Après tout, un professeur qui se trompe, cela pouvait bien arriver ! Tosenblat avait eu beau lui dire qu'il faisait erreur avec Madame Tristemine, Indy leur avait apporté une très bonne raison de douter.
En effet, il avait découvert, durant les vacances, que Madame Tristemine avait fait partie des plus proches collaborateurs de Luc Millefeuille avant que ce dernier ne commence à empoisonner Moldus et sorciers. Elle aurait même été sa fiancée ! Stan avait toujours du mal à se l'imaginer. Pourtant…
Tout s'expliquait ! Oui, ça semblait même évident maintenant qu'ils possédaient cette pièce du puzzle. Madame Tristemine devait sans doute essayer, d'une façon ou d'une autre, de faire revenir son ancien amour à la vie. C'est pour cela qu'elle accordait tant d'intérêt à sa statue et aux enfants pourpres ! Et puis n'était-ce pas suspect qu'elle soit devenue la responsable des Marbouelins ? N'était-ce pas là qu'il y avait le plus de chance de trouver des enfants pourpres ?!
Mais quel secret renfermait la statue sans tête ? Et si Madame Tristemine était derrière son empoisonnement, alors quel était le rôle de Lothar dans tout ça ? Était-il vraiment innocent ? Ou bien était-il de mèche avec le professeur de botanique ?
Il y avait encore beaucoup de mystères à résoudre, mais Stan était plus que satisfait d'avoir enfin un début de piste à suivre, une bonne idée de qui cherchait à faire du mal aux élèves de Beauxbâtons, et à lui en particulier.
Dans la Grande Salle, c'était l'heure des retrouvailles et des grandes embrassades pour tous, ou presque. Ni Song, ni Steeve ne voulurent serrer la main de Stan quand ils le virent. Mélanie ne fit guère mieux. Il n'y a que Sarah qui agit comme si de rien n'était. Autour d'eux, les coups d'œil se faisaient discrets, les murmures plus nombreux. S'il avait espéré que les vacances feraient oublier les rumeurs de l'année précédente, il n'en était rien. Stan était désormais aux yeux de toute l'école « l'enfant pourpre ».
Quelques Tirelairs tout de même vinrent à sa rencontre pour la première fois depuis qu'il était à Beauxbâtons, c'était des étudiants en fin de cursus qui avaient envie de voir de plus près la curiosité. Ils lui posèrent de bêtes questions sur sa dangerosité. Cela agaça naturellement Stan, mais ça valait toujours mieux que l'attitude de certains Aigrefeux, au rang desquels Lothar figurait en première place, qui lui faisaient de furtifs signes de menaces. Le message était clair. Il était surveillé.
« - Si ça les amuse ! – Indy pestait tandis qu'ils s'asseyaient à table. –
- Tu es une célébrité maintenant, qui sait ? C'est peut-être une plus grande chance que tu ne peux l'imaginer.
- Ho oui Morgane, quelle chance… Je suis l'enfant pourpre, le tueur de parents, le danger ambulant, l'étudiant empoisonneur. Quelle chance…
- Au moins, tout le monde te connait maintenant.
- Super parce que c'est EXACTEMENT ce que je ne voulais pas !
- Allez… courage Stan, ça passera. »
Le jeune garçon doutait que ça ne passe jamais. À moins qu'il ne fasse quelque chose, d'une manière ou d'une autre.
Sur l'estrade, Madame Maxime, qui présidait toujours aux grandes réunions de l'académie prit la parole.
« - Étudiants, étudiantes de Beauxbâtons. Il fut un temps où le mal rodait partout, une époque où les sorciers les plus chétifs pouvaient s'avérer être les plus nuisibles, une période sombre dans l'histoire de la magie où il fallait se méfier de tout et de tous.
Mais c'est époque est révolue. Depuis le début de l'année, les professeurs ont constaté que des rumeurs s'étaient mises à circuler. Elles sont toutes infondées et nous ne tolérerons pas qu'elles soient colportées plus avant. C'est pourquoi il a été décidé que dorénavant, tout élève répandant des rumeurs concernant les enfants pourpres se verrait durement sanctionné, placé sous Silencio pour un jour entier et soumis à des heures de retenue. »
Un élève de sixième année d'Aigrefeu se leva pour protester.
« - Madame la Directrice ! On ne peut pas laisser un enfant pourpre en liberté dans l'académie ! Qui sait ce qu'il pourrait faire ! »
Deux autres se levèrent à leur tour.
« - Oui, il faut arrêter Stan Gravel avant qu'il ne nous empoisonne tous !
- C'est une question de bien public ! »
Un brouhaha naquit rapidement à toutes les tables. Les têtes se levaient, se penchaient, pour apercevoir le petit sorcier qu'on disait si dangereux. C'est Monsieur Almaduro qui mit fin au vacarme. Il fulminait. Il écarta ses bras avant de faire claquer ses deux mains avec une force qui n'avait rien de naturel. Le bruit sec recouvrit tout. Cela avait été comme un coup de tonnerre. Tous les élèves s'étaient tus et les trois contestataires s'étaient rassis également.
« - Messieurs Bouvet et Joguet, Mademoiselle Charleroy. Vous faites honte à la famille des Aigrefeux ! N'avez-vous donc rien n'appris ! Vous pensez-vous vertueux d'accuser ainsi un première année qui n'a eu que le malheur de voir son nom manipulé. Je vais m'occuper personnellement de votre cas, et d'ici une semaine je vous assure que vous aurez appris ce que l'on appelle la présomption d'innocence ! »
Le professeur lança par trois fois le sort de Silencio avant de se rasseoir avec colère. Madame Maxime, qui n'était pas intervenue, reprit la parole avec fermeté après avoir laissé le brouhaha retomber.
