Fire Emblem Awakening : Chronicles of the Fall of Grima

Disclaimer: Fire Emblem Awakening est la propriété de Nintendo, je ne fais que reprendre ses personnages à des fins non lucratives.

AU de l'univers de Fire Emblem Awakening.

Une sorte d'épilogue pour conclure le second arc et préparer le troisième. Il n'y aura pas de combat dans ce chapitre.

Illustration de la robe à motif floral que Sirene porte dans ce chapitre.

Chapitre 24, Epilogue à l'Arc2/Prologue à l'Arc 3 Grima:

Valentia, Rigel, Nightsong, 10 mars de l'an 1032 après le Schisme.

_ Alors vous allez vraiment repartir après-demain…, marmonna Sigorn Albein, le prince héritier de Rigel et futur roi du royaume.

Le visage de Sigorn, et celui de son frère Rudolf assis à côté de lui, affichaient encore des vestiges de leurs longues captivités, mais ils se remettaient petit à petit tout comme leurs sœurs sous la surveillance des guérisseurs de la Coalition. Toutefois, les affaires du royaume et le problème de la succession de Valm et des terres conquises par son oncle n'attendaient pas la conclusion de leurs traitements. Retarder davantage ce type de décisions ne ferait que créer une brèche politique dans laquelle plus d'un dynaste ambitieux tenterait de s'engouffrer. Sigorn n'était pas assez naïf pour croire qu'aucun dynaste ne convoitait les anciens territoires sous l'hégémonie valmienne.

Aujourd'hui, il avait réuni les leaders de la Coalition, ses sauveurs, pour connaître leurs opinions à ce sujet avant qu'ils repartent deux jours plus tard. Sigorn aurait aimé qu'ils prolongent leur séjour, ou tout du moins que le Duc Virion et la famille royale de Chon'sin restent à Valentia pour l'aider à remettre le continent sur les rails. Mais il pouvait comprendre leur angoisse et désir de voyager jusqu'à Archanéa.

Le retour de Grima…. Sigorn ne parvenait toujours pas à y croire, alors même qu'il avait rencontré les voyageurs du temps. Titania Greil lui avait même montré le bracelet unique, que le prince héritier avait offert à Sirene bien avant le début de la Conquête de son oncle. Un bracelet dont il avait lui-même dessiné le model avant de remettre son plan à un orfèvre. Sigorn avait fait promettre à l'artisan de ne pas le réutiliser pour produire d'autres exemplaires de ce bijou et il doutait que l'orfèvre est le cran de s'opposer à un ordre royal. Ce bracelet devait être spécial, un présent complètement unique pour une personne toute aussi unique à ses yeux. Même si Sigorn avait échoué à transmettre l'ampleur de ses sentiments en le remettant à Sirene. Il pensait qu'il avait le temps de la courtiser officiellement, mais il s'était trompé et maintenant….

Non, il ne devait pas penser à ça aujourd'hui. Sissi était heureuse et avait même fondé une vie de famille. Il avait perdu sa chance et devait l'accepter, il était temps de tourner la page et réfléchir au futur de Rigel. Bientôt, il devra choisir sa future… épouse et s'assurer que la succession de Rigel soit solide. Rudolf recevra probablement Valm comme domaine, malgré les mauvais souvenirs que le palais lui rappellerait. Brynhildr… restera sûrement à Rigel avec lui encore quelques temps, après son retour d'Archanéa. Sigrun cherchera un époux très bientôt, la connaissant, tandis qu'Ortlinde souhaitait profiter le plus possible de leur liberté retrouvée.

Sigorn se promit de garder un œil sur de possibles prétendants pour Rudolf et Sigrun. Des partenaires appartenant à la noblesse seraient préférables pour stabiliser leurs positions politiques, mais s'ils désiraient épouser des gens ordinaires, Sigorn les soutiendrait. Après ce qu'ils avaient vécu ces dernières années, ils méritaient un peu de bonheur et en tant que frère aîné, c'était son job de s'assurer que ses plus jeunes frère et sœurs soient heureux.

_ Oui, nous ne pouvons pas laisser Archanéa sans défense actuellement. Avec la guerre terminée… nous devons nous préparer à faire face à Plégia, déclara le Saint-Roi Chrom en fronçant des sourcils.

Plus loin autour de la même table, Rodrigues Jubel hocha de la tête sombrement avant d'ajouter :

_ Comparé à la seconde ligne temporelle, la guerre contre Valm a duré beaucoup moins longtemps dans notre monde, et a été moins dévastatrice…. En revanche, la guerre contre Plégia s'est terminée avec un nombre de pertes plus importants dans l'armée de mon royaume, et Gormal a aussi perdu le soutien politique et militaire de deux régions entières Grust et Macédonia. L'armée plégienne ne pourra pas compter sur la Légion des Sables ou les Dragons du Désert*, autrement dit elle a perdu sa meilleure cavalerie et armée aérienne. En temps normal, ce serait une bonne chose. Mais dans le conflit qui s'annonce, cela peut jouer contre nous, commenta Rodrigues.

_ Que veux-tu dire ? Les troupes plégiennes n'ont pas eu autant de temps pour se remettre sur pied que dans l'autre futur, nous devrions pouvoir les vaincre plus facilement, rétorqua Chrom.

_ Tu oublies de prendre en compte plusieurs points, Chrom. Déjà, si nos ennemis se trouvent dans une position d'infériorité numérique, ils n'hésiteront pas à recourir à des tactiques plus sournoises pour nous éliminer. Prendre des otages ou des assassinats par exemple. Ensuite, il y a aussi l'existence du Grima du futur qui change radicalement le déroulement d'une guerre contre Plégia dans notre époque. Ce Grima peut créer des Ombres, des Terreurs et des Sorcières librement et les envoyer affaiblir nos troupes avant ou après que l'armée plégienne nous attaque. Lors de l'attaque de la Capitale, nous n'avons pas rencontré d'autres de ces… Abominations*, je pense qu'il les garde en réserve pour la guerre contre Plégia, expliqua Sirene.

Ses interlocuteurs hochèrent de la tête à ses mots. Sirene marquait un point. Ils ne pouvaient pas se reposer uniquement sur les actions de leurs ennemis dans l'époque de Lucina et ses compagnons, afin de les contrer. Les deux époques suivaient déjà des chemins complètement différents, alors il était logique que leurs adversaires changent de tactique pour les prendre par surprise. Et les Abominations étaient un élément clé dans leur stratégie, de cela il n'y avait aucun doute. Ils étaient l'une des cartes maitresses de Grima, une force qu'il n'avait pu libérer qu'après son retour dans l'époque de Lucina.

Mais aujourd'hui, Grima et Gormal étaient complètement libres de s'en servir activement durant le conflit à l'horizon. Cela serait même absolument étrange s'ils ne s'en servaient pas, alors que leur armée était en morceaux.

_ En parlant des Abominations. Pensez vous que Grima cherchera à réutiliser des figures historiques comme Nuibaba et Jedah ? S'il a pu ressusciter ces deux-là, ne pourrait-il pas faire de même avec des hommes comme Gharnef ?, enquerra Basilio gravement.

Ce n'était pas un sujet sur lequel, même lui pouvait plaisanter. Leur armée n'avait pas besoin que des zombis d'anciens vilains reviennent en masse pour les affronter. Et même ça, serait préférable à l'alternative que des héros comme le Roi Marth ou Aurélien soient ressuscités comme serviteurs par Grima.

_ En théorie, Grima en est capable. Il l'a prouvé avec Nuibaba et Jedah. Mais nous ne savons pas si cette capacité nécessite des conditions pour être utilisée. En fait, nous ne connaissons pas du tout l'ampleur des pouvoirs de Grima, maugréa Shella avant de se tourner vers les voyageurs présents à ce conseil.

Lucina, Ten'ma, Nike, Fen'luan, Inigo, Aife et Nah avaient été invités à prendre part, car ils avaient tous plus ou moins d'influence politique dans leur époque d'origine. Lucina était la dernière Sainte-Reine après la mort de Lissa. Ten'ma était le roi de Chon'sin, et Fen'luan son successeur. Nike était le Duc du Jardin des Géants, Inigo le nouveau Duc de Rosanne, Aife, la sœur de l'Archiduc de Zofia, et Nah était considérée comme le nouvel Oracle de Naga après la mort de Tiki.

_ Dans notre époque, Grima n'a pas eu besoin d'employer de stratégies complexes pour éliminer l'humanité. Il a juste créé encore et encore des Ombres, afin de nous vaincre par attrition. Nos camarades défunts étaient généralement retournés en Ombres contre nous, lorsque nous ne brûlions pas leurs cadavres, marmonna Ten'ma en fronçant des sourcils.

_ Grima n'a jamais montré de talents tactiques dans nos affrontements, se contentant d'utiliser la force brute afin de parvenir à ses fins. Notre résistance l'amusait d'une certaine manière, maugréa Lucina.

_ Il est probable que sa longue espérance de vie semblable à celle des Manaketes l'ait rendu plus nonchalant à notre époque, car il pensait qu'il avait amplement le temps de massacrer l'humanité jusqu'au dernier. Mais dans cette époque-ci, il a davantage de contraintes et un « calendrier à respecter », nous pourrions dire, déclara Nah pensive.

_ Un calendrier ?, lui demanda Chrom.

