Et un petit deuxième pour aujourd'hui. Bonne lecture!


Chapitre 8. Circonvolutions II

Les jours suivants offrirent leur lot de moments interminables au laboratoire.

Il était difficile de rester immobile, sans rien faire, si bien qu'Hermione prit tranquillement l'habitude, l'air de rien, de faire lentement les cent pas dans le laboratoire, et même de s'approcher du dôme bleuté abritant Rogue et la table de travail.

Un tout petit peu.

Elle savait qu'elle n'aurait pas dû, mais elle s'ennuyait à mourir, et observer Rogue d'un peu plus près lui procura un divertissement ténu mais nécessaire.

Elle s'était juré de ne jamais quitter ses mains des yeux, mais un après-midi elle se surprit à fixer une potion bouillonner, de l'autre côté du halo protecteur.

Et le lendemain, l'inévitable survint. Elle réalisa soudain que son prisonnier ne se tenait plus devant elle, ni de son côté de la table, ni même dans son champ de vision.

Oh.

Mon.

Dieu.

Hermione aurait dû faire volte-face, sa baguette dressée devant elle, mais elle resta plantée devant la table de travail, paralysée par une peur sans nom, osant à peine respirer, son cœur pulsant furieusement contre sa cage thoracique.

Ça y était.

Rogue allait profiter de l'inattention d'Hermione et du fait que ses poignets étaient sans entraves pour l'écrabouiller, comme il avait écrabouillé Colin.

Et Hermione attendit, comme dans le réflexe ridicule de ne pas vouloir regarder le danger dans le blanc des yeux. Une coulisse de sueur froide roula entre ses omoplates.

Mais, aussi improbable que ce fût, Rogue passa à côté d'elle avec un nouveau bocal contenant des feuilles séchées jaunâtres, l'air affairé, sans remarquer l'émoi de sa geôlière.

Hermione laissa exhaler le souffle qu'elle retenait et recula de quelques pas, pour mettre de la distance entre elle et le mangemort.

Plus jamais elle ne devait baisser la garde devant Severus Rogue.


Elle tint sa promesse envers elle-même.

Du moins, au début.

Elle épia le moindre mouvement de son prisonnier, s'assura d'être en contrôle de la situation en tout temps. Seulement, elle ne pouvait pas tout prévoir.

Ce jour-là, elle revenait du laboratoire avec Rogue, après des longues heures de silence et de tension. Malgré ses précautions, elle ne s'était pas suffisamment méfiée. La situation qu'elle devait éviter à tout prix se produisit.

Elle sortit dans le corridor, Rogue marchant devant elle, quand elle réalisa qu'un autre spécialiste s'amenait déjà dans son dos, de telle sorte qu'elle se retrouva entre les deux prisonniers.

Elle n'eut pas vraiment le temps de distinguer quel geôlier fermait leur cortège fortuit. Elle sut cependant, dès qu'elle croisa le regard d'Amycus Carrow, que la suite allait mal se passer. Elle tenta de le garder à l'œil tout en pointant sa baguette sur Rogue, mais sa position ne lui laissait aucune chance.

- Encore un sang de bourbe, commenta le mangemort. Je parie que tu ne feras pas long feu, toi non plus.

- Ta gueule, lança l'employé marchant derrière. Avance.

Hermione essaya de garder sa distance avec Carrow. Mais Rogue, lui, semblait avoir ralenti, si bien qu'Hermione dut s'arrêter juste avant de le percuter. Carrow lui agrippa le poignet par derrière, et la suite fut un brouhaha de cris et de mouvements.

- Endoloris!

C'était la voix de l'autre geôlier.

Hermione n'eut pas le temps de s'écarter, pas plus qu'elle n'eut le loisir de comprendre que ce collègue anonyme l'avait visée par accident.

Elle s'écroula sur le dallage de pierre froid et hurla comme si c'était le dernier hurlement de sa vie.


