Un grand merci pour vos commentaires et votre fidélité, je suis ravie que ce recueil vous plaise ! Sachez qu'il reste encore quelques textes, mais je préfère l'annoncer maintenant, ce recueil va bientôt s'achever. Je veux conclure cette histoire Parentlock (car au final, je considère plus cela comme une histoire à chapitres plus ou moins autonomes qu'un recueil d'histoires indépendantes, je pense d'ailleurs éventuellement changer le nom, je ne sais pas encore), et je sais comment la terminer. J'espère que ce "chapitre" et les autres qui vont suivre vous plairont !


Grains de sable

Il est difficile de savoir qui est le plus extatique à l'idée de partir en vacances. Sherlock pourrait être une réponse facile à éliminer, étant donné qu'il dissimule plutôt bien son impatience à l'idée de retourner dans la région qui l'a marqué dans son enfance, mais il partage la même joie que Rosie et John. Deux jours avant le départ, le trio prépare les affaires. De son côté, Rosie choisit surtout quelles peluches vont l'accompagner, John lui a dit de ne pas trop en prendre. Finalement, le choix de la fillette se porte sur ses deux préférées, un pingouin offert par Sherlock, et un perroquet de la part de John.

Le jour du départ, après de chaleureux au revoir à madame Hudson, la petite famille sourit tandis que le paysage défile derrière les vitres. John a développé au fil du temps une grande appréciation pour la conduite, et répond toujours présent dès qu'il faut prendre le volant, ce qui arrange bien Sherlock, lui qui, au contraire, déteste conduire, trouvant cela profondément ennuyeux. Pour l'occasion, John a acheté une clé usb pour mettre pleins de musiques variées pour animer le trajet, au grand bonheur de Rosie quand les chansons de Mulan passent, de même pour certains morceaux de musique classique guillerets que Sherlock lui a fait découvrir ces derniers mois. John est d'ailleurs surpris quand le détective se laisse aller, chantant avec Rosie certains airs. La voix fluette de Rosie s'associe bien avec celle grave de son parrain, donnant un duo atypique, mais non moins enjôleur, faisant frémir les oreilles et briller le regard de John.

Au bout de vingt minutes, Rosie finit tout de même par s'endormir, trouvant toujours rapidement le sommeil dès qu'elle est à bord d'une voiture. Ainsi, l'habitacle reprend une ambiance plus calme, toujours emprunt d'une complicité délicate partagée par les deux hommes qui s'échangent régulièrement des regards et des sourires. La destination les rendent tous les deux émotifs. Le Sussex est une région qui parle à chacun. Pour Sherlock, c'est là où lui et sa famille se rendaient presque chaque année en vacances en été, souvent en compagnie de l'oncle Rudy. Le détective a déjà parlé quelques fois de cet oncle à son amant, mais John ne l'a jamais rencontré, ou vu une photo de cet homme. En fait, il ne sait même pas s'il est toujours en vie, Sherlock ne le précisant jamais. Mais de ce que John sait de cet individu, en dehors du fait qu'il a aidé Mycroft a fomenté son plan visant à envoyer Eurus à Sherrinford, c'est que c'est (ou c'était) un oncle très proche de ses neveux, toujours là pour les soutenir, en particulier Sherlock. Si c'est Eurus qui a initié Sherlock au violon, c'est bien Rudy qui a poussé la curiosité du garçon à se tourner vers la science et la chimie. John sourit en imaginant Sherlock, petit, au bord d'une plage du Sussex, en train de faire des expériences sur le sable plutôt que de faire un château ou une quelconque construction.

De son côté, le médecin garde aussi un souvenir marquant de cette région…

Un son particulier le sort de ses pensées. Sherlock aussi. Ce dernier étant à la place passager, il peut se retourner et regarder d'où vient la source de ce son. Rosie. La petite vient d'être réveillée par une quinte de toux qui n'a pas l'air de s'arrêter.

- Rosie… Inspire, commence à articuler Sherlock tout en tendant la main vers la fillette.

