Harry Strickland n'était pas seul lorsqu'il pénétra pour la deuxième fois dans la salle du trône en ruines.

Accompagné par quelques-uns de ses meilleurs soldats, ils traînaient Daenerys Targaryen derrière eux.

Ils n'avaient pas mis longtemps à la rattraper.

Elle avait tenté de leur échapper, mais elle n'avait plus rien.

L'intégralité de ses soldats étaient morts, elle n'avait plus de dragons, et les souvenirs des habitants de Port-Réal ne s'effaceraient jamais.

Le Nord se souvenait, mais il n'était pas le seul.

La population de Westeros s'était toujours rappelé du Roi Fou.

Jamais ils n'oublieraient la personne qui avait mis à exécution son ultime ordre.

Aucun d'eux n'était prêt à aider Daenerys.

Seule face aux soldats de la Compagnie Dorée, elle n'avait aucune chance.

Elle regarda droit devant elle, lorsqu'elle pénétra dans ce qu'il restait de la salle du trône du Donjon Rouge, poussée par les soldats.

C'était la première fois qu'elle venait ici, la toute première fois, elle n'y avait jamais mis les pieds, mis à part dans l'Hôtel des Nonmourants à Qarth, mais ça ne comptait pas, pas vraiment.

Cersei était là, bien sûr qu'elle était là, assise sur le Trône de Fer.

Se tenaient à ses côtés ses deux frères, et Sansa.

Daenerys serra les dents et les poings, Cersei n'avait rien à faire là.

Le Trône de Fer avait été créé par le feu des dragons, il appartenait aux dragons, et à personne d'autre.

Elle s'était battue toute sa vie pour l'obtenir, et, alors qu'elle avait tant rêvé de ce moment, de celui où, après la dernière bataille, elle verrait enfin pour la première fois le trône de son père, et de tous leurs ancêtres, où elle entrerait dans le château victorieuse, acclamée par tous comme elle l'avait été à Yunkaï, à Astapor, à Meereen, au final, elle était seule, poussée par les soldats de ses ennemis, comme si elle était elle-même devenue une esclave.

Cersei ne manqua pas le regard de haine pure que lui adressa Daenerys lorsque cette dernière arriva au pied des marches qui menaient au Trône de Fer, flanquée de mercenaires de la Compagnie Dorée.

Elle la regarda exactement de la même manière qu'elle avait regardé Ellaria Sand quand Euron Greyjoy la lui avait ramenée, avec sa fille, un regard dégoûté, Ellaria lui avait pris Myrcella, Daenerys avait failli lui prendre ce qui serait certainement son dernier bébé.

Après un contact visuel qui dura de longues secondes, Cersei détacha son regard de cette enfant qui s'était prétendue reine, plus jeune, plus belle, mais qui n'avait pas réussi à lui prendre tout ce qui lui était cher, et appela des domestiques, parmi le peu qu'il en restait.

Les deux femmes, une jeune et une plus âgée, s'inclinèrent dès qu'elles entrèrent dans la pièce.

''Montrez-leur le chemin vers des appartements qui n'ont pas été détruits pendant l'effondrement.''

Puis, se tournant vers les soldats :

''Je veux que sa porte soit gardée jour et nuit, jusqu'à ce que l'on ait décidé de ce qu'on allait faire avec elle. Elle ne doit en sortir sous aucun prétexte.''

Un des mercenaires tenta de protester :

''Nous avions dit que nous nous battrions pour vous, jusqu'à ce que la guerre soit terminée. Or, elle l'est. Nous avons rempli notre contrat, celui pour lequel vous avez payé.''

Cersei le regarda de haut :

''Tant que Daenerys Targaryen sera en vie, la guerre ne sera pas terminée.''

Le soldat récalcitrant se prépara à répliquer, mais un simple coup d'œil de son commandant suffit à l'en dissuader.

Juste avant que les mercenaires ne la forcent à se retourner, Daenerys jeta un regard noir à Sansa.

Elle avait eu raison de penser que cette dernière avait trahi la promesse de son frère, qu'elle avait conclu une alliance avec ses ennemis.

Et cette alliance avait été fructueuse.

Alors que Daenerys avait rêvé pendant des jours et des jours, des mois et des mois, de mettre la main sur Sansa, et de lui faire payer sa traîtrise, elle était venu se terrer à Port-Réal, échappant de peu à sa fureur.

Et maintenant, c'était elle qui était gagnante.

Elle avait fait une erreur, elle s'en rendait compte.

Elle n'aurait pas dû écouter ses conseillers qui lui disaient que non, qu'elle se faisait des idées, que Sansa n'avait absolument rien à voir avec Cersei, qu'elle aussi, elle la voulait voir morte, peut-être même plus que Daenerys elle-même, et s'occuper de la jeune Stark dès qu'elle en avait eu l'occasion, dès qu'elle l'avait eu à portée de main.