« - Il est temps à présent d'annoncer l'ouverture officielle du plus grand évènement annuel de Beauxbâtons… Oui, vous l'aurez deviné, je veux parler des Joutes Florales ! »
Stan lança un regard perplexe à Indy qui lui répondit entre deux applaudissements.
« - Mais enfin comment tu peux ne pas savoir ça ?! Je croyais que tes parents t'avaient préparé à venir à l'école !
- Ils m'ont préparé à réussir mes études, pas à connaitre tous les petits divertissements de l'école !
- Petit divertissement ? Ha mon pauvre Stan… Les Joutes Florales sont plus qu'un simple divertissement, c'est toute la fierté des Familles qui se jouent !
- Vraiment ? »
Les applaudissements s'étaient tus. La Directrice poursuivit ses explications.
« - Les Joutes Florales se tiendront, comme toujours, en fin d'année. Elles se dérouleront sur quatre jours durant une semaine où tous les élèves seront exemptés de cours.
Comme chaque année, les épreuves seront au nombre de quatre. Chaque épreuve sera imaginée par un professeur responsable de Famille : Monsieur Almaduro, Responsable des Aigrefeux, Monsieur Plinpot, Responsable des Tirelairs, Madame Tristemine, Responsable des Marbouelins et Mademoiselle Broomfield, Responsable des Cameleaux.
Comme les années précédentes, le choix des Chevaliers de chaque Famille se fera par vote. Tous les élèves sont donc invités à venir écrire sur la Table qui Tache le nom des trois chevaliers qu'ils auront choisi. D'ici deux mois, ceux-ci seront révélés. Ils disposeront alors de deux mois supplémentaires pour se préparer.
Les Joutes Florales sont l'occasion pour les chevaliers de remporter une récompense rare et de défendre l'honneur de leur Famille.
Prestige et honneur aux vainqueurs ! »
La harangue de la Directrice fut reprise par l'ensemble des élèves de Beauxbâtons. On applaudit, on siffla, on lança quelques noms à la volée. Olympe Maxime reprit sa place et le repas se poursuivit dans l'effervescence. Toutes les familles s'étaient déjà lancées dans de grands débats pour savoir qui serait les plus à même de remporter les Joute Florales.
C'étaient bien souvent les noms des élèves les plus âgés qui revenaient. Néanmoins, quelques jeunes talents prometteurs avaient leurs favoris, surtout au sein des premières années qui ne connaissaient encore que peu d'élèves en dehors de leur camarade de classe.
Stan et Indy se tournèrent naturellement vers Morgane pour connaître les favoris parmi les Cameleaux. On n'était encore très incertain dans la Famille à la Pensée Bleue mais un nom revenait tout de même plus que les autres. C'était celui d'un septième année nommé Paul Elouard qui jouissait d'une grande popularité auprès des filles comme des garçons.
Son élection était si certaine que rapidement, tous les élèves en vinrent à réfléchir à leur second et troisième vote en fonction de celui-ci.
Ce fut une joyeuse soirée dont Stan put profiter sans s'inquiéter que quiconque parle dans son dos. Et comme il s'agissait de la première soirée de la nouvelle année, Beauxbâtons accordait à ses élèves un privilège rare : une demi-chope de Bièraubeurre.
Hélas, toutes les bonnes choses ont une fin et il fallut bien que les élèves quittent la salle, bon gré mal gré, sous la voix menaçante du concierge qui faisait trembler les murs et dont personne ne parvenait à trouver l'origine.
Une fois de retour dans leur dortoir, Stan, Indy, Steeve et Song ne se firent pas prier pour sauter sous leurs draps. Une bonne nuit de sommeil, et demain, une première bonne journée d'école…
Ho non. Ho non, non, non… Non, non, non, non ! Ça arrivait encore ! C'était même pire. Où était-il ? Déjà dans le couloir ?
Où étaient les autres ? Ils devaient bien être quelque part, ils devaient être quelque part ! Il ne pouvait pas être le seul à avoir été empoisonné. C'était impossible. Il ne voulait pas le croire !
Faire demi-tour, vite. Il le fallait ! Stanyslas ! Demi-tour ! … Rien à faire. Il avançait toujours. Et plutôt vite. Comment avait-il fait la dernière fois ? Qu'avait-il fait ? Ha oui, c'était ça, la colère ! La colère, vite ! Stanyslas, mets-toi en colère ! Colèèèèèèèèèère ! … Toujours pas ! Il se rapprochait dangereusement de l'Entrée. Et cette fois il n'y avait personne pour l'arrêter. Que manquait-il ? Qu'avait-il oublié ?
Mais oui ! Les voix ! La douleur ! Pourquoi n'avait-il pas mal ? Pourquoi ne les entendait-il pas ? Elles devaient être là pourtant ! Pourquoi ne les entendaient-ils pas ? Stan ralentit sa pensée un moment, à la recherche d'un murmure, d'une mélodie, d'un bruit quelconque...
Oui… Ça y est ! Il les entendait, elles étaient là ! C'est juste qu'il n'y prêtait pas attention jusqu'ici, elle semblait plus ordonnée, plus harmonieuse. Elle le berçait, comme un bruit de fond discret. Il fallait qu'il se concentre sur elle… « Droite. Gauche. Avance. Jardin. Droite. Vite. Gauche. Avance. Allez. Vite. Bien. Droite… »
Les viles pensées… Si tôt qu'il concentra son attention sur elles, elles se mirent à virevolter dans son esprit comme une volée d'oiseau ou comme des pétales prises dans le vent.
L'harmonie brisée, elles se remirent à produire le même insupportable brouhaha que la première fois, à une différence près, elles étaient plus bavardes.
« Il sait. Te voit. Te sens. Il voit. Il pense. Il sait. T'attends. Il sent. Il rage. Il hurle. Il sait. Il sent. T'attends. Lui Affamé. Il tremble. Il boit. Il hurle. Lui affamé. Il sait. T'appelles. Te sens. Te veut. Il sent… »
Ces assauts furieux eurent un effet radical sur Stan. C'était comme si sa colère n'attendait que ça. Elle se jeta dans la mêlée furieuse, déchirant et absorbant les voix confuses, elle grossit avant de venir envelopper l'esprit encore solide du jeune garçon.