_ L'espérance de vie de son hôte ET le délai pour accomplir le rituel de l'Eveil, bien sûr. Dans l'état actuelle des choses, Grima n'a pas retrouvé ses pleins pouvoirs, nous en avons la certitude, car il n'a pas utilisé ses méthodes de prédilection pour obtenir les gemmes et l'Emblème. Croyez-nous, si ce mou du chou était à pleine puissance, il aurait rasé plusieurs nations de la carte depuis le temps, répondit Ten'ma en haussant les épaules.

_ Grima ne peut plus se permettre de nous prendre à la légère. Si vous réussissez à libérer Sainte-Falchion, vous obtiendrez la force de le sceller à nouveau. Et une fois Gormal hors d'état de nuire, il n'aura pas d'autre hôte potentiel dans cette époque, il est même possible de détruire toutes ses chances d'un jour retourner dans notre monde, poursuivit Nike.

_ Si Gormal ou Gangrel n'ont pas laissé de progénitures sur lesquelles les Disciples auraient pu mettre la main, rappela Ten'ma sur un ton légèrement suggestif qui exaspéra son père et ses tantes, mais amusa grandement Aura.

_ En tout cas, Grima peut compter sur la sournoiserie de ses Disciples pour concocter des plans à sa place, et c'est donc d'eux dont il faut se méfier, déclara Nike.

_ Il est plus que probable que Valldar fasse partie de ses conseillers. Mon ex-mari a toujours été très doué pour lécher les pompes de ses supérieurs et comploter. J'ai hâte de le revoir et lui témoigner violemment à quel point il m'a manqué, commenta Shéhéraza avec un sourire sanguinaire sur le visage.

Tous ses interlocuteurs frissonnèrent et prirent presque pitié de Valldar.


À Plégia, l'Ombre de Valldar éternua subitement alors qu'il se préparait à exécuter l'une des étapes cruciales du plan de son Maître (ou plutôt le plan qu'il avait concocté pour lui). Bizarrement, il avait l'impression que l'un des rejetons de Naga entre tous avait eu pitié de lui…. Non, c'était complètement ridicule. Il avait dû halluciner ou quelque chose dans le genre. Bien sûr, en tant qu'Ombre, il n'était pas sensé être physiquement capable d'être pris d'hallucination…. Hum….


_ En tout cas, il serait peut-être plus prudent de se préparer à l'éventualité que des zombis d'anciennes légendes fassent leur apparition. Même si nous pourrions utiliser des Einherjars pour les contrer ?, proposa Sirene à voix basse.

_ Hum ? En parlant d'Einherjars, tu ne les as pas utilisés durant la guerre ?, remarqua Chrom confus.

_ Non, je les ai bel et bien invoqués durant les combats, mais je les ai positionnés près des guérisseurs comme ligne de défense. Je ne souhaitais pas donner d'idée à Grima s'il surveillait les batailles, expliqua Sirene.

Si la majorité des Einherjars en leur possession n'avaient jamais rencontré Grima, Sirene avait des doutes au sujet des anciens combattants de l'armée d'Alm et Celica. Elle se souvenait d'avoir feuilleté il y a bien longtemps des archives faisant références à une exploration des ruines du labyrinthe de Thabes par le couple, là où ils auraient affronté une créature à l'apparence de dragon. Un emblème familier y aurait aussi été trouvé, les six yeux de Grima. Si l'intuition de Sirene était juste, Grima avait été conçu dans les ruines de Thabes et Alm et Celica l'y aurait déjà vaincu une première fois il y a deux milles ans. Puis mille ans plus tard, Grima était revenu et avait été battu une seconde fois par l'armée du Premier Saint-Roi Aurélien. Et aujourd'hui, un millénaire après, Grima préparait son retour avec l'intention d'éliminer toute l'humanité.

Sirene prit note dans un coin de sa tête de se rappeler d'emprunter les Einherjars d'Alm et Celica à sa mère. Le couple pourrait peut-être lui apprendre davantage sur Grima….

_ Je suis d'accord avec Sirene. La prudence est de mise mes bons amis. Notre ennemi possède des pouvoirs dont l'étendu reste insoupçonnée. Agir précipitamment ne nous mènera qu'à une défaite cuisante, ce que l'on ne peut pas risquer, alors que la survie de l'humanité est en péril. La guerre qui approche… ses enjeux seront bien plus funestes que ceux du conflit que nous venons bravement de conclure, dit Virion sombrement.

_ Nous combattrons pour l'Humanité toute entière. Un lourd poids sur nos épaules, mes amis. Mais je pense que nous en sommes capables. Notre époque a une chance de survivre à Grima, déclara Say'ri avec conviction.

_ Nous avons échappé à des années supplémentaires de guerre contre Valm, nos armées sont encore fortes et déterminées à combattre. Nos chances sont loin d'être mauvaises, si nous faisons attention à ne pas tomber dans le traquenard des Disciples, commenta Priam.

_ Priam a raison. Nous sommes parvenus à limiter les dommages causés par la guerre à Valentia et nos pertes ont été vraiment minimes durant toutes ces batailles. Nous avons une large armée solide ET soudée. Plus vite nous retournerons à Archanéa, moins de temps Grima disposera pour nous frapper, agréa Sirene.

_ Les bateaux pour votre voyage de retour ont été stockés avec suffisamment de vivres pour le trajet. Une partie de l'ancienne armée rigélienne se joindra à vous et sera sous le commandement de Brynhildr, prenez cela comme la contribution de Rigel à notre cause. Il y a aussi ceci que j'aimerai vous remettre, Horde et Sol, déclara le prince Sigorn en ordonnant à un garde de déposer les deux armes sur la table devant Chrom.

_ La hache de Walhart et son épée ?, marmonna Chrom.

_ En effet, ces deux armes sont des reliques légendaires de Valentia. Sol confère même la technique du même nom à son propriétaire, tandis qu'Horde est une hache millénaire au tranchant toujours aussi aiguisé qu'au premier jour. Prenez ces deux armes, et remettez-les à des guerriers dignes de confiance, je vous en prie, demanda Sigorn.

_ Pourquoi ne pas donner Horde à Owain pour le moment ? Il semble extrêmement désireux d'une arme légendaire telle que cette hache. Pour Sol, Lon'zu serait un excellent choix de manieur, proposa Sirene à Chrom, qui hocha de la tête.

_ Je dois avouer que tes propositions me plaisent, mais Flavia et Basilio, cela ne vous dérange pas ?, demanda Chrom en se tournant vers les deux Khans.

_ Oh, ne t'inquiète pas, Chrom. Khanaille et moi avons des armes… spéciales qui nous attendent à Ferox. Nous ne les avons jamais sorties devant toi, c'est vrai, mais les Khans ont leurs propres reliques, répondit Flavia en souriant calmement.

_ Vraiment ?

_ Yep ! Mercurius et Parthia, deux des trois reliques légendaires d'Archanéa, déclara fièrement Basilio.

_ Et la dernière, Gradivus est entre les mains de mon cher cousin, Oberyn. Vous avez donc de votre côté les détenteurs de toutes les reliques, ajouta Shéhéraza en riant.

_ Hum, d'un coup, je dois avouer que je me sens plus en confiance, ria Chrom.

_ C'est vrai que savoir que les détenteurs de plusieurs armes légendaires se battront de notre côté, est une source de soulagement et d'inspiration. On a l'impression que rien n'est impossible, commenta Sumia.

_ Je vois ce que vous voulez dire, reine Sumia. Leurs présences sont réconfortantes et en même temps encourageantes, comme si rien que les avoir à nos côtés nous rendait plus fort, agréa Say'ri.

La discussion se poursuivit pendant une bonne demi-heure de plus. Puis quand le silence s'installa à nouveau, le prince Sigorn jeta un coup d'œil à la liste des sujets qu'ils étaient sensés aborder ce jour-là.

_ Bien, je pense que nous avons évoqué tous les sujets à l'ordre du jour. Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter ?, demanda Sigorn en observant chacun à leur tour les personnes présentes dans la salle de réunion.

Ils secouèrent tous la tête ou répondirent « non » immédiatement, et Sigorn hocha de la tête avant d'annoncer :

_ Alors, je déclare ce conseil clôt pour aujourd'hui. Merci à tous de vous être réunis cet après-midi pour converser sur la marche à suivre pour restaurer Valentia et affronter Grima, conclut-il en se relevant à l'aide d'une canne.

Les autres firent de même et se séparèrent en petits groupes pour retourner à leurs obligations respectives ou simplement discuter.


Le groupe de Chon'sin sortit en premier pour rejoindre leur armée et informer leurs soldats de certains points décidés durant le conseil.

Virion, Zelcher et Inigo discutaient ensemble de Rosanne et de la décision du Duc de laisser à nouveau Olivia en dehors des combats. Olivia avait souhaité les accompagner, mais Virion l'avait suppliée de rester à Roseraie avec les enfants. Même si la Coalition avait un solide avantage sur Plégia, leur victoire n'était pas garantie. Tout comme dans l'autre ligne temporelle, leur armée pouvait être vaincue et cette fois-ci leurs enfants seraient bien trop jeunes pour même penser à prendre les armes. Grima serait de retour près de dix ans plus tôt après tout. Alors, Virion ne souhaitait pas prendre le risque de perdre stupidement Olivia, alors que sa présence à Rosanne pourrait peut-être sauver le jeune Inigo et ses petits camarades. Si Archanéa tombait une seconde fois, la survie de l'humanité reposerait sur les forces de Valentia et celles d'Elibe et Jugdral, si on parvenait à contacter les deux derniers continents. Olivia serait en charge de mener le reste des troupes de Rosanne à sa place.

