Voila la seconde partie du chapitre que j'ai du scindé hier par manque de temps. Toujours très heureuse de recevoir vos reviews ainsi que vos théories :)

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Les jours qui suivirent se déroulèrent comme dans un rêve.

Ahn Lu passait tous les jours, s'asseoir des heures durant avec elle. Si elle parlait plus que Shizuru, le presque monologue devint petit à petit un dialogue composé de voix excitées où Shizuru se retrouva de plus en plus à copier certaines mimique ou façon de parler d'Ahn Lu. Elle se retrouvait à s'inspirer de la jeune femme dont la liberté de parole et d'action la fascinait.

Ahn Lu avait tout un tas d'activités et de hobbies comme elle les appelait. Elle aimait coiffer, mais aussi cuisiner, lire, cultiver le potager, entretenir un jardin de fleurs colorées mais elle aimait aussi peindre, jouer aux échecs. C'était une liste qui n'en finissait pas.

Shizuru quant elle lui expliqua qu'elle avait l'habitude de cuisiner, pas qu'elle aima particulièrement ça. Elle savait faire le ménage et la lessive. Tout cela avait fait froncer les sourcils de Ahn Lu.

"Kami-sama, tu étais dans l'un de ces groupes.

-Je ne suis pas sûr de comprendre, lui répondit-elle une peur froide lui glissant dans le dos à l'idée que Ahn Lu ait compris qu'elle était d'un groupe de pillards."

Ahn Lu avait bien suffisamment déblatéré sur les monstres que les pillards étaient. Un groupe les aiguillonnait en effet depuis des années et la rendait furieuse.

"Tu sais, ces groupes patriarcats qui pensent que les femmes valent moins que les hommes. C'est tellement stupide! Excuse-moi de le dire mais ce ne sont que des abrutis. Ne fais-tu rien pour toi?"

Shizuru acquiesça et lui parla de ses lectures. De la multitudes de livres et de sujets qu'elle avait lu. De ses connaissances sur le vin qu'elle n'avait jamais eu l'occasion de boire -mais le livre avait été remarquable dans le sens où elle n'avait eu que lui pendant des semaines pour se changer les idées-, de son savoir faire en chasse et pêche bien sûr mais aussi de tous ses univers incroyables: espaces, monde fantastique, et elle en passait.

Elle parla et parla sans qu'Ahn Lu ne l'interrompre. Elle parla plus qu'elle ne l'avait jamais fait, enthousiaste et excitée d'être écoutée. Elle s'était arrêtée, gênée d'avoir monopolisé la parole.

"C'est normal quand on aime quelque chose. ça me rassure que tu ais au moins eu ça."

Alors Ahn Lu avait relancé la conversation sur la littérature, l'incitant à continuer de lui parler de ce qu'elle avait aimé, participant quand elle connaissait, renchérissant quand elle pouvait apporter quelque chose.

Shizuru se découvrit effectivement une amie, quelqu'un avec qui elle pouvait partager et échanger des passions.

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Elles se retrouvèrent souvent allongées côte à côte dans le lit à parler de tout et de rien. Shizuru évitait le sujet du Clan, Ahn Lu par contre parlait avec fierté de son groupe.

Shizuru ne quitta pas cette chambre durant les 3 premières semaines mais elle ne s'y sentit pas enfermée, à aucun moment.

Dans le confort de sa chambre, elle essayait les vêtements apportés par Ahn. Des jeans "slims", des soutiens gorges adaptés et des hauts mieux coupés mais toujours ras de cou et manches longues. Anh Lu était convaincue que cela venait de son éducation dans un groupe beaucoup trop puritain; Shizuru décida de la laisser croire.

Ahn Lu lui offrait la possibilité de s'émanciper de mille manières mais n'insistait jamais quand elle pensait heurter sa sensibilité.

Shizuru accepta et commença de plus en plus à porter les vêtements offerts, tant que cela ne découvrait pas ses morsures. Même si elle se sentait serrée dans ses nouveaux vêtements, elle finissait par s'y habituer comme une seconde peau.

Le reflet qui l'accueillait dans le miroir de la chambre, entre sa coupe de cheveux et ses nouveaux vêtements, semblait être une toute autre personne.

Elle aimait ça, c'était comme se réapproprier sa propre personne, ce qui convenait parfaitement à ce nouveau départ.

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Ahn Lu émergea au matin de la 3ème semaine, incroyablement excitée.

"Miss Maria, lui annonça-t-elle, autorise à ce que je te montre l'école maintenant que le risque de contamination est écarté. Viens."

Shizuru la suivit timidement dans le couloir.

Elle découvrit qu'un groupe important vivait là. Ce n'était pas une école élémentaire comme Shizuru l'avait d'abord cru en arrivant. Seulement une partie de l'établissement y était consacré, d'autres ailes étant réservées à de l'enseignement allant jusqu'au lycée.

L'entrée par laquelle elle était arrivée s'avérait être une courette étroite utilisée à l'époque pour l'entrée et le départ des maternels. Elle avait été créée dans le but de permettre aux professeurs de facilement voir les élèves qui arrivaient ou partaient. Elle servait donc d'entrer pour faciliter la surveillance et le contrôle de quiconque avait accès au camp.