Un plafond noir.

C'était la première chose qu'Hermione remarqua.

Puis elle se demanda pourquoi elle regardait le plafond.

Elle ferma les yeux, les rouvrit. Toujours ce plafond noir.

Elle tenta de remuer, comme pour échapper au froid humide qui transperçait le tissu trop mince de son uniforme, quand elle comprit qu'elle était étendue au sol.

Bon sang, qu'est-ce qu'elle foutait là?

Elle se redressa sur son séant comme si un arc électrique l'avait traversée.

Les étoiles filantes dansèrent dans son champ de vision, ses oreilles cillèrent, puis la pièce lui apparut plus clairement.

Rogue aussi. Debout là-bas, à son poste habituel, comme au garde-à-vous.

- Vous avez fini de dormir?

- Qu'est-ce qui s'est passé? croassa-t-elle.

Dans un sursaut de lucidité, elle referma sa main droite sur le vide, puis regarda autour d'elle et aperçut sa baguette roulée un peu plus loin. Elle s'en empara et la pointa sur Rogue, dont elle avait perçu un mouvement.

- Ne bougez pas!

- Je n'ai pas bougé.

- Qu'est-ce que vous m'avez fait?

- Rien.

- Vous mentez.

Rogue soupira.

- Le doloris, Hermione, vous vous souvenez? L'autre geôlier vous a lancé un doloris à la place de Carrow.

Elle cilla.

Oui, c'était ça. Le doloris.

- Le geôlier a interrompu le sort et nous sommes rentrés. Puis vous vous êtes évanouie. Vous devriez manger davantage.

Hermione le regarda, incertaine.

Elle se rappelait la proximité de Rogue, de façon floue. Il avait posé les mains sur ses épaules. Ces grandes mains habiles qu'elle surveillait assidûment quand elles s'activaient au laboratoire, libres de leurs menottes.

Seulement, Hermione ne savait pas s'il avait posé les mains sur elle par réflexe ou s'il avait voulu l'empêcher de se défendre face à l'autre mangemort.

Mais que s'était-il passé dans la cellule? Pendant combien de temps était-elle restée inconsciente?

Rogue devina le cours de ses pensées.

- Je ne vous ai pas touchée, Hermione.

Elle essaya de garder son sang-froid, mais c'était peine perdue.

- Est-ce aussi ce que vous disiez à Colin pour gagner sa confiance?

- Crivey?

- Avant de l'attaquer.

- Je n'ai pas attaqué Crivey.

La colère bouilla dans les veines d'Hermione, sans trop qu'elle sache pourquoi.

- Inutile de mentir, ils m'ont dit que c'était vous.

- J'étais dans ma cellule quand c'est arrivé, lui dans le corridor.

- Vous gaspillez votre salive.

- Je suis un meurtrier, certes. Mais pas la brute que vous imaginez.

Il n'était pas étonnant que Rogue nie toute implication dans l'agression de Colin, sinon comment aurait-il pu endormir la méfiance d'Hermione? Mais même si sa mauvaise foi était prévisible, Hermione se surprit à ressentir la morsure de l'injustice jusque dans ses tripes.

Toutes les frustrations accumulées explosèrent en même temps.

- JE NE VOUS CROIS PAS.

Elle était privée de sa liberté, confinée dans un rôle ingrat, forcée à passer tout son temps avec l'homme qui avait trahi leur camp. Il y avait de quoi hurler.

Mais pour toute réponse, Rogue se contenta de hausser un sourcil, et ce manque de réaction ne fit que raviver l'impression d'Hermione que personne n'était disposé à l'écouter.

Qu'il aille au diable.

Elle se leva, chancelante, et marcha droit vers la sortie.

Cette fois, elle se rappelait très bien qu'elle n'avait pas remis ses menottes à Rogue, mais elle refusait de passer une seconde de plus en sa présence.

Elle claqua la porte dans son dos.