Coucou, un nouveau chapitre qui aurait pu être posté plus tôt mais j'ai privilégié l'écriture de mon autre Dramione... oups. Celle-ci s'organise totalement différemment écrite et dans ma tête mais tant mieux si ça vous plaît ;) je vous laisse découvrir la suite !

drou : et oui, un peu d'obstacles leur feront le plus grand bien ;) merci !


Cartes sur table

Elle avait cru qu'il allait abandonner. Elle aurait parié ses A.S.P.I.C, son poste au Ministère et sa collection de livres de Lockhart que Drago Malefoy allait abandonner en râlant son déménagement.

Au vu des résultats, elle se serait surtout mordue les doigts de son pari.

Car tous les soirs, invariablement, il était revenu. Une sorte de rituel s'était installé, où il avait ramené à manger d'un air désinvolte. Mais elle savait à présent lire dans ce geste ce qu'il voulait dire, et ça la faisait sourire.

Drago Malefoy n'était plus Drago Malefoy. Ou en tout cas, il était plus que la parcelle de lui qu'elle avait connu. C'était toujours un homme hautain, qui réussissait à vous faire aller là où il voulait, particulièrement têtu et qui rangeait difficilement ses préjugés. Mais il se battait contre aussi, il s'évertuait à lui montrer qu'il y avait mieux en lui que ce qu'elle voulait voir.

Pendant un peu plus d'un mois, elle l'avait laissé la voir pleurer, rire, s'énerver, goûter avec appréhension à ses biscuits au citron, les apprécier, l'aider avec ses souvenirs. Aujourd'hui, l'image de Sean n'était plus qu'un fantôme de plus en plus pâle, de plus en plus lointain.

Drago prenait toute la place. Il lui prenait la tête parce qu'il restait lui-même, elle s'efforçait de faire coïncider leurs emplois du temps, elle débattait avec lui et plongeait dans ses dossiers.

Elle n'aimait pas le voir partir dans son costume tout de noir quand le soir tombait. Il ne se retournait jamais et partait, mains dans les poches, transplanant sans s'arrêter, juste avant d'atteindre le portail de sa maison. Et le vide s'installait.

Un vide criant, retentissant, qu'elle ressentait de toute part. Sa maison devenait trop vaste, pleine d'ombres. Hermione appréciait sa propre compagnie mais sans qu'elle sache expliquer pourquoi, le départ de Drago lui faisait perdre pied. Le monde perdait de ses limites, de ses couleurs.

Elle accorda un long moment cette impression à sa nouvelle solitude, après avoir habité pendant près d'un an avec Sean. Mais elle dut se rendre à l'évidence ; elle avait peur qu'il lui échappe. Elle découvrait un Drago Malefoy plus adulte, plus posé, plus ferme, plus attendrissant, et quand elle fixait son regard sur son dos tout de noir habillé et l'observait disparaître, elle se rendait compte qu'il n'avait besoin de personne.

Il lui donnait l'impression de ne passer qu'en coup de vent, de se servir d'elle pour ses dossiers, de ne pas apprécier sa présence comme elle appréciait la sienne. De ne pas la détester de la même manière. Elle savait que c'était faux, elle l'espérait, s'en doutait, mais quand il transplanait, il lui échappait.

Elle faisait face à ce sentiment depuis une semaine ; elle avait peur de le perdre lorsque le dernier carton se fermerait et que cette nouvelle personne qu'elle connaissait s'évapore avec. Parce qu'il n'était pas comme ça dans les couloirs du Ministère, pas tout à fait.

Elle admettait que le vide qu'il allait laisser lui faisait peur. Elle admettait qu'un monde sans Drago Malefoy était retentissant de vide.


- Pour Drago Malefoy ? demanda Robin en relevant la tête, surpris, la bouche tordue dans une étrange grimace.

Robin, c'était le secrétaire de l'étage. Discret mais éternel retardataire qu'Hermione appréciait. Elle lui laissait souvent, sur une petite table à l'entrée de son bureau, les dossiers à rapporter à ses collègues qu'il devait tamponner d'abord.