Ce dernier jubila, il avait réussi ! Il s'était libéré de l'emprise des mille voix. Sa colère était plus forte que la dernière fois, et s'il ne pouvait toujours pas contrôler son corps, il pouvait au moins l'empêcher de bouger. Oui, il voyait à travers ses yeux le carrelage en pierre de l'Entrée. Il était juste sur le seuil et il ne bougeait plus. Victoire !
Sa joie spontanée vint percer la colère et alors sa marche reprit. « TE VOIT. TE SENS. TE VEUT. APPROCHE ENFANT. APPROCHE. À FAIM. À SOIF. TE SENS. T'ATTENDS. PETITE FLEUR. TE VEUT. VIENS VITE. APPROCHE MAINTENANT. AVANCE ENFANT. À FAIM. PETITE FLEUR. TE VOIT. TE… »
Sa réaction ne se fit pas attendre. Tout son esprit s'embrasa et embrassa la colère qu'il venait juste de fendre. Il n'y avait plus dorénavant de frontière entre l'esprit de Stan et cette dernière. Il était d'ailleurs devenu plus que ça, il était la rage personnifiée. Les mille voix se déchirèrent à son contact et il retrouva enfin l'usage de ses membres. Seulement, il n'était plus capable de pensées claires. Il n'avait plus en tête qu'un maelstrom d'émotions négatives : les mensonges de son père, les persécutions de Lothar, les regards des autres élèves, les secrets de Tristemine et même la façon dont Indy fronçait ses sourcils en permanence l'exaspéraient.
Il avait besoin de se défouler, il avait besoin de casser quelque chose. Il ne s'en était pas encore rendu compte, mais il était devenu totalement hors de contrôle.
Quelques élèves commencèrent à affluer des deux grands couloirs latéraux, mais aucun n'osa entrer. L'aura sombre, les plantes qui tentaient de s'infiltrer dans l'académie et le regard noir, fendu comme celui d'un chat, du garçon suffit à dissuader quiconque de l'approcher davantage. Stan leva sa baguette à la vue des visages qui venaient d'apparaitre, il reconnaissait certains d'entre eux : des persifleurs, des bavards, des propagateurs de rumeurs…
Il ne savait plus ce qu'il était en train de faire, mais Stan appréciait au plus haut point ce sentiment de puissance qui coulait dans ces veines. Il avait fait fuir les mille voix et voilà que maintenant il faisait fuir les élèves qui, hier encore, murmuraient dans son dos…
Il allait leur montrer ce qu'il en coûtait de prononcer son nom sans qu'ils n'y soient invités ! Il leva sa baguette avec lenteur vers l'un des deux couloirs, déjà les plantes rampantes courraient, comme mues par sa volonté, vers les étudiants terrorisés. La plupart firent demi-tour. Les plus âgés tentèrent de jeter un sort, mais toujours une plante s'interposait. Tous reculaient à présent.
Que c'était bon ! Oui, c'était ça, être libre. Il s'apprêta à lancer un sort qu'il ne connaissait même pas…
« A… »
Il s'arrêta net lorsque les visages de Morgane et d'Indy apparurent sur le seuil du couloir.
Alors la porte d'entrée s'ouvrit dans un grand fracas. Tous crurent à l'arrivée de la Directrice, seule à loger en dehors de l'académie. Il n'en était rien.
Dégoulinante de pluie, recouverte de mousse et avec pour tête une espèce d'énorme plante recroquevillée sur elle-même, la statue de Luc Millefeuille venait de pénétrer dans l'académie.
Son apparition provoqua des cris apeurés de part et d'autre de la salle. Indifférente à ces derniers, la silhouette sombre reste immobile quelques secondes avant de se tourner vers Stan.
Les mille voix avaient gagné en force et formaient à présent de longues phrases qui incitaient Stan à se soumettre, à s'offrir à elles. Cependant, l'esprit de ce dernier était totalement obscurci et sa colère ne faisait que se renforcer avec les assauts répétés qu'elle subissait. Il semblait inarrêtable. La statue tenta de venir à son contact, mais c'est sans aucune hésitation et avec un calme glacial que le jeune garçon pointa sa baguette sur lui.
« - Aguamenti. »
De l'extérieur, la pluie s'engouffra à une vitesse folle dans l'Entrée venant s'enrouler et repousser l'assaillant de pierre. Comme ce dernier insistait, couvrant simplement l'étrange plante en hibernation qui lui servait de tête, Stan formula à nouveau.
« - Accio Statues. »
Les autres élèves crurent d'abord qu'il était fou. Mais Stan n'avait pas visé la statue qui lui faisait face, il avait regardé bien au-delà de cette dernière. Dans un premier temps, rien n'arriva et la statue sans tête était presque parvenue à se libérer de la pluie… Mais un bruit se fit entendre, et d'un seul coup, une demi-douzaine de statues du Jardin des Félicités traversèrent la pièce malgré leur veine tentative de s'accrocher au sol. La magie était trop puissante. Elles finirent par lâcher prise et vinrent percuter l'effigie de Luc Millefeuille. Des éclats de mousse et de marbre noir volèrent à travers l'Entrée.
La Statue Fleurie, décontenancée, tituba sous les chocs répétés. Elle se remit cependant vite d'aplomb et fixa à nouveau Stan. Tous pouvaient sentir qu'elle réfléchissait et, alors même qu'on s'attendait à un nouvel assaut, la Statue Fleurie prit la fuite vers l'extérieur. Moins d'une minute après, Mademoiselle Tosenblat, Madame Tristemine, Monsieur Almaduro et la Directrice Maxime arrivèrent à leur tour, affolés, depuis le Jardin des Félicités.