Tiki et Nah parlaient avec Aramis des capacités de Grima en formulant diverses hypothèses à ce sujet. Les noms du Premier Saint-Roi et de ses compagnons d'arme il y a mille ans, étaient mentionnés à plusieurs reprises. Aramis semblait craindre que Grima les ressuscite comme serviteurs morts-vivants, une supposition qui fit pâlir Tiki, mais qu'elle ne pouvait pas réfuter malheureusement. Près d'eux, Boudicca et Aife écoutaient silencieusement et priaient intérieurement Naga pour qu'aucun héro de Valentia n'apparaisse sur le champ de bataille. L'idée d'affronter l'Ombre du Saint-Roi Alm ou de la Sainte-Reine Celica, ou pire Mila ou Duma, n'était absolument pas réjouissante pour elles.

Brynhildr et Rodrigues discutaient de Plégia à voix basse, la Princesse interrogeant Rodrigues sur les localisations des bases des Disciples de Grima et sur tous les renseignements dont il disposait sur eux. Le paladin noir pouvait aisément comprendre la véritable motivation derrière cet interrogatoire, Brynhildr souhaitait savoir où sa mère pourrait bien se cacher à plégia.

Les familles Greil et Lowell étaient calmement sorties séparément. Même si Chrom avait jeté des petits regards en coin à Sirene, qu'il pensait discrets. Sumia et Lucina les avaient remarqué et en retour le regardaient avec déception, une réaction qui était passé inaperçue à Chrom.

Enfin, Basilio et Flavia avaient traîné Shéhéraza et Arthur en direction de la cour d'entraînement. Le quatuor ne s'était pas affronté depuis plus de vingt ans et comptait bien corriger ça aujourd'hui.


_ Deux contre deux ? Ou des duels individuels ?, demanda Basilio en prenant une hache en bois d'entraînement pour lui et une épée pour Flavia.

Shéhéraza prit elle aussi une épée en bois, tandis qu'Arthur s'empara d'une lance.

_ Ho ho ho ! Deux contre deux me tente ! Moi et Arthur allons vous mettre une nouvelle bonne raclée après toutes ces années, déclara Shéhéraza avec assurance.

_ Toujours aussi confiante en tes capacités à ce que je vois. Mais si je me souviens bien, lors de la bataille d'Altea, Basilio a failli t'éventrer et c'est Arthur qui est arrivé à temps pour te sauver, commenta Flavia avec un sourire sanguinaire sur les lèvres.

_ Ara ara ! Mais tu oublies que si Basilio a failli m'avoir, c'est parce que je t'avais à ma merci et que je m'apprêtais à te carboniser avec une boule de feu, rétorqua Shéhéraza avec un sourire tout aussi terrifiant que celui de Flavia.

Les deux hommes les regardèrent se fixer du regard avec un air exaspéré. Mais après quelques secondes, les deux femmes éclatèrent de rire, puis se serrèrent la main, comme si elles se préparaient à combattre au bras de fer.

_ Franchement, les deux dernières décennies étaient ennuyeuses sans toi !, déclara Flavia en riant.

_ Il en va de même pour moi ! Les Valentiens ne sont pas aussi divertissants que Khanaille et toi, ria Shéhéraza.

_ Et voilà pourquoi je me suis jamais marié. Les femmes sont bien trop étranges, comme une espèce complètement différente, commenta Basilio à Arthur d'une voix basse.

L'héro hocha de la tête avec sympathie. Il savait très bien de quoi le Khan parlait, Shéhéraza était sa sœur et il l'avait aidée à élever ses deux filles. Sans compter les nombreuses femmes de la Compagnie Pourpre qu'il côtoyait fréquemment depuis des années. Arthur avait de l'expérience dans ce sujet et pouvait écrire un long traité sur les « bizarreries féminines ».

_ Mais au moins, toi tu ne vis pas avec Flavia, alors que moi je dois supporter la folie de Shéhéraza au quotidien. J'adore ma sœur, mais parfois elle me rend chèvre, maugréa Arthur.

Peut-être qu'à sa place, quelqu'un d'autre aurait abandonné Shéhéraza des années plus tôt, mais Arthur était loyal à sa sœur et ses nièces. Être le fils bâtard d'un ancien souverain de Plégia était loin d'être facile, surtout quand le géniteur refusait de prendre ses responsabilités sérieusement. Arthur savait qu'il avait eu de la chance que la reine Alia soit généreuse et compatissante. C'était elle qui s'était assurée qu'Arthur puisse vivre correctement et même fréquenter sa demi-sœur ainée. Une décision qui avait grandement surpris la cour à l'époque, mais qui avait augmenté la popularité d'Alia parmi le peuple.

Une autre reine aurait sûrement éliminé au plus vite le fils naturel de son époux, afin qu'il n'interfère pas avec la succession de ses enfants. Le fait qu'Arthur ne naisse pas avec Ignition, avait probablement joué dans sa survie, car un détenteur d'Ignition légitime ou bâtard était toujours privilégié dans la succession au trône de Plégia. Plégia était une théocratie, et Ignition le symbole de la lignée Forneus, donc il n'était pas surprenant que ses détenteurs soient préférés par rapport aux autres membres de leur famille.

_ Je te plains, vraiment. J'ai depuis longtemps renoncé à l'idée de vivre avec Flavia, elle est bien trop cinglée pour moi, ria Basilio.

_ Qui est cinglée ?, demanda sur un ton menaçant, Flavia, qui n'avait entendu que son nom et l'adjectif « cinglée » dans sa phrase.

_ Hum, pourquoi ne pas faire de ce duel un match hommes contre femmes ? Je crois que nos deux compagnons méritent une bonne leçon, proposa Shéhéraza avec un regard pétillant.

_ Bonne idée, montrons à ces deux idiots de quoi on se chauffe, nous les femmes !, approuva Flavia en pointant son épée de bois vers Basilio.

Les deux hommes déglutirent. Mais dans quel pétrin s'étaient-ils fourrés ?


Un peu plus tard dans la journée, Sumia et Lucina marchaient d'un pas décidé vers la bibliothèque du palais de Nightsong, là où Sirene était sensée se trouver selon Miriel. Sumia se répétait encore et encore qu'il n'était plus temps de faire marche arrière, alors que les ressentiments de Lucina envers Sirene ne faisaient que croître. Cette discussion n'avait été que trop reportée à ses yeux.

Elles arrivèrent rapidement devant les portes de la bibliothèque, grâce aux indications de Miriel. Sumia s'apprêtait à frapper pour avertir de leur présence, mais Lucina ne lui en laissa pas le temps, elle tourna directement la poignée et ouvrit la porte. Puis Lucina indiqua à sa mère d'entrer la première, Sumia l'en remercia d'un signe de tête avant de pénétrer dans l'énorme salle.

La bibliothèque de Nightsong était plus large que celle d'Ylisstol, ce fut le premier détail que Sumia remarqua en y entrant. La pièce était énorme avec des rangées et des rangées de livres, que Sumia aurait adoré avoir le temps de lire. Plusieurs dizaines de tables occupaient le centre de la salle et à chacune d'elles se trouvaient des chandeliers magiques pour faciliter la lecture. La salle était sans fenêtre pour préserver le mieux possible les livres les plus anciens et seules les lumières de ces chandeliers enchantés éclairaient l'intérieur de la salle d'une douce luminosité.

En dehors de Sumia et Lucina, il n'y avait que Sirene, Catria, Laurent et une jeune fille rousse dans la bibliothèque, et le quatuor était installé à une même table pour discuter d'un livre que Sirene tenait entre ses mains. Sumia se sentit immédiatement coupable de débarquer à l'improviste, alors que Sirene semblait sérieusement occupée, mais Lucina lui prit la main et la tira de force vers le groupe. La jeune princesse n'avait aucune intention de faire machine arrière.

Sirene leva les yeux dans leur direction et cligna des paupières un bref instant de surprise en les apercevant. Très vite, sa surprise laissa place à un sourire amical et elle les salua chaleureusement.

_ Bonsoir, Sumia, Lucina ! Vous êtes venues pour un brin de lecture ?, demanda la duchesse avec enthousiasme.

Elle savait Sumia une avide lectrice comme elle, alors il ne serait pas surprenant que Lucina partage elle aussi ce délicieux hobby. Lire était l'une des meilleures activités pour aiguiser l'esprit aux yeux de Sirene, avec les jeux de réflexion comme les échecs ou le shogi.

Sumia se mordit la lèvre pour se préparer à répondre, mais à nouveau Lucina la prit de vitesse.

_ Non, nous souhaitions nous entretenir en privé avec vous, répondit Lucina sans parvenir à masquer sa froideur.

Sirene cligna à nouveau les yeux de surprise.

_ Une conversation privée ? Hum, il n'y a pas de problème, nous pouvons nous servir du bureau du bibliothécaire à l'arrière. Personne ne l'utilise actuellement. Cela ne vous dérange pas si je m'absente un moment ?, enquerra Sirene à ses camarades.

