Le passage d'Harry est inspiré par Hour of the Wolf d'Elnur Hüseynov, que j'ai en tête depuis 2015. Oui. J'ai des scènes en tête depuis ce temps. ARG.
Je croyais avoir dit plus jamais si long... Plus que deux.
XXV. Dans leurs esprits
17 mai 1999
Université de Cambridge
Cambridge
— Il arrive !
Madame Rosmerta n'était pas une femme d'action. Elle ne l'avait jamais été et ne le serait jamais.
Quand le Ministère était tombé l'année précédente, elle n'avait pas immédiatement quitté son bar où elle était en sécurité pour rejoindre la résistance, bien au contraire. Il avait fallu qu'elle soit témoin aux premières loges des conséquences de la Traque pour se décider à faire quelque chose. Il avait fallu que, une semaine après le bouleversement de leur monde, la jeune Lavande Brown, hagarde et tremblante soit assassinée sur le pas de sa porte après avoir transplané pour chercher refuge dans son bar pour qu'elle ne sorte de sa réserve.
Elle s'était occupée du corps délaissé de l'adolescente avant de rejoindre Abelforth à la Tête de Sanglier.
La tenancière fut brutalement arrachée de sa très courte rêverie et ramenée à l'horreur de la situation quand Elphias lui plaqua une liasse de documents dans les bras, manquant de la faire trébucher en arrière. Les hurlements qu'elle avait occultés pendant sa brève tétanie se rappelèrent à elle de plus belle et il n'en fallut pas plus pour qu'elle tente de ravaler les larmes qu'elle avait senties couler le long de ses joues.
Debout devant la porte et la baguette serrée dans son poing, Abelforth était blême et paraissait réciter une quelconque invocation – une prière ? – du bout des lèvres. Elphias, quant à lui, s'empressait de rassembler ses notes.
— Il nous faut partir immédiatement ! continua-t-il sans sembler un instant se préoccuper de la porte où les cris se faisaient de plus en plus forts, mais plus faibles à la fois.
De plus en plus proches. De moins en moins nombreux.
Il fourra un nouveau carnet dans les bras de Rosmerta et elle se dirigea rapidement vers la cheminée alors qu'Elphias ouvrait enfin le grand cabinet où trônait, dans une cassette de métal, l'Artefact.
— Partez immédiatement, je vais —
Le mur explosa tout près de lui, envoyant violemment des morceaux de pierres et de briques ainsi qu'une chose désarticulée et ensanglantée – Archie ! – et la force du souffle balaya la pièce, faisant éclater fioles et objets, renverser les chaises et les occupants de l'endroit comme de vulgaires brindilles. Rosmerta lâcha un cri et tout ce qu'elle tenait, projetée contre le manteau de la cheminée et Elphias eut tout juste le réflexe de se recourber contre le précieux outil qu'il essayait de sauver. Abelforth, quant à lui, s'écrasa dans la bibliothèque de l'entrée, son corps malingre et abîmé par le temps relâchant la baguette à laquelle il s'agrippait désespérément.
Dans la poussière de la nouvelle ouverture, Voldemort se dressa. Son regard fou balaya un très court instant l'intérieur, comme à la recherche de quelque chose – quelqu'un – quand il vit Abelforth qui tentait de se dégager des livres que la force du choc avait fait tomber sur lui. Les fines lèvres de Voldemort s'étirèrent dans un sourire cruel et il leva sa baguette.
— Un second Dumbledore à mon actif, quelle belle surprise.
Le vieillard n'eut ni le temps de réagir ni d'esquisser le moindre geste quand l'Avada Kedavra le toucha de plein fouet. Rosmerta, la tête qui tournait et le front ensanglanté, essaya de retrouver ses esprits, à moitié cachée par le bureau qui avait été envoyé bouler. Elphias toussait et glapissait de douleur au sol dans son champ de vision et elle remarqua avec horreur qu'il était lourdement retombé sur la caisse et son bras, le rebord acéré maintenant poisseux là où le coin s'était enfoncé dans son flanc sous la force du choc. Elle sentit sa respiration s'accélérer en entendant les bruits de pas lents résonner.