Cette courette débouchait sur l'aile des classes de petites sections, aujourd'hui totalement réaménagées pour y mettre des salles d'armes et d'entraînement. Le reste des bâtiments formait un carré. Il était entouré de plusieurs cours prévues pour les différents niveaux scolaires ainsi qu'un gymnase. Le cœur de ce carré était constitué d'un vaste patio intérieur.

Des installations de base, il ne restait plus grand chose.

Ahn Lu lui expliqua que, durant la Chute, l'armée avait réquisitionné le gymnase pour y loger des familles d'un quartier de la ville qu'il comptait bombarder. A cela s'ajoutaient quelques familles notamment ceux de professeurs qui avaient pensé être protégés là. La situation empirant et l'armée disparaissant -appelé autre part ou désertant-, les familles avaient investi les bâtiments et construit ensemble une communauté.

Ils avaient eu de la chance : des plombiers, des électriciens, des charpentiers et tout un tas de métiers utiles étaient représentés. Des gens bien éduqués, intelligents et de bonne entente avait permis de transformer les salles de classes en logements familiaux.

La cantine et les douches de vestiaires du gymnase avaient été laissées intact et offrait à tous les repas et les soins d'hygiène en communs.

L'infirmerie était devenue un cabinet médical qui hébergeait non pas un mais deux médecins plus une infirmière. Ils avaient appris l'agriculture et développé des cultures dans toutes les cours extérieures ainsi que sur les toits. Ils avaient toutefois laissé le grand patio intérieur comme un lieu de rencontre, d'échange et de jeu pour adultes et enfants. De partout, on discutait et riait, Shizuru ne savait où donner de la tête. Elle n'avait jamais rien vu de telle.

Le Clan n'avait jamais rien développé, il n'avait jamais pillé un endroit de ce type non plus. Non pas que ce fût le nombre de survivants qui les auraient empêché, Shizuru les avait vu conquérir des camp bien plus nombreux qu'eux, mais il n'aimait pas loger au sein même d'une ville. Ils avaient toujours préféré les lieux à l'écart qui leur permettaient de faire hurler leur victime sans attirer l'attention de centaines de mordeurs.

La localisation de ce groupe, en plein cœur de la ville, ne leur aurait donc jamais convenu.

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"Nous avons développé des étables et quelques écuries dans le gymnase, continua d'expliquer Ahn Lu."

Quand Shizuru y entra, ce fut une cacophonie de cris, braiement, hénissement, beuglement et tout autre terme pouvant d'écrire les voix d'animaux de ferme.

Ahn Lu grimaça en s'excusant, indiquant qu'ils n'agissaient habituellement pas ainsi, puis elle plaisanta qu'ils devaient être effrayés par elle. Eux non plus n'avaient pas rencontré de nouvelle personne depuis longtemps.

Shizuru avait ri avec une certaine gêne et Ahn Lu l'avait incité à les nourrir pour gagner leur confiance. Panique des animaux, Ahn Lu avait été surprise puis avait observé l'air tout aussi terrifiée de Shizuru.

"Tu n'as jamais vu d'animaux de ferme? De quoi vous nourrissiez-vous donc? Il va falloir que tu apprennes à ne pas en avoir peur, ils ressentent ce genre de chose."

C'était étonnant la capacité que l'être humain avait de rationaliser certaines choses alors qu'il était évident que les bêtes étaient effrayées pour une toute autre raison que sa crainte à leur encontre.

Mais ils passèrent bien d'une heure à leur fournir des sucreries et finalement un des chevaux, Kage, le plus doux du groupe se calma et accepta quelques caresses. Shizuru fut charmée par l'énorme bête.

Ahn Lu se moqua d'elle avec gentillesse.

"Tu vois, ils se feront à toi quand tu te feras à eux, indiqua-t-elle en ressortant de l'étable. Je crois que nous avons fait le tour. Bien sûr, il faut encore que je te présente aux autres. On ne voit pas souvent de nouvelles têtes, tu sais. Et nous devons aussi te trouver une salle où loger.

-Celle où je suis me conviens, tu sais, dit-elle en ne voulait pas gêner."

Ahn Lu secoua la tête, souriante.

"On la garde pour les gens dont on ignore l'état de contamination. C'est la seule pièce munie d'une salle de bain à part, ça limite les besoins de sorties. Et puis il n'y a pas de fenêtre. Tu verras, je vais te trouver un ancien bureau réaménagé, tu y seras beaucoup mieux. Au pire, tu pourras toujours partager mon logement."

Shizuru aima l'idée. Elle avait toujours partagé sa chambre avec Nagi et/ou Reito selon l'âge. Elle était fortement incité à se conformer au besoin des deux garçons avant les siens et à s'occuper de leurs linges et affaires. Du peu qu'elle avait découvert d'Ahn Lu, elle ne s'attendait pas à vivre la même chose à ses côtés.

La présence d'Ahn Lu qui venait la voir chaque jour avait chassé un peu de la solitude qui pesait en elle mais elle restait avide de cette attention. L'idée de pouvoir passer plus de temps avec la femme avec qui elle s'accordait aussi parfaitement lui plaisait.