Elle hocha la tête avec un petit sourire en guise de réponse à sa question.

- J'ai l'impression que vous échangez beaucoup de dossiers quand même, souligna-t-il d'un air inquiet.

- Pour une fois que Malefoy et moi arrivons à un compromis équitable.

- Mmh, répondit Robin en levant un sourcil.

Hermione savait que le secrétaire appréciait peu son collègue. Drago était un chef exigeant, qui regardait très peu ses subordonnés et détestait qu'ils soient en en retard. Robin était un employé pas très zélé, n'ayant jamais rien fait de remarquable et systématiquement en retard. La logique malefoyienne voulait donc qu'il soit automatiquement méprisé.

D'un signe de la main, Robin s'éclipsa et Hermione se replongea complètement dans son dossier. Un des siens cette fois, un projet de loi contre la restriction des eaux des êtres y habitant. Très ambitieux et bancal, mais qu'elle s'efforçait coûte que coûte de finir.

Elle tint deux heures à s'abîmer les yeux sur des papiers déjà dix fois relus, dans un soucis de perfection, avant d'abdiquer et de s'avouer qu'elle avait besoin d'une pause, même infime, si elle voulait de nouveau y comprendre quelque chose. Elle commença par se redresser et fit voler ses cheveux comme pour chasser la fatigue. Puis, elle résolut de se lever et de descendre à la machine à café. Machine qui n'avait rien à voir avec les inventions moldues et qu'inconsciemment, elle préférait à celles de son enfance.

Hermione salua une seconde fois Robin, qui ne la vit pas passer devant son bureau, avant de sauter dans l'ascenseur. A ces heures creuses, le Ministère était plutôt silencieux et elle était toujours seule lorsqu'elle mit deux mornilles dans le distributeur qui commença à secouer. Elle saisissait son café quand une voix bien connue vint l'interrompre :

- Hermione ! Je peux avoir ton café ?

Elle se retourna avec une expression étrange et un demi sourire. Ron, le pull de travers, les cheveux partant dans tous les sens et le nez froncé, arrivait à grands pas. Elle le croisait peu et était toujours contente de tomber sur lui, leur complicité implicite flottant toujours.

- Bonjour, Ron. Malheureusement, j'en ai besoin, sinon je vais mourir sous ma pile de dossiers.

- Moi, je risque de mourir sous les ordres de Harry.

- C'est si grave que ça ?

Ron prit un air dramatique.

- Oui.

Levant les yeux au ciel, Hermione lui céda son café dans un soupir. Devant ses yeux, Ron l'avala d'une traite avant de lui rendre le gobelet vide avec une grimace. Elle ne pouvait s'empêcher de se dire qu'il garderait toujours ces mêmes expressions de leur enfance.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je déteste le café, avoua Ron dans une grimace. Mais Harry a décidé d'une opération importante et dangereuse et je n'ai rien dormi ce week-end. Percy a déménagé pour la sixième fois, j'en peux plus, son appartement n'est jamais assez proche du Ministère. C'est la dernière fois que je l'aide.

- Essaye de ne pas te tuer à la tâche quand même.

Il haussa les épaules d'un air désinvolte et assura qu'il essayerait avant de lui dire au revoir avec un grand sourire. Elle le regarda s'éloigner tout aussi vite qu'il était arrivé et attraper son balai qu'elle n'avait pas vu, posé contre un mur, pour s'élever à quelques centimètres et filer. Hermione retint un cri outragé, et pour cause, il était interdit de voler dans l'enceinte du Ministère.

Une fois qu'il eut disparut, elle repris un café car sa pause touchait à sa fin, avant de retourner à son étage. Tout est simple avec Ron, pensa-t-elle en arrivant dans l'ascenseur. Et ce fut précisément à ce moment-là qu'elle remarqua Sean à côté d'elle. Son coeur prit un coup violent. Elle ne l'avait pas revu depuis bientôt un mois, se doutant qu'il faisait ce qu'il pouvait pour l'éviter. Et forcément la seule fois où ils devaient se croiser, c'était pour être seuls dans un ascenseur.

