Chapitre 25
-Et il m'a embrassé.
Je pousse un petit soupir niais et regarde mon amie avec des étoiles dans les yeux. Elle a passé une main sous sa tête et son sourire s'étire sur son visage fatigué, encore marqué par les larmes qu'elle a versé plus tôt.
-Et après ? je demande avec de l'impatience dans la voix.
-Et bien, on a essayé de se revoir le plus souvent possible en nous faisant discrets. Ce n'est jamais simple, mais on essaye de se retrouver dans la salle des trophées certains soirs. On a beaucoup discuté à propos de sa situation, et de tout ça.
-Et alors ?
-En fait, au début j'avais peur qu'il se moque de moi et que sortir ensemble n'était qu'un passe-temps pour lui. Mais il n'a pas arrêté de me répéter qu'il m'aimait et qu'il avait bien l'intention de régler deux trois choses pour qu'on puisse vivre à visage découvert si on décidait de rester ensemble.
-Et Viviane ?
-Elle n'est pas au courant. D'ailleurs, il ne veut pas que nous en parlions. Il m'a dit que c'était à lui de régler ça et que je ne devais pas m'en inquiéter.
-Il la trompe, quand même, ce n'est pas rien.
-Oui… Je me sens tellement mal quand je la croise, Aly, je m'en veux terriblement...
Je la vois qui essuie à nouveau une larme et mon cœur se serre douloureusement.
-Et avec lui, comment ça se passe quand vous êtes tous les deux ? je demande pour essayer de faire dévier la discussion sur quelque chose qui la fera moins pleurer.
-Il est merveilleux, me répond-t-elle en retrouvant un sourire lumineux. On parle de pleins de choses, il est tellement intelligent, c'est incroyable tout le savoir qu'il a !
-Vous ne vous tapez pas trop dessus ?
-Hi hi, non, enfin un peu parfois mais ça nous fait tous les deux rire. En même temps, il est si prévenant, loin de ce qu'il montre d'habitude. J'ai l'impression d'être face à quelqu'un d'autre quand on est seulement tous les deux, c'est fou.
Je ne le lui dis pas, mais je vois tout à fait de quoi elle parle.
Sans prévenir, mes pensées me ramènent vers Arkwood et vers celui qu'il cache derrière une colère quasi constante. Avec un large froncement de sourcil, je reviens au présent et écoute mon amie me parler de Rabastan.
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Il est presque trois heures du matin lorsque je me coule sous mes propres draps et je peine alors à m'endormir. Les paroles de Jasmine tournent encore et encore dans ma tête et je suis à la fois incroyablement heureuse pour elle, tout en déplorant la situation dans laquelle tous deux se retrouvent.
Et moi ? Aurais-je, moi aussi, besoin d'un tirage de carte pour me décider à m'avouer certaines choses ? J'ai bien conscience que ça s'agite fort là-haut pour tenter d'éclaircir mes propres émotions. En vérité, je crois que j'ai peur de ce que je trouverai sous ce monceau d'excuses et de faux-semblants que je charrie à longueur de journée pour me voiler la face.
Ce sont sur ces dernières pensées que le sommeil me prend et m'envoie faire des rêves peuplés de cartes de tarot géantes et de boules de cristal qui essayent de me manger toute crue.
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Le lendemain matin, je retrouve une Jasmine aux traits un peu tirés mais à la mine souriante. Nous enfilons d'ailleurs rapidement nos vêtements du dimanche et descendons rejoindre Casper en salle commune, avant de filer prendre notre petit déjeuner.
Une fois assise à la longue table de Serdaigle, je ne peux m'empêcher de jeter des coups d'œil à Rabastan qui remarque vite mon manège. Plusieurs fois, il me fait un vague signe du menton, sans doute pour me demander ce qui ne va pas, mais je détourne vite les yeux.
-Il ne fait pas trop mauvais aujourd'hui, je vais aller voler avec Henry, vous voulez venir avec nous ? nous demande Casper au bout de sa cinquième tartine.
-Non. Moi je pense finir quelques devoirs en retard, nous répond Jasmine avec un petit sourire en coin.
-Aly ?
-Oui, bah pourquoi pas, écoute. Je n'ai pas grand-chose de prévu, de toute façon.
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Après notre repas, nous laissons Jasmine rejoindre notre salle commune et marchons d'un bon pas jusqu'au stade de Quidditch. De nombreux élèves évoluent déjà dans les airs en se faisant des passes ou en tentant d'apercevoir le vif d'or sous ce ciel clair.