Et il fallait l'admettre, la plupart de ces nuits restait compliquées. Avoir une présence chasserait en partie les cauchemars où elle se réveillait le cœur battant, effrayée d'être entourée de mordeurs, puis effrayée de ne rien entendre. La possibilité de n'avoir qu'à ouvrir les yeux pour voir Ahn Lu, ou de tendre l'oreille pour l'entendre la rassurerait.

Elle ne voulait pas s'imposer à la jeune femme toutefois et Shizuru serra les lèvres sans oser lui dire qu'elle préférait partager la chambre d'Ahn Lu plutôt quavoir la sienne. Anh Lu ne ressentait peut être pas le même intérêt qu'elle à partager après tout.

Ahn Lu était probablement plus douée pour décrypter les expressions qu'elle ne le pensait, puisqu'elle sut aussitôt que Shizuru avait réagi à ses propos. Shizuru ne voulut pas admettre quel était le problème. Ahn Lu insista, roucoula, minauda, battant des cils jusqu'à ce que Shizuru cède, expliquant, les joues rosées, qu'elle préférait la colocation à une chambre seule.

Un sourire tout à la fois amusé et compréhensif lui fut adressé.

"Faisons ça alors! s'exclama-t-elle."

Ahn Lu ne n'avait pas voulu assumer non plus, mais l'idée ne semblait pas non plus lui dé annonça qu'il serait toujours le temps de lui trouver un logement un peu plus tard, une fois un peu mieux habitué à ce camp.

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Il ne fallut guère longtemps pour que Shizuru emménage chez Ahn Lu. Sa chambre était une partie d'une ancienne salle de classe au quatrième et dernier étage de l'ancien lycée. Des murs dressés en placo platres, récupérés de magasins de travaux, avaient permis de transformer la salle de classe en 3 chambres.

Celle d'Ahn Lu était plutôt étroite mais restait de bonne taille. Leur voisin, un homme d'une petite quarantaine d'années les aide à monter un lit d'appoint qu'ils installèrent tête à tête avec celui d'Ahn Lu. Il suffit à Shizuru de poser son sac et les quelques vêtements qu'Ahn Lu lui avait donnés pour être installée.

Les draps qu'Ahn Lu lui sortit de son armoire sentaient la lavande et Shizuru s'y allongea aussitôt, regardant le plafond à l'instar d'Ahn Lu.

Elles entamèrent une nouvelle conversation et s'endormit, bercée par une voix amicale.

Elle rêva.

Le monde avait encore des choses à offrir.

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Shizuru s'étira dans la cour aux côtés d'Ahn Lu. A présent qu'elle n'était plus confinée, il était attendu d'elle qu'elle soit utile à la collectivité. Si Shizuru s'était proposé pour travailler au champs -appréciant les souvenirs de la meilleure partie de sa vie au Clan-, Ahn Lu avait avoué l'avoir proposé au patrouille auprès de Miss Maria.

Shizuru n'avait honnêtement jamais pu imaginé que Miss Maria puisse être celle qui chapote l'endroit. Les femmes d'ici, comme Ahn Lu avait pu lui dire et comme elle avait pu le découvrir par elle-même, et bien les femmes valaient autant que les hommes. Elles participaient à toutes les activités et à tous les échelons. Elle obéissait ou se faisait obéir des hommes selon leur expérience et leur capacité et Shizuru avait regardé cette activité avec une incrédulité teintée de joie. Découvrir que c'était même la vieille femme d'apparence si stricte qui dirigeait tout ce camps était époustouflant.

"Lorsque la Chute a eu lieu, lui expliqua de nouveau Ahn Lu alors qu'elle aidait Shizuru dans des mouvements d'étirement dont elle ignorait tout, le gymnase avait été réquisitionné pour accueillir des familles évacuées de quartier à bombarder par l'armée. Des profs, une partie du moins, sont venus aider ou trouver refuge ici. Miss Maria était la directrice de l'endroit, elle avait l'habitude de diriger des profs et des enfants de tout âge dissipés, elle y est aussi parvenue avec des gens terrifiés et des monsieurs je-sais-tout ou des patrons. Bref, elle est parvenue à organiser tout ce bon monde. On lui doit tout ça.

-Et elle a accepté que je sois… une patrouilleuse?

-J'ai rappelé qu'on ne survivait pas des semaines parmi les mordeurs sans être bon pour pister, se défendre et se déplacer malgré eux. Elle n'a pas encore accepté cependant.

-Elle a peur que je sois un espion, déduisit Shizuru. Elle pense que je pourrais travailler pour vos pillards."

Ahn Lu lui offrit un sourire de traviole, signe qu'elle avait bien compris le soucis mais ne savait quoi lui dire de plus.

"Tu es patrouilleuse? demanda Shizuru qui réalisa ignorer ses tâches aux seins de la communauté.

-Je l'ai été, indiqua Ahn Lu en remontant sa chemise sur son avant-bras. Ma troisième morsure. Miss Maria juge que c'est trop dangereux pour moi maintenant.

-N'est-ce pas 3 morsures la moyenne pour devenir Mordeurs ? Pourquoi me laisserait-elle sortir ? Pourquoi t'a-t-elle laissé courir ce risque?"

Ahn Lu haussa les épaules.