Ainsi, elle ne serait pas là, à se tenir fièrement à côté de Cersei et du Trône de Fer, alors que Daenerys, elle était prisonnière.

Harry Strickland inclina la tête, et sortit de la salle, ses hommes et Daenerys sur les talons.

oOo

La nuit était déjà tombée sur Port-Réal depuis un moment lorsque Jaime entra dans les appartements de Cersei, qui avaient miraculeusement échappé à l'effondrement du château, comme quelques autres pièces.

Elle y était déjà, regardant par la fenêtre ce qu'il restait de la capitale, plongé dans la pénombre.

Sercilia entra derrière lui en trottinant, et rejoignit Aramis, couché à même le sol, juste à côté de son humaine.

Sans un mot, il se glissa derrière Cersei, et enroula ses bras autour d'elle, venant poser ses deux mains, sa main d'or et sa main de chair, sur son ventre, qui grossissait désormais à vue d'œil.

Se penchant légèrement, il vint reposer son menton sur son épaule, pour se mettre à son niveau, et sourit.

Leur petit lionceau serait bientôt là.

La naissance était imminente.

Des fois, il se demandait ce qu'il se passerait si jamais il arrivait à Cersei la même chose qu'il était arrivé à leur mère.

Il ne se faisait pas d'illusions.

Pour y avoir assisté à trois reprises, il savait que les accouchements étaient longs, pénibles et douloureux, mais que surtout, ils étaient dangereux.

Et ni lui, ni Cersei n'étaient aussi jeunes qu'ils ne l'avaient été la dernière fois.

La peur que cette naissance ne se termine que par des draps tachés de sang, écarlate Lannister, la peau froide de Cersei et des condoléances devenait de plus en plus importante au fur et à mesure que le terme de la grossesse de sa sœur se rapprochait.

Mais, pour le moment, il choisit de laisser ses idées noires de côté.

Ils avaient survécu à Daenerys Targaryen et au feu d'un dragon.

Ils avaient gagné la guerre.

Cersei avait déjà réussi à mettre un enfant au monde à quatre reprises. Il n'y avait aucune raison qu'elle n'y arrive pas une cinquième fois.

Elle était une véritable guerrière. Elle n'échouerait pas.

Elle n'échouerait pas, et bientôt, ils formeraient enfin une vraie famille.

Mais il y avait une tache, dans ce tableau parfait.

La guerre était gagnée. La guerre était terminée.

Mais il y avait toujours Euron Greyjoy.

Et il savait ce que Cersei lui avait promis en échange de la victoire.

Il serra les dents.

Encore une fois, il serait obligé de regarder un autre homme prendre son rôle, son rôle de père, de regarder ce même homme épouser Cersei.

Il avait dû resserrer son emprise sur sa taille, puisque Cersei se retourna pour le regarder.

Elle prit son visage entre ses mains, fronçant ses sourcils avec inquiétude :

''Quelque chose ne va pas ?''

Jaime secoua la tête, tentant de cacher la source de son mécontentement :

''Non, rien.''

''Arrête de me mentir. Je te connais mieux que personne. Je sais exactement quand quelque chose te déplaît, et quand tu essaies de le cacher. C'est précisément ce que tu es en train de faire maintenant.''

Il soupira, puis déclara :

''La guerre est terminée.''

Elle leva un sourcil :

''Finement observé.''

''Tu vas épouser Euron Greyjoy.''

Oh. C'était donc ça.

''Serais-tu jaloux ?''

C'était une question rhétorique. Bien évidemment, que Jaime était jaloux, tout comme il l'avait été de Robert.

Après une vie passée à rêver de pouvoir enfin vivre au grand jour son amour avec Cersei, il allait encore devoir faire une croix dessus.

Et pourtant, il refusa de l'admettre :

''Quoi ? Moi, jaloux de ce… De ce type ? Certainement pas.''

Elle le regarda dans les yeux :

''Tu n'as aucune raison d'être jaloux.''

Elle se rapprocha un peu plus de lui :

''Je n'ai absolument aucune intention d'épouser Euron Greyjoy.''

''Et pourtant, c'est ce que tu lui as promis, s'il t'aidait à gagner la guerre, ce qu'il a fait.''

Cersei haussa les épaules :

''Tu l'as dit toi-même, la guerre est terminée. Je n'ai plus besoin ni d'Euron Greyjoy, ni de sa Flotte.''

Jaime fronça les sourcils :

''Et que vas-tu faire ?''

''Un Lannister paie toujours ses dettes. Il me semble que j'en ai une envers Euron…''

Il lui sourit. Il savait parfaitement ce qu'elle avait en tête, et il serait plus qu'heureux de l'aider.