Laurent et Catria secouèrent la tête, tandis que l'Einherjar de Celica lui sourit.

_ Nous pouvons poursuivre nos recherches seuls en vous attendant, prenez tout le temps dont vous aurez besoin, déclara Celica.

_ Merci beaucoup, Votre Majestée. Je vous confie nos découvertes en mon absence, gloussa Sirene avant de se lever tout en plissant instinctivement sa robe blanche et son long manteau de mage rigélien, un présent récent de Brynhildr.

Si on la voyait aujourd'hui, personne ne penserait qu'il y a encore quelques années, elle était une simple mercenaire. Son apparence actuelle était digne d'une véritable dame de la noblesse.

Sa mère l'avait forcée à rafraîchir ses leçons d'étiquette et à se comporter davantage comme une princesse, maintenant que leurs véritables identités avaient été révélées aux oreilles de tous. Sirene avait la certitude que cette nouvelle atteindrait bientôt Plégia, probablement avec un coup de pouce de son oncle Oberyn. Ce vieux filou propagerait très certainement des rumeurs sur le retour imminent des deux princesses, venues pour sauver les Plégiens de Gormal et Grima, afin de gagner le soutien populaire à la cause de la Coalition. Si Shéhéraza elle-même entrait aux côtés de Chrom et des Khans sur le sol de Plégia, leur armée pourrait être acceptée plus rapidement par les Plégiens comme des libérateurs, plutôt que de nouveaux dictateurs. Personne n'avait envie de gagner la réputation d'une « Seconde Croisade », alors que seuls Grima et Gormal étaient leurs cibles.

Et pour cela, Sirene devrait très bientôt se débarrasser de sa teinture violette pour retrouver son brun foncé naturel, presque noir. Dommage, elle préférait sa couleur violette, à celle qu'elle avait héritée de Valldar. Si seulement elle était née rousse comme sa mère…. Non, en y repensant, Gangrel et Gormal étaient tous deux roux carmins, comme Shéhéraza, et Sirene n'avait pas envie d'attirer ce type de parallèles entre elle et ses terribles cousins. Surtout si Shéhéraza parvenait à ses fins, et forçait la couronne de Plégia sur la tête de sa fille.

Sirene conduisit Sumia et Lucina à l'intérieur du bureau de Timothée, l'ancien bibliothécaire aujourd'hui décédé. Son successeur n'avait pas encore été décidé, alors pour le moment Sirene et ses assistants de recherche s'occupaient du rangement et de l'entretien de la bibliothèque, puisqu'ils étaient les seuls à l'utiliser. Dans ces livres, ils cherchaient la moindre piste sur Grima qui pourrait aider l'armée à le vaincre une bonne fois pour toute. C'était même la raison pour laquelle Sirene avait invoqué Celica, l'ancienne Sainte-Reine détenait de précieuses informations sur la création de Grima, qui n'avaient jamais été répertoriées à l'écrit.

_ De quoi souhaitiez-vous me parler ?, demanda Sirene sur un ton incertain en contemplant la mine soucieuse de Sumia et le regard glacé de Lucina.

Tous les trois s'étaient assises sur des chaises qui avaient été installées dans le bureau, et Sirene regrettait maintenant de ne pas être restée debout pour préparer du thé, afin d'alléger l'atmosphère lourde qui oppressait la pièce.

Machinalement, elle commença à caresser les broderies de fleurs sur le bas des manches de sa robe. Catria et Titania avaient cousu ces broderies de leurs propres mains avant d'offrir cette robe en cadeau d'anniversaire à leur mère. Un geste qui avait tout particulièrement touché Sirene, car cela avait dû leur prendre des heures pour broder tous les motifs sur cette longue robe. Et pourtant, elles s'en étaient données la peine pour faire plaisir à leurs mères. Sirene était si fière de ses enfants.

_ Je vais aller droit au but. Cessez de tourner autour de père !, demanda Lucina.

Sirene la regarda abasourdie, et seules les leçons de bonne manière que sa mère avait enfoncées dans son crâne, la retint d'ouvrir grand la bouche dans sa stupéfaction.

Sumia rougit d'embarras face au franc-parler de sa fille, mais intérieurement elle était soulagée que Lucina prenne les devants à sa place. La reine d'Ylisse n'avait pas la bravoure de sa fille, elle aurait été incapable de confronter seule Sirene, alors qu'elles étaient autrefois amies. Sumia ressentait encore de l'amertume pour ce qu'elle considérait comme une trahison de la part de son amie.

_ Je ne comprends pas ce que tu me demandes, Lucina…, répondit Sirene après un moment. Tu veux que je mette fin à mon amitié avec Chrom ? J'aurai pensé que vous m'auriez demandé l'inverse…. Si je succède à Gormal sur le trône de Plégia, une amitié entre les souverains des trois nations d'Archanéa serait un formidable pas vers la paix….

Lucina venait d'un monde en ruine, ravagé par la guerre. Elle connaissait mieux que quiconque les terribles conséquences de la guerre. Il serait donc plus logique qu'elle désire qu'à l'inverse la jeune version d'elle connaisse et grandisse dans un monde en paix. Mais voilà qu'aujourd'hui, elle demandait à Sirene de cesser d'approcher Chrom, alors que renouer leur amitié permettrait de rétablir les relations entre Ylisse et Plégia, une fois Grima et Gormal vaincus. Sirene ne la comprenait pas du tout. Chrom avait assuré à Sirene de n'avoir jamais évoqué leur ancienne relation à sa famille. L'autre lui avait-il fait différemment ?

_ Si ce n'était que de l'amitié, je ne m'y opposerai pas. Mais, je vois très clairement à travers votre jeu. Depuis votre première rencontre avec mon père, vous essayez de le séduire ! Vous êtes même allée jusqu'à vous exposer en nuisette devant lui, le soir de la tentative d'assassinat, accusa Lucina en grinçant des dents.

_ … Je vois de quoi tu parles, mais c'était une pure coïncidence. J'avais acheté cette nuisette le jour même avec Cordélia et toi, Sumia. Cette nuit-là, je ne parvenais pas à dormir et je suis allée me promener un peu dans les jardins, là où j'ai tout simplement croisé Chrom. On a discuté de Plégia et de la Croisade, puis tu es apparue, rétorqua Sirene en fronçant des sourcils.

Sa relation avec Chrom était purement amicale à ce moment-là et elle n'avait jamais tenté de séduire Chrom avec son nouveau pyjama. C'était une simple coïncidence qu'ils se croisent, rien de plus. Mais Lucina n'en était absolument pas convaincue.

_ Et les bracelets que vous lui avez offerts ?, siffla Lucina.

_ Je n'ai pas le droit d'offrir un cadeau à un ami ? Sérieusement, ne me dis pas que si un homme ou une femme offre un présent à une personne de l'autre sexe, c'est forcément parce qu'il ou elle est intéressé par l'autre, selon toi. Le prince Sigorn m'a offert un bracelet, il y a des années pour me remercier d'être une bonne amie pour ses sœurs. Yen'fay m'a donné tout un set d'accessoires à cheveux de style chon'sinien avant même d'entretenir une relation avec ma sœur. Virion m'a remis de nombreux livres rares depuis notre première rencontre et il m'a même offert un jeu d'échecs flambant neuf il n'y a pas très longtemps. J'ai moi-même offert à Stahl un livre de recette, à Ricken une plume enchantée, et pleins d'autres petits présents à nos camarades hommes lorsque je faisais encore partie des Veilleurs, rétorqua Sirene en secouant la tête.

Les bracelets étaient des cadeaux qu'elle avait fabriqué avec de pures intentions, parce qu'elle voulait s'assurer que Chrom survive à l'attaque d'un mage. Et voilà que Lucina tentait de souiller sa bonne intention. Oui, Chrom et elle avaient entretenu une relation, mais elle avait commencé après la bataille d'Ylisstol et s'était terminée depuis quatre ans maintenant. Alors être jugée comme une sorte de briseuse de couple ou de séductrice, était quelque chose que Sirene refusait d'accepter. Elle avait sa fierté elle aussi.

_ Ma vie de couple est complètement épanouie malgré les tensions de la guerre. Priam me rend infiniment heureuse et je l'aime de tout mon cœur. Alors je souhaiterai que tu te sortes l'idée que je cherche à séduire ton père de la tête, cela n'est absolument pas ce que je veux. Et être insultée de la sorte est loin d'être plaisant…. Sumia, j'espère que tu ne crois pas aux accusations de Lucina. Chrom et moi sommes constamment entourés, lorsque nous nous rencontrons depuis nos retrouvailles. Il n'y a rien de « romantique » ou « louche » dans nos interactions, déclara Sirene.

La seule rencontre seul à seul qu'ils avaient eu, n'avait duré que deux à trois minutes et Sirene s'était juste assurée que Chrom avait gardé leur ancienne relation secrète. Ils s'étaient aussi mis d'accord pour rester amis et rien de plus. Sirene avait toujours pris soin d'être entourée lorsqu'elle approchait Chrom après ça, justement pour éviter que ce type de rumeurs se propage dans leurs rangs.

_ Vous dîtes ça. Mais père vous regarde avec…, marmonna Lucina.

Elle s'arrêta soudainement en plein milieu de sa phrase, puis serra les lèvres. Comme si la continuer reviendrait à insulter son cher père.

