite lorsque Jasper envoya une vague de calme sur elle. Son ronflement lui indiqua, ainsi qu'à Alice, qu'elle s'était rendormie.

"C'était assez facile," marmonna Alice en ouvrant la porte.


Edward était assis sur un fauteuil dans la chambre principale. A la lumière d'un feu crépitant joyeusement, il observait le lit où Isabella dormait d'un sommeil agité. Il essaya d'entendre ses rêves mais pour une raison inconnue, il ne pouvait pas. Après ce que Rosalie et Emmett avaient rapporté, il n'était pas surprenant qu'Isabella ne puisse pas se reposer.

Elle était ici. Dans son foyer.

Chez lui.

Dans sa maison, se corrigea-t-il rapidement. Son foyer était à Volterra, loin de ce trou perdu. Cet endroit n'était que temporaire.

Edward vit les bleus qui fleurissaient sous sa peau aux poignets et à la gorge, là où les brutes du shérif Newton avaient osé toucher ce qui lui appartenait dans la tentative délirante de cet idiot de prendre ce qui ne lui appartenait pas. La fureur montait en lui et il grinçait des dents mais il savait que justice serait faite. Ou au moins, vengeance.

Rosalie était revenue avec Emmett et avait immédiatement couru vers Edward. A travers ses pensées, il avait vu ce qu'il s'était passé. Elle avait insisté sur le fait qu'elle avait le droit de se venger et connaissant son histoire, il devait être d'accord. Rosalie avait déjà un plan pour s'occuper du shérif et de ses adjoints et était sur le point de le mettre en œuvre, ses intentions étaient plus cruelles et plus lentes que celles d'Edward et cela convenait bien à son démon intérieur.

Isabella s'étira et bâilla alors qu'elle commençait à se réveiller de la nuit la plus étrange qu'elle ait eue depuis longtemps. Elle avait rêvé de l'arrestation de son père après avoir été attaquée par deux des adjoints du shérif Newton puis s'était endormie en pleurant. Ensuite, deux personnes se trouvaient dans la cabane de son père et s'étaient disputées à propos de quelque chose. Mais après ces images, elle avait été bercée dans un sommeil profond et béat comme elle n'en avait plus connu depuis son enfance.

"Bonjour, Isabella."

Elle sursauta et se tourna vers la voix. Elle réalisa soudain qu'elle n'était plus dans la chaumière de son père mais elle ne voyait pas assez bien dans la pièce sombre pour distinguer des traits, même en forçant ses yeux. Isabella tira les couvertures sur sa robe déchirée, essayant de se couvrir autant que possible.

Lorsque ses yeux s'adaptèrent à la lumière du feu, elle vit l'ombre d'un homme assis de l'autre côté de la pièce. Elle ne pouvait pas distinguer de détails mais il semblait observer chacun de ses mouvements.

"Normalement, il est poli de retourner les salutations. Essayons encore une fois. Bonjour, Isabella."

"Bon... bonjour, Monsieur," bégaya-t-elle en serrant plus fort les couvertures.

"Ne te cache pas de moi."

"Je ne sais pas qui vous êtes, Monsieur." Elle déglutit en essayant de trouver quelque chose d'autre à dire. "Et mes vêtements... Ils sont déchirés et je ne suis pas décente."

Un faible grognement de l'homme effraya Isabella et elle resserra les couvertures autour d'elle comme si elles pouvaient lui offrir une quelconque protection.

L'homme se leva et s'approcha lentement du lit. Isabella resta bouche bée lorsque son visage fut éclairé par le feu. Elle n'avait jamais vu un homme aussi beau. Ses traits finement ciselés étaient encadrés par des cheveux presque auburn, tirés en arrière dans une queue soignée. Elle pouvait dire que rien que son habit coûtait plus que les terres de son père.

Et pourtant, il y avait quelque chose chez cet homme qui lui inspirait confiance. Au fond d'elle, elle savait qu'il ne pouvait pas lui faire de mal, qu'il ne lui ferait pas de mal. Isabella se détendit légèrement alors qu'Edward faisait un pas de plus vers elle.