« - Que s'est-il passé ici ?! »
Stan regarda la Directrice qui lui rendit son regard sans ciller.
« - Encore vous… »
Et sans attendre, elle lança un sort qui plongea Stan dans un profond sommeil.
Nous étions mardi, le jour suivant lundi, celui où tous les élèves étaient revenus des vacances de Noël, celui où ils avaient passé la soirée à fêter l'ouverture des Joutes Florales, celui où Stan avait passé la nuit à…
L'infirmerie était toujours aussi terriblement vide qu'à son habitude, à croire que personne ne se blessait ni n'était jamais malade ici. Stan se frotta les yeux avant de regarder Morgane qui, une fois de plus, veillait à son chevet. Elle dormait cependant et il se refusa à la déranger pour le moment. Il voulait d'abord rassembler ses esprits.
Hier, il était allé se coucher comme tout le monde. Puis il y avait eu les voix, sa colère… la statue sans tête de Luc… Les professeurs… et puis plus rien.
Il avait cru que la colère le protégerait, et elle l'avait fait dans un premier temps, après quoi il avait comme… perdu le contrôle.
La Directrice rentra dans l'infirmerie et vint s'asseoir de l'autre côté du lit, face à Morgane qui dormait toujours. Sa tête avait basculé en arrière et sa bouche ouverte laissait échapper de temps à autre un petit râle. Elle se réveillerait sans doute avec un mal de cou carabiné pourtant ni Stan, ni la Directrice, ne la réveillèrent. Au lieu de cela, ils s'observèrent en silence.
« -M. Gravel, on nous a rapporté que vous aviez fait preuve d'un grand courage hier, je voulais vous en féliciter.
- ?! »
Stan n'en croyait pas ses oreilles, il s'était attendu à bien des réactions après son aventure d'hier, mais sûrement pas à des félicitations !
« - Cependant… Il est des phénomènes qui peuvent échapper aux regards les plus juvéniles et même les comportements les plus… égoïstes peuvent passer pour de grands actes de bravoure.
- …
- M. Gravel, il y a en vous une force que vous devez apprendre à maîtriser. Une énergie obscure qui…
- Je ne suis pas un enfant pourpre !
- Je ne parle pas de cela ! – Olympe Maxime avait répondu un peu sèchement. – Pardon… Je ne parle pas de cela. Je connais votre histoire, Monsieur Gravel… Ces… rumeurs sur les enfants pourpres ne sont que des rumeurs. Il n'y a pas d'enfants pourpres à Beauxbâtons. Et quand bien même il y en aurait, vous n'en feriez pas partie, et ce ne serait pas à vous de vous en inquiéter. Ce problème concernerait l'école uniquement.
- Mais… Madame la Directrice, je ne comprends pas alors. De quoi parlez-vous ? Quelle est cette… part sombre en moi ?
- …Je ne saurais dire avec certitude. La nature humaine, Stanyslas Gravel, n'est pas aussi simple qu'un livre qu'on peut feuilleter à loisir. C'est une superposition infinie de souvenirs, d'attitudes, de tendances et d'émotions qui se chevauchent, se dépassent, s'écrasent et luttent en permanence pour se tenir au sommet de la conscience. Je vous suis reconnaissante, sincèrement, pour ce que vous avez fait hier soir dans l'Entrée. Mais vous devez avoir conscience que cela dépassait les compétences d'un adolescent de première année, aussi je vous le redis : prudence. »
Stan réfléchit à tout ce que venait de lui dire la Directrice. Il ne comprenait pas tout, mais il se sentait curieusement rassuré. Sans doute parce qu'au lieu de le gronder ou de se montrer alarmiste, elle l'avait conseillé avec calme et sérénité.
« - Merci Madame la Directrice. Je ne sais pas ce qui m'a pris. En fait… J'ai eu très peur.
- C'est une très bonne chose que vous ayez eu peur, Monsieur Gravel, et je ne pouvais espérer une meilleure réponse de votre part.
- Vraiment ? Mais si ça recommence ? Comment suis-je censé faire avec cette… part sombre en moi ?
- Monsieur Gravel, regardez-moi. – Madame Maxime fit un geste, se désignant des pieds à la tête. - Nous portons tous, d'une façon ou d'une autre, une part sombre en nous, ça fait partie de notre nature… de notre héritage. Il appartient à chacun d'en tirer le meilleur parti.
- Mais si je n'y arrive pas ?! Je ne contrôlais plus rien à la fin, j'avais juste envie de… de faire… de faire du m…
- Vous êtes un Cameleau, Stanyslas. Savez-vous quelle est la qualité première d'un Cameleau ?
- … La générosité ?
- …L'empathie.
- Mais cette colère…
- Vous y arriverez Stanyslas, j'en suis persuadé. »
Olympe Maxime posa l'une de ses mains géantes sur celle du jeune garçon avant de se lever et quitter la pièce, non sans manquer de réveiller discrètement Mademoiselle Rougerive.
Se relevant en sursaut, la bave au bord des lèvres, Morgane offrit un spectacle si amusant à Stan que ce dernier ne put se retenir de rire. Dès qu'elle l'entendit rire, Morgane se jeta dans ses bras avant de vite retourner à sa place. Avant de dire quoi que ce soit, elle sortit une petite trousse à maquillage qu'elle ouvrit pour laisser sortir Salvador.
« - Salvador ! »
Ce dernier grandit rapidement pour venir se glisser et s'enrouler autour des épaules du jeune garçon.
« - Stan !
- Morgane !
- Tu nous as fait une de ces peurs !
- Je suis désolé !
- Ce n'est pas grave !
- D'accord ! »
Les deux adolescents rirent après cet échange énergique. Après avoir retrouvé leur calme, Stan commença à raconter ce qui lui était arrivé.
« - Et c'est là que je me suis retrouvé coincé au milieu de l'Entrée.
