Vint le temps où Harry Potter devait arriver à Poudlard. Avant même la rentrée, Dumbedore en avait parlé à chaque réunion, répétant encore et encore que son petit protégé devait être entouré, choyé. Qu'il fallait se montrer indulgent avec lui, l'accompagner pour le préparer à faire face à son destin d'exception. Il était l'Élu après tout, alors il serait naturellement puissant et doué.
Le spectre de James Potter se dressait à chaque fois devant Severus, et il en vint à haïr l'enfant, oubliant le bambin qui l'avait ému. Il voyait un gosse trop gâté, probablement imbu de lui-même. Un gosse médiocre se pensant puissant parce qu'une prophétie avait fait de lui l'Élu de Dumbledore. Parce que sa mère s'était sacrifiée pour lui permettre de vivre.
La rage brûlante que les Maraudeurs avaient toujours provoqué en lui se réveilla et le consuma presque alors qu'il se jurait qu'il ne ferait aucun cadeau au garçon. Il allait lui montrer qu'il n'était rien, qu'un parasite insignifiant. Il veillerait à le maintenir en vie, par amour pour Lily. Rien de plus. Il n'était même pas obligé d'apprécier l'enfant…
Le jour de la rentrée, il renifla moqueusement quand le choixpeau hurla "Gryffondor" après un long silence. Pourtant, il était intrigué.
Déjà, l'artefact magique chargé de la répartition avait mis bien trop de temps. Il se souvenait que pour Potter père, le choixpeau avait à peine effleuré les cheveux noirs en bataille qu'il hurlait Gryffondor. Pour son héritier, son caractère semblait soudain moins… tranché. Comme si le gamin n'était pas aussi Gryffondor qu'il le devrait.
Ensuite, le gamin était minuscule. Maigre presque émacié. Potter avait été assez grand, et Lily n'était pas une petite chose. Mais ce gosse… il lui ressemblait plus au même âge qu'à James Potter et c'était déstabilisant. Comme s'il avait manqué de nourriture alors qu'il appartenait à une famille riche.
Il eut du mal à quitter des yeux le gamin, l'observant s'émerveiller et sourire, regarder autour de lui avec les yeux écarquillés, puis se jeter sur la nourriture comme s'il n'avait pas mangé à sa faim depuis longtemps.
Le regard vert se tourna vers la table des professeurs et leurs regards se croisèrent. Severus resta sombre, dardant ses yeux onyx sur lui et fut surpris de voir que l'enfant ne semblait pas hostile.
Puis d'un coup, Harry Potter grimaça et porta la main à son front, frottant sa cicatrice.
Severus fronça un peu plus les sourcils, affichant ainsi un air menaçant sans même s'en rendre compte et quand l'attention du gosse fut distraite par le Weasley à ses côtés, il jeta un coup d'oeil en coin à son voisin de table, Quirell, qui bafouillait lamentablement, les mains tremblantes.
Si juste avant son premier cours avec le petit prodige Albus ne l'avait pas convoqué pour lui rappeler de se montrer indulgent, d'oublier les "petites plaisanteries" de James Potter, il aurait laissé le bénéfice du doute au gamin. Mais la recommandation de le ménager lui rappela le traitement de faveur réservé aux Gryffondor, et il lança les hostilités.
Il humilia méthodiquement le gamin et se délecta de la lueur de haine dans son regard. Le ton de leurs échanges futur était donné.
Il sentit régulièrement le regard désapprobateur de Minerva, mais elle ne lui fit jamais la moindre réflexion. Il savait que ses collègues désapprouvaient son comportement mais il prenait enfin sa vengeance sur un Potter et il ne se privait pas de le malmener, tout en veillant avec un soin particulier à sa sécurité.
Les trois premières années du précieux Survivant de Dumbledore renforcèrent son avis, malgré un malaise qu'il ignorait avec soin. Le gamin infernal ne semblait pas le craindre, le défiant du regard. Il désobéissait aux règles, transgressait le règlement et se mettait encore et encore en danger.
La quatrième année commençait comme les autres cependant lorsque la coupe de feu cracha le nom du jeune sorcier, il fronça les sourcils. Potter n'était pas un petit prodige comme s'en vantait Dumbledore. Il était un élève moyen, qui aurait pu être brillant s'il se donnait simplement la peine de travailler sérieusement. Rien d'exceptionnel, et Severus savait qu'il était loin d'avoir le niveau pour contourner les sorts de protection placés par le Directeur.
Il savait que même sous la menace, le gamin - pas plus que ses camarades - n'avait la capacité de tromper la coupe de feu. Il en aurait la puissance en grandissant, il le savait, mais il le croyait quand il assurait être innocent. C'était assez ironique que son seul détracteur soit le seul à le croire et à le défendre…
Lorsqu'il appuya ses paroles, le gosse lui jeta un regard tellement reconnaissant qu'il en eu un coup au coeur, mais il masqua ses émotions. Durant toute l'année, il le ridiculisa sur sa nouvelle célébrité, douta de ses compétences malgré la prestation impressionnante du morveux sur son balai face aux dragons de la première épreuve. Il laissa les élèves de sa maison l'humilier, encore et encore.
Il s'obligeait à oublier qu'il agissait exactement comme James Potter l'avait fait avec lui. Il ignorait sa culpabilité pour surveiller Potter, pressentant un danger, d'autant plus que la Marque des ténèbres réapparaissait doucement mais sûrement. Les contours de l'affreuse marque étaient redevenus visible, et il avait parfois la désagréable impression qu'elle ondulait sous sa peau…
Dumbledore écartait ses inquiétudes, refusant visiblement de surveiller de plus près son Gryffondor préféré.
Ses inquiétudes furent confirmée quand le sale gosse disparut à la fin du tournoi, mettant en émoi tout Poudlard. Avant de réapparaître un très long moment d'angoisse plus tard, blessé et sanglotant, tenant le corps sans vie du jeune Diggory.
Severus fut l'un des premiers près de lui, à s'assurer qu'il soit indemne. Il entendit la déclaration de l'adolescent, jurant que Voldemort était de retour, et Severus le croyait parfaitement. Sa marque l'avait brûlé alors qu'il était appelé, et le tatouage était redevenu pleinement visible.
Il regarda le jeune homme avec un autre regard, avec un peu plus de respect. Potter avait survécu face au Seigneur des Ténèbres, et avait eu le courage de ramener le corps de son camarade. Il avait prouvé qu'il était capable une fois de plus de faire face au danger, avec cette stupide inconscience qui le caractérisait.
Par un coup de chance extraordinaire, Severus put empêcher le Mangemort infiltré au coeur de Poudlard de s'emparer de Potter, le gardant une fois encore en sécurité… Pour autant, il en voulait au gamin, puisqu'il savait qu'il serait torturé pour ne pas avoir répondu à l'appel, et pour ne pas avoir amené le petit survivant sur un plateau.