"Jusqu'à deux on peut sortit, c'est la règle ici. Au-delà, on considère que la personne est beaucoup trop à risque. On sait tous que c'est une science inexacte. Mais c'était une décision plutôt commune. Seulement une morsure comme critère et nous n'avions plus de patrouilleurs ou presque.

-Tu ne m'as pas dit ce que tu faisais à présent. Ni pourquoi on passait par cet échauffement."

Ahn Lu lui indiqua qu'elles allaient faire des tours de piste, ce que Shizuru accepta sans grande difficulté. Elles commencèrent à un bon rythme.

"Le temps de sa prise de décision, elle veut vérifier que tu es au moins dans une forme physique au top pour ce job, autant pour toi que pour tes partenaires. De mon côté, je suis un peu une touche à tout. Je seconde surtout Miss Maria dans la gestion des ressources et du personnel. L'affectation des postes aussi. Et c'est parce que je sais qu'elle me fait confiance et que je te fais confiance, qu'elle te donnera ce job. Je me doute que ce n'est pas forcément ce que tu espérais, mais tu as traversé seule cette ville pour nous trouver, tu seras un atout incroyable. Tu auras peut-être même une astuce ou deux à nous apprendre."

Leur souffle se raccourcissant, surtout celui d'Ahn Lu, la conversation se tarit. Shizuru tenta d'imiter Ahn Lu et de raccourcir son propre souffle, même si depuis les morsures, il lui en fallait beaucoup plus pour ressentir un effort physique. Ce fut Ahn Lu qui, main sur les genoux, finit par demander un temps mort.

"Ok, souffla-t-elle entre deux respirations hachées. Tu es une putain d'athlète. Tu n'as même pas transpiré."

Sourire de guingois pour masquer comment ce simple fait était une anomalie.

"Voyons si tu es aussi performant avec une arme ?"

Shizuru démontra son adresse à l'arme à feu. Elle n'était pas trop mauvaise, mais elle fut infichue de manier un arc ou une arbalète. Ahn Lu lui indiqua comment faire avec patience. Elle lui apprit aussi à monter à cheval.

Elle faisait montre d'une pédagogie incroyable surtout quand Kage -qui restait la monture la plus calme mais toujours peu familière avec Shizuru- mit un temps fou à accepter qu'elle le monte. Finalement au fil d'heure, des jours et de semaines, Kage ne réagit plus, et les autres animaux cessèrent de paniquer quand elle traversait l'étable pour nettoyer ou seller son cheval.

Ahn Lu lui fit traverser leurs champs au pas ou au trot. Elle tournait beaucoup en rond, l'école étant grande mais pas suffisamment pour que les allers retours deviennent effroyablement monotones. Mais elle finit par acquérir de bonnes bases, après des journées longues et épuisantes. On lui apprenait aussi les plans de la ville et les zones à risques, celles déjà vidées, ainsi que les quartiers où on pouvait encore espérer trouver des choses intéressantes.

Les magasins, par exemple, avaient été leur priorité et tous avaient déjà été fouillés.

Même s'ils étaient devenus auto-suffisant sur beaucoup de choses, il y avait toujours plein de petits objets utiles qu'ils étaient incapables de produire.

N'importe quel survivant pouvait en faire la demande et si les stocks étaient incapables de fournir le dit produit, Miss Maria ou d'autres des hauts représentants, jugeait de la pertinence de rechercher le produit en question. S'il l'était, il était alors inscrit à la Liste.

Les patrouilleurs avaient pour mission de trouver ces produits. Les cartes indiquaient donc les lieux visités mais aussi les produits éventuels encore disponibles aux différents endroits.

On présenta finalement à Shizuru les autres patrouilleurs. Des hommes et des femmes de tout âge. Elle était la plus jeune du haut de ses 17 années, mais il y avait aussi une jeune femme de 21 ans et un homme de 23. Ils étaient encore en formation selon leurs dires, n'ayant vécu que 2-3 sorties. Ils assaillirent Shizuru de question sur son expérience, les pires moments de son exode, les meilleures, comment s'en était-elle sortie, etc. Ils évitaient par gentillesse et politesse d'évoquer le sujet de ses morsures et de l'attaque de son propre groupe et Shizuru en fut soulagée.

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Après plus d'un bon mois d'un tel programme -où elle n'eut pas la sensation d'apporter quoique ce soit à qui que ce soit- Miss Maria elle-même vint la voir. Elle lui demanda de montrer sa maîtrise de l'équitation et de l'arc séparément et en même temps. Après une course d'endurance, Miss Maria lui indiqua qu'elle s'en sortirait dehors -à croire que des mois dehors par elle-même n'était pas suffisant pour la vieille femme- et qu'elle participerait à la sortie du lendemain.

Elle étudia de nouveau le coin de la ville à explorer, les rues indiquées comme bloquées et les échappatoires possibles en cas de fuite.

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Le lendemain comme prévu, elle se rendit à la porte d'accès avec le groupe auquel elle avait été attribuée. Ahn Lu l'avait accompagné à l'instar du mari et des petites amies de ses 3 comparses.

