Draco ne passait pas une bonne matinée du tout. Le calamar géant du lac s'était cogné plutôt fortement aux murs de leurs dortoirs, réveillant en sursaut un grand nombre de serpentards. Évidemment, après ça, la queue pour la douche fut interminable. Ses robes qu'il avait précommandées n'étaient toujours pas arrivées et il commençait à regretter l'argent mis dedans. C'est donc d'une humeur exécrable que le blond s'installa à la table du petit-déjeuner.
- N'essayez même pas de me parler aujourd'hui sauf pour une extrême bonne raison.
Pansy fut l'âme courageuse qui lui annonça :
- Le professeur Chourave est tombée malade. Notre premier cours est annulé.
- Génial, levé pour rien en plus, maugréa-t-il.
La plupart des élèves à sa table ne se portaient pas mieux et même l'arrivée des plats ne les radoucit pas.
Au moment du courrier, les têtes se levèrent. Draco vit atterrir devant lui un paquet plutôt conséquent tiré par deux hiboux qui lui étaient inconnus. Aussi intrigués que lui, ses amis fixèrent le paquet qu'il prit précautionneusement. Retirant le papier froissé, Pansy réagit la première et attira l'attention en s'étouffant avec son jus de citrouille.
- Quoi ? C'est quoi ? Et Pansy arrête de te faire remarquer, s'impatienta Blaise.
- C'est une blague ? ignora le blond.
Devant lui se trouvait un livre à la couverture solide où l'on pouvait lire : « La Lune était pleine ». Le serpentard comptait bien faire regretter le petit plaisantin qui le dérangeait mais, en tournant la première page, son corps se figea.
« Bonjour Draco Malfoy. Je dois dire que tu m'as beaucoup surpris. Pas une seule fois je ne t'ai entendu te tromper dans tes analyses. Tu comprends tout de ce que je veux exprimer alors je te fais cadeau de mon livre ce n'est pas celle mise au propre alors tu auras quelques ratures, tu m'en vois désolée. Bonne lecture »
N'osant toujours pas y croire, il feuilleta le tout. Des annotations, des rajouts, des croquis, des lignes ou mots barrés, soulignés, tout paraissait trop réel. Prenant un chapitre encore jamais lu, il l'analysa. L'écriture et le style étaient identiques ! Bouche bé, il ne fit même pas attention à ses camarades qui continuaient de les questionner, Pansy et lui.
- C'est incroyable, souffla-t-elle. T'es un sacré veinard.
Sans lui adresser un mot, il revint au début et commença à lire.
- Draco ! s'offusqua-t-elle. Mange quelque chose au moins !
Il ne quitta pas sa lecture qu'il complétait avec les annotations mais il prit tout de même une brioche en face de lui, pour ne plus entendre de reproches.
Plus loin, à la table des lions, un garçon aux d'émeraude laissait échapper un doux sourire.
.°*°*°.
- Draco par la barbe de Merlin on arrive en potion, ferme ce bouquin !
- Hm. Professeur Snape pas arrivé.
.°*°*°.
- Draco, McGonagall te regarde, marmonna son voisin de table.
Faisant semblant d'écrire, le professeur détourna vite son attention de l'élève studieux. Pourtant c'était bien la première fois qu'il n'écoutait rien à aucun cours.
.°*°*°.
- Draco, lis si tu veux mais fermes au moins tes rideaux, bougonna Théo. Il y en a qui souhaite dormir.
Pourtant, trop absorbé dans la fuite de Magalie face aux autres loups, le blond ne percevait aucun son venant de l'extérieur. Soupirant, son camarade de chambre se leva et rabattit le rideau du lit, auquel le noble ne réagit toujours pas. Celui-ci termina son chapitre et repartit à son début pour relire encore et encore un mémo sur l'angle bas de la page : « miroir ». C'est vrai que le protagoniste ne semblait pas prendre soin d'elle car elle ne s'observait jamais mais quel était le besoin de souligner ce mot ?