-Mais, c'est Aaron que je vois là-haut ! je m'exclame en apercevant de longues dreadlocks s'agiter derrière son propriétaire.
-Oui. Le dimanche c'est journée libre et il y a souvent du monde qui vient s'entraîner ou juste voler pour le plaisir.
-Je te rappelle que je ne suis montée qu'une fois sur un balai, et que je me suis rétamée comme une merde sur le sable.
-Je sais. Tu vas voir, ça vient vite.
Mais bien sûr.
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Une fois dans le bâtiment accueillant les joueurs, nous tombons sur Henry déjà en tenue rouge et jaune et il paraît ravi d'avoir une nouvelle recrue à malmener. Nous le suivons lorsqu'il nous mène jusqu'au râtelier à balai et il me refourgue un vieux machin qui a dû côtoyer les dinosaures.
-C'est très simple, commence-t-il, tandis que nous marchons sur la pelouse du stade, au-dessus de laquelle vole une demi-douzaine d'élèves très à l'aise. Il suffit de choper le bon équilibre et après ça va tout seul.
-Mais bien sûr…
Nous nous arrêtons dans un coin du stade et Casper enfourche déjà le sien en me regardant avec un sourire serein. Il faut vraiment qu'il arrête d'avoir confiance en les gens comme ça, ça va clairement devenir énervant.
-Allez hop, monte dessus, me dit Henry en enfilant ses gants et en secouant ses cheveux brun plein de poussière.
Je m'exécute en posant mes fesses sur le mince manche de bois, légèrement plus large au niveau de l'assise, mais qui reste tout de même clairement inconfortable.
-Maintenant, tape du talon pour t'élever un peu, je ne reste pas loin.
Je déglutis, donne un petit coup pas convainquant du tout et mon prof m'encourage. Au troisième coup au sol, le balai monte de quelques mètres dans les airs et je serre les doigts et les jambes autour du manche en priant tous les Dieux que je connais.
-Excellent ! me dit le Gryffondor en s'élevant à son tour et en venant voleter à mon niveau. Les cours de première année ne sont pas si loin que ça finalement.
-Elle a loupé le trimestre après s'être cassé le poignet à son premier cours avec Bibine, lui glisse Casper sans sourciller face à ma grimace menaçante.
-Maintenant, essaye de tourner.
-Et n'oublie pas de respirer, Aly. Ça pourrait te servir.
Je lance une autre œillade assassine à mon ami et le vois s'élever au-dessus de nous pour faire quelques tours de terrain. Henry, pour sa part, reste près de moi encore cinq bonnes minutes et me laisse lorsque je lui dis que je suis plus à l'aise.
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Une fois le jeune homme parti rejoindre Casper, je prends le temps de respirer à fond et essaye de tourner doucement sur le manche de mon balai pour faire de larges cercles irréguliers. Gauche. Droite. Je commence à prendre peu à peu confiance et m'élève alors un peu plus haut en essayant d'oublier les élèves qui s'agitent au-dessus de moi.
Ma peur commence à gentiment refluer à mesure que je suis plus sereine et je me prends même à apprécier la sensation étrange que la vitesse me procure. Soudain, je vois un élève piler à côté de moi et je serre mon manche en jurant tout haut contre le sale type qui vient m'emmerder.
En levant les yeux, je croise la trogne échevelée de Caussman qui semble au comble de la joie de me voir en si fâcheuse posture.
-Magnifique, Tio. Plus crispée tu meurs !
Il agite sa batte devant moi pour toucher le bout de mon balai et faire dévier la pauvre trajectoire que j'essayais de prendre.
-Va crever sale Poufsouffle de mes fesses !
Il se marre encore plus fort et continue de me tourner autour tel un gros insecte bourdonnant qui a trouvé de quoi butiner. Je sortirais bien ma baguette pour lui lancer un bon maléfice qui lui ferait apparaître des furoncles sur le cul, mais j'ai oublié de la prendre. Aucun commentaire, merci.
-Mais non, c'est pas comme ça, idiote. Tu dois reculer les fesses vers l'arrière et te pencher plus sur ton balai.
-T'as vraiment personne d'autre à aller enquiquiner ?
Il me présente un sourire mauvais et me pousse l'épaule de sa batte pour essayer de me faire perdre l'équilibre.