—Un Dumbledore mais pas de Potter… Pas. De. Potter… siffla le Mage Noir en s'approchant d'Elphias.
L'érudit tenta de cacher sa peur en relevant la tête vers son ennemi, mais il était clair que ses tremblements n'étaient pas dus qu'à la douleur de son corps meurtri. Affalé sur la cassette, il n'osa pas regarder Rosmerta dont la présence était encore inconnue. Temporairement.
— Vous… ne…
— Endoloris.
Le hurlement de l'homme transperça le silence déchirant de la salle et Rosmerta plaqua une main sur sa bouche pour taire le gémissement douloureux qui voulut s'échapper de sa gorge. Alors qu'Elphias se faisait torturer par le Grand Gouverneur, elle sentit son cerveau, poussé par l'adrénaline, fonctionner à plein régime.
Rosmerta devait fuir. Mais elle ne pouvait pas laisser les travaux de l'homme réduits à néant par celui qu'ils désiraient tous vaincre. Horrifiée, mais soudainement l'esprit très clair, elle continua de regarder du coin de l'œil Elphias se tordre de douleur au sol, resserrant sous lui la cassette dans ses mouvements erratiques et aggravant sa blessure. Tâtonnant, elle essaya de rassembler le plus discrètement possible les documents que lui avait passés Elphias. Elle ne retrouva que le carnet épais dans lequel il consignait ses recherches tandis que le sortilège cessait et que l'homme crachait du sang.
— Toute une ville confinée… et pas le moindre Potter en vue… dit le Mage Noir en s'avançant plus près pour observer sa proie.
Rosmerta se tassa au sol, reculant derrière le bureau. Elle fourra le carnet sous son corsage et sortit, fébrile, sa baguette. Elphias regardait dans sa direction, d'un air qui pourrait paraître vide aux yeux de son tortionnaire, mais qu'elle savait résigné et déterminé. Il ne lâcha pas la caissette.
— Pourquoi ? continua Voldemort sans se préoccuper d'où regardait Elphias ni même de ce qui pouvait encore se trouver dans la pièce mortelle. Pourquoi, si ce n'est pour protéger votre misérable sauveur ? Que cacher précieusement ici ?
Tremblante, Rosmerta ramassa une poignée de Poudre de Cheminette qui s'était répandue lors de l'explosion et leva sa baguette de l'autre main. Elle savait ce que voulait Elphias – ils en avaient tous discuté longuement, évoqué la possibilité et les réactions à avoir dans cette situation précise. Personne ne souhaitait en arriver là. Personne.
Mais, seule survivante avec son ami – pour l'instant – dans les sous-sols de Cambridge et devant leur plus grand ennemi, c'était à elle d'agir pour que leurs travaux ne desservent pas leur cause.
Madame Rosmerta n'était pas une femme d'action. Elle ne l'avait jamais été et ne le serait jamais.
Si l'un d'entre nous venait à être pris, pire, l'Artefact tomber entre les mains des Mangemorts…
Elphias ferma les yeux alors que Voldemort levait à nouveau sa baguette pour torturer l'homme et tirer les informations qu'il désirait. La main de Rosmerta se figea et elle visa. Droit sur son torse et la cassette de métal.
— Implode !
…il faudrait nous tuer et s'assurer la destruction de l'Artefact.
