Mot de l'auteur

/!\ Cette histoire est une réécriture en version boy x boy de "La quête des Livres-Monde" de Carina Rozenfeld, l'histoire et les personnages lui appartiennent ! Les livres peuvent être acheter sur amazon, fnac et en librairie ! (Environ 5 à 14 euros le livre et environ 30 euros l'intégrale) pour soutenir l'auteur et la financer dans ses projets ! /!\

PS : Les personnages autres que Nathan, Zayn, Lia et Aela ne m'appartiennent pas ! Ils sont de Carina Rozenfeld, une écrivaine très talentueuse que j'admire !


La nuit portant effectivement conseil, Zayn avait profité des quelques heures de calme qui le séparaient de la matinée pour tourner et retourner dans sa tête les événements de la nuit.

Il avait fait quelques recherches sur Internet, assis en tailleur sur son lit, l'ordi posé sur ses genoux. Seule la lumière bleutée de l'écran éclairait son visage aux traits tirés par la fatigue et l'inquiétude. Une partie de lui avait envie de baisser les bras, de se laisser envahir par le même sentiment de désespoir qu'il avait ressenti chez Nathan. Mais ce n'était pas dans son caractère. Il n'abandonnait jamais. Ou alors seulement après avoir épuisé tous les recours possibles. Hors de question de laisser tomber, cette fois. L'enjeu était trop énorme ! Des millions de vies comptaient sur lui pour se réveiller, il ne pouvait pas les laisser s'enfoncer dans les limbes du néant sans avoir, au moins, tout essayé.

Sur le site de la mairie de Paris, il dénicha un article qui résumait le déroulement du chantier ouvert pour rénover la tour Saint-Jacques. Il le lut attentivement sans trouver les informations qu'il cherchait. Il s'orienta sur Google et contempla des photos de la tour enveloppée de grandes bâches blanches qui la masquaient aux regards du public durant sa rénovation. Puis on avait découvert le sommet, la première partie achevée, quelques mois avant d'ôter l'ensemble des échafaudages.

Ne trouvant rien d'autre de concret, il finit par s'endormir d'un sommeil agité. Aussitôt il se retrouva près de la tour.

Dans son rêve, le monument était encore emballé, comme un cadeau que l'on peaufine consciencieusement avant de le dévoiler. Des hommes s'affairaient autour de ses murs, se penchant sur les statues, étudiant l'état d'usure de la pierre, des bas-reliefs. Il était si facile, alors, de trouver un objet inédit, caché derrière une brique mal ajustée, un livre doré, qui tranchait avec tout le reste de l'édifice.

L'ouvrier qui l'avait trouvé devait l'avoir signalé au chef de chantier, c'était inévitable. Étonné par cet objet inhabituel, qui ne collait pas avec la tour, anachronique, étranger, celui-ci était allé trouver quelqu'un, lui demander s'il savait ce que c'était, à quoi cela pouvait servir, de quand cela datait. C'était certain.

Quand Zayn se réveilla au petit matin, il savait ce qu'ils devaient faire. Leur dernière chance de retrouver le livre...


La fonctionnaire de la mairie se leva de derrière le haut comptoir foncé et disparut dans un petit bureau situé à l'arrière. Nathan, Zayn et Lia attendaient, réfrénant leur impatience, devant des piles de prospectus éparpillés par les visiteurs précédents. C'était l'idée de Zayn de revenir ici, à l'Hôtel de Ville, pour chercher des informations sur les entreprises qui avaient participé aux travaux de mise à neuf du clocher. Selon lui, la personne qui avait trouvé le livre avait certainement dû le signaler. Il fallait s'en assurer...

L'employée finit par revenir avec un petit dépliant.

- Voilà, c'est tout ce que j'ai. C'est dommage que vous ne soyez pas venus avant, il y avait une exposition très intéressante sur la réfection de la tour. Mais c'est terminé maintenant...

- Et vous n'avez rien de plus à ce sujet ? demanda Zayn plein d'espoir.