- Tu as repoussé des voix dans ta tête avec ta colère ?
- Oui. Quelque chose comme ça. Mais j'ai tellement en colère après, je n'arrivais plus à m'arrêter. C'était comme la dernière fois !
- La dernière fois ?
- Oui… Je… Je ne vous l'avais pas dit, mais la dernière fois aussi j'ai utilisé ma colère pour me protéger…
- … Mais alors c'est pour ça que tu as repoussé Indy cette nuit-là !
- Je crois… Et là… J'ai failli vous attaquer !
- Mais tu ne l'as pas fait !
- Mais j'ai bien failli le faire !
- Mais…
- … ?
- Mais tu ne l'as pas fait, banane ! – Stan restait préoccupé malgré le soutien de son amie. –
- Quand même… Je me demande ce que j'aurais fait si je ne vous avais pas vu, toi et Indy. »
Ils restèrent silencieux, chacun s'imaginant différents scénarios possibles. Finalement Stan décida de changer de sujet.
« - Bon, sinon j'imagine que maintenant tout le monde doit m'appeler l'enfant pourpre ! Après ce que j'ai fait…
- Déjà, je te rappelle qu'il est interdit d'en parler, donc non, les gens n'en parlent pas. Sauf quelques élèves pas très futés, d'ailleurs tu ne t'étonneras pas de ne pas entendre Song et Steeve de la journée, ils ont été mis sous Silencio à cause de ça. - Stan rit de bon cœur. –
- Ça leur ressemble bien ! J'espère qu'ils ne disaient pas de mal de moi, pas eux quand même, nous partageons la même chambre après tout.
- En fait… Les élèves parlent beaucoup de toi. Il y en a qui pensent que tu es un danger public, surtout chez les Aigrefeux…
- Je ne peux pas leur en vouloir, j'ai pointé ma baguette sur des élèves…
- Ta baguette ET des plantes très effrayantes aussi, n'oublie pas.
- Ma baguette ET des plantes très effrayantes aussi, je n'oublie pas…
- Mais attends, les autres élèves, pour la grande majorité pensent que tu es un véritable héros !
- Un héros… ?!
Stan avait du mal à croire ce qu'il venait d'entendre. Comment ses mésaventures de la nuit pouvaient-elles le faire passer pour un héros ? À ses yeux, il avait tout d'un fou…
« - Un héros ?
- Oui. Le bruit s'est répandu que tu avais tenu tête à la Statue Fleurie.
- La Statue Fleurie ?
- La statue sans tête qui a maintenant une grosse plante à la place de la tête ?
- Ha oui ! Bien sûr, la Statue Fleurie…
- Donc le bruit s'est répandu que tu l'avais arrêté.
- Ho…
- En fait, les gens disent tout et n'importe quoi.
- Comment ça ?
- On dit que tu as sauvé des élèves de ses griffes, que tu t'es battu à mains nues, que tu as sauvé l'école, éteint un incendie… Il y a même une rumeur qui dit que tu lui as mordu l'oreille !
- Mais c'est n'importe quoi ! »
Stan ne put s'empêcher de rire. Tout ceci ne rimait vraiment à rien. Cependant, il n'allait pas non plus sans plaindre. Lui qui avait craint d'être traité comme un pestiféré était au moins rassuré sur ce point. Si tout était comme Morgane le disait, il ne devrait pas être trop embêté.
« - Je suppose que c'est mieux que les rumeurs qui traînaient avant…
- Oui, je pense aussi. Il y a une autre rumeur par contre, mais je ne peux pas en parler, alors je te l'écrirai plus tard. »
Sans plus attendre, Morgane rouvrit sa petite boite de maquillage en faisant un signe pour que Salvador retourne s'y cacher.
« -Bon, et maintenant, ce n'est pas le tout, mais il va falloir qu'on aille en cours ! »
C'était le début de l'après-midi et le cours de botanique allait bientôt débuter dans l'une des serres extérieures. Les élèves étaient déjà présents et Stan avait pu constater la véracité des propos de Morgane. Autour de lui, il pouvait sentir les regards et les murmures. Surtout, il avait entendu et reçu des mots et des petites tapes d'encouragements et de félicitations sur tout le chemin qu'il avait parcouru dans l'école.
Tout cela le mettait un peu mal à l'aise, mais c'était toujours mieux que d'être traité comme un danger public.
Assis à côté de lui, Raphaël Martin le salua chaleureusement avant de vite se tourner vers le professeur Tristemine qui approchait.
« - Bonjour, le cours d'aujourd'hui sera consacré aux Alihotsy. Est-ce que quelqu'un peut me parler des Alihotsy ? Oui ? Monsieur Kofe ?
- Elles ressemblent à des orties ?
- C'est un fait, merci, Monsieur Kofe pour votre participation... Qui d'autres ? …Personne ? Monsieur Gravel ?
- Les feuilles de l'Alihotsy possèdent des poils violets qui provoquent l'hystérie chez ceux qui la touchent ?
- Excellent ! Comme toujours avec vous, Monsieur Gravel. Il existe cependant différentes variantes de l'Alihotsy pouvant provoquer dépression, dégout, colère… La séance d'aujourd'hui sera donc consacrée à l'étude et le soin de ces infections. Chaque table a déjà une plante avec elle. Votre travail du jour consistera à dessiner, décrire votre Alihotsy lorsque ce sera fait vous consulterez vos grimoires afin de trouver à quelle famille appartient votre Alihotsy. Ce n'est qu'une fois ceci fait que je vous fournirai l'antidote qui vous permettra d'essayer les effets de votre plante en toute sécurité. C'est clair pour tout le monde ? Bien, au travail ! »
La séance fut l'occasion de nombreux rire. Pendant moins d'une minute, toute la classe put voir Dresstones pleurer sur son amour à sens unique pour Jordana Abida. Il y eut Djibril Kofe qui rit comme une hyène, et ce, même après avoir reçu l'antidote si bien que Madame Tristemine finit par le Stupéfixier ! Enfin la timide Sarah Denacre entra dans une colère si noire que Song Daodang crut ne jamais pouvoir lui faire prendre son antidote.