Sitôt Elphias touché par le Sort d'Implosion, il se mit à boursoufler. La peau se tendit, de grosses boules de chair et de liquides explosifs commencèrent à apparaître sur son corps – encore vivant – et son épiderme prit rapidement une couleur violette, son souffle se fit sifflant et étranglé. Voldemort se tourna immédiatement vers l'origine du sort alors que celui-ci atteignait le sorcier condamné. Dans la foulée, Rosmerta se jeta sur l'âtre voisin et, ignorant la brûlure du feu dans lequel elle se lançait, lâcha enfin la Poudre de Cheminette et cria « Trois Balais ! ». Pris de court, le Mage Noir poussa un hurlement avant de brandir sa baguette vers l'homme qui continuait d'enfler.
Malheureusement pour les Résistants de Cambridge, ils ne s'étaient jamais imaginé que le Lord lui-même viendrait frapper à leur porte.
Ni que celui-ci saurait contrer le Sortilège s'il s'y retrouvait confronté.
Concentré et les yeux rivés sans aucune pitié vers l'amas de chair qui commençait à se craqueler à ses pieds, se répandant en liquides sanguinolents et cérébraux, il se mit à incanter un sortilège de barrière. La peau boursoufflée du cadavre brilla soudainement d'une lueur bleutée avant que, une simple seconde plus tard, le corps d'Elphias Doge n'explose derrière le puissant voile de confinement que Voldemort lui avait appliqué. Le mage abaissa sa baguette, reniflant de manière dégoutée alors que sa protection perdait maintenant toute forme humaine, s'emplissant d'un amas de chair et de sang, d'os brisés et de tissus divers. D'un mouvement de la main, il l'envoya balader plus loin et ignora le splash humide qu'elle produisit en éclatant contre un mur quand le sort fut rompu.
Il avait bien plus intéressant à ses pieds.
Une cassette de métal fissurée où il pouvait entrapercevoir un joyau pulsant de magie à l'intérieur.
oOo
17 mai 1999
Réserve d'Abbey Road
Londres
Tremblante et pâle comme la mort, Rosmerta s'essuya la bouche. Severus avait une main réconfortante, mais ferme posée sur son épaule tandis qu'Oriane tenait la bassine dans laquelle elle venait, pour la troisième fois en moins d'une demi-heure, de rendre l'intégralité de son estomac. L'acidité de la bile lui brûlait la gorge et les larmes, ses yeux.
— Reprenez votre souffle.
Un nouveau couinement lui échappa et elle referma les yeux pour forcer, encore, sa respiration à se calmer.
Tout près d'eux, les lèvres pincées par la contrariété et le désarroi, Madeleine regardait l'étrangère qu'elle aurait préféré rencontrer dans de plus agréables circonstances. Quand la sorcière avait déboulé – littéralement – par le grand âtre de la Réserve, manquant de s'écraser contre le canapé à proximité, tous les sorciers présents étaient instantanément entrés en état d'alerte. Ce n'était que parce que Remus, le plus proche de la cheminée à ce moment, avait immédiatement reconnu les traits épuisés et abîmés de Rosmerta que la tenancière n'avait pas été attaquée. Il l'avait aidée à se relever, difficilement tant elle tremblait de tout son être, et envoyé Dobby prévenir le Square de sa présence non prévue. Les trois sorciers n'avaient pas tardé à rejoindre la Réserve, plus que préoccupés par une telle apparition. Oriane s'était immédiatement vérifié que Madame Rosmerta n'était pas plus blessée que de simples égratignures et s'assurait, depuis, qu'elle se remette de son état de choc.
— Je… Jamais je ne… hoqueta Rosmerta, son visage encore baigné de larmes.
— Vous avez suivi les consignes, la coupa Oriane avant qu'elle n'ait le temps de ressasser à nouveau les événements auxquels elle avait été confrontée.
Elle hocha piteusement la tête, reniflant et passant une main tremblante sur ses yeux pour tenter de retrouver un semblant de contenance. Remus récupéra précautionneusement la bassine et l'échangea contre un nouveau verre d'eau que la sorcière prit faiblement. Elle but une gorgée et souffla, ses yeux se fermant. Au-dessus de sa tête, les deux anciens professeurs échangèrent un regard profondément préoccupé tandis que les murmures inquiets des jeunes adultes présents dans la pièce recouvraient presque le ronronnement tranquille du feu. En apprenant le carnage qui venait de se dérouler dans un lieu qu'ils pensaient hors d'atteinte ainsi que la perte de leurs camarades et atouts, chacun avait senti planer autour de lui l'aura maléfique du Lord Noir. Plus proche que jamais.