- Eh non. Ici c'est juste un bureau pour aider les touristes, pas un musée ! Il fallait vous en préoccuper avant, si ça vous intéresse tant ! répondit la femme d'un ton revêche.

- Laissez tomber, murmura Nathan en s'emparant du papier d'un geste brusque.

Il le parcourut des yeux rapidement et interpella à nouveau l'employée qui s'apprêtait à repartir dans les profondeurs du bureau :

- Excusez-moi...

- Quoi encore?

- Y aurait-il un moyen d'obtenir les numéros de téléphone des entreprises qui ont travaillé sur le chantier ?

- En appelant le numéro ici (elle pointa la mine de son stylo sur un numéro à quatre chiffres imprimé en bas de la première page), on devrait pouvoir vous renseigner.

- Merci.

Les trois adolescents sortirent de la petite pièce et se retrouvèrent à nouveau rue de Rivoli. Malgré eux, leurs pas les menèrent vers la tour Saint-Jacques. Sous le soleil, elle était d'un blanc éclatant, tranchant sur le bleu du ciel. Au moins, les travaux de réfection étaient réussis ! Mais cela ne consolait pas le trio qui traînait des pieds le long du square.

- Il ne nous reste plus qu'à espérer qu'une des entreprises nous confirme avoir trouvé le livre pendant les travaux, soupira Nathan en relisant le panneau informatif accroché aux grilles.

- Sinon ? demanda Lia.

- On est très mal.


Un rayon de soleil effleura l'objet posé sur la table du salon. Lenny le contempla en fronçant les sourcils. Il n'arrivait pas à s'habituer à sa teinte dorée qui, pourtant, ne brillait pas, même à la lumière. Il passa une main fébrile sur le métal froid qui enveloppait le livre. Les arabesques compliquées qui ornaient sa couverture ne faisaient qu'accentuer l'aspect étranger qui s'en dégageait.

L'homme ressentait un mélange de fascination et de frustration face à ce mystère.

De la fascination parce qu'il devinait confusément qu'il avait trouvé quelque chose de rare, d'exceptionnel, même s'il était incapable de l'expliquer. Cette conviction s'ancrait en lui, et cela suffisait à faire jaillir les rêves les plus fous dans sa tête.

De la frustration parce qu'il n'avait pas réussi à l'ouvrir. Sa serrure, une sorte de large languette qui reliait les deux couvertures entre elles sur la tranche du livre, était inviolable.

Quelques mois s'étaient écoulés depuis que Lenny avait découvert ce livre, habilement dissimulé derrière une statue de la tour Saint-Jacques. Une brique déchaussée avait attiré son attention alors qu'il s'occupait de la maintenance des échafaudages du chantier de réfection. En voulant la replacer, il s'était rendu compte que l'espace était occupé. Il en avait retiré un livre étrange, à la couverture métallique. En tout premier lieu, il avait pensé prévenir le chef de chantier de sa découverte. Mais l'objet l'avait tellement fasciné qu'il avait été pris d'une folie subite. Il l'avait caché dans ses affaires et rapporté chez lui. Son premier réflexe avait été de dissimuler son butin au fond de l'armoire de sa chambre. Il se sentait honteux d'avoir dérobé une relique, un trésor de la tour, mais c'était plus fort que lui. Puis il avait fini par l'oublier. Ou, en tout cas, s'était forcé à l'oublier. Il craignait tant l'expression de culpabilité que l'on aurait pu deviner sur son visage que, sur le chantier, de peur d'être démasqué, il figeait ses traits. Il lui fallut un certain temps avant de pouvoir rester impassible chaque fois qu'un collègue prononçait son nom ou qu'un artisan s'approchait de l'ancienne cachette de l'objet. Les mois coulèrent, une forme d'oubli prit la place de la crainte et de l'inquiétude. Il quitta la tour Saint-Jacques pour enchaîner sur autre chantier, comme il le faisait depuis des années.

Pendant une longue période encore, il était parvenu à ne pas penser à sa découverte. C'était mieux ainsi. Sinon il serait resté en alerte. Le temps de constater que personne ne réclamait l'objet, il s'était autorisé à le faire remonter à la surface de sa mémoire.

