Tyrion ne détourna même pas les yeux lorsque la tête de Daenerys tomba, lorsque la dernière des Targaryen, la dernière des dragons, mourut.
La Daenerys qu'il avait aimée, celle qu'il avait écoutée parler pendant des heures et des heures de chaînes et de roues brisées avec les yeux brillant, celle-là était morte il y a bien longtemps.
Parfois, il se demandait même si elle avait réellement existé, ou si cela n'avait été qu'un autre de ses rêves, une autre de ses illusions, à laquelle il s'était accrochée avec tellement de force qu'au final, il avait été persuadé qu'elle était réelle, cette façade, ce qui avait servi à cacher des yeux du monde pendant longtemps que cette jeune fille avait bien hérité du tristement célèbre trait de caractère de sa famille.
Il tourna les yeux vers Sansa, qui lui sourit.
Il n'avait pas encore parlé du baiser qu'elle lui avait donné lorsqu'ils étaient enfin sortis du Donjon Rouge, et, au fond, il n'était pas sûr d'avoir envie de le faire.
Il préférait croire qu'elle l'avait fait parce qu'elle l'aimait vraiment, plus que ne l'avait jamais aimé Daenerys, et que ce n'était pas simplement sous le coup de l'émotion.
Il espérait, au plus profond de lui, que c'était cela.
Il aurait dû lui dire tout de suite qu'il était amoureux d'elle.
Il l'avait su dès qu'il l'avait revue.
Lorsque son père l'avait forcé à l'épouser, elle n'était guère plus qu'une enfant, une enfant terrifiée, une enfant qui savait qu'une grande partie de sa famille avait été décimée, une enfant qui avait déjà été témoin de bien trop des horreurs dont le monde était capable pour un si jeune âge.
Il s'était senti coupable, il n'avait pas voulu faire ça, elle méritait mieux que lui, beaucoup mieux, elle méritait un beau chevalier qui saurait l'aimer, un beau chevalier digne des chansons dont toutes les jeunes filles de son âge rêvaient, un beau chevalier digne d'elle.
Il s'était promis, il lui avait promis qu'il ne serait ni cruel comme Joffrey, qu'il ne serait ni violent comme Robert l'avait été avec Cersei, qu'il ne la forcerait pas à faire quoi que ce soit qu'elle ne voulait pas.
Il l'aimait trop, avait trop de respect et de considération pour elle pour lui faire subir toutes ces choses-là.
Il s'était même senti un peu coupable, de ressentir quelque chose pour une fille aussi jeune, il était trop vieux pour elle.
Mais, lorsqu'il l'avait revue à Fossedragon, tout avait changé.
Elle avait changé.
La jeune fille était devenue jeune femme, une jolie dame aux yeux bleus et aux cheveux de feu, et, une fois de plus, il était totalement tombé sous son charme, au point de ne presque plus penser à Daenerys, et de la trahir en aidant Sansa à s'échapper au moment où elle avait été en danger, quitte à mourir lui aussi s'il le fallait.
Après tout, la vie d'une jeune femme coupable du seul crime d'avoir voulu protéger sa famille et les siens contre la vie d'un nain pas si innocent que ça lui paraissait être un marché équitable.
Avec Sansa, il comprenait, en partie du moins, ce que Jaime ressentait pour Cersei.
Il aurait tout fait pour s'assurer qu'elle était en sécurité, l'inimaginable, l'impensable, juste pour être sûr qu'elle allait bien.
Il lui rendit son sourire.
Ils avaient gagné. Sansa était en vie, tout allait bien.
Les gens du peuple les acclamèrent à la mort du dernier des dragons, ils en avaient assez, du feu et du sang, ils préféraient encore l'or et l'écarlate de la dynastie Lannister, au moins, les lions n'étaient pas des dragons, les lions ne crachaient pas de feu.
oOo
Les lèvres d'Euron Greyjoy se tordirent en son sourire carnassier parfaitement déplaisant lorsqu'il arriva dans le patio ou la carte de Westeros était peinte.
Jaime Lannister était là, contemplant la carte, l'air perdu dans ses pensées.
Une séance du Conseil Restreint devait avoir lieu, pour décider de la reconstruction de Port-Réal, mais, apparemment, ils étaient les seuls à être déjà là.
Euron vint se mettre à la hauteur de Jaime.
''Et où est votre charmante sœur, ma belle reine ?''
A ces mots, Jaime se retint de balancer sa main dorée dans la mâchoire d'Euron, et de la briser.
Il était à Cersei, et Cersei était à lui.
Et à personne d'autre.
Il savait parfaitement qu'elle n'avait aucune envie de se remarier avec quelqu'un d'autre que lui, et encore moins avec Euron Greyjoy, mais s'ils voulaient que leur plan fonctionne, elle n'avait pas le choix.
Mais cette idée lui déplaisait toujours autant.