- Bonjour, articula-t-elle en sentant le rouge lui monter aux joues alors qu'elle essayait de se tenir ni trop loin, ni trop près.

Sean parut un instant étonné, comme s'il ne l'avait pas vue entrer, et répondit de son air calme qu'elle l'avait rarement vu quitter :

- Bonjour, Hermione. Comment vas-tu ?

- Bien, et toi ?

Quelle question stupide. C'était elle la première qui avait mis la question de la séparation sur la table, il avait accepté à conter-coeur, peut-être qu'il aurait aimé qu'elle se batte un peu plus pour lui. Mais peut-être lui aussi avait su inconsciemment que c'était une cause perdue.

- Tout va bien, répondit-il en haussant les épaules, le regard un peu fuyant.

Elle hocha lentement la tête, se mordant les lèvres. Jamais l'ascenseur ne lui avait parut mettre autant de temps. Elle ne ressentait plus rien pour Sean sinon une vague affection. Elle n'était plus amoureuse, elle l'avait été, pas de l'amour inconditionnel qu'elle avait voué à Ron, le premier. Plutôt d'un amour doux, comme un fleuve. Elle n'était pas comme Ginny qui aimait passionnément, violemment et sans limite. Elle ne connaissait pas cet amour, celui qui terrifie et ravit à la fois.

- Tu as fini de déménager ? lança soudain Sean.

- Presque, je pars dans deux, trois jours au maximum. Ton nouvel appartement te plaît ?

- Il est très bien. Tu devrais venir prendre le thé une de ces quatre, la vue sur Londres est très bien.

Elle ne savait pas s'il disait cela par politesse ou s'il le pensait. Toujours est-il qu'elle savait que si elle acceptait, il ne ferait aucune objection. Ils se turent pendant les quelques minutes qui suivirent. Une sorcière entra, les salua, resta avec eux et descendit juste après. Encore un arrêt et ils descendirent tous deux. Hermione s'apprêtait à retourner à son dossier, café en main, quand la voix de Sean la rattrapa :

- Hermione, je voulais te dire, je ne t'en veux pas. Enfin, pas que j'ai des raisons de le faire, mais ce que je veux dire, c'est que je n'ai pas envie qu'on s'évite et qu'on ne s'adresse plus la parole. Tout s'est peut-être fini comme ça, mais tu restes une des personnes les plus brillantes que j'ai jamais rencontrée.

Elle fut émue et lui sourit en retour. Elle savait combien il était difficile pour lui de parler si ouvertement de ses sentiments. L'atmosphère pesante de l'ascenseur semblait s'être dissipé et c'est très bienveillante qu'elle répondit :

- Je suis désolée que les choses se soient finies comme ça, mais nous savions que ça devait se finir d'une manière ou d'une autre, non ? Moi non plus, je ne veux pas qu'on s'ignore... et puis si tu veux, je peux passer prendre le thé, tu sais, dans ton nouvel appartement.

Sean eut l'air soulagé et offrit une de ces sourires d'enfant qu'il avait et elle le trouva inoffensif dans son vieux pull brun, avec ses yeux innocents.

- Pas de soucis, répondit-il. Alors, à bientôt.

Il accompagna sa phrase d'un petit signe de la main et retourna dans son bureau. Restée sur le palier, Hermione eut l'impression qu'on lui enlevait une épine du pied. Elle n'aimait pas les conflits et respectait assez Sean pour ne pas avoir envie de l'éviter jusque'à la fin de ses jours.

Peut-être que tu dis vrai Malefoy, peut-être que je suis une Jolie-coeur, après tout, pensa-t-elle en se rasseyant à son bureau. Mais au rythme où vont les choses, même si je sors avec tous le département, je ne me ferais pas trop d'ennemis.