Alors que Ahn Lu réajustait la veste en cuir que Shizuru portait et observait l'état de son arc et de ses flèches comme une mère inquiète, Shizuru se sentit avec le trac que les étudiants devaient ressentir avant leur examen. Elle voulait réellement faire ses preuves mais s'inquiétait de ce que les autres penseraient en voyant les mordeurs l'ignorer. Elle n'avait jamais eu à se comporter comme une vraie survivante -confinée dans le Clan puis ignorée par les mordeurs, si ce n'était moins de deux petites journées et on savait comment cela s'était terminé.

"Pourquoi partons-nous à 4 avec des chevaux? s'enquit-elle. On ne sera pas discret.

-Tu as vu les plans de la ville, non? répondit Ahn Lu en appuyant ses deux mains contre le haut de sa poitrine, créant une étrange intimité entre elles. C'est une très grandes villes et tous les quartiers à proximité ont déjà été fouillé, ça prendrait plus d'une journée à faire l'aller-retour avec les zones d'intérêt. Nous ne voulons pas que vous restiez dehors la nuit. Aucun d'entre nous ne saurait y faire face, sauf toi à présent. Revenez vite et en sécurité."

Et alors que ses compagnons montaient en selle, Ahn Lu lui déposa un léger baiser sur la joue et la poussa vers sa propre monture.

Heureusement, Kage était un bon cheval. Shizuru était trop distraite par le souvenir du contact de ces lèvres contre sa joue pour réellement diriger son cheval. Elle se demandait si c'était quelque chose de normal. ça devait l'être, mais Shizuru s'en sentait profondément troublé. Elle ne comprenait pas bien pourquoi.

Ainsi perdue dans ses pensées, elle mit quelques secondes de trop à remarquer le geste de leur chef d'escouade. Les mordeurs furent silencieusement abattus de tirs de flèches précis auxquels Shizuru ne participa pas.

Shizuru fit un geste d'excuses et se força à se concentrer.

Elle ne se sentait franchement pas utile, alors qu'elle accompagnait un groupe parfaitement coordonné qui connaissait le coin et la maison à explorer sans avoir à tenter de se rappeler le plan étudié la veille.

Cette perception des choses fut revue deux heures plus tard après avoir atteint le lieu à explorer. Ils avaient abattu quelques mordeurs et en avaient fuit une dizaine au galop. Shizuru avait aidé sans être essentiel, mais au devant de la porte à ouvrir, elle avait retenu la tentative d'effraction. Shizuru les percevait, ils étaient 8.

Huit mordeurs au niveau de l'entrée. Si ces compagnons doutaient d'elle -ça se voyait-, ils ne dirent rien et la suivirent le long des autres accès possibles. Fenêtre à barreaux, volets fermés. L'une des fenêtres aurait été facile à forcer mais Shizuru savait que la pièce contenait au moins deux mordeurs.

Toute concentrée qu'elle était sur s'assurer de la présence de mordeur ou non à l'intérieur, elle manqua celui juste devant elle que Yuri, leur chef de groupe élimina.

"Pourquoi on l'écoute? murmura furieusement Tori l'un des hommes de leur petit groupe. Elle allait se jeter dans les bras d'un mordeur.

-C'est un test. On va voir si elle mérite les éloges d'Ahn Lu, répondit Yuri sans chercher à cacher son jugement."

Shizuru se renfrogna intérieurement sans rien laisser paraître et fut enfin heureuse de trouver une lucarne à la vitre éclatée qui donnait sur une pièce vide.

Elle était trop étroite pour que les hommes du groupe y passent, mais puisqu'il voulait la tester... Elle ôta son sac et le posa au sol.

"Testez-moi alors."

Avant qu'ils n'eurent le temps de réagir, elle s'était glissée et contorsionnée à l'intérieur du bâtiment. Il faisait sombre dans le débarras où elle venait d'arriver. Elle alluma sa lampe torche fixée à une poche de sa veste et ouvrit aussitôt la porte donnant sur le couloir sans se soucier des murmures furieux de Yuri lui demandant de revenir. Elle remonta le couloir et l'estafilade de portes. Des traces de sang maculaient les murs comme des images d'un mauvais film d'horreur qu'elle n'avait jamais eu l'occasion de voir.

Dans le hall d'entrée, il se trouvait bien 8 mordeurs qui se tournèrent vers elle au bruit et qui comme à leur habitude se désintéressèrent d'elle. Shizuru sortit son couteau de combat et poignarda le premier sous la mâchoire. Son arme ripa sans tuer le mordeur et elle mit quelques secondes à dégager son arme.

Avec dégout, elle l'attrapa par les cheveux gras et sali par elle ne savait quelle substance et positionna la pointe de sa lame au niveau de l'oeil avant de l'enfoncer en entier. Elle sentit le poids du mordeur tiré sur les cheveux alors qu'il s'affaissait, mort.

Elle répéta son geste par 7 fois avant de s'essuyer la main sur son jean et d'ouvrir la porte vers l'extérieur. C'était une porte de hall d'immeuble qui ne demandait qu'à être déverrouillée pour entrer. Sortir ne demanda qu'à forcer un peu sur les gonds rouillés.

"Yuri! murmura-t-elle furieusement."

Sans réponse, Shizuru attrapa un débris de béton qu'elle coinça dans l'ouverture et refit le tour jusqu'à la ruelle où elle les avait abandonnés. Ces 3 compagnons étaient toujours là, mais la vision de Tori les pieds battant alors que le haut du corps était visiblement bloqué la fit sourire.