La route étant dégagée et avec peu de passage, John n'hésite pas et se gare sur le côté. Il détache sa ceinture et descend du véhicule, pour y remonter par la porte de derrière, rejoignant sa fille sur la banquette arrière. Sherlock ne le lâche guère du regard, observant l'air désormais concentré et sérieux de son compagnon. Ce dernier commence d'abord par frotter le dos de Rosie, pour la détendre, tout en lui parlant avec des mots doux. Rosie a beau se focaliser sur la voix de son père, elle ne peut s'empêcher désormais d'émettre un son plus rauque et douloureux, pour elle, mais aussi pour ses pères, semblable à un aboiement. Sherlock serre ses doigts sur l'accoudoir de son siège, tout en se pinçant la lèvre. Il n'a jamais vu Rosie dans cet état. Bien sûr, elle est déjà tombée malade. Pas plus tard qu'il y a deux semaines, elle avait une petite angine, rapidement soignée grâce aux bons soins de John. Mais cette fois-ci, les symptômes qu'elle présente sont nouveaux, et Sherlock espère se tromper, même en repensant à la zone de travaux très poussiéreuse qu'ils ont traversés il y a une vingtaine de kilomètres. Mais le diagnostic de John confirme ses craintes.

- Il faudra vérifier au cabinet, mais je pense qu'elle fait de l'asthme, dit-il d'un ton formel en regardant Sherlock.

Le détective est perdu. D'habitude, les symptômes de cette maladie se présentent relativement tôt, surtout qu'ils habitent depuis toujours dans une ville dense, et donc sujet à une pollution plus élevée qu'une bonne partie du reste du pays. Il faut croire que le présumé asthme de Rosie se cachait depuis un moment et a décidé de surgir aujourd'hui. Sherlock déglutit en apprenant cela, ne parvenant plus à cligner des yeux, son regard scrutant Rosie et John.

- Chut… Inspire, expire… Voilà, comme ça…

La voix du médecin est douce et forte à la fois, d'un ton professionnel. Sherlock sait pertinemment que John sait ce qu'il fait, et pour ça, il est quelque part rassuré. Mais l'idée que Rosie développe une maladie l'effraie. Non, c'est plus que ça. Cela l'angoisse. Il hoche la tête, et décide de sortir du véhicule. Il ne voudrait surtout pas transmettre son état à Rosie qui peine à retrouver une respiration convenable. John ne quitte pas des yeux sa fille qui commence à récupérer, inspirant et expirant de manière plus calme et moins bruyante, de même qu'elle retrouve les couleurs qui avaient désertés son visage, la panique l'ayant bien entendu prit elle aussi.

Finalement, au bout de trois autres minutes, la crise est partie, et la petite souffle un coup, pour se détendre, et se permet de sourire de soulagement, tout comme son père.

- Tu te sens mieux ? demande John.

- Oui, répond Rosie d'une petite voix. Qu'est-ce que c'était ?

- Je ne suis pas sûr pour le moment, mais je pense que tu fais de l'asthme, ma chérie. Ne t'en fais pas, on va aller au cabinet dès que possible, d'accord ? Ce n'est peut-être qu'une simple crise, mais il vaut mieux vérifier, d'accord ?

Rosie sourit et hoche la tête. Elle demeure détendue quand son père lui explique la maladie qu'elle connaît un peu. Elle a un camarade de classe qui fait de l'asthme. Au fond d'elle, elle est contente d'avoir un papa docteur, et ce n'est pas la seule ! La petite et John descendent du véhicule pour respirer de l'air plus frais, au bord d'un pré verdoyant, assorti au soleil montant toujours un peu plus dans le ciel en cette pleine matinée.

En les voyant s'approcher, Sherlock fait tout pour se détendre, priant pour que Rosie n'ait rien de grave. Il s'agenouille devant elle, ses mains se posant sur ses frêles épaules. Quand elle répond positivement quant il lui demande si elle va bien, Sherlock soupire de soulagement.

- Qu'est-ce qu'on fait ? demande t-il ensuite à John.