-À ton avis, tu te casseras combien d'os en tombant de cette hauteur ? me dit-il en esquivant ma main qui tente de lui arracher sa batte. Je parie sur quatre, et toi ?
-La ferme.
-Peut-être même que tu perdras quelques dents, j'ai hâte de voir ça !
Je tire sur mon manche et m'éloigne vaguement de lui en essayant de garder une trajectoire par trop chaotique.
-Pas mal, mais je t'ai dit de reculer les fesses. Ouais, comme ça. Maintenant, rentre la tête dans les épaules.
-J'ai l'air con.
-Pas faux.
Je tente une autre manœuvre et Caussman me reprend rapidement en me conseillant d'être plus souple sur mes bras.
-T'as pas essayé d'aller plus vite que ça ? me demande-t-il en désignant le coin opposé du stade. File jusque là-bas en poussant sur ton manche, tu vas voir, c'est facile.
-Nan, tu vas en profiter pour me lancer un cognard à la tronche.
Il a la tête de celui qui s'est fait grillé et s'approche de moi d'un mouvement fluide.
-Sans mentir, tu l'aurais mérité, tu penses pas ?
-Tu ne veux vraiment pas me foutre la paix ?
-Non... Doyle est rentré super tard hier soir, je peux savoir ce que vous avez fait dans les couloirs tous les deux ?
-Rien, il m'a raccompagné jusqu'à ma tour.
Je lui vois une mine un poil déçue mais suis trop occupée par ma propre situation pour prendre le temps d'analyser son expression.
-Désolé pour hier, au fait, lui dis-je une fois un peu plus à l'aise sur mon balai. Mais il faudra que tu trouves quelqu'un d'autre pour faire danser ton pote. Je n'ai jamais été très bonne pour la persuasion.
-Je m'en doutais un peu, mais c'est pas grave.
Il lève les épaules et hoche la tête en me voyant évoluer dans les airs.
-Tu te débrouilles de mieux en mieux, tu trouves pas ? Tu ne trembles presque plus. Allez, suis-moi.
Je le vois passer devant en faisant claquer sa tenue de Quidditch jaune et noire, et il s'élève doucement pour filer vers un coin opposé du stade. Avec un poil d'appréhension, j'accélère pour ne pas être distancée et je réussis à effectuer une belle ligne droite, ainsi qu'un arrêt plutôt propre.
-Vraiment pas mal ! Ton balai est à chier, c'est dommage. Bouge pas, je reviens.
Il file ensuite à vive allure vers le centre du stade où plusieurs grosses malles sont entreposées. Puis, il pose sa batte et revient bien vite avec un souafle entre les mains.
-Tu ne préférerais pas t'amuser avec tes potes, plutôt ? je lui demande quand il vient se placer face à moi avec une mine souriante.
Il ne répond pas et me tend la balle bordeaux qui a dû connaître des jours meilleurs. Je consens à lâcher une main tremblante de mon manche et la lui prends en sentant mon balai se stabiliser.
-Fais-moi une passe, me dit-il en se plaçant quelques mètres devant moi.
Je m'exécute et il se fout de ma gueule.
-Non, pas en cloche, crétine. Regarde là-haut.
Je lève le nez et vois plusieurs élèves de différentes maisons voler à vive allure et tenter de marquer un but défendu par Aaron. Ils semblent si à l'aise que je me prends à vouloir leur envoyer un sort, à eux-aussi.
-Pour lancer, tu dois lever haut la balle au-dessus de ton épaule et tirer de toutes tes forces pour qu'elle file en ligne droite. Tiens, recommence.
Caussman me lance la balle et j'essaye de ne pas me casser la figure en tentant de la rattraper.
-Hey, t'as vu ? T'as lâché les deux mains du manche, bravo !
Je ne réponds rien, parce que je tremble maintenant de partout et j'ai l'impression que le gazon me regarde méchamment.
-Allez, lance-la !
-Deux minutes, je grogne en le gratifiant d'un regard noir.
Il se fout à nouveau de moi mais accepte de me laisser un peu de temps pour respirer. Je m'aperçois d'ailleurs que j'ai un peu froid et regrette de ne pas avoir emporté une écharpe. Plusieurs fois, je vois Casper et Henry filer au-dessus de nos têtes en se faisant des passes qu'ils agrémentent d'exclamations joyeuses et je souris devant l'adresse de mon ami.