En exhumant le livre caché sous la pile de vieux vêtements qui le dissimulaient depuis tout ce temps, il avait été à nouveau frappé par son aspect étrange, par le métal inconnu de la couverture, par les dessins gravés qui paraissaient venir d'un autre monde, comme une écriture bizarre et très ancienne...

Après avoir passé des heures à tenter d'en deviner le mystère, il s'était décidé à l'ouvrir. L'excitation d'avoir trouvé une relique hors du commun ne s'était pas estompée et il ne voulait surtout pas abîmer son trésor. Il avait commencé par chercher une serrure cachée dans la languette. Sans succès. Puis il était passé aux méthodes douces d'effraction : un tournevis inséré dans tous les petits trous qui perçaient la couverture, un couteau, pour tenter d'éliminer la languette, le marteau, et même la masse. Non seulement il avait échoué systématiquement, mais il n'avait même pas réussi à érafler le métal inconnu. Face à ces échecs répétés et frustrants, ouvrir le livre était devenu une obsession pour Lenny. Il voulait, il devait absolument découvrir ce qui se cachait à l'intérieur ! Il devait évaluer la valeur de l'objet. C'était vital !

Cela faisait des semaines qu'il avait monté un petit plan dans sa tête. Ses dettes s'accumulaient. Même s'il avait moins joué ces derniers jours toutes ses pensées focalisées sur le livre l'avaient détourné de certaines de ses mauvaises habitudes, ses paris hasardeux lui avaient coûté cher, et s'il ne se dépêchait pas de rembourser au moins la moitié de la somme, il allait avoir de gros ennuis. Il avait donc prévu de revendre sa découverte.

Il s'était donc décidé à passer la vitesse supérieure. Tant pis pour l'intégrité de l'objet. Il ne pourrait pas le vendre s'il ne savait pas ce que c'était. Un chalumeau à la main, il jaugeait le livre posé sur la table, comme s'il était un adversaire contre qui il allait mener sa dernière bataille.

En découpant la serrure nettement, proprement, il ne l'abîmerait pas trop et la ressouderait par la suite, presque intacte.

Il hésitait encore : et s'il ne parvenait jamais à l'ouvrir ? Et s'il ne découvrait rien dedans ? Quelle valeur pourrait-il attribuer à un simple livre métallique? Bah, il verrait cela plus tard. Tant qu'il gardait l'espoir de se faire quelques euros...

Lenny enfila des gants, posa un masque de protection devant ses yeux et fit jaillir une flamme bleutée, très fine, de son chalumeau. Alors, sans plus d'hésitation, il attaqua la languette de métal dans une gerbe d'étincelles.


Zayn raccrocha en soupirant et se passa une main fébrile sur le front. Il regarda Nathan et Lia, retenant les larmes prêtes à déborder de ses paupières.

C'était le dernier appel de la liste, et la réponse avait été la même que les précédentes : « Non, je suis désolé, monsieur, nous n'avons trouvé aucun objet qui ressemblerait à un livre métallique caché dans la tour Saint-Jacques. »

Les prospectus en main, ils étaient rentrés chez Nathan pour appeler la mairie de Paris. Au bout de la ligne, un monsieur très aimable leur avait transmis toutes les coordonnées des entreprises qui avaient œuvré à la restauration de la tour Saint-Jacques. Zayn avait prétexté des recherches pour une thèse qu'il menait aux États-Unis afin d'obtenir les renseignements sans attirer l'attention.

Il avait appelé la demi-douzaine de sociétés qui employaient artisans, sculpteurs, menuisiers, tailleurs de pierre, ayant tous travaillé à nettoyer la façade, à remettre à neuf les statues et les gargouilles. Il avait également eu le maître de chantier qui s'était occupé des échafaudages et avait obtenu, chaque fois, la même réponse négative.

Le Livre des Lieux était introuvable.

La piste s'arrêtait là.

- Nous voilà dans de beaux draps, murmura Nathan en appuyant les doigts sur ses paupières fermées. Nous ne trouverons jamais le livre.