John réfléchit. La destination n'est plus qu'à une trentaine de kilomètres. En y pensant, le bord de mer peut bien soulager l'organisme fragilisé de Rosie. Et puis cela fait plusieurs semaines que la famille parle de ce petit voyage. John demande à Rosie, qui est du même avis. Elle veut aller à la plage. Pourtant, elle pose tout de même quelques questions sur ce qu'il s'est passé. Mais John trouve une réponse à chacune. Finalement, après réflexion, le trio s'accorde, et décide de terminer le trajet au Sussex.

Le reste du voyage se fait en douceur, de nouveau en chanson, sans crise ou toux. Cela n'empêche guère Sherlock de jeter de temps en temps un coup d'œil à sa filleule dans le rétroviseur. John remarque son trouble, le rassurant d'une main sur l'épaule et d'un magnifique sourire.



Quelques heures plus tard, après qu'ils aient tous les trois installé leurs affaires dans le petit logement loué pour l'occasion, Sherlock, John et Rosie se rendent comme prévu à la plage non loin de là, le son des vagues charmant leurs oreilles à chacun à une centaine de mètres avant de mettre les pieds dans le sable. En pleine semaine, la plage est relativement calme, n'étant foulée que par quelques groupes de personnes çà et là. Rosie en profite pour trottiner joyeusement, s'amusant des traces qu'elle laisse dans le sable. Quand elle se met à courir, on pourrait presque oublier sa crise de ce matin. Sherlock s'est retenu jusque là, mais il ne peut plus contenir son inquiétude. Et alors qu'il regarde Rosie s'installer sur le sable, et commençant à creuser avec ses accessoires de plage, il questionne John.

- Si elle a vraiment de l'asthme, est-ce qu'elle… Je ne sais pas comment dire ça, mais… Je veux dire… Est-ce que c'est dangereux ?

- C'est assez courant comme maladie. Ma tante et ma grand-mère en avaient, et elles s'en sortaient très bien. S'il y a un bon suivi et certaines précautions de prises, l'asthme est gérable.

- Mais en habitant à Londres, il n'y a pas trop de risques ?

- Ma tante habitait à Liverpool, et elle ne faisait pas beaucoup de crises.

- Je… Je vois.

Sherlock est rassuré, vraiment, mais il ne peut s'empêcher de déglutir à nouveau quand ses yeux se posent sur Rosie. Il sait que personne n'échappe à bon nombres de choses difficiles envoyées par la vie elle-même, et l'idée que Rosie devra un jour ou l'autre se confronter au monde, à l'injustice, à des personnes peu fréquentables, et la rudesse plus en général met en crainte Sherlock. Il a conscience d'être assez naïf en imaginant sa filleule évoluer dans un environnement sain et sans source de problème, mais avec du recul, il sait que Rosie est déjà confrontée à beaucoup de choses, indirectes ou non. Et vient de s'ajouter aujourd'hui cet asthme. Sherlock ne se rend compte qu'au moment où John prend sa main qu'il était tendu. Le détective expire, se forçant à se détendre, enlaçant ses doigts à ceux de son compagnon. Ce dernier le regarde avec beaucoup de tendresse.

- Ne t'inquiète pas, on s'occupera bien d'elle. Et puis Rosie est forte.

Sherlock hoche la tête, un sourire fier aux lèvres. Pour ça, il n'y a pas de doute. Le détective va pour rejoindre sa filleule accompagné de John, mais ce dernier demeure fixe, voulant clairement resté là où il est, à une dizaine de mètres de Rosie. En voyant son expression plus mélancolique, Sherlock serre davantage sa main dans celle de son amant. John semble longuement batailler avec lui-même pour trouver les mots, ses lèvres s'ouvrant et se fermant à plusieurs reprises sans qu'un son n'en sorte. Puis sa voix finit par émettre.

- C'est… C'est ici que j'ai rencontré Mary.

Sherlock ne dit rien, et espère de tout cœur ne pas avoir un regard triste. Une chose est sûre, il veut transmettre toute la chaleur de sa paume dans celle de John.