Silencieux, le maître des potions inspira profondément et serra sa main sur l'épaule tendue de la femme. Il devait savoir. Le malaise qui l'avait pris – comme tous les autres – en apprenant que Cambridge était tombée, mais surtout comment Elphias était mort titillait son esprit. Comme s'il voulait lui signaler quelque chose.
D'une voix qu'il essaya de garder ferme, mais qu'il ne put empêcher d'entendre étranglée, il demanda :
— Êtes-vous certaine, absolument certaine que l'implosion a aussi détruit l'Artefact ?
Oriane claqua de la langue devant le manque de délicatesse de l'homme et continua à frotter lentement le dos de la femme. Les tremblements reprirent Rosmerta de plus belle, mais elle essaya immédiatement de garder contenance, ses mains se crispant autour du verre d'eau et s'efforçant de prendre une profonde respiration. Sa bouche s'ouvrit, se referma, ses yeux se brouillèrent légèrement et parcoururent précipitamment les environs, tiraillés entre le besoin de se souvenir et d'oublier.
— Je… Je crois… J'ai… J'ai bien atteint E—Elphias… s'étrangla-t-elle.
Severus pinça les lèvres. Il manquait quelque chose.
Avec un regard sévère envers son ancien confrère qui malmenait leur amie, Remus s'accroupit devant la femme. Le loup-garou lui retira doucement le verre avant de prendre ses mains, cherchant à croiser ses yeux. La sorcière baissa un peu le visage vers lui, essayant de s'ancrer à nouveau dans le présent.
— Madame Rosmerta, nous devons à tout prix savoir si Voldemort a accès à l'Artefact ou s'il n'a pas pu s'en emparer.
— Je… J'ai lancé le sort…
— Lequel ? coupa immédiatement Severus, pressé par son instinct qui le rendait malade à l'instant.
Remus lui adressa un regard noir, mais Severus s'en moqua éperdument. Les entrailles de Severus se tortillaient dans tous les sens et malgré son air impassible, l'œil habitué pouvait remarquer que sa pâleur n'était que plus prononcée qu'à la normale. Madeleine lui jeta un regard, bras toujours croisés, se tendant en sentant que quelque chose ne tournait pas rond.
Au fond de son esprit, Severus entendant la voix menaçante de son ancien maître. Le souvenir lui revenait.
Rosmerta parut décontenancée par le ton soudain sec de l'homme, mais cela lui permit de répondre sans bégayer.
— L'Implodi.
La voix du passé résonna soudainement dans sa tête.
Des jours, semaines, mois qu'il avait vécus en tant que Mangemort, une conversation avec son Maître l'avait toujours profondément marqué.
Celle où Voldemort, confiant en lui et en son serviteur, lui avait parlé de sa vie consacrée à étudier la magie.
Severus, Severus… il y a bien longtemps que ce sortilège ne me fait plus peur. L'Implodi n'est menaçant que pour celui qui ne connaît pas le moyen de le contrer.
Severus relâcha l'épaule de Rosmerta, ferma les yeux, abattu.
Remus et Madeleine notèrent immédiatement le changement d'attitude brutal du sorcier. Rosmerta, elle, se mordit la lèvre jusqu'au sang et retint un gémissement en remarquant l'air – ô combien inhabituel – de désarroi de l'homme. Il s'écarta légèrement et se laissa tomber sur la chaise la plus proche, prenant son front entre ses mains. En voyant cela, l'atmosphère se tendit davantage, si cela était possible.