La seule chose qui lui permettait de la supporter, c'était le fait qu'après cela, il serait en mesure de lui faire payer tout ce qu'il avait fait endurer à sa sœur, et le lui rendre au centuple.
Après tout, un Lannister payait toujours ses dettes.
Néanmoins, il ne put s'empêcher de répliquer :
''Ce n'est pas votre reine.''
Et Euron se fit un malin plaisir de lui rappeler :
''Oh, mais elle le sera. C'était notre marché. Je l'aidais à gagner la guerre, et elle m'épousait. Et maintenant, la guerre est gagnée.''
Jaime serra les dents si fort qu'il pensa que sa mâchoire pourrait exploser. L'envie de frapper Euron le démangeait de plus en plus, et, s'il continuait à le provoquer, il pourrait bien finir par le faire.
''Je vais épouser votre sœur, la reine. Et si elle le peut encore, je lui mettrai des petits princes et des petites princesses dans le ventre, en plus de celui qu'elle porte déjà.''
Au moment où Euron commença à parler de son petit lionceau comme s'il était de lui, Jaime ne se retint plus.
Il envoya valser sa main d'or dans sa joue, le faisant chanceler.
Il n'avait jamais ressenti pareille satisfaction que celle qu'il ressentit au moment où sa prothèse entra en contact avec la peau de ce fichu pirate.
Euron Greyjoy porta une main à son visage, son sourire toujours accroché à ses lèvres.
Sans rien ajouter de plus, il quitta la pièce.
Si Jaime avait ressenti une immense jouissance à remettre enfin cet exaspérant Fer-né à sa place, il le regretta bien vite.
Euron n'avait pas hésité à faire du mal à Cersei pour parvenir à ses fins. S'il était aussi bête et aussi violent que l'était Robert, et Jaime ne doutait pas qu'il en était capable, il ferait comme le gros roi, et se vengerait sur sa sœur.
Il secoua la tête.
Il n'en aurait pas le temps. Il ne vivrait pas assez longtemps pour poser ses sales mains sur Cersei, Jaime s'en assurerait.
oOo
La salle du trône, dont les gravats avaient été déblayés, était absolument bondée.
On aurait dit que tous les habitants encore vivants de la capitale s'étaient rassemblé dans la pièce à moitié détruite, pour tenter d'avoir un petit aperçu du mariage royal.
Le Septuaire de Baelor n'étant évidemment plus une option, il avait été décidé que la cérémonie se tiendrait dans ce qu'il restait du Donjon Rouge.
Nobles et nobliaux s'étaient donc massés dans la salle en ruines, et attendaient.
Euron Greyjoy était déjà debout, au pied du Trône de Fer, son insupportable dæmon-vautour volant au-dessus de leurs têtes.
Sansa et Tyrion, eux, étaient au premier rang. Sansa, elle, se sentit frissonner de dégoût lorsqu'elle regarda l'oncle de Theon. Elle aurait presque plaint Cersei d'avoir à l'épouser, si elle n'était pas persuadée qu'elle avait quelque chose derrière la tête.
Après tout, rien ne pouvait l'obliger à épouser Euron Greyjoy si elle n'en avait pas envie. Elle était la reine. Elle faisait ce qui lui plaisait.
Si elle se mariait une nouvelle fois, et, cette fois-ci, de son plein gré, c'était que soit cela servait ses intérêts immédiats, soit elle avait quelques projets pour le Fer-né.
Personnellement, Sansa penchait plutôt pour la deuxième option.
Tout le monde tourna la tête vers les larges portes de bois, qui, elles, tenaient toujours bien debout lorsqu'elles s'ouvrirent pour laisser passer Cersei, qui, vu que son père était mort, était au bras de Jaime.
Elle était absolument magnifique.
Sa robe longue d'un rouge profond, rebrodée de fils d'or, rehaussait magnifiquement ses courtes mèches dorées, sur lesquelles brillait sa couronne argentée.
Les deux jumeaux s'avancèrent vers le Trône de Fer, la démarche gracieuse, féline, suivis par leurs dæmons-lions.
Pour la première fois, Sansa se rendit compte d'à quel point ils allaient bien ensemble.
Tout en se ressemblant moins que la première fois qu'elle les avait vus, ils avaient vieilli différemment, et pourtant, cela ne les rendait pas moins bien assortis.
Jaime n'était pas ravi d'avoir à conduire Cersei jusqu'à l'autel qui avait été dressé devant le Trône de Fer, il aurait voulu ne jamais avoir à le faire, mais il se consola en se disant que ce serait la dernière fois, et que, si Cersei le voulait bien, la prochaine fois, ce serait lui qui l'attendrait au bas des marches de pierres.
Il eut du mal à lâcher son bras, ne voulant pour rien au monde laisser sa sœur avec le Fer-né arrogant et stupide, mais une simple caresse sur sa main de chair de la part de Cersei, et il s'y résolut, pensant à ce qui allait se passer après.