Stan s'était mis d'accord avec son camarade pour ne pas se frotter aux effets de l'Alihotsy qui trônait sur leur table de travail. Raphaël Martin s'apprêtait donc à toucher la plante lorsque Madame Tristemine s'approcha avec un air sévère.
« - Monsieur Gravel, je veux que vous vous occupiez de tester la plante vous-même.
- Mais…
- Vous devez écouter ce que l'on vous dit et obéir, il n'y a pas de traitement de faveur ici.
- Mais professeur... Je ne me sens pas très bien encore… Vous savez avec…
- Je ne veux pas le savoir. Si vous êtes ici c'est que vous êtes prêt à travailler alors travaillez !
- Mais…
- Je vous préviens Monsieur Gravel que si vous refusez de vous exécuter je mets zéro à votre table et vous devrez venir en retenu chaque soir pour une semaine entière !
- … »
Stan n'avait rien à répondre à ça. Il ne voulait pas pénaliser son ami. Il repensa aux mots de la Directrice. Ce n'était pas grave d'avoir peur. C'était même normal. De toute façon, il n'y avait pas de raison de s'inquiéter… Alors pourquoi avait-il un si mauvais pressentiment en regardant l'air impatient de son professeur ? Pourquoi Madame Tristemine tenait-elle tant à ce qu'il se frotte à l'Alihotsy ? Qu'espérait-elle ? Y avait-il quelque chose qui lui échappait ?
Sans enthousiasme, Stan écrasa et frotta l'une des feuilles d'Alihotsy de sa table. Selon leur recherche, des poils bleus inspiraient la tristesse. Quelques secondes s'écoulèrent avant que le poison ne fasse effet. Madame Tristemine ne le lâchait toujours pas des yeux.
Stan sentit d'abord que son esprit s'engourdissait. Or, tandis que sa conscience s'évanouissait, une grande vague de tristesse émergea du plus profond de son cœur. Il se mit à pleurer et sangloter à chaudes larmes en regardant Madame Tristemine. Raphaël voulut lui tendre l'antidote, mais le professeur l'en empêcha. Elle semblait attendre quelque chose. Stan la regarda dans les yeux et dit
« - Je sais ce que vous faites… Je vous ai vu dans le Jardin des Félicités… Comment pouvez-vous… Avec les enfants pourpres ! Vous trahissez tout… »
Il n'eut pas le temps d'aller plus loin. Agrippine Tristemine lui avait saisi le visage pour y enfourner en toute hâte l'antidote. Stan avala de travers, toussa, revint enfin à lui. Il y avait un malaise palpable autour de lui qui ne dura qu'un instant. Raphaël se plongea le plus vite possible dans l'écriture de son compte-rendu et Madame Tristemine tourna les talons en vitesse sans un mot pour Stan.
Ce dernier comprit qu'il avait été piégé. Son professeur savait maintenant qu'il était au courant. Il n'y avait plus de place pour le doute à présent. Madame Tristemine cachait quelque chose, et peu importe ce que c'était, cela avait un rapport avec les enfants pourpres, et cela ne devait pas être joli du tout…
Les cours terminés, les élèves prenaient leur diner dans la salle commune sous les regards bienveillants de leurs professeurs réunis.
Stan, Indy et Morgane discutaient des cours de la journée et des évènements de la nuit en croquant à pleines dents dans de succulentes frites accompagnées de sauces diverses.
Un beau garçon arriva dans le dos de Stan. Il avait des cheveux châtain, coupés courts avec quelques mèches rebelles, des yeux bleus magnifiques et une mâchoire parfaitement dessinée. Surtout, il souriait avec bienveillance, et dégageait une aura similaire à celle de Morgane, mais plus forte encore. En résumé, il avait l'air extrêmement sympathique.
« - Bonjour, Stanyslas Gravel, c'est bien ça ? – Stan lui serra la main, quelque peu perplexe. –
- Oui… C'est bien ça. Et tu es ?
- Désolé, je suis vraiment trop distrait, moi c'est Paul Elouard.
- Ho… - Stan comprit mieux les regards envieux des filles alentour. –
- Tu dois te demander pourquoi je viens te voir hein ? Ne t'inquiète pas, je voulais juste te remercier pour hier. Je ne sais pas si tu connais ma sœur, Orbiane ? »
Stan jeta un coup d'œil désespéré à Morgane qui se trouvait dans le dos de Paul Elouard, cette dernière épela les mots « deuxième année » en tendant deux doigts.
« - Heu… »
Paul pointa une jolie jeune fille, plus grande que Stan d'au moins une tête, qui lui fit un timide salut de la main.
« - Ma sœur. Elle était là hier lorsque la Statue Fleurie est entrée dans l'académie.Elle m'a tout raconté. Si tu n'avais pas été là… Bref, merci Stanyslas !
- … Tu peux m'appeler Stan ?
- Super Stan, merci encore et j'espère qu'on aura l'occasion de se revoir avant que je ne finisse mon année ! »
Paul fit un clin d'œil absolument charmant à Stan avant de retourner à sa place, au milieu des septièmes années. Les murmures avaient redoublé depuis le départ du favori des Cameleaux.
Stan ne comprenait pas ce qui venait de se passer et affichait une mine ahurie qui contrastait sensiblement avec l'allure de jeune premier du jeune homme qui venait de le remercier. Il finit par interroger ses amis.
« - Que vient-il de se passer… ?