_ Chrom est mon ami, rien de plus. Ce que vous pouvez confirmer en lui adressant directement vos inquiétudes, trancha Sirene.

_ Père n'a pas besoin d'être dérangé pour un tel sujet, alors qu'il vous suffit de garder vos distances et d'arrêter de le séduire, rétorqua Lucina.

_ Quelle ingratitude. Lors de la dernière bataille, j'ai risqué ma vie pour libérer ton père du maléfice de notre ennemi, et maintenant tu me demandes de ne plus m'approcher de lui. Souhaites-tu que je laisse ton père périr la prochaine fois ? Que je n'intervienne pas si un ennemi tente de le tuer ?, demanda froidement Sirene.

Ses interlocutrices se raidirent à ces accusations. Puis Sumia se ressaisit la première et fixa Sirene des yeux.

_ Nous ne parlons pas de votre proximité au combat. Bien sûr, nous voulons que tu aides mon époux si sa vie est en danger. Mais en dehors de ces moments, il serait préférable que tu t'éloignes de lui, corrigea Sumia en serrant les poings.

Elle savait que sa demande était injuste envers Sirene. Mais Sumia doutait, et redoutait que Chrom lui tourne le dos pour leur ancienne amie. Les regards que Chrom lançait à Sirene, lorsqu'elle avait le dos tourné, étaient justes si… tendres ! Il ne la regardait jamais de cette manière, elle, alors qu'elle était son épouse !

Sirene se massa les tempes un instant. Entendre Sumia lui demander une telle chose était bien plus douloureux que lorsque c'était Lucina qui l'accusait. Sumia était son amie, quelqu'un à qui elle tenait, et elle n'avait jamais eu l'intention de la blesser. Sirene avait même prié Naga pour que le mariage de Chrom et Sumia soit aussi heureux que le sien avec Priam. Sirene avait fait une large croix sur sa relation avec Chrom et n'avait jamais envisagé de l'effacer pour recommencer une idylle.

_ Vous devez arrêter de vous mettre entre mes parents. Ils n'ont pas besoin d'une femme comme vous qui s'incruste dans leur bonheur, déclara Lucina en regardant avec colère Sirene.

_ Encore une fois, tu m'obliges à me répéter, je suis mariée et heureuse en ménage. Alors m'accuser de séduire ton père est complètement ridicule. Je ne suis pas le genre de femme à tenter de briser un couple de cette façon. S'il y a quelqu'un qu'on pourrait accuser de ça, c'est plutôt toi Lucina, rétorqua froidement Sirene en repensant au comportement de Lucina envers son fils.

_ Qu-Quoi ?, balbutiât Lucina.

_ Cynthia et toi tournez toutes deux autour de mon fils, alors que vous savez parfaitement qu'il entretient une relation amoureuse avec votre amie Severa. Je vous ai même entendues en parler, et dire que Severa n'était pas faite pour Nike. Je suis au regret de vous annoncer que vous n'avez aucune chance avec mon fils. Aujourd'hui, il compte demander la main de Severa, déclara Sirene avec un bref sourire à cette idée.

Avoir Severa comme belle-fille était quelque chose qui lui plaisait énormément. Cordélia avait été une formidable amie durant l'année qu'elle avait passé à Ylisse, et Lon'zu lui était un bon camarade qu'elle avait apprécié de taquiner par moment. Voir leurs deux familles être réunies la mettait d'excellente humeur, surtout maintenant que Lucina se permettait de l'accuser d'infidélité.

_ N-non… Non ! Vous mentez ! Nike ne peut pas…, bafouilla Lucina au bord des larmes.

_ Si, il peut. Il a déjà demandé la permission à Lon'zu et des conseils à son père et moi pour faire cette demande. Vu l'heure qu'il est, il est même probable qu'il lui ai déjà demandé de l'épouser ou qu'il le fasse maintenant, commenta Sirene.

Lucina écarquilla les yeux et se leva précipitamment, puis sortit en trombe de la salle. Sirene la regarda partir en secouant la tête. En temps normal, elle aurait pitié de Lucina, mais après s'être faite insultée de la sorte, elle ne se sentait pas tout particulièrement compatissante.

_ … Tu as quelque chose d'autre à me dire, Sumia ?, demanda-t-elle finalement à la chevalière faucon.

Sumia hocha négativement de la tête, puis se leva à son tour pour partir. Mais avant que Sumia sorte, Sirene lui donna un dernier conseil.

_ Si j'étais toi, je parlerais à Chrom. Si tu doutes de sa sincérité, il vaut mieux aborder directement le sujet avec lui et vous expliquer, avisa Sirene.

Sumia ne répondit pas, elle sortit simplement du bureau.


Dans les jardins du palais, un peu plus tôt, Nike avait conduit Severa jusqu'à un pavillon. Là où il avait organisé une collation pour le milieu d'après-midi. Un large bouquet de lys blancs et de roses rouges avait été déposé au préalable sur la table et une fois que le couple était arrivé sous le pavillon, Nike l'avait pris pour le remettre à genoux à Severa.

La chevalière pégase rougit face à ce geste et accepta le bouquet en tournant la tête pour masquer son excitation. Nike ria à voix basse à sa réaction, encore une fois adorable à ses yeux.

_ Je n'ai pas que ce bouquet à t'offrir aujourd'hui, Severa, commença Nike en restant à genou et en tâtonnant dans l'une de ses poches.

Il avait attendu des mois pour cette occasion, et s'était retenu de proposer uniquement parce qu'il considérait que Severa méritait une demande parfaite, pas en plein milieu des mouvements de leur armée. Pour le moment, le conflit avec Valm était terminé et le suivant les attendrait à leur retour à Archanéa, c'était donc le moment idéal et les jardins du palais de Nightsong, l'endroit parfait pour faire une demande en mariage.

_ Cela fait déjà plusieurs mois que je souhaitais te le demander, car l'idée de vivre sans toi m'était insupportable. Mais tu mérites que ce moment soit magique, alors je me suis retenu jusqu'à aujourd'hui. Severa, je t'aime de tout mon cœur… Mon cœur est tout à toi et je prie chaque jour pour que nous ne soyons plus jamais séparés. Une vie sans toi n'aurait pas de sens à mes yeux, je veux partager le restant de mes jours à tes côtés. Accepterais-tu de m'épouser ?, déclara Nike avec sincérité tout en sortant un petit coffret de sa poche.

Il l'ouvrit pour elle et le lui tendit tout en gardant un genou à terre. Severa contempla l'anneau à l'intérieur avec stupéfaction. Elle le reconnaissait aisément pour avoir vu le même au doigt de Sirene.

_ Cet anneau…, demanda-t-elle en se retenant de fondre en larmes d'émotion.

Un fin anneau en or avec au centre une élégante fleur composée d'améthyste et de rubis. La bague de fiançailles que Priam avait offerte à Sirene des années plus tôt et qu'elle portait encore aujourd'hui avec son alliance. Cet exemplaire était celui que Nike avait ramené de son époque, sa mère le lui avait donné sur son lit de mort en lui faisant promettre de la remettre à la femme avec qui il souhaiterait partager sa vie. Les alliances de leurs parents avaient eux été confiés à Catria et Titania.

_ Il appartenait à ma mère. Je lui ai promis de le donner à la femme dont je tomberais éperdument amoureux… et cette personne s'est toi. Acceptes-tu de le passer au doigt et ma demande en mariage ?, répondit Nike.

Severa ne parvint pas à retenir ses larmes plus longtemps et elle se jeta au cou de Nike.

_ OUI ! OUI ! Gros bêta ! J'accepte de t'épouser !, répondit-elle en sanglotant de joie contre son torse.

Nike l'enlaça, puis sortit d'une main l'anneau du coffret et l'approcha de la main de Severa pour le placer délicatement à son doigt.

_ Même si nous ne pouvons pas nous marier tout de suite, cette bague est le symbole de cette promesse future. Lorsque Grima sera définitivement vaincu, je souhaite te prendre comme épouse, annonça Nike d'une voix douce tout en donnant un baiser sous les yeux de Severa pour stopper ses larmes.

_ Et moi, je te prendrai comme époux. Gare à toi si tu changes d'avis ! Je ne te rendrai pas cette bague !, déclara Severa avec détermination.

_ Changer d'avis ? Jamais. Mon cœur t'appartient, fais en ce qu'il te plait, mon amour, répondit Nike en essuyant délicatement les larmes de Severa de son pouce.

_ … Tu sais, Inigo et Ten'ma ont beaucoup à apprendre de toi, s'ils souhaitent être populaires avec les femmes. Tu es vraiment un beau et charmant parleur, commenta Severa en se recroquevillant contre son nouveau fiancé.

_ Seulement pour toi, mon amour, déclara sérieusement Nike en soulevant Severa dans les airs.

_ Hep !, s'exclama Severa de surprise.

_ Tu es tel un ange envoyé par les cieux pour illuminer ma vie. Je t'aime, Severa. Crois en mon amour indestructible pour toi, dit Nike avant d'embrasser passionnément la brune.

Il ne la relâcha qu'après une minute, car ils avaient tous deux besoin d'air. Puis il déposa Severa sur l'une des chaises près de la table pour lui servir le thé.

_ Aujourd'hui, je serai ton majordome et exécuterai toutes tes demandes pour te remercier d'avoir accepté la mienne, annonça-t-il en s'inclinant devant elle comme un vrai majordome.