- Est-ce que Suméor l'a réellement caché dans la tour ? demanda Zayn.

- Oui, j'en suis sûr. Son message était très clair. Et je pense que quelqu'un l'a bel et bien trouvé sur le chantier de la tour et l'a gardé. Mais pour en faire quoi ? Pour le mettre où ? Mystère...

Nathan avait achevé sa phrase dans un murmure.

Lia remua le fond de sa canette de soda en soupirant.

- Je pense comme Nathan. Suméor n'avait aucune raison de nous laisser un message indiquant la tour comme cachette du livre s'il ne l'avait pas mis là-bas. Les Chébériens sont étranges, mais pas à ce point-là.

- So it's a dead end... conclut Zayn.

Nathan avait remarqué qu'il utilisait l'anglais quand il était très ému. Il détourna pudiquement le regard pour éviter de voir les larmes s'échapper des yeux dorés de son ami.

- Comment annoncer ça à Eyver ? Vous vous rendez compte de tous les sacrifices qu'il a faits pour son monde ? L'espoir qu'il entretient de le retrouver un jour, ainsi que sa femme et ses enfants ? Ça va le tuer. Il n'aura plus aucune raison de lutter, il va se laisser engloutir par l'oubli.

La voix de Nathan tremblait pendant qu'il parlait du vieil homme en chaise roulante. Même si lui-même ressentait un profond désespoir à l'idée d'échouer, il n'avait pas la même relation viscérale à Chébérith qu'Eyver. Il n'avait pas vécu là bas, il ne pouvait l'imaginer qu'à partir des rares images holographiques qu'Eyver lui avait fugacement montrées. Il porterait toujours en lui le regret de ne pas découvrir le monde d'où il venait, mais on ne pouvait pas ressentir le manque de ce que l'on ne connaissait pas. C'était différent pour Eyver... Il secoua la tête tristement.

- On n'est pas obligés de lui annoncer les choses comme ça, proposa Louis.

- C'est-à-dire ?

- Ben, on n'a qu'à lui dire qu'on a une piste mais que ça va être long. Il ne perdra pas complètement espoir...

- Et ça mènerait à quoi ? demanda Zayn la voix vibrante d'un désespoir teinté de colère. On sera bien obligés de lui avouer, un jour, qu'on ne trouvera jamais le Livre-Monde.

- Pas forcément... Il peut se passer plein de choses d'ici là..., hasarda Lia encore une fois.

- Comme quoi ? Il va tomber du ciel droit sur notre tête ? Zayn essuya rageusement ses larmes du revers de son poignet.

- Calme-toi, Zayn... Non, mais l'Avaleur de Mondes est puissant, il peut le découvrir de son côté d'une autre manière. On n'a qu'à le surveiller, ou lui reprendre le livre s'il le trouve...

-Mais bien sûr..., soupira sarcastiquement Zayn en fourrant ses affaires dans son sac avec des gestes brusques. Je rentre chez moi. Quand tu auras réussi à choper l'Avaleur de Mondes au coin de la rue et que tu lui auras arraché des mains le livre sans qu'il cherche à riposter, appelle-moi, tu as mon numéro.

- Que comptes-tu faire ? demanda Nathan, rendu soudainement inquiet par l'intonation dans la voix de son ami.

- Je vais acheter un billet pour rentrer à New York. Je ne sers plus à rien ici...

Nathan se leva rapidement et la retint par le bras.

- Ne fais pas ça, implora-t-il.

Il tourna alors vers lui un regard noyé de tristesse, de frustration, de rage aussi.

- Je suis désolée, Nathan, mais je ne sais plus quoi faire, là... J'ai besoin de prendre du recul, ça me fait trop mal.

Le garçon le lâcha. Zayn s'échappa silencieusement.

Nathan contempla un long moment la porte par laquelle il avait disparu, en se reprochant son silence. Il aurait dû trouver les mots pour le rassurer, lui faire entrevoir l'espoir. Mais lui-même ne savait pas où en puiser. Et, maintenant, Zayn était parti...