- Je crois que le garçon le plus populaire de notre Famille vient de te remercier. – Indy feignait l'indifférence. –
- Olala, mais c'est que notre petit Stan va devenir… populaire ! Et vous avez vu ce petit signe que lui a fait Orbiane ? – Morgane ne cherchait absolument pas à cacher ses commérages. –
- C'est toujours les mêmes qui ont de la chance ! »
Henri, installé un peu plus loin, exprimait tout haut ce que Steeve et Song pensaient tout bas, mais ne pouvaient dire, toujours soumis au sort de Silencio qu'ils étaient.
« - Ce qui est sûr c'est qu'avec ça, ta popularité va sacrément s'améliorer !
- Indy a raison ! Ce que vient de faire Paul, c'est super sympa !
- Hey, je vous rappelle que c'est quand même moi qui ai sauvé sa sœur.
- Hm hmmm… - Morgane et Indy affichaient un scepticisme qui montrait clairement qu'ils n'en croyaient pas un mot. -
- Ça va, ça va, pas besoin de me lancer ce regard… De toute façon, moi, tout ce que je veux, c'est qu'on me laisse tranquille »
Les trois amis sourirent avant que Stan ne reprenne.
« - Au fait, c'est quoi le truc que tu voulais m'écrire ce matin ?
- Ha oui, j'avais failli oublier ! – Morgane farfouilla dans ses poches. – Tiens, lis. »
Stan prit le petit papier et commença sa lecture : « Rumeur sur les enfants pourpres s'est encore répandue. Circule par écrit maintenant. Nouvelles rumeurs, des enfants pourpres étaient dehors hier. Ils veulent attaquer Beauxbâtons. Les gens ont peur. »
« - Mais ! C'est ! …En fait non… »
Ils ne pouvaient pas parler ici, toute l'académie était surveillée, et la moindre parole sur les enfants pourpres déclenchait un sort de Silencio sur le malheureux bavard. Stan réfléchit… Ils n'avaient pas le choix. Il griffonna quelques mots à l'envers du petit papier qu'il redonna à Morgane. Cette dernière le lut avant de le transmettre à Indy.
« Dans une semaine, cabane de Toufeu, la nuit, vais le convaincre. »
Il y eut encore d'autres coups de crayons et échanges de petits papiers. Indy trouvait l'idée folle. Morgane aimait, au contraire, la perspective d'une sortie nocturne et interdite. Stan, lui, voyait petit à petit se dessiner un plan d'action dans son esprit. Une semaine, c'était exactement ce dont il avait besoin pour mettre un peu d'ordre dans sa tête et vérifier quelques informations. Et cette fois, il réussirait bien à trouver un moment pour discuter avec Mademoiselle Tosenblat. Il avait besoin de ses conseils, car, s'il ne se trompait pas, il était presque certain que Madame Tristemine était la personne responsable de tous les troubles qui avaient eu lieu depuis le début de l'année.
S'il y réfléchissait bien, c'était plutôt logique. Elle avait été l'ancienne fiancée de Luc Millefeuille, il l'avait vu parler à la statue, et l'étudier. Il l'avait également entendu parler des enfants pourpres avec Toufeu et Touflamme. Enfin, elle avait toujours été dans les jardins au moment où des élèves s'y étaient rendus de nuit… Ho, et puis, il y avait aussi cette drôle de chose qu'elle avait faite durant le cours de botanique d'aujourd'hui… Que pouvait-elle bien chercher alors… Peut-être qu'elle cherchait une preuve que Stan était bien un enfant pourpre. Mais il n'en était pas un, son père le lui avait affirmé et le simple fait que ses cheveux soient noirs prouvait tout. Mais alors… Soupçonnait-elle Stan de savoir quelque chose sur ces manigances ?
Il avait vraiment besoin de conseils, mais ça devrait attendre le cours de potion…
Le lendemain, c'était cours de Défense contre les forces du mal. Surtout, c'était le jour où ils allaient enfin apprendre le sort que tout sorcier digne de ce nom devait connaitre : Expelliarmus.
L'excitation était palpable dans les rangs des élèves. Tous mourraient d'envie de s'entrainer au sort le plus populaire de ce siècle.
Expelliarmus permettait de désarmer son adversaire, or il était très difficile pour un sorcier, à de rares exceptions près, de jeter des sorts sans baguette. Sa facilité d'usage, le faible niveau nécessaire pour jeter ce sort et son efficacité redoutable en faisait donc un intemporel du combat magique.
Déjà très fortement utilisé à toutes les époques, ce sort était devenu légendaire depuis la célèbre bataille de Poudlard.
« - Bien, j'imagine que tout le monde est impatient de commencer la leçon du jour CEPENDANT… »
Monsieur Almaduro fit un geste de sa main armée et une série de petits papiers se mirent à virevolter, se plier en petits magiciens duellistes et réagir aux ordres muets du professeur
« - Je sais aussi que certains s'inquiètent, à tort, de perdre leur baguette. »
Aussitôt un petit sorcier de papier lança un expelliarmus imaginaire désarmant son alter ego qui partit à travers la pièce en pleurant des confettis.
« - Il n'existe qu'une règle indiscutable : la baguette choisit son sorcier. - Arturio Almaduro laissa un blanc. – Voilà ! J'aimerais sincèrement m'arrêter ici et débuter immédiatement les duels CEPENDANT ! Je ne me fais cependant aucune illusion. Cela fait maintenant plus de vingt ans que nous avons à faire aux mêmes interrogations et aux mêmes jérémiades d'élèves qui nous arrivent la tête farcie des récits épique du grand Harry Potter et de comment il devint le maitre de la baguette de sureau… »
Des murmures s'élevèrent chacun voulant y aller de son petit commentaire sur ce qu'il savait, ce qu'il pensait ou ce qu'il ne pensait pas de la légende anglaise. Le professeur Almaduro mit fin aux bavardages à l'aide de son armée de papier. Une fois quelques bouches assaillies, le silence revint.