Il s'était même vêtu spécialement pour cette occasion, car il s'avait que Severa avait un fétiche pour l'uniforme et appréciait énormément d'être traitée comme une vrai princesse.

Le large blush sur les joues de sa bien-aimée ne fit que confirmer la justesse de sa décision. Severa était toute titillée par cet acte et le dévorait même des yeux.

Après ce thé, le couple avait annoncé la bonne nouvelle à leurs camarades venus du futur et leurs parents, même si ces derniers étaient déjà au courant. Nike remarqua immédiatement la pâleur de Lucina et la déception de Cynthia, mais la seconde les avait tout de même félicités, contrairement à la première qui avait pratiquement fui à cette annonce.


Le soir venu, Sirene était étendue sur le torse de Priam qui dormait lui du sommeil du juste après leurs activités de couple. Mais elle ne parvenait pas à trouver le sommeil, malgré sa propre fatigue. L'esprit de Sirene ne cessait de repenser à sa discussion de l'après-midi avec Sumia et Lucina. La douleur d'être insultée si injustement de tentatrice était passée et Sirene s'était concentrée sur ses propres paroles en réponse. Elle savait qu'elle n'avait pas menti quand elle avait dit qu'elle était heureuse avec Priam et n'avait aucune intention de séduire Chrom. Mais lorsqu'elle avait prononcé cette réponse, elle se souvenait maintenant qu'une pensée lui avait traversé l'esprit pile à ce moment-là.

'Chrom et elle étaient destinés à souffrir de leur amour quel que soit l'époque.'

Cette idée lui avait effleuré l'esprit et elle ne parvenait pas à se la sortir de la tête. De prime abord, elle n'avait aucun sens, mais plus Sirene y repensait, plus elle était convaincue de toute son âme que c'était l'indéniable vérité. Aimer Chrom la ferait toujours souffrir d'une façon ou d'une autre.

Ses rêves récents ne faisaient qu'accréditer la validité de cette sentence.

Sirene avait rêvé du héro Anri, le distant ancêtre du Roi Héro Marth, et de l'amour non réciproque que sa mage et camarade Samantha Bellune éprouvait envers lui. Cette dernière ressemblait quasiment trait pour trait à Sirene, exception faite de la couleur de leurs cheveux et yeux. Samantha était brune bleuté avec des yeux bleus. Tandis qu'Anri lui rappelait Chrom, mais avec de plus longs cheveux. Il y avait aussi ses rêves sur le Premier Saint Roi Aurélien et Christelle Swanrose, et encore une fois elle voyait en ce duo des sosies de Chrom et elle.

Sirene était presque tentée de croire à l'explication de réincarnation proposée par Brynhildr à ce sujet. Comme si Chrom et elle étaient les réincarnations de ces figures historiques…. Et des « couples tragiques ».

L'héro Anri était mort en s'excusant auprès de Samantha pour avoir ignoré si longtemps les sentiments qu'elle éprouvait pour lui, et cette dernière l'avait rapidement suivi dans la tombe. Le Saint-Roi Aurélien avait divorcé Christelle afin d'épouser une femme de la noblesse pour assurer la fondation du royaume d'Ylisse. Sacrifiant l'amour pour la politique.

Ces couples n'avaient pas pu connaître le bonheur ensemble, tout comme Chrom et Sirene. Comme si ces derniers étaient condamnés dès le départ à être séparés pour une raison ou une autre. Une conclusion qui attrista Sirene légèrement, car elle ne croyait pas normalement au destin.

Il lui fallut une bonne heure pour s'endormir avec l'esprit occupé par ces préoccupations. Mais comme il fallait s'y attendre, lorsqu'elle ferma les yeux, elle rêva à nouveau du passé.


Elle était assise sur un fauteuil près de la fenêtre, elle contemplait de temps à autre la pluie qui tombait sur son petit jardin à l'arrière de sa maison, tout en parcourant les lignes de la dernière missive envoyée par son ami Nicolas. Des mots de tendresse et d'amour qu'elle aurait aimé entendre sortir de la bouche d'un autre mais déjà elle avait perdu l'espoir qu'ils mènent à quelque chose, si elle les entendait vraiment. Son cœur ne contenait plus que de la déception et de la lassitude envers cette personne et toutes ses promesses non tenues.

Christelle ne pensait pas lui avoir demandé la lune. Juste un foyer qui serait le leur et une vie ordinaire, cela la comblerait amplement. Mais il avait davantage d'ambition qu'elle. Une rancœur envers un frère aîné et le désir de prouver sa supériorité. Christelle aurait dû se douter que leur histoire finirait ainsi, maintenant qu'elle n'avait plus grande valeur. Excepté son titre de « Sainte ». Mais même ça ne valait pas les terres et la couronne que cette autre femme lui promettait. Le titre de Sainte n'avait pas de valeur concrète et physique que Christelle pouvait utiliser pour aider son amant à concrétiser son ambition.

Aujourd'hui, elle était un fardeau. Un boulet qui retenait si fort ses jambes au sol, qu'il était incapable de déployer ses ailes pour s'envoler vers d'autres horizons. Christelle devait mettre fin à tout ça, avant qu'il décide de se débarrasser lui-même du poids qu'elle représentait.

Le son de la porte du salon s'ouvrant la sortit de ses pensées. Christelle sentit son cœur se serrer brièvement, lorsqu'elle l'aperçut dans l'entrebâillement de la porte, trempé par la pluie et des gouttes d'eau dégoulinant sur le sol.

_ Aurélien, l'appela-t-elle d'une voix fatiguée.

Elle avait fini de nettoyer le sol quelques heures plus tôt et maintenant elle devrait tout recommencer. Elle avait vraiment envie de soupirer d'exaspération.

Aurélien lui sourit maladroitement, avant de s'excuser pour le désordre. Il s'approcha d'elle et Christelle referma sa lettre pour la placer à l'abri. Elle ne souhaitait pas voir ce courrier trempé, alors qu'il s'agissait de la clé de sa nouvelle vie.

Aurélien s'assit par terre juste devant son fauteuil et posa sa tête sur les genoux de Christelle. Il avait l'air complètement épuisé.

_ Mauvaise nouvelle, demanda Christelle même si elle connaissait déjà la réponse.

_ … Juste des nobles qui s'opposent à mon désir de fonder un royaume indépendant…, marmonna-t-il en se frottant la tête contre son ventre, tel un chat demandant de l'affection.

Mais Christelle ne tomba pas dans son piège, elle garda ses mains loin de lui en les posant sur les accoudoirs. Elle n'était pas d'humeur pour des caresses.

_ Laisse-moi deviner, ils te proposent leur aide, mais en échange ils veulent que tu maries l'une de leurs filles, répondit Christelle calmement.

Des mois plus tôt, elle aurait été furieuse à cette idée, mais maintenant elle n'éprouvait qu'une légère peine et amertume. Ce temps lui avait tristement ouvert les yeux sur son bien-aimé. Elle n'était pas son monde, comme lui était le sien.

_ Ah, ne t'inquiète pas, mon amour. J'obtiendrai leur aide d'une autre manière, promit Aurélien, mais Christelle pouvait entendre son incertitude dans l'intonation de sa voix.

Même lui ne croyait pas en ce qu'il venait de dire….

_ Pas besoin, Aurélien. Je vais partir, déclara Christelle.

Aurélien releva soudainement la tête à cette déclaration et contempla incrédule le visage calme et résignée de son épouse.

_ Q-Quoi ?!

_ Je pars. Je mets fin à notre relation et à notre mariage. Concluons un divorce au plus vite, et tu seras libre d'épouser l'une de ces femmes, répéta Christelle.

Son époux la regarda choqué et en colère. Il se releva et la saisit par l'épaule.

_ Tu as perdu l'esprit ?! Tu veux qu'on se sépare ?! Mais pourquoi !, lui demanda-t-il la boule au ventre.

_ J'en ai assez, Aurélien. Assez d'être traité comme ton sale petit secret, que tu gardes enfermé dans cette maison. Alors même que nous sommes mariés depuis plusieurs années, tu refuses de l'annoncer au monde extérieur et vis publiquement comme si tu étais encore célibataire. Tu me forces à vivre dans l'ombre, comme si tu avais… honte de m'avoir pour femme. Je n'appartiens pas à la noblesse, c'est vrai. Mais j'ai une fierté ! Si c'est pour finir ma vie comme ta maîtresse secrète, tandis que tu épouseras une autre femme pour réaliser ton ambition, je dis « non ». Je préfère m'en aller avec le peu de dignité qu'il me reste, déclara Christelle avec conviction.

_ Je… Je… Je ne t'aurais jamais fait subir ça !, rétorqua Aurélien en la regardant avec un air blessé.

_ Si, c'est ce que tu aurais fait et je te connais trop bien pour ignorer cette difficile vérité plus longtemps. Ton rêve de devenir le roi de ton propre royaume est plus important que ton amour pour moi, je le sais très bien. Notre amour était condamné dès notre rencontre, car je ne peux rien t'apporter d'utile pour ça. Tout ce que je peux faire, c'est me battre et créer des stratégies militaires. Ma spécialité est la magie et la stratégie, pas la politique. Admets-le, je suis un boulet pour toi, maintenant que Grima est scellé. Même mon titre de « Sainte » ne te servira pas à grand-chose pour obtenir le soutien de la noblesse, répliqua Christelle en se levant à son tour.