Cersei rejoignit Euron, qui lui attrapa la main, en la regardant de la tête aux pieds, la reluquant comme un morceau de viande, une chose qu'elle n'appréciait guère, mais elle ne dit rien, et monta avec lui les marches, pour arriver devant Qyburn, qui était chargé de prononcer les vœux, et de les unir comme un seul corps, une seule chair et une seule âme.
Jaime retourna à côté de Tyrion, regardant avec dégoût Euron toucher, puis embrasser Cersei lorsqu'ils furent déclarés mari et femme, Roi et Reine des Sept Couronnes.
oOo
Le banquet qui suivit la cérémonie de mariage se déroulait d'une manière désagréablement familière à Cersei.
Euron buvait de tout son saoul, et ne se privait pas de regarder toutes les femmes, qu'elles soient nobles ou servantes, jeunes ou vieilles, qui passaient sous son regard, malgré sa femme assise à côté de lui.
Mais, dans un sens, Cersei était absolument ravie qu'il ne s'intéresse pas plus que cela à elle, et qu'il la laisse tranquille.
Elle le regarda avec satisfaction boire un énième verre de vin.
Elle retint un sourire, puis échangea un regard réjoui avec Jaime.
Plus l'imbécile buvait, plus il serait aisé de mettre en application ce qu'ils avaient prévu pour la suite.
Lorsque vint le moment pour la cérémonie du coucher, Jaime empêcha tout le monde qui essayait de toucher à Cersei pour la dévêtir de le faire, aidé par Aramis et Sercilia.
Elle avait déjà paradé nue devant la population complète de Port-Réal, traînée dans les rues comme une vulgaire catin. Jamais, tant qu'il serait vivant, il ne les laisserait voir ne serait-ce qu'un tout petit peu ce qui était à lui depuis leur naissance.
Ce fut donc entièrement habillée que Cersei entra dans ses appartements, où devait avoir lieu la nuit de noces.
Elle fut rejointe par Euron, par son mari (oh, dieux, rien que de penser à cela la répugnait) peu de temps après.
Il était évident que l'idiot était complètement ivre, cela se voyait à la manière dont il trébucha à travers la porte, presque entièrement nu, et cette vision avait la saveur amère de la réminiscence pour Cersei.
C'était exactement comme cela avait été avec Robert.
Sauf que cette fois, la nuit ne se terminerait certainement pas de la même manière.
Il était hors de question que Cersei ne verse une seule larme de plus pour cet homme minable.
Elle réfréna une grimace de dégoût lorsqu'il se rapprocha d'elle, l'embrassant à pleine bouche, pétrissant ses seins sans aucune délicatesse, et sans prendre garde à son ventre qui s'épanouissait de plus en plus entre eux.
Il fut donc étonné lorsque, d'un mouvement plus puissant qu'il ne l'aurait attendu de sa part, elle le retourna sur le dos, le poussant sur le lit, encore totalement habillée, et commença à se tenir au-dessus de lui.
Son sourire arrogant s'élargit encore plus à cette vision.
Cela allait être une très bonne nuit, bien mieux que tout ce dont il aurait pu rêver.
Mais son sourire se figea sur ses lèvres lorsqu'il ressentit une douleur aigue entre ses jambes.
La seule chose qu'il vit lorsque Cersei recula fut l'éclat argenté d'une lame dans sa main, dégoulinante de sang.
Sans rien dire, un sourire narquois sur ses lèvres, elle se dirigea vers la porte, et frappa trois fois.
A ce signal, Jaime, qui était resté posté à l'entrée des appartements de sa sœur, entra.
Euron tenta de se lever, mais la douleur était vive, terrible, et tout ce qu'il réussit à faire, ce fut tituber pendant quelques pas, avant de trébucher, et de s'effondrer par terre.
Il ne fallut pas longtemps aux deux lions pour se délecter du kraken.
Ils l'achevèrent tous les deux, la main de Jaime posée sur celle de Cersei, jointes sur la poignée de l'épée de Jaime, qu'ils enfoncèrent dans le cœur du pirate, comme Jaime en avait tant rêvé, savourant chaque instant de sa souffrance.
Dès que le dernier souffle de vie quitta le corps d'Euron Greyjoy, Jaime laissa tomber l'épée au sol et, saisissant le visage de Cersei, l'embrassa tendrement, bien plus qu'Euron ne l'avait fait quelques minutes auparavant.
Lorsqu'ils se séparèrent, Jaime la taquina :
''Nous sommes donc deux régicides, à présent…''
Ecrasant ses lèvres sur les siennes à nouveau, mordillant légèrement sa lèvre inférieure, comme ils l'aimaient, elle traîna des baisers jusqu'à son oreille, où elle lui souffla :
''Il n'était pas un roi… Il n'a jamais été un roi…''
Puis, l'embrassant à nouveau sur la bouche, elle déclara :
''Je n'ai qu'un seul roi, et il est en face de moi…''
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Ce texte répond à des dettes prises sur le serveur Discord ''Les Défis Galactiques'' :
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