« - La-ba-guet-te-choi-sit-son-sor-ci-er. – Devant les mines dubitatives de certains élèves, il poursuivit. – Vous devez voir une baguette comme une extension de votre corps, elle vous est liée, fidèle, elle vous aime et vous a choisi. Vous apprenez d'elle et elle apprend de vous… VOILÀ POURQUOI ! Elle ne vous abandonnera pas au cours d'un duel d'entrainement ! Il faut bien distinguer, mes enfants, les petits jeux auxquels on peut s'adonner pour améliorer ses compétences et la dure réalité d'un véritable duel de sorciers ! EST-CE QUE C'EST CLAIR ? »
Monsieur Almaduro avait la fâcheuse habitude de ponctuer ses phrases de grands cris. Il devait penser que ceux-ci rythmaient énergiquement ses propos, mais, en vérité, ils fatiguaient surtout vite les oreilles. Un élève osa malgré tout relancer le professeur.
« - Mais… Monsieur Almaduro… Pourquoi sa baguette n'est-elle pas restée fidèle à Drago Malefoy après sa défaite contre Harry Potter ? »
Et de nouveau, des murmures se propagèrent dans la salle de classe. Tout le monde connaissait l'histoire de la baguette de Sureau. Tout le monde savait comment Harry Potter, en désarmant Drago Malefoy, s'en était rendu maitre.
« - Mademoiselle Courtevue…
- Professeur ?
- Possédez-vous deux baguettes ?
- Non, professeur…
- ALORS POURQUOI ! Me posez-vous cette question ?
- Je… j'étais curieuse professeur. Désolé. »
Arturio Almaduro soupira en se pinçant l'arrête du nez. Ce n'était pas le plus patient des hommes, il supportait mal la contradiction alors même qu'il appréciait l'enseignement. Le mélange était détonnant et donnait souvent lieu à des leçons hautes en couleur. Pourtant les élèves l'aimaient bien. On parlait de lui comme du vieil oncle grincheux de l'académie qui, sous une apparence rustre, cachait un grand cœur.
« - Écoutez Mademoiselle Courtevue, votre baguette veut vivre, elle est muée par un sentiment, un instinct de survie puissant. – Il se tourna vers Djibril Kofe – Si vous deviez choisir entre la vie ou le bûcher, que choisiriez-vous Kofe ?
- …La vie ?
- EXACTEMENT ! Vous voyez, chers élèves, les baguettes sont toutes des Djibril Kofe. En cas d'abandon total, de danger extrême, elles peuvent éventuellement être amenées à changer d'allégeance… MAIS COMPRENEZ BIEN ! Ce n'est pas d'être désarmé qui vous fera perdre votre baguette, c'est de ne pas assurer sa sécurité, c'est de perdre sa confiance. Celui qui vous désarme n'est pas PLUS MAITRE QUE VOUS de votre baguette. Il vous a peut-être pris une partie de vous-même, mais le lien est encore là et existera toujours tant que vous garderez la volonté de reprendre ce que vous considérez comme vous appartenant ! Bon, bien sûr, il y a des baguettes plus fidèles que d'autres… Les crins de Licorne par exemple… - Arturio Almaduro se rendit compte qu'il s'égarait dans ses pensées. -
- ALLEZ, ASSEZ DE BLABLAS ! Vous ne risquez rien à faire des duels magiques, alors AU TRAVAIL ! »
Après avoir expliqué de quelle façon le sort devait être lancé, le professeur désigna les espaces dédiés aux duels ainsi que deux élèves pour faire la première démonstration. Le hasard est parfois curieux, aujourd'hui il était particulièrement joueur. Stan s'installa à un bout du couloir tracé à la craie au sol et salua son adversaire du jour.
« - Bonjour Lothar. »
« - Salut Stanyslas. Ça faisait longtemps… »
Et cela faisait effectivement longtemps. Stanyslas n'était vraiment pas enchanté de retomber sur l'Aigrefeu roux qui l'avait fait tant souffrir. S'il s'était fait discret ces derniers temps, Stan savait bien que le grand adolescent ne manquait pas une occasion de répandre des rumeurs sur son compte. C'était peut-être l'occasion de lui faire payer pour ce qu'il lui avait fait. Et même s'il n'avait rien pour prouver que le garçon l'avait empoisonné, un pressentiment l'obligeait à se méfier de lui. Il était trop méchant pour ne pas être impliqué dans les problèmes qu'il rencontrait. Ils se mirent face à face, se saluèrent puis, sur ordre du professeur, le duel commença. Il fut extrêmement court. Les deux garçons lancèrent ensemble leur sort : « Expelliarmus ! », mais un seul partit. Celui de Lothar. La baguette de Stan ne produisit rien du tout et se retrouva bientôt à virevolter dans les airs tandis que le professeur s'étonnait.
« - Êtes-vous certain qu'il s'agit de votre baguette, Monsieur Gravel ? »
Lothar s'en saisit avant que ce dernier ne réponde et, voulant humilier son adversaire, tenta de jeter un sort avec.
« - Ha, ha ! Toujours aussi pitoyable, mon pauvre petit Stan. Je vais te montrer comment on utilise une baguette !
- Monsieur Dresstones, non ! »
Arturio dégaina sa baguette, tout comme Indy et Morgane furieux qui, rangés au milieu des autres élèves, étaient trop loin pour intervenir.
- Expelliarmus ! »
Une détonation eut lieu qui, à la surprise générale, projeta Lothar en arrière. Aussitôt Morgane se précipita en avant pour récupérer la baguette de Stan et la lui ramener. Le professeur était furieux ! Il cria sur l'adolescent inconscient.
« - MONSIEUR DRESSTONES, PRÉPAREZ-VOUS A AVOIR DE GROS PROBLÈMES ! – Puis, se tournant vers Stan avec une sérénité désarmante. – Vous avez une baguette bien étrange, jeune homme… Je ne saurais dire ce qu'elle a, mon garçon… Mais une telle fidélité… Ce n'est plus de l'amour, c'est de la rage ! »