"Qu'est ce que vous faites?"

Ils sursautèrent et pointèrent leur flèche vers elle. Elle leva les mains avec amusement avant de pointer la rue dans son dos.

"J'ai dégagé l'entrée."

Ils revinrent vers l'entrée, alors que Yuri la sermonnait de son acte inconsidéré, Tori vexé de s'être retrouvé piégée dans l'encadrement de la lucarne la foudroyait du regard. Matzukaze, lui, siffla impressionné en ouvrant la porte.

"Huit mordeurs, huit exécutions à travers l'œil. Tu es d'une précision mortelle, ma parole.

-Comment tu as su qu'ils étaient là? demanda Tori impressionné malgré lui."

Yuri la scrutait avec intensité et Shizuru haussa les épaules.

"L'intuition et l'expérience. Et un petit quelque chose d'indéfinissable, s'entendit-elle dire comme si elle parlait avec Ahn Lu.

-Impressionnant, acquiesça Yuri. Mais ne refait jamais ça. Nous sommes une équipe.

-Alors on arrête les tests. Une équipe ça se fait confiance. Et je sais ce que je fais."

Yuri acquiesça sèchement.

"Utilise donc ta magie."

Shizuru pointa la première porte.

Elle se colla à la porte, oreille contre le bois et fit semblant d'écouter. Ce serait plus facile de leur faire croire qu'elle était capable de les entendre que de les "sentir".

"Mordeurs présents mais plus loin dans l'appartement.

-Combien?"

Shizuru fronça les sourcils pour jouer le jeu.

"Je dirais deux."

Matzukaze l'imita.

"Comment fais-tu? Je n'entend rien."

Tori le repoussa et se pencha sur la serrure pour la crocheter avec habilité. La porte avait gonflé dans son cadre cependant et il fallut donner quelques coups d'épaules pour l'ouvrir. Il y avait bien deux mordeurs qui s'approchaient dans le couloir. Shizuru n'eut pas à intervenir alors que Tori et Yuri les abattaient récirpoquement d'un carreau d'arbalète et d'une flèche.

Ils fouillèrent avec attention l'appartement récupérant des piles, quelques médicaments et produits d'une autre décennie. Shizuru voyait de moins en moins l'intérêt de fouiller des maisons. Les vivres étaient rares si ce n'est quelques conserves, les médicaments étaient périmés… mais dans le cadre d'un campement bien établi, il permettait en effet de fournir ampoules, piles et autres produits que la société post-Chute ne savait produire.

Ils fouillèrent 3 autres appartements en s'appuyant sur les "perceptions" de Shizuru et si ces explications s'avéraient douteuses sur le fonctionnement de ce don, personne n'insista. Matsukaze s'avérait tout à fait conquis par Shizuru, alors que Tori continuait de se montrer méfiant. Yuri cependant était la personne à convaincre et il y avait une lueur appréciative malgré le fait qu'elle n'en dise rien.

Leur sac chargé des courses demandés, ils revinrent sur leur pas, moins de mordeurs encore qu'à l'allée -les nids ne trouvaient guère de raison de se déplacer sans incitations visuels ou sonores. Shizuru devait reconnaître être plutôt distraite sur le retour alors que sa chevauchée se faisait sentir. Du bas du dos à ses cuisses tout devenait douloureux.

Elle rêvait d'une douche chaude -de la chaleur éphémère qui parviendrait malgré tout à délasser ses muscles- et de pouvoir s'allonger aux côtés d'Ahn Lu pour lui raconter sa journée. Elle était toute entière dévouée à ses rêveries quand Yuri siffla. C'était un son qu'on lui avait enseigné mais qu'elle ne savait encore bien associé.

Elle eut donc quelques instants de flottements avant que le mot "pillard" émerge de ses pensées.

On lui avait enseigné que la ville de bonne taille accueillait un second camp installé depuis la Chute. Le terme de pillards n'était guère similaire à celui qu'elle aurait pu attribuer au Clan. Ce groupe-là ne se déplaçait guère pour s'en aller piller les camps, ils étaient bien établis et, d'après Ahn Lu, avait eux même quelques cultures et bêtes. Toutefois, quand des survivants s'approchaient, ils n'hésitaient pas à les dépouiller et à les tuer. "Les dépecer" avait même affirmé Ahn Lu. Les images grotesques qu'Ahn Lu lui avait décrite lui avaient rappelé le cas peu similaire toutefois de ce malheureux dévoré vivant par les Cauchemars.

Ils s'attaquaient régulièrement aux survivants de l'école, mais les hauts murs et les gardes régulières repoussaient leurs assauts. Gare à ceux ou celles qui leur tombaient sous leur main cependant.

Yuri tourna brusquement la bride s'écartant de leur route toute tracée. Kage ne se gêna pas pour suivre le mouvement même sans l'intervention de Shizuru. Elle percevait à présent ce qui avait attiré Yuri : un vrombissement, le même qui avait attiré Shizuru ici.