-Elle lui a demandé de choisir, me dit soudain Caussman en me ramenant au présent.
-Hein ?
Il n'a pas bougé de sa place et a croisé les bras sur son torse.
-La copine de Doyle. Elle ne voulait plus qu'il te voit et elle lui a demandé de choisir entre elle et toi.
J'ouvre et ferme la bouche bêtement en tanguant vaguement sur mon balai.
-E-et ? je souffle sans y croire.
-Et, il lui a rendu ses cadeaux en lui disant qu'elle était maintenant libre d'aller casser les pieds à quelqu'un d'autre.
-T'es sérieux ? Tu te moques encore de moi, c'est ça ?
-Nan, Tio. Je me moque pas.
La mine sombre du jeune homme confirme ses dires et cela me sidère encore plus.
-Mais enfin… Pourquoi ? Je veux dire, ça n'a pas de sens. À chaque fois qu'on se parle, on s'envoie paître ! En plus, je ne suis pas son genre du tout, je ne vois vraiment pas de quoi elle avait peur !
-C'est lui qui t'as dit ça ? C'est Doyle qui t'as dit que t'étais pas son genre ?
-Oui. Il m'aurait menti ?
-Non, c'est pas son style. Allez, lance-moi la balle comme je t'ai expliqué, et évite de trop faire bouger ton balai pour ne pas te déséquilibrer.
Je reste encore quelques secondes un peu interdite et Caussman doit me secouer pour me sortir de mes pensées.
-Attends, il y a quelque chose qui ne colle pas, finis-je par dire, alors que le jeune homme se met à taper mon manche du pied. Pourquoi est-ce qu'il l'a quitté ?
Je vois le petit Poufsouffle lever les yeux au ciel et continuer de me pousser sans réussir à me faire tomber.
-Il lui suffisait de ne plus me parler et c'était réglé. Il n'avait pas besoin d'en venir à de telles extrémités, tu ne penses pas ?
Caussman est maintenant à mes côtés. Il essaye de me prendre la balle des mains en continuant de malmener mon balai et j'ai du mal à rester stoïque. Au bout d'une bonne minute à me batailler pour conserver le souafle, je m'élève et fais quelques manœuvres d'évitement un peu erratiques qui l'obligent à me poursuivre à travers le stade.
Arrivée près des trois anneaux d'or, je lève mon bras tremblant et lance le souafle de toutes mes forces devant le regard amusé d'Aaron.
-J'ai gagné ! je m'exclame quand Caussman me rattrape, après être allé récupérer la balle.
-Le gardien est un vendu ! me répond-t-il en jetant un regard au Serpentard qui rigole de sa grosse voix. Mais le lancer était propre.
Il m'attrape ensuite par la manche et m'oblige à m'écarter de la trajectoire des joueurs lancés à vive allure vers les buts. Je vois d'ailleurs Casper tenter une interception, mais son adversaire est vif et il réussit à feinter avant de mettre un but qu'Aaron ne peut stopper.
-T'as jamais essayé de postuler pour une place dans l'équipe de Serdaigle ? me demande le jeune homme en me menant dans un coin du stade. Je ne connais pas un seul élève de Poudlard qui ne rêve pas de faire partie d'une équipe.
-Nope, ce n'est pas mon truc le Quidditch. En plus, faut s'entraîner et tout ça, ce n'est clairement pas fait pour moi
-Tu t'entraînes bien tous les samedis matins pour la compétition d'avril, ça ne serait pas bien différent.
-Je le fais pour la simple et bonne raison que Casper me menace chaque fois pour que je vienne faire ses fichues pompes. Et certainement pas de gaieté de cœur ! D'ailleurs, on ne va pas tarder à retourner nager, alors si ton pote et toi pouviez cesser de m'observer, ça m'arrangerait.
Je vois un méchant sourire éclairer le visage du Poufsouffle et il me lance la balle que je peine à rattraper sans cabaner sur le dos.
-On affronte bientôt Serdaigle, au fait, me dit-il en se rapprochant. Ça te dit de faire un petit pari pour l'occasion ?
-Casper m'a toujours dit de ne rien accepter de l'ennemi. En plus, je suis persuadée que tu veux me faire payer pour la dernière fois, même si tu m'as dit le contraire.
-Avoue que ça serait compréhensible, non ?
Je fais la moue et ne peux m'empêcher d'acquiescer parce qu'à sa place j'aurais fait pareil.