Sa propre remarque l'amusa et elle était vraiment reconnaissance d'été en bon terme avec Ron et Sean, même si pour ce deuxième, le temps ferait les choses. C'est à ce moment précis, Drago dans sa tête et ses amours passés qu'elle se rendit brutalement compte de quelque chose qui devant la machine à café et dans l'ascenseur ne l'avait pas frappé mais qui lui semblait à présent évident.

Drago Malefoy était présent à la manière d'aucune autre personne. Les autres quand ils étaient là, elle sentait leur présence autour d'elle, elle entendait leurs rires, leurs pleurs et leurs mots. Drago, elle le sentait plus qu'autre chose. Comme une sorte d'oppression, une pression contre sa peau. Et surtout à l'intérieur d'elle-même.

Elle ne le sentait pas à ses côtés mais à l'intérieur. Il comblait le vide, lui apportait une partie d'elle qu'elle avait oubliée. Le monde devenait plus complet, les limites plus nets et les formes moins floues. Il la forçait à se sentir vivante, il la forçait à donner le meilleur d'elle-même.

Il la forçait à être complètement elle-même, sans compromis, et pour ça, il n'y avait que lui.


- Promets-moi que tu n'habitera plus jamais avec quelqu'un.

- Pourquoi ?

- Je ne refais pas dix déménagements pareils, lâcha Drago d'un ton évident, épongeant son front parfaitement sec, l'air de trimer depuis des heures entières.

Hermione se faisait parfois la réflexion qu'au vu de son éducation aristocrate, c'était peut-être la première fois qu'il faisait autant de choses de ses propres mains.

- Je peux peut-être te promettre une maison plus à l'abri des moldus pour faciliter le prochain, mais pas d'habiter seule.

- Ah oui, j'avais oublié Pattenrond.

Hermione lui fit une grimace amère accompagnée d'un grand sourire, très peu crédible. Et Drago haussa un sourcil avant de reposer et des cartons à terre et de s'asseoir sur le sol, en face d'elle.

Tout était presque vide, presque fini.

- Et toi ? demanda soudain Hermione, ne pouvant empêcher le flot de mots qui sortit de sa bouche, évitant de le regarder dans les yeux. Tu vis avec quelqu'un ?

Elle le vit du coin de l'œil hausser les épaules mais ne posa pas un regard sur son visage. Elle se sentait un peu idiote de poser cette question, pourtant tout à fait anodine. Peut-être que cela tenait plus du fait que la réponse l'inquiétait presque.

- Non. Ma mère voulait que j'habite avec elle, mais j'ai refusé.

- Oh. Et ton père ?

Cette fois-ci, elle releva sa tête vers lui, agitant ses boucles brunes. Il eut un sourire ironique, presque carnassier, cruel dans tous les cas.

- Mon père est mort, Granger.

Elle se mordit immédiatement les joues de remords. Bien-sûr, elle n'en savait rien, mais elle venait tout de même de mettre les pieds en plein dans le plat.

- Avant que tu dises quoi que ce soit, l'interrompit Drago qui reprenait un air lointain, lui empêchant darticuler quelque chose, ne t'excuses pas.

Imitant à merveille le poisson rouge, elle referma la bouche et mordit sa lèvre inférieure et en essayant de déchiffrer son visage. Mais tout trace d'amusement violent s'était effacée pour laisser place à une neutralité à toute épreuve. Il ne la regardait même pas, s'appliquant exagérement sur les timbres.

Mais elle le connaissait un peu mieux maintenant. Il se braquait quand il ne voulait pas parler, dissimulant ses faiblesses par des remarques acerbes ou un visage sans émotion. Alors à son tour, elle attrapa une lettre et s'y mit consciencieusement.

Drago avait besoin de présence, il ne parlerait pas de son père parce que ça l'avait touché. Mais il l'avait évoqué pour qu'elle comprenne. Au final, elle avait sa confiance. Alors elle se tut et l'imita, et ils terminèrent de coller tous les timbres en silence, rassurés par la présence de l'autre.