_ Et alors ? Que comptes-tu faire en me quittant ?, demanda Aurélien avec amertume et une profonde douleur dans la voix.

_ Nicolas m'a écrit une lettre. Il m'invite à le rejoindre à Grust pour diriger l'armée qu'il a levée pour s'opposer au tyran dans cette région…. Il est probable que Grust obtienne son indépendance, comme Khadein et Aurelis, dans les mois qui viennent, répondit Christelle sans évoquer les promesses plus… romantiques de leur vieux camarade.

Aurélien le prendrait sûrement très mal, s'il apprenait que leur ami la courtisait actuellement. Christelle était davantage amusée par la vivacité d'esprit de Nicolas, ce dernier avait deviné la situation tendue dans laquelle elle se trouvait, sans même qu'elle lui en parle. Il n'aurait jamais osé écrire des mots aussi passionnés, s'il ne savait pas que Christelle ne pouvait plus rester aux côtés d'Aurélien. Le réseau d'information de Nicolas était toujours aussi efficace que durant la guerre contre Grima….

Aurélien fronça des sourcils en entendant le nom de Nicolas, l'homme avait été son rival pour l'affection de Christelle des années plus tôt. Mais le conflit contre Grima le Dragon Déchu avait fait naître une amitié qu'Aurélien pensait solide, entre eux. Mais voilà qu'il apprenait que le paladin blond avait proposé d'employer les services de son épouse dans son dos !

Le traître !

_ Pour la maison… je souhaiterai la vendre. Mais si tu veux la garder, elle est à toi. Je n'en aurai pas besoin à Grust, poursuivit Christelle.

_ Tu ne comptes plus revenir à la maison ?!, s'emporta Aurélien.

Cette petite maison était leur foyer, son refuge loin de la politique et des circonstances stressées dans la famille royale Lowell. L'idée de perdre cette maison lui était insupportable.

_ Je vais probablement m'installer à Grust…. Ou retourner à Novis. Cela fait longtemps que je n'ai pas visité mon île natale, soupira Christelle en jouant nostalgiquement avec l'une de ses mèches noires bleutées.

_ Et si je te supplie de rester avec moi ? Que je te jure de ne jamais te quitter pour mon ambition ?, demanda-t-il avec une pointe de détresse.

_ Je ne te croirais pas. Je te l'ai dit, ton ambition dépasse de loin ton amour pour moi, répondit Christelle en souriant tristement, alors que le visage d'Aurélien sombrait dans le désespoir.

Leur amour n'était pas assez fort pour tout endurer, elle ne pouvait plus se mentir là-dessus.*


Valentia, Rigel, Nightsong, 11 mars de l'an 1032 après le Schisme.

Sirene se réveilla complètement hagarde ce matin-là. Priam dormait encore et l'avait enlacée durant la nuit, ce qui fit sourire Sirene un bref instant, avant que le contenu de son rêve lui revienne à l'esprit. Ce qu'elle avait vu, semblait bien trop réel pour être le fruit de son imagination. La mage avait besoin de parler une bonne fois pour toute à Tiki, Aramis et Lara, elle était certaine que le trio détenait les réponses à ses questions.

Mais avant, il fallait qu'elle s'extirpe de l'étreinte de son époux. Sirene aperçut la lumière brillante du soleil à l'extérieur d'une fenêtre. Hum, pas besoin de sortir en catimini, il était l'heure de se lever.

_ Priam, debout mon amour. Le soleil est levé depuis déjà un moment, dit Sirene en caressant son époux derrière l'oreille.

Elle savait qu'il était sensible au niveau des oreilles et que les toucher était le meilleur moyen de le réveiller. Comme elle s'y attendait, Priam ouvrit immédiatement les yeux en réponse à cette stimulation et la regarda encore à moitié assoupi.

_ Déjà ?, demanda-t-il en baillant.

_ Oui, regarde le jour s'est levé depuis déjà une ou deux heures, répondit Sirene en se déplaçant pour sortir du lit.

Priam la regarda se lever et se diriger vers le bac dont le couple se servait comme baignoire. Sirene plaça sa main dessus et invoqua de l'eau chaude par magie en quelques secondes.

_ Je me lave la première, cela ne te dérange pas ? J'aimerai discuter avec Lara, Tiki et Aramis au plus tôt ce matin, dit Sirene à son mari encore étendu sur leur lit.

_ Non, vas-y. J'ai le temps, bailla Priam.

_ Tu as prévu quelque chose aujourd'hui ?, lui demanda Sirene tout en entrant dans le bac.

_ Lon'zu souhaite discuter avec moi de Nike et Severa, il a mentionné leur futur lieu de résidence entre autre, répondit Priam.

_ Probablement notre île, je sais que Nike souhaite s'y installer après la guerre, marmonna Sirene en sentant l'eau chaude détendre ses muscles.

_ C'est ce que je pense aussi. Il semble profondément attacher au Jardin lorsque nous discutons ensemble, agréa Priam.

_ Si nous devons nous installer à Plégia, c'est bon de savoir qu'il veillera sur l'île avec Severa, soupira Sirene avant de plonger la tête dans le bac pour mouiller ses longs cheveux.

Priam attendit qu'elle remonte à la surface pour lui répondre.

_ C'est ce que j'ai pensé moi aussi, dit-il. Même si le Jardin des Géants a été bien moins touché par la guerre que le reste de Valentia, avoir un leader pour assurer son retour à la normal serait préférable….


Après s'être habillée et avoir pris un rapide petit-déjeuner, Sirene était allée toquer à la porte des deux anciens Manaketes et de la Sorcière de la Compagnie Pourpre. Si Lara fut surprise de la voir frapper à sa porte de si bonne heure et Tiki était encore à moitié endormie debout, Aramis semblait s'attendre à sa venue et la regarda avec l'énigmatique sourire dont il avait le secret.

Connaissant les difficultés que Tiki avait pour rester éveillée, Sirene lui demanda l'autorisation d'utiliser sa chambre pour cette discussion. Cela éviterait que la dragonne s'endorme en plein milieu du couloir.

Une fois tous assis, Sirene se racla la gorge et entama la conversation.

_ Je vous prie de m'excuser pour vous avoir tous les trois réunis si tôt ce matin. Mais j'avais des questions restées trop longtemps sans réponse, et que je sais que vous détenez, commença-t-elle.

Ses trois interlocuteurs hochèrent silencieusement de la tête et la laissèrent poursuivre.

_ Depuis toute petite, je rêve du passé, mais pas du mien. Plus précisément, je vois dans mes songes les vies de plusieurs figures historiques. Celle de Samantha Bellune, Christina Bellune, Christelle Swanrose et d'autres… Ce matin encore, je me suis réveillée après avoir rêvé de la séparation entre la Sainte Christelle et le Saint-Roi Aurélien…. Je ne pense pas que ce soit un simple songe, mais un évènement qui s'est réellement passé, poursuivit Sirene.

Elle se tourna ensuite vers Aramis, afin de pouvoir confirmer certains détails de son rêve. Son professeur avait fait parti de l'armée menée par Aurélien et Christelle, tout comme Tiki. Mais contrairement à l'Oracle de Naga, Aramis était resté plus longtemps à Archanéa une fois Grima vaincu.

_ J'ai rêvé d'une petite maison durant un jour de pluie. Christelle lisait une missive de Nicolas Jubel, puis le Saint-Roi avant qu'il reçoive ce titre est apparu. Christelle lui a annoncé son désir de se séparer et sa décision de se rendre à Grust pour rejoindre la rébellion dirigée par Nicolas Jubel. Elle a parlé de l'ambition du Saint-Roi de fonder un royaume autonome et des difficultés qu'il rencontrait avec la noblesse. Christelle l'a accusé de chérir davantage son ambition que leur amour, et c'est pour ça qu'elle voulait y mettre fin avant qu'Aurélien l'abandonne de lui-même, raconta Sirene pensive en entortillant l'une de ses longues mèches par réflex.

Aramis hocha de la tête à ses mots, puis prit la parole.

_ Le contenu de ton rêve colle avec mes souvenirs. Christelle est venue me voir le lendemain d'un jour de pluie, pour m'annoncer qu'elle avait quitté Aurélien et qu'elle partait pour Grust rejoindre Nicolas. Je l'ai accompagnée à l'époque, car même si Christelle était très forte, une femme seule semblait être une cible facile pour des brigands, répondit Aramis.

_ Alors ce rêve a de grandes chances d'être un « épisode » du passé, d'il y a mille ans même ?, enquerra Sirene.

_ Oui, c'est ce que je crois. Et si tu te demandes pourquoi tu rêves d'évènement remontant à plusieurs siècles ou millénaires. Réponds d'abord à cette question : lorsque tu rêves, c'est dans quel point de vue ? Es-tu une simple spectatrice ou vois-tu ce monde à travers les yeux d'un des protagonistes ?, demanda Aramis.

_ Je vois à travers les yeux d'une des personnes présentes, toujours une femme. Cette nuit, c'était à travers ceux de Christelle et à chaque fois que je rêve du précédent conflit contre Grima, c'est toujours de son point de vue. Même chose quand je songe à la seconde guerre contre Gharnef et Medeus, je suis le point de vue de Christina Bellune…. Lara, je suis certaine de t'avoir reconnu, bien que plus jeune, dans la mage et stratège Katarina…., répondit Sirene avant de se tourner vers la Sorcière.