-Alors t'as vraiment pas réussi à conclure avec ta jolie demoiselle ? je demande avec une curiosité non feinte. Sans vouloir briser tes rêves, il me semble qu'elle avait Aaron comme cavalier au bal de noël et, loin de moi l'idée de t'offenser, mais, face à lui, t'as difficilement le niveau.
Sa mine se ferme et un air las passe sur son visage.
-Je suis vraiment étonné que t'ai toujours des amis, Tio. Ou que personne n'ait encore réussi de te donner à bouffer au calmar géant.
D'un mouvement que j'essaye de rendre fluide, je lui lance à nouveau la balle qu'il rattrape habilement,
-Je pourrais te donner la liste des élèves qui ont essayé au cours des années, je lui réponds, tout en me préparant à réceptionner le souafle à mon tour. Mais j'imagine que tu n'as pas toute la journée.
-C'est clair.
Il va pour effectuer un lancer, lorsqu'il aperçoit les autres joueurs redescendre pour se poser sur le gazon. Casper me fait un large mouvement de la main et nous les rejoignons bien vite au centre du stade où ça parle fort et ça se hèle de toute part.
-On va faire un match amical avec tout le monde, me dit Casper. J'ai proposé que tu t'occupes de compter les points, ça te va ?
J'acquiesce et vois les élèves s'arranger pour constituer des équipes complètes.
-Tu ne voulais pas faire un pari ? je glisse à Caussman au moment où il récupère sa batte et accroche un foulard bleu à son bras gauche.
-Si, me répond-t-il avec une mine sournoise que je commence à bien connaître. Si mon équipe gagne, je veux savoir ce que vous vous êtes dit Doyle et toi pendant votre retenue.
-Hein ?
Je fronce les sourcils, penche bêtement la tête sur le côté en manquant de faire craquer mes cervicales et ma bouche fait une espèce de grimace pas convaincue.
-Il a rien voulu me dire, une fois rentré. Alors j'ai bien l'intention de savoir ce que vous êtes raconté !
-Mais t'es pire que les petites mamies collées à leurs vitres, ma parole ! Tu sais, celles qui espionnent la vie de leurs voisins.
Il a un rire narquois et me tend sa main, tandis que les joueurs s'activent autour de nous et que Casper remarque notre échange.
-Et si l'autre équipe gagne, je répondrai à n'importe quelle question que tu voudras me poser.
-Tu parles ! Avec Arkwood, vous êtes passés maître dans l'art de répondre à côté de la plaque sans vouloir donner d'explication !
-Cette fois-ci, je te dirais tout ce que tu voudras savoir de manière claire, ça te va ?
Il me tend toujours sa main et, dans mon champ de vision périphérique, je vois Casper marcher à grands pas vers nous.
-T'es une vraie fouine en fait ! je marmonne en le lorgnant avec suspicion.
Mon ami arrive à cet instant et jette un regard méfiant vers Caussman, le bras toujours tendu, mais qui ne fait pas mine de vouloir détacher ses yeux des miens.
-Ok, marché conclu, finis-je par dire en empoignant sa main.
Un sourire orne rapidement son visage et il se détourne pour enfourcher son balai et s'élever dans les airs.
-Un problème, Aly ?
-Aucun, mon petit Casp. Tu es dans quelle équipe, au fait ?
-Les rouges. Il y a Henry et Aaron avec moi. C'est Ariane qui fera l'arbitre.
-Et bien en piste, qu'est-ce que tu attends ?
Il me lance un dernier regard indéchiffrable et saute à son tour sur son balai pour s'élever dans les airs. Pour ma part, je monte les escaliers de la tribune quatre à quatre et vais me positionner près du compteur de point. Je vois ensuite Ariane, la jeune attrapeuse de Poufsouffle, relâcher les cognards ainsi que le vif d'or, avant de lancer le souafle en l'air.
Puis, le jeu commence. Dans un éclair coloré, les élèves des différentes maisons, alliés pour l'occasion, s'égaillent dans toutes les directions pour s'emparer de la grosse balle ou pour aller se positionner idéalement sur le terrain. Je vois d'ailleurs Casper et Henry se glisser immédiatement à la suite d'un joueur de l'équipe bleue pour tenter de lui voler la balle des mains. Leur adversaire remarque vite la manœuvre et fait une passe à son coéquipier qui file à toute allure pour tenter de marquer un but, facilement arrêté par notre ami Serpentard.
