Celui qui sait doit se taire

Présent

Grillby ne tient pas en place. Il jette de fréquents coups d'œil à l'horloge les minutes semblent s'écouler au ralenti. Il aimerait bien monter à l'étage, traverser le couloir et aller jusqu'à sa chambre pour vérifier que Sans n'ait besoin de rien, mais c'est l'heure de pointe, il ne peut pas se permettre de partir. Alors il tourne en rond, confirme une énième fois que tous les verres sont propres, que le réfrigérateur est réglé à la bonne température il sert une personne, deux, trois, fait répéter les commandes, je n'ai pas entendu, qu'est-ce que tu veux ? On lui fait remarquer qu'il a l'air dans la lune aujourd'hui. Oui, c'est vrai, il l'est un peu, mais rien de grave.

Puis la porte s'ouvre et une ombre s'aventure dans le bar. Le monstre de feu n'avait jamais remarqué à quel point Papyrus pouvait ressembler à son frère. Il avance de la même manière que lui, prêt à s'écrouler ses pas sont lourds, cependant, ses basculements donnent l'impression qu'il va s'évaporer à tout instant.

Avec lui, le barman fait attention et ne brise pas le rituel. Pourtant, ce rituel n'a plus lieu d'être. Sans est juste au-dessus, si proche de lui. Il lui suffirait de monter quelques marches pour être délivré du poids qui l'accable. Son attente serait finie il découvrirait son frère dans un lit, une orbite fermée, l'autre emportée avec une partie de son visage. Il découvrirait ses blessures, son bras cassé, ses os mortifiés. Il découvrirait ce corps qui ne bouge pas, qui ne semble pas vivre. Il découvrirait un cadavre. Grillby baisse son visage. Il comprend enfin pourquoi son ami refuse qu'il prévienne quelqu'un.

Il n'arrive pas à regarder Papyrus en face aujourd'hui, mais le squelette ne s'en rend pas compte, perdu dans la contemplation de son verre qu'il ne boira pas. Tous les deux, ils tremblent pour la même personne. Tous les deux, ils ont l'impression que le rire des monstres du bar grossit, prend de l'ampleur et les entraîne dans son courant. Ils se noient.


La seule demande de Sans a été de ne rien dire. Jusque-là, Grillby respectait sa volonté par amitié. À présent qu'il a compris pourquoi son ami veut ça, c'est lourd à porter.