- J'étais en déplacement professionnel. Elle travaillait dans un hôpital non loin d'ici. On s'est rencontrés sur cette plage, pendant un jour de congé commun. Quand je l'ai vu pour la première fois, elle regardait la mer d'un air si évasif que… que je la croyais irréelle. Comme si mon imagination me jouait des tours. Mais elle était bien là. Je l'ai compris quand son regard s'est posé sur moi… et qu'elle m'a souri. En m'approchant, je remarquais qu'elle écoutait de la musique, et nous nous étions seulement dit bonjour qu'elle me tendait un de ses écouteurs. Nous avions ainsi écouté de la musique douce, en parfait accord avec le son des vagues et du vent.

John raconte tout cela avec un délicat sourire, le regard brillant, tandis que le vent souffle sa chevelure désormais grise, mais avec tout de même quelques teintes blondes. Sherlock va pour dire quelque chose semblable à une excuse, mais son compagnon est plus rapide.

- Bizarrement, nous ne sommes jamais rendus une autre fois ici. Nous avons voyagé à la place au pays de Galles, en Norvège et un peu en France aussi. Après ce périple, nous étions d'accord pour vivre et travailler ensemble à Londres. Aujourd'hui, quand je regarde Rosie, avec la mer et l'horizon derrière elle, je repense à quelque chose dont elle m'a parlé.

- Quoi donc ? demande Sherlock d'une petite voix.

- Rosie m'a parlé il y a quelques temps d'une nuit où… Où tu faisais un cauchemar à propos de Mary.

Sherlock déglutit. Il n'a pas refait de rêve aussi perturbant à son propos, mais à chaque fois qu'elle apparaît dans un de ses songes, joyeux ou non, le détective est toujours prit d'une profonde mélancolie à chaque fois qu'il se réveille. C'est au tour de John de serrer la main de Sherlock. Le médecin n'hésite que quelques secondes avant de poser sa question.

- Tu t'en veux toujours ?

- Je m'en voudrai jusqu'à la fin de mes jours, John, répond aussitôt Sherlock. Et tu ne peux rien y faire.

- Je sais… Et même si je te l'ai déjà dit, ce n'est pas ta faute. Et Rosie le pense aussi.

- Même si chaque personne de cette planète pensait la même chose, ça ne ferait pas changer d'avis. John, je veux que tu saches que ça ne me ronge pas. Je suis sincèrement heureux de ma nouvelle vie. Réellement. C'est quelque chose d'inespéré, tout ce que j'ai, mais le prix à payer est… si lourd. J'espère qu'elle ne m'en veut pas.

- Sherlock, je voyais Mary, et elle était soulagée quand je t'ai pardonné. Quand… Quand elle est partie, elle m'a fait comprendre que je devais devenir celui que je voulais.

- Et tu y es arrivé ?

John ne répond pas tout de suite à la question. Son regard s'égare sur Rosie, très concentrée sur la fabrication de son fort en sable, sur l'horizon, puis sur Sherlock. Qui est sincère. Qui est à l'écoute. Qui est… magnifique. En tout point. À cet instant, ce n'est ni John qui donne de sa chaleur à Sherlock, ni Sherlock qui donne sa chaleur à John, ils la partagent mutuellement, paumes et doigts enlacés. Dans ce cadre calme et lumineux, John sourit, ses yeux brillants de reconnaissance se posant dans ceux de son compagnon. Le médecin se hausse légèrement sur ses pieds, embrassant avec tendresse Sherlock, qui ferme à son tour les yeux. Quand John s'écarte, laissant les lèvres de son amant plus rosées, il parle de sa voix la plus sincère.

- Oh que oui.

Sherlock sourit à son tour, car c'est la réponse la plus parlante. Sans plus un mot, les deux hommes marchent, se joignant à Rosie qui a semble t-il des difficultés pour construire sa forteresse. C'est sous le regard attentif du soleil et plus curieux des vagues que la petite famille parvient à ériger ensemble un château somptueux, où vivent la princesse Coco et la chevalière Nina. Rosie et John rient de bon cœur quand Sherlock prend une voix très grave pour faire parler le dragon qu'a imaginé la fillette pour son histoire. Le son cristallin fait vibrer le détective, qui n'entend plus que sa famille, ignorant le son des vagues.