Les rouges prennent alors la main et je note que Casper est bien meilleur qu'il nous l'a toujours laissé présumer. Je suis d'ailleurs étonnée qu'il n'ait jamais voulu entrer dans l'équipe de Serdaigle, vu comment il semble y prendre plaisir. Un premier but est marqué par les rouges et je leur attribue dix points avec un large sourire que Caussman doit voir, même à l'autre bout du terrain.
Le jeu continue et Ariane siffle une faute à l'encontre du batteur de l'équipe des rouges, ce qui donne lieu à un penalty. Aaron arrête le tir du poursuiteur bleu de justesse, mais n'arrive pas à stopper le suivant lorsque le jeu reprend.
Tout le monde est maintenant à égalité, mais les rouges remontent vite la longueur du terrain - en évitant habilement les cognards envoyés par les batteurs bleus - pour marquer un très beau but. Ils réussissent d'ailleurs à intercepter la balle à la remise en jeu, mais le gardien bloque leur second essai.
Puis, le souafle est attrapé par les bleus et ils réussissent, à leur tour, à marquer un but. Du haut de leurs balais, je vois les attrapeurs des deux équipes effectuer de larges trajectoires circulaires autour du stade pour tenter d'apercevoir le vif d'or, mais en vain.
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Au bout d'une quinzaine de minutes, le score est monté à cinquante à quarante en faveur des rouges et toujours pas de vif d'or en vue. Nous sommes d'ailleurs tous surpris lorsque, cinq minutes plus tard, l'arbitre siffle la fin du jeu alors qu'aucun des attrapeurs n'a encore aperçu la petite balle or.
-C'est l'heure de manger ! nous crie la jeune Poufsouffle en agitant sa montre à bout de bras.
J'entends des grognements de dépit de la part d'un grand nombre et nous nous retrouvons rapidement au sol pour discuter du match qui fut serré et dont nous ne pouvons donner de vainqueur définitif.
-Je pense que j'ai gagné, je souffle à Caussman en m'approchant de lui. Même sans vif d'or, l'équipe rouge a mis plus de but que la bleue, tu n'es pas d'accord ?
Le jeune homme retire son foulard pour le remettre dans une caisse et entreprend de délacer ses protections de cuir les lèvres pincées. Il fronce les sourcils en tentant de trouver un argument qui ferait mouche, mais il doit se douter que je ne laisserais rien passer.
-Ok, Tio, grogne-t-il finalement après avoir jeté ses gants et ses protège-tibias au sol. T'as gagné.
-Yes !
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Casper me rejoins sur ces entrefaites et je l'aide à transporter une des épaisses malles jusqu'au local de stockage. Les joueurs vont, à leur tour, poser leurs balais et se changer, pendant que je discute avec mon ami qui m'avoue avoir postulé comme poursuiveur en troisième année, cela n'ayant malheureusement rien donné.
-Peut-être l'année prochaine, me dit-il avec un petit haussement d'épaule. Je sais qu'une place se libérera.
Je lui assure être à cent pour cent derrière lui, puis, les joueurs sortent des vestiaires en discutant avec animation. Nous montons jusqu'au château avec eux et, arrivés non loin de la grande salle, Caussman vient se glisser à mes côtés, écourtant la discussion que j'ai avec la douce Ariane.
-Seize heures, en haut de la tour d'astronomie, me dit-il d'une voix assez basse pour que je sois la seule à l'entendre.
-Seize heures ? Tu vas me faire louper le goûter, mec, t'es au courant ?
Nous arrivons en vue de la grande salle et je remarque que les tables sont déjà pleines d'élèves affamés.
-C'est à prendre ou à laisser, Tio.
-Ok, ok.
Nous nous quittons là et je file rejoindre Jasmine en remarquant le regard appuyé d'Arkwood au loin, qui a noté notre échange. Je m'en désintéresse aussitôt et viens faire face à mon amie qui a une mine joyeuse et qui joue vaguement avec la nourriture qu'elle a dans son assiette.
Casper s'assoit ensuite à mes côtés et entreprend de remplir son assiette avec tout ce qui lui passe par la main. Lorsque la porcelaine n'est plus visible et qu'il nous a versé une bonne portion de jus de citrouille à tous, il tourne un visage neutre vers Jasmine.
-Alors, comment se porte ce bon Rabastan, ce matin ? demande-t-il d'une voix égale, sous nos grands yeux ébahis.