Il semblait évident que les pillards n'utilisaient guère de montures. Shizuru entendit son cœur s'accélérer sous le stress et la peur. Cela faisait des mois qu'elle ne s'était pas sentie effrayée pour sa vie. Les mordeurs ne pouvaient lui occasionner de mal mais le pillard lui le ferait avec plaisir, elle était la première à connaître ce que leur engeance pouvait faire.

Shizuru s'interrogeait sur le bien fondé de tenter de fuir à cheval dans les ruelles d'une ville que les pillards connaissaient aussi bien qu'eux. Ce ne serait pas à cheval qu'ils pourraient semer qui que ce soit en moto -le véhicule favori de leur poursuivant.

Yuri aussi devait s'en rendre compte car elle arrêta brutalement sa monture et mit pied à terre. Ils l'imitèrent tous, claquant la croupe de leur monture pour qu'elles reprennent leur course sans eux.

Yuri se dirigea aussitôt vers un tunnel, un métro abandonné dans lequel Shizuru entra avec appréhension. Les faisceaux de leur lampe torche éclairaient faiblement les lieux, leur course produisaient l'oscillation de leur lampe et leur sac s'alourdissait sur leur mit un moment à demander leur arrêt. Sous terre, les sons du moteur s'étaient tu. Vu l'état des marches qui permettait l'accès, ils devraient descendre de leur moto pour tenter de les atteindre.

Leur souffle venait de façon hachée, sauf celui de Shizuru.

"Je ne pense pas qu'il nous suivront ici.

-Quelle folie d'être descendu, s'exclama Tori. Qui sait ce qui hère dans ses tunnels?

-ce sera toujours moins pire que les pillards. Et nous avons un détecteur humain. Shizuru passe en tête. Indique nous si jamais tu perçois des mordeurs ou des dévoreurs dans ces couloirs. Allons-y."

Il n'y avait pas des milliers de tunnels dans la ville puisqu'il n'y avait qu'un seul métro qui courrait sous terre. Shizuru obéit et prit la tête de leur groupe, elle avança sans grande conviction se demandant ce qu'il allait arriver aux chevaux et à ce qu'ils risquaient, eux, de rencontrer dans les tunnels. Elle espérait ne croiser aucun rat contaminé auquel cas, elle craignait de ne faire une crise de panique. Et puis les dévoreurs ne se désintéresseraient peut-être pas d'elle à la façon des mordeurs.

Sauf qu'exception faite de quelques mordeurs -plusieurs petits nids à droite à gauche- l'ambiance était plus effrayante qu'il ne l'était en réalité. Ce qui inquiétait Shizuru, c'était à quel point ils étaient prévisibles. Comme on le lui avait si bien appris, il n'y avait qu'un métro et les sorties étaient les unes après les autres. Il était donc facile de tendre une embuscade. Shizuru avait peur de sortir de terre pour les trouver là, à les attendre.

De la voix timide d'une outsider, Shizuru exprima finalement ses craintes mais Yuri la fit taire d'un signe de main. Les Pillards étaient selon elle des idiots. Depuis les années où elles exploraient cette ville, cela n'était jamais arrivé. Le métro avait toujours été une échappatoire que les Pillards craignaient et, même si elle reconnaissait y avoir perdu un homme ou deux, cela valait toujours mieux qu'être rattrapée par ces connards.

Shizuru ne pipa plus mots alors qu'elle les conduisait le long de la voie, les avertissant des risques en amont de leur visibilité.

A force d'y travailler, elle avait affiné sa perception. Il y avait en effet quelque chose d'étonnant de pouvoir percevoir les mordeurs de la même façon dont ils abordaient le monde. Shizuru n'était pas stupide, elle se doutait bien que ce qu'elle avait fait n'avait rien d'unique. Tout les mordeurs en étaient capables, c'était pour cela qu'il ne se sautait pas à la gorge entre eux ou arrêtait de mordre des gens dont le Parasite était en une telle concentration que sa contamination était évidente. Ils le sentaient et réagissaient à ça. Alors bien sûr, il continuait de se tourner vers Shizuru quand ils entendaient un son, parce que cela restait une réaction instinctive, mais cela n'allait jamais plus loin. Peut-être étaient-ils moins précis que Shizuru mais, au fond, c'était une certitude : ils percevaient les mordeurs et les humains avec une précision incroyable.

Shizuru sentait distinctement ses compagnons dans son dos et les mordeurs devant elle. Cela faisait des mois qu'elle avait appris à les repérer, à les "voir". Elle continuait de noircir les pages de son petit carnet avec tout un tas d'informations.

Elle percevait mal lorsqu'il pleuvait par exemple. Dans ce genre de cas, elle discernait plus difficilement leur présence et leur nombre. Cela lui avait permis de comprendre pourquoi les mordeurs s'attaquaient parfois entre eux les jours de pluie. S'ils n'étaient pas suffisamment proches ou s'ils étaient trop agités pour être attentif en jour de pluie, ils s'appuyaient sur leur autre sens pour juger de l'état de contamination de leur vis-à-vis, ce qui conduisait évidemment à des erreurs.