Frustré de ne pas comprendre, il lâcha sa lecture pour aligner ses pensées. Il avait trouvé de nombreuses réponses et créé tout autant de questions dans le récit. Lisant lentement, il avait pris le temps d'analyser chaque note, mot, phrase placé dans le livre. Néanmoins, il devait restreindre son temps de lecture ou alors les réprimandes ne tarderaient pas à arriver lors des cours.
Allongé dans son lit, il voulait savoir qui avait écouté son avis. Il savait désormais que ce n'était pas un professeur, jamais ils n'auraient laissé des élèves vagabonder et rendre public leurs effets personnels. Il pensait à un serdaigle, ils étaient très créatifs et puis l'un des chapardeurs faisait partie de cette maison ce qui pouvait laisser libre cours à leur envie de fouiner chez les autres. Ça devait être cela.
Alors pourquoi les yeux de Potter lui venaient à l'esprit ? Ce regard. Jamais il n'avait été pointé sur lui, il n'en connaissait pas ses effets. Cette passion dévorante pour le sujet, cette passion sur ce que lui racontait, il s'était senti piégé dans une douce entrave.
Sentant son visage chauffer, il se ressaisit. Non. Un serdaigle. Définitivement.
•-•
Dans la chambre conviviale, Draco lisait tranquillement sur un canapé, il n'y avait pas grand monde à cette heure du dimanche alors les meilleures places étaient libres. Soudain, une tornade de cheveux fonça vers lui.
- Tu as lu le dernier chapitre ? s'empressa Hermione en s'asseyant sur un fauteuil en face.
C'est vrai que les chapitres continuaient de sortir avec les chapardeurs. D'un accord commun ils avaient décidé de ne rien dire sur l'identité de l'écrivain pour continuer à toucher leurs douces mornilles. Quant à Harry, il avait déjà terminé sa mise au propre mais il se décidait à faire languir les sorciers en donnant les chapitres un à un au professeur Flitwick toujours aussi ravi de pouvoir les lire.
Draco soupira malgré lui en la voyant. Si elle était là c'est que d'autres personnes allaient venir et que l'heure de paix se terminait.
- Lequel ?
- Celui où Magalie rencontre une meute de loups pour- Comment ça « lequel » ?
Mettant son doigt en marque-page, le serpentard revint sur le chapitre dont elle parlait. Trouvant enfin le passage et cherchant la fin de celui-ci, ses yeux s'éclairèrent.
- Oh oui c'est vraiment l'un des chapitres les plus prenants. Ne trouvant même pas sa place auprès des loups-garous elle décide de fuir le danger bestial qui les animent. Son filon de pensée sur son identité est brillant.
La bouche grande ouverte, Hermione baissa les yeux sur l'ouvrage pour tenter d'y lire le titre.
- Tu- Tu as le livre complet ? Quand... enfin- Comment ?
- Pourquoi Pansy a perdu ses manières jeudi matin à ton avis ? L'auteur me l'a juste transmis par hibou, je ne sais même pas qui c'est.
- Mais pourquoi ?
- Il aime mon analyse, il laissa son sourire présomptueux maquiller son visage.
Gardant une façade neutre, elle le jaugea.
- C'est un homme donc.
- Oui, il a genre son mot accompagnant son cadeau.
Le silence s'installa, vite comblé par les bavardages de Ron et Harry. La prédiction du serpent s'avéra juste quand d'autres élèves suivirent leurs pas.
- Et là Neville a réussi à parer le sort, personne n'en revenait !
- Ron, bien que sa réussite me mette en joie, je pense l'avoir assez entendu de ta bouche ce week-end.
- Quand la gloire n'est pas tienne on ronchonne Potter ? ne put s'empêcher de provoquer Draco.
Le brun vint s'installer à côté de lui, le faisant s'écarter légèrement.
- La gloire ne m'est satisfaisante seulement si elle te fait poser ton regard sur moi Malfoy.
Roulant des yeux, ce dernier frappa le haut du crâne du survivant avec son livre, le faisant grogner.
- Je préférais quand c'était les coussins.
- Alors arrête de dire plus de sottises que d'habitude Potter.
- Mais c'est drôle de te voir rougir !
- Je ne rougis pas !
À côté d'eux, Ron et Hermione assistaient à la scène d'un air blasé.