Lara se raidit un instant à cet aveu, puis elle soupira.

_ J'aurai dû me douter que ce jour finirait par arriver…. Ashara ou Lara… Aucun de ces deux noms n'est le mien. J'ai abandonné mon véritable nom et mon identité, il y a bien longtemps, et même si je réponds à Ashara et Lara, j'ai une affection toute particulière pour le prénom Katarina. C'est sous cette identité que j'ai intégré l'armée d'Altea, avoua Lara, non Katarina avec un sourire nostalgique.

Sirene inclina la tête dans sa direction en remerciement de cette confirmation. Elle se doutait de l'identité de sa « tante » depuis des années, mais ne comprenait pas comment Katarina avait pu survivre deux milles ans, alors qu'elle n'était pas une Manakete à sa connaissance.

_ Si tu t'interroges sur ma survie, la réponse est simple, je viens du Portail du Multivers. Quelques années après la défaite finale de Medeus, j'ai décidé de quitter Altea pour examiner le Portail dont j'avais entendu parler. Je suis accidentellement passée à travers et je me suis retrouvée à cette époque, ou plutôt il y a plus de vingt ans dans le passé. Lorsque je suis arrivée, j'étais vraiment perdue et ne savais absolument pas quoi faire dans une époque qui m'était complètement inconnue. Mais après deux jours de confusion, j'ai reçu une sorte de vision. Un aperçu du futur du monde, si Grima parvenait à faire de toi son avatar…. Disons simplement que Gormal est un avatar bien moins compétent que toi, quand il s'agit d'utiliser les pouvoirs du Dragon Déchu à son maximum…., raconta Katarina en frissonnant.

Sirene/Grima était un adversaire bien plus terrifiant que Gormal/Grima, l'étendu des pouvoirs du Dragon Déchu entrait dans le domaine du divin, quand il fusionnait avec Sirene. Ce Grima avait plein contrôle sur l'espace-temps et la brillance stratégique de Sirene sur laquelle reposait sa dévastation complète du monde. Dans un tel futur, Sirene/Grima avait neutralisé complètement toutes les menaces principales contre elle, en éliminant toutes les familles Lowell, Anthiese, Albein et Rudolf afin que personne ne puisse manier l'une des Falchions. Elle avait ensuite tué Tiki et détruit le mont prismatique, avant de décimer les détenteurs des armes sacrés à Jugdral puis Elibe. L'Emblème du Feu et les cinq gemmes restaient constamment en sa possession, et elle contrôlait les Manaketes et dragons survivants à l'aide de sa magie hypnotique.

Dans ce futur, l'humanité tout entière avait péri et seuls les Manaketes et dragons avaient survécu, parce que Sirene/Grima les avait volontairement épargnés. Elle avait imité Medeus et fondé un royaume spécialement pour leur race, dont elle était la « reine ». Naga n'avait absolument rien vu venir et s'était retrouvée complètement impuissante pour l'arrêter.

_ Après cette vision, j'ai entendu une voix dans ma tête me donner des directions, me promettant que si je suivais ses conseils, je pourrais sauver le monde et aider une vieille amie. J'ai accepté de lui obéir mais en restant sur mes gardes. J'ai pris un bateau pour Plégia, puis après quelques semaines, je suis tombée sur Shéhéraza, la personne que la voix m'avait demandé de rencontrer et d'aider. C'est comme ça que je me suis retrouvée embringuer dans les plans de ta mère, poursuivit Katarina.

_ Ha ! Cela explique pourquoi tu as rejoins ma mère, alors que Plégia était pratiquement sous le contrôle des Disciples de Grima, marmonna Sirene. Mais la vieille amie que tu souhaitais aider….

_ C'est toi, bien sûr. Dès que je t'ai pris dans mes bras, peu après ta naissance, j'ai tout de suite compris qui tu étais…. La réincarnation de Christina, la personne que je considère comme ma meilleure amie et ma sauveuse. N'est-ce pas Tiki ?, révéla Katarina en souriant.

Tiki hocha de la tête et sourit à son tour.

_ Oui, il n'y a aucun doute. Même si le coloris de tes yeux et ta chevelure est différent, ton visage reste parfaitement identique, avec le même grain de beauté au coin de la bouche. J'en suis certaine, tu ES la réincarnation de Chris-Chris, confirma Tiki.

_ Ainsi que celle de Christelle, ne l'oubliez pas. Moi non plus, je me souviens très clairement de ma chère amie et je peux la reconnaître parfaitement en toi, Sirene, ajouta Aramis.

Sirene ferma les yeux un bref moment à ces annonces. Entendre ses théories être confirmées était étrange, mais aussi un soulagement, comme si on venait de lui retirer un poids sur les épaules. Elle n'était pas folle. Ses rêves étaient la réalité. Merci Naga !

_ Je ne sais pas vraiment quoi dire… J'avais des doutes, mais je pensais que ce n'était qu'une désillusion. Mais le contenu de mes rêves est vrai, tous les moments entre ces femmes, non mais précédentes incarnation ?, et leurs camarades dans les armées qu'elles avaient rejointes…. Amour, désespoir, peine, amitié… Tous ces sentiments, je ne les avais pas imaginés, ils ont bel et bien existé, marmonna Sirene.

Lorsqu'elle rêvait, elle ne partageait pas simplement la vision de ces anciennes incarnations, mais tous leurs sens, et ressentait même leurs émotions. Quand elles étaient heureuses ou qu'elles souffraient, bonheur et douleur de manière indistincte, Sirene éprouvaient toutes ces sensations.

_... Peut-être que je devrais en parler avec les Einherjars, murmura Sirene en repensant aux cartes dans sa poche.

Certains Einherjars l'avaient toujours traitée comme une vieille amie, plutôt que leur simple utilisateur. Lyndis l'appelait généralement Céleste, le prénom de la stratège elibienne Céleste Storm. Pallas, Catria et Est, les trois sœurs White Wings, alternaient entre Sirene et Christina, quand elles s'adressaient à elle. Enfin, le prince Seliph la nommait Tine et la regardait avec une affection toute… particulière. Peu étonnant, car Tine était le nom de son épouse.

Peut-être qu'elle attendrait pour cette dernière carte.

_ C'est une bonne idée, et je sais que quelques uns souhaitent évoquer ce sujet avec toi… En tant que Christina et Christelle, tu étais extrêmement populaire auprès de nos camarades, et je me rappelle bien de la déception d'une partie quand Jeorge et toi avez annoncé vos fiançailles, répondit Tiki en souriant.

Même si elle ne se souvenait pas de tous les moments qu'elle avait passés avec Marth et l'armée d'Altea, Tiki se rappelait parfaitement de celui-là, car l'étrange comportement des prétendants déçus avait attiré son attention d'enfant. Bantu avait dû aborder le sujet de l'amour et des déceptions amoureuses avec elle pour qu'elle comprenne. Mais à l'époque, cela lui était légèrement passé au-dessus de la tête.

_ Humm, il me reste tout de même une question…. Savez-vous comment c'est possible ? Je peux dire avec certitude qu'avant ma vie actuelle, j'ai eu six vies. Et toutes étaient étroitement liées à un conflit… extrêmement important pour le monde ou un continent. C'est quand même bizarre, demanda Sirene.

_ Je n'en ai aucune idée. Je sais que les âmes se réincarnent et ne disparaissent pas, mais normalement les souvenirs de la précédente incarnation sont sensés être effacés pour recommencer à zéro. Avoir des visions comme tu le fais, est hors norme, répondit Tiki.

_ Seul un pouvoir divin devrait en être capable, dit Aramis intrigué.

_ Un pouvoir divin…. Sothis ?, marmonna Sirene à voix basse, en repensant à la chibi-déesse qu'elle voyait en rêve.

Ses interlocuteurs entendirent ses murmures et la regardèrent confus, aucun d'eux ne connaissait de « Sothis ».

_ Non, ce n'est rien. Juste une idée, déclara Sirene en se levant précipitamment. J'ai assez pris de votre temps ce matin. Je vous remercie d'avoir pris le temps de répondre à mes questions, même si cela ne change rien à la relation qui nous unit.

_ Nul besoin de nous remercier, c'était quelque chose que nous aurions dû faire plus tôt. Dès que tu as commencé à rêver du passé en fait, rétorqua Aramis en se levant à son tour.

Katarina fit de même et s'approcha de Sirene pour lui prendre la main.

_ Je pense que tu as un bon gardien, Sirene. La voix qui m'a guidée jusqu'à ta mère, m'a aussi confié la mission de te protéger. Je crois que les Dieux sont de ton côté, dit Katarina.

_ Une certaine déesse, définitivement, sourit Sirene.


NOTES :

* Dans ma fiction, les Dragons du Désert réfèrent à l'armée aérienne de Macédonia, composée de l'élite des unités aériennes comme les Chevaliers Faucons, les Chevaliers Pégases noirs, Lords Wyvernes et Chevaliers Griffons.

* J'utilise le terme d'Abomination pour désigner l'ensemble des monstres (Ombres et Terreurs) et des Sorcières créés par Grima.

* Ce rêve est un moment qui s'est passé dans l'histoire précédent le début de ma fiction. Sirene a des visions du passé dans ses rêves, plutôt que des visions du futur.