Épilogue
"One day I'm gonna forget your name
and one sweet day, you're gonna drown in my lost pain"
-Sweet Sacrifice, Evanescence
Deux mois sont passés depuis notre départ de la station orbitale d'Antarès. Deux mois de thérapies, de pleurs, de délires, de douleur, de honte… Mais aussi deux mois de délivrance, d'amitiés, de premiers sourires, d'amour. Au début, tout m'était insupportable, même respirer devenait difficile. Puis, la douleur s'est estompée. Peu à peu la peur s'est dissipée, les chaînes sont tombées, les ombres se sont dispersées. La lumière revient, je vois plus clair. Je vois tout cela sous un jour nouveau.
J'ai fait un rêve. J'étais sur une planète dont je ne connaissais pas le nom. Une étrange poussière tourbillonnait autours de moi. Des ombres derrière moi, spectres silencieux, ils n'osent plus s'approcher. Ces fantômes ivres tournoient autour de moi, diaphanes, faméliques dans leur folle ronde, et se maquillent d'un visage familier. Mais je les regarde sans broncher. Je ne me mêle plus à leur jeu, j'ai fini de danser avec eux.
Je lève les yeux et je vois Pétrolia, debout devant moi, miroitante. C'est un ange aux ailes de verre, enveloppée d'azalées étincelantes. Elle sourit, et les ombres semblent me quitter, effrayées par la lumière soudaine. Mon corps frissonne, imperceptiblement, mais elle s'approche de moi et me réchauffe dans une étreinte de douceur immaculée. Mon regard se voile, demi discernant, demi esquissant, craignant de la perdre. Mais elle est là, elle restera avec moi, toujours.
Puis, les illusions volent en éclat, les chimères s'estompent. Je me suis réveillé enlacé au corps de ma belle Pétrolia qui dormait contre moi. Le nez contre le creux de son cou, j'inspirai d'aise. Je n'avais plus peur.
Le temps n'efface rien, mais la douleur s'amenuise. Aujourd'hui, je ne sens plus le besoin de pleurer. Je suis devenu plus fort. Je n'ai plus besoin d'oublier, je ne veux pas oublier. J'ai souffert, mais j'ai reçu tant d'amour. J'ai fini par accepter, même en l'absence de réponses.
Je l'aime. Elle m'entoure, elle me serres tout prêt et ne me laisse jamais m'éloigner. Elle respire doucement, profondément, son parfum s'imprime irrémédiablement dans ma mémoire... Elle est l'ange de mon rêve, elle veille sur moi, me protège tendrement et tout en douceur, et sans faire de bruit, dissipe le brouillard, chasse le doute et fait naître un amour toujours nouveau.
Doucement, elle se réveille et nos yeux se croisent. Elle sourit à travers la brume du sommeil. J'appuis mon front contre le sien, et nous restons ainsi un moment, nos corps enlacés et notre regard perdu dans celui de l'autre. Puis elle murmure :
-Mon ange…
Je souris.
Elle m'embrasse doucement, et je me sens transporté. La sensation à la fois d'éternité et d'instantanéité qui laisse en suspens dans le temps.
La douce plénitude de la sérénité, la chaleur d'un futur dont je ne voulais plus, elle me les avait ramenées. Elle avait été ma lueur dans la plus noire de mes nuits, le seul fil qui m'avait raccroché à la vie.
On dit souvent que les plus belles histoires d'amour commencent parce que c'était elle, parce que c'était lui… Puis tout bascule. Le destin est froissé, déchiré, noirci et souillé. Mais nous, nous étions éternels. Nous avions appris à refaire surface, à reprendre goût à la vie, à la beauté, à la blancheur de l'innocence et de l'insouciance.
Grâce à elle, grâce à tout l'amour et le support de l'équipage, ma famille, je me sens libre, libre d'être, d'aimer, de vivre. Je me sens en sécurité, je me sens aimé.
Nous avons toute la vie devant nous et elle semble magnifique.
"For the wretched of the earth
There is a flame that never dies.
Even the darkest night will end
And the sun will rise."
-Finale, Les Miserables