- Ça me tue de le dire mais ils ressemblent de plus en plus à un couple, remarqua le rouquin.
- Pire, je finis par me demander s'ils ne ressentent pas de réels sentiments l'un pour l'autre.
Se penchant à l'oreille de son amie, Ron lui confia :
- De ma dernière discussion sur le sujet avec Harry ça pourrait très bien être le cas.
- Le cas de quoi ?
Sursautant, les deux gryffondors se tournèrent vivement vers la nouvelle voix. Ginny leur sourit alors, fière de sa surprise.
- Alors, c'est quoi toutes ces messes basses ? continua-t-elle en s'épaulant au fauteuil d'Hermione.
- On se questionne sur leur relation, répondit tranquillement la jeune femme assise.
Fixant à son tour Harry et Draco, Ginny comprit vite de quelle relation ils s'imaginaient. En pleine réflexion, elle se mordit la lèvre inférieur et cogita quelque instant. Elle devait au moins vérifier son hypothèse alors, elle parla plus fort :
- Je ne te crois pas une seconde Hermione.
Attirant maintenant l'attention des deux garçons elle continua malgré les regards confus de son frère et sa futur belle-sœur :
- Aucun livre ne peut être aussi fantastique que ça, c'est un élève qui l'écrit en plus.
- Tu doutes des qualités du livre du moment Weasley ? intervint Malfoy.
- Parfaitement. Et je ne vois pas pourquoi je commencerai à le lire. Même en traînant avec Hermione, Harry ne lis pas le livre alors les arguments ne doivent pas non plus lui donner envie de le lire.
- Granger est juste nulle pour donner envie aux gens de lire un livre.
- Hey ! s'offusqua cette dernière.
- Soit, ignora Ginny. Si t'arrive à donner des arguments convainquant à Harry qui font qu'il lira « La Lune était pleine », je veux bien soumettre mon manque de goût en la matière.
Dérivant sa tête d'un air déterminé vers le sorcier à lunettes, extrêmement surpris d'être intégré à ces provocations, Draco se déplaça pour être entièrement en face de lui et s'adonna à citer divers commentaires détaillés qui faisaient que l'on voulait lire l'ouvrage. Détaillant rapidement la lueur présente dans les yeux de Harry, Ginny sourit, satisfaite.
- Maintenant regardez les et vous serez fixés, chuchota Ginny avant de les quitter pour un coussin posé à même le sol, à côté de ses amis.
Obéissant à la Weasley, ils comprirent vite où elle voulait en venir. Harry dévorait des yeux Draco qui racontait passionnément sa critique d'un passage du récit. Le brun laissait sa tête reposer sur sa jambe repliée, écoutant attentivement chaque parole de l'autre, un sourire aux lèvres. Le noble se contenait de quelque regards, s'assurant sur son interlocuteur était toujours concentré avant d'étirer ses lèvres, satisfait. Il ne se faisait couper que quand Harry souhaitait plus de précision.
- Oh mon Dieu, souffla Hermione.
- Je ne sais pas qui est Dieu mais je suis sûr que c'est l'équivalent de « non d'un hyppogriffe », répliqua Ron. Si c'est ça je suis d'accord avec toi.
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- L'auteur est tout de même bizarre, entendirent-ils Draco dire.
Levant un sourcil, Harry se redressa.
- Pourquoi cela ?
- Il me donne l'œuvre intégrale sans penser que je pourrais la divulguer à tout le monde alors que ça semblait bien l'amuser de voir ces trois gamins voler petit à petit son histoire. Tu ne trouves pas ça stupide ? questionna-t-il en fixant un peu trop Harry.
- Mais l'as-tu fait ?
- Et pourquoi me le donner à moi ? Il semblait s'adresser directement au survivant, oubliant presque la présence des autres.
Quelque chose en lui ne pouvait pas s'empêcher de penser que c'était Harry Potter qui écrivait, prononçait chacun des mots présents sur les pages. Seulement pour un regard, cette idée ne le quittait plus.
- Qui sait ? répondit l'autre en haussant des épaules avec une lueur dans ses yeux qui semblait en dire d'avantage sur sa réponse.