Depuis qu'il avait appris ce que ce maudit homme lui avait fait, il ne rêvait plus que d'une chose : planter son épée entre ses côtes, et le regarder mourir lentement, douloureusement.

Cersei semblait vouloir la même chose que lui.

oOo

Les deux soldats de la Compagnie Dorée qui campaient devant la porte s'écartèrent lorsque Tyrion arriva, pour le laisser entrer.

Daenerys ne leva même pas les yeux pour voir de qui il s'agissait lorsqu'elle entendit le déclic familier de la serrure.

Pendant un instant, un bref instant, elle pensa que c'était Cersei, qui venait l'humilier, lui rappeler tout ce qu'elle avait perdu, lui rappeler qu'elle avait perdu, qu'elle n'avait plus rien, qu'elle allait mourir.

Ce ne fut que lorsqu'il fut devant elle qu'elle reconnut l'homme qui avait été autrefois sa Main.

Tyrion avait envie de lui hurler dessus, de lui cracher à la figure tout ce qu'il pensait, tout ce qu'il ressentait, elle l'avait blessé, elle avait trahi sa confiance, et lui il croyait en elle, il croyait tellement en elle, et en ce qu'elle était capable de faire, il l'aimait, il l'aimait tant, il aurait tout fait, absolument tout, pour elle.

Il n'était plus capable de dire s'il l'aimait ou s'il la haïssait, il la détestait pour ce qu'elle avait fait, elle avait massacré des milliers et des milliers de personnes, et aurait continué à le faire encore et encore si personne ne l'en avait empêchée, mais elle lui avait fait confiance, elle avait été une des seules à lui faire confiance, et pour ça, il lui en serait à jamais reconnaissant.

Mais tout ceci appartenait au passé.

Daenerys avait accompli les dernières volontés de feu le Roi Fou.

Et, pour cela, elle devrait mourir.

Varys avait eu raison, depuis le début.

Il n'y avait qu'une seule chose, un seul mot que Tyrion parvint à articuler, en gardant ses yeux rivés sur Daenerys :

''Pourquoi ?''

Seul le silence lui répondit.

Des larmes coulèrent de ses yeux émeraudes, traçant doucement leurs sillons sur ses joues.

Il voulait la prendre par les épaules et la secouer de toutes ses forces, pourquoi, hein, pourquoi avez-vous fait ça, qu'est-ce qui vous y a poussée, ces gens étaient innocents, ils ne méritaient pas ça, et maintenant, c'est fini, maintenant, ils sont morts, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi m'avez-vous trahi, je vous faisais confiance, je vous aimais tellement.

Lorsqu'il comprit qu'elle ne répondrait pas, il se tourna les talons, et se dirigea vers la porte.

Au moment où il allait sortir, et quitter la pièce, il entendit derrière lui :

''Je n'avais pas d'amour, ici…''

Il se retourna.

Elle ne le regardait même pas.

''Je vous aimais, moi.''

Elle leva les yeux vers lui.

Mais il était trop tard, désormais.

Ce n'était plus d'yeux améthyste, dont il rêvait.

Il ne voulait plus que des yeux saphir, des yeux couleur de glace.

Une fois de plus, il se détourna, et, cette fois-ci, il quitta la chambre, pour de bon.

oOo

D'épais nuages gris couvraient toujours le ciel, même plusieurs jours après la fin de la bataille.

Le soleil n'avait toujours pas montré ses rayons, presque comme si l'hiver était à nouveau là, sauf qu'à la place de la neige, c'était les cendres, qui couvraient le sol.

Le peuple restant de Port-Réal était massé devant le parvis en ruines du Donjon Rouge, l'endroit qui avait encore vu trop de sang couler.

Certains bateaux revenant de Dorne et du Bief avaient déjà ramené des habitants réfugiés à Lancehélion et à Hautjardin, qui n'en avaient pas cru leurs yeux lorsqu'ils étaient arrivés à la capitale, le choc de voir un tel paysage était trop grand, bien trop grand.

Les gens regardèrent Cersei, Jaime et Tyrion Lannister, ainsi que Sansa Stark, et la Main de la Reine apparaître.

Tous savaient pourquoi ils étaient là.

Leurs intuitions se confirmèrent lorsqu'ils virent des membres de la Compagnie Dorée apparaître, traînant une jeune femme parmi eux.

Ils la reconnurent immédiatement.

Jamais ils n'oublieraient son visage, pas plus qu'ils n'oublieraient ce qui s'était passé.

Daenerys Targaryen fut amenée devant la reine, qui, parlant assez fort pour que tout le monde l'entende, déclara, en la regardant droit dans les yeux :

''Daenerys Targaryen… Moi, Cersei Lannister, Reine des Andals et des Premiers Hommes, et Protectrice des Sept Couronnes, vous condamne à mourir.''


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