"Êtes-vous un ange, Monsieur ?" chuchota-t-elle, les yeux écarquillés. Elle n'avait pas peur de lui, même si on lui avait appris à ne jamais être seule avec un homme autre que son père et éventuellement son mari. Ou Jacob mais il n'était pas une menace pour elle, seulement un grand frère autoritaire. Peut-être qu'il y avait une explication surnaturelle à son manque d'appréhension.

"Non," répondit-il avec un rire ironique, "certainement pas un ange."

Il resta à l'autre bout du lit, la regardant avec une intensité qui la fit rougir.

La curiosité eut finalement eu raison d'elle. Isabella se mit à genoux et rampa lentement, avec hésitation, vers lui pour mieux le regarder, sans se rendre compte qu'elle lui offrait une vue séduisante sur le corsage de sa robe et sur ses sous-vêtements, aussi simples soient-ils. Un autre grognement grave mais d'un timbre différent du premier, la fit sursauter et elle se redressa sur ses genoux, horrifiée d'avoir fait quelque chose de mal.

"Non, ma chère," murmura-t-il, en s'avançant pour poser une main délicatement sur sa joue. "Tu n'as rien fait d'autre que d'attirer un démon à ton chevet."

Elle secoua la tête en signe de dénégation. Cet homme devant elle ne pouvait pas être un démon.

"Oh, je suis bien pire..." continua-t-il. Ses yeux se posèrent sur la déchirure de son vêtement et ses sourcils se froncèrent.

Isabella se rendit soudain compte de l'état de son vêtement et rassembla les bords déchirés. Les souvenirs de la veille envahissant son esprit et ses yeux se remplissant de larmes.

"Ce n'était pas un rêve, n'est-ce pas ?" murmura-t-elle d'une voix douloureuse. "Mon père..."

"Sera libéré. Je te le promets. Très bientôt, le bon shérif Michael Newton ne sera plus une menace pour personne."

Il inclina la tête de la jeune femme pour qu'elle lève les yeux vers lui et ses yeux se posèrent sur ses lèvres. Elle saisit le mouvement et hocha la tête. Elle avait envie de l'embrasser. Elle ne savait pas pourquoi. Cet homme était un étranger, elle ne connaissait même pas son nom mais l'envie irrésistible de voir si ces lèvres pleines étaient aussi douces qu'elle l'imaginait la poussa à se pencher un peu plus près.

Encore une fois, elle entendit le faible grognement.

"Quoi ?" chuchota-t-elle.

"Je peux entendre tes pensées."

Les yeux de Bella s'écarquillèrent, se félicitant pendant un bref instant que son imagination ne se soit pas aventurée plus loin qu'un baiser. Elle n'avait jamais été touchée mais ayant été élevée en s'occupant des animaux, elle en connaissait les mécanismes et elle se demandait si...

Encore une fois, elle entendit le grognement.

"C'est vous ?" demanda-t-elle.

"Tu mets ma patience à l'épreuve. "

"Pas intentionnellement, Monsieur," dit-elle, se retirant seulement pour constater qu'il la maintenait en place.

"Je ne souhaite pas te priver de ton innocence comme une brute."

"Mais vous avez l'intention de prendre mon innocence ?" De nouveau, elle sentit son visage rougir et pressa ses mains sur ses joues pour les rafraîchir.

"Encore et encore, Isabella."

L'idée la ravissait plus que de raison mais la main glacée de la réalité la frappa.

"Et une fois que vous m'aurez ruinée, vous me rendrez à mon père ?"

Il se pencha en avant, les yeux brillants, un large sourire sur le visage, révélant des dents très pointues et très blanches. Il posa ses lèvres près de son oreille et s'arrêta avant de murmurer...

"Oh, non, ma chère Isabella. Alors tu seras à moi."


Etrange déclaration non ?