Shizuru savait que ce sens était autrement meilleur que la vue ou que l'ouïe lorsque les gens étaient sous le vent. Ça n'avait rien de magique ou d'inexplicable et Shizuru était à peu près sûr que cela était simplement lié à l'odorat plutôt qu'à tout autre chose. On pouvait donc surprendre un mordeur de la même manière que Shizuru pouvait être surprise. Les mordeurs n'étaient pas non plus des chiens qui pouvaient pister des humains sur une malheureuse trace olfactive. Son propre odorat était resté aussi performant qu'auparavant, seulement il semblait percevoir à présent ce qu'elle nommait "la Vie" ou "le Parasite".

La perception de la Vie lui permettait de distinguer les êtres humains ou les animaux, tout ce qui est contaminable au fond, mais c'était une odeur faible perceptible qu'en étant très proche. L'individu contaminé sentait quant à lui beaucoup plus fort et Shizuru les percevait toujours plus précisément et bien en amont.

C'était cette différence qui lui permettait notamment de percevoir les mordeurs avant qu'ils ne perçoivent leur groupe en retour.

Shizuru ne pouvait se sentir elle même mais, vu le désintérêt des mordeurs pour elle, elle devait "sentir le Parasite".

Elle l'avait compris depuis un moment: la panique chez les animaux de l'étable avait été pour elle la confirmation de ses hypothèses. C'était à force de répétition et de cajolerie alimentaire que les animaux s'étaient peu à peu tus à son passage et que Kage accepte finalement de la porter.

Avoir appris à Kage et autres montures à ne pas la craindre n'était peut être pas une idée aussi lumineuse qu'elle le pensait. Tous leurs chevaux avaient peut-être mis en application leur nouvel apprentissage avec tous les contaminés. Elle espérait que la confiance qu'elle avait instauré avec eux ne les empêchent pas de fuir face aux mordeurs.

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Shizuru leur indiqua encore la présence de 5 mordeurs et elle entendit Mistukaze s'étonner de leur docilité. Selon lui, même s'ils avaient l'avantage de les percevoir en amont avec Shizuru, ils semblaient moins agressifs qu'à leur habitude, comme hésitant à les attaquer. Shizuru qui s'était demandé si sa propre odeur pouvait couvrir celles plus faibles de la Vie, sembla là encore voir une hypothèse se confirmer. Elle pensa que c'était une théorie à explorer plus en détail s'ils sortaient vivant de ce tunnel.

Malgré ses craintes, Yuri avait raison. Il n'y avait aucune embuscade à leur sortie du métro et elle se demanda si les Pillards étaient aussi cruels que le disaient les survivants.

Le Clan avait été intelligent, c'était pour cela que même à 30, ils parvenaient à piller des camps avec des centaines de personnes. Leurs armes n'avaient pas toujours été la violence armée. Ils étaient prêts à empoisonner discrètement une population et frapper alors qu'ils étaient vulnérables, ou encore conduire des mordeurs à leurs portes pour les affaiblir. Ils étaient déterminés.

Shizuru estimait que tous les survivants -pillards ou non- devaient l'être s'ils s'en étaient sortis. Il était donc étonnant que les Pillards n'aient jamais songé à quelque chose d'aussi simple qu'un guet-apens à la sortie du métro.

N'avaient-ils jamais chassé pour ignorer un principe aussi élémentaire qu'une battue amenant très exactement les proies à la portée du fusil d'un chasseur en attente ?

Le retour se fit plus lentement alors qu'ils étaient à pied.

La nuit commençait à tomber et les lueurs de torches par delà les murs de l'école leur indiquait qu'ils étaient bien arrivés à bon port.

Quand les portes s'ouvrirent, leur groupe fut accueilli comme des héros revenus d'une longue et éreintante expédition. Les conjoints et amis qui avaient été là à s'inquiéter de leur sort leur firent la fête à leur trouvaille.

Shizuru se retrouva à sourire timidement alors que Mitsukaze leur parlait de son "talent". Tori trop occupé à réconforter sa petite amie -les moto des Pillards avaient été entendu de loin- ne le contredit pas. Yuri parlait en aparté à Miss Maria tout en lui jetant des regards en coin qui se voulaient discret.

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Aucun des chevaux n'avait su ou pu rentrer au camp. Ils pouvaient tout aussi bien être mordu, futurs dévoreurs équins qui hanteraient quelque temps les rues de la ville. Ils pouvaient aussi avoir été capturés par les Pillards.

Shizuru décida de ne pas y songer trop longtemps. Les chevaux étaient une véritable perte -pour leur activité comme sentimentalement- mais Ahn Lu la serra contre elle et déposa un nouveau léger baiser sur sa joue, ne se souciant que de son retour.

Shizuru rougit sans bien comprendre la raison. Elles avaient toujours été proches, mais un tel geste d'affection entre elles n'avait encore jamais eu lieu. Elles se demandaient si cela était normal entre amies, surtout avec quelqu'un d'aussi affectueuse qu'Ahn Lu.

Elle n'osa pas lui demander, mais cela n'empêcha pas son cœur de battre à la chamade alors que leurs regards se croisaient.

"Allez viens, tu dois être morte de faim."

Ce n'était pas le cas, mais Ahn Lu lui attrapa la main pour la tirer vers la cantine et elle se laissa mener par la jeune femme.

Plus que la pression de sa paume dans la sienne, elle avait l'impression d'en ressentir la chaleur. Comme sa joue qui aurait pu aussi bien être marquée au fer rouge.