— L'Artefact n'est pas détruit, finit par conclure Severus en se redressant après avoir recouvré ses esprits.
Rosmerta blêmit et lâcha le verre d'eau. Oriane se figea et cessa ses soins tandis que Madeleine se retournait immédiatement vers lui.
— Pourquoi ? se contenta-t-elle de demander.
— L'Implodi… Le sortilège qui fait non seulement imploser sa cible, mais détruit aussi tout alentour sous la force de son souffle… Le choix de Magie Noire parfait quand on doit s'assurer de détruire preuves et éléments, mais… avant même que je ne devienne espion pour Dumbledore, Voldemort s'en est vanté devant moi, avoua-t-il en se remémorant ces instants. Le Lord a longuement étudié la magie. Toute sa vie même. L'Implodi n'est qu'un des nombreux sortilèges puissants auquel il a trouvé la parade.
— Alors… commença à demander Angelina d'une voix craintive tandis qu'elle et ses camarades étaient restés silencieux jusque-là. Ça signifie…
— Que la destruction de l'Implodi n'a dû être que fort limitée. Ou inexistante.
Le silence suivit la conclusion, chacun craignant la réalité des faits. Lèvres pincées, Remus se redressa.
— Madame Rosmerta, je suis navré de vous imposer encore tout ceci, mais nous devons avoir des réponses plus précises à nos questions.
— Laissez cette pauvre femme reprendre ses esprits, coupa immédiatement la médicomage en sortant sa magie pour faire disparaître les éclats de verre.
Sa voix tremblait à elle aussi, mais elle s'efforça de garder une attitude calme et raisonnable.
— Si vous voulez des réponses claires et précises, il faut d'abord que Madame Rosmerta soit à même de vous répondre sans s'embrouiller davantage, et ce n'est pas le cas actuellement, finit-elle en se relevant et aidant sa patiente à faire de même.
Rosmerta se laissa faire. Madeleine allait intervenir quand Severus prit la parole avant elle.
— Entendu, concéda-t-il malgré l'impatience évidente de l'Auror.
Oriane hocha sèchement la tête et entraîna la pauvre âme, tremblante sur ses jambes, plus loin dans la Réserve pour qu'elle puisse se reposer ne serait-ce que quelques instants. Remus se relaissa tomber sur le canapé où la tenancière s'était assise et fixa le feu. Autour d'eux, plus personne n'osait parler. Encore ébranlés par les nouvelles, les plus jeunes quittèrent petit à petit les lieux, laissant finalement Remus, Severus et Madeleine seuls, perdus dans leurs macabres pensées.
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18 mai 1999
Square Grimmaurd
Londres
Ce ne fut que le lendemain que tout le monde se rassembla dans la cuisine étroite du Square Grimmaurd. Reposée après une nuit favorisée par une potion de sommeil, Rosmerta avalait du bout des lèvres une soupe de fanes brûlante tirée du grand chaudron où Dobby s'affairait à préparer le repas pour la maisonnée. Assise face à elle, Hermione feuilletait les pages du carnet d'Elphias que Rosmerta leur avait enfin confié. Lèvres pincées, elle regarda les lignes se former et se déformer, se tordre puis s'aplanir, cryptées.
— Codé, évidemment, conclut Severus qui avait lui aussi parcouru les pages dans l'espoir d'en tirer quelque chose. Je suppose que vous n'avez pas la clé ?
Rosmerta secoua tristement la tête et reposa sa cuillère.
Les poings crispés sur sa cuisse, Harry se repassa le fil des événements qu'on leur avait rapportés. L'outil qui aurait pu leur apporter un avantage, une protection contre Voldemort, du temps pour qu'il puisse le tuer…
Cet outil-là était maintenant leur plus gros risque. Voldemort n'était plus seulement inatteignable, il était dorénavant invincible.
À ses côtés, Ron qui sentait la tension et le malaise de Harry, se risqua à poser la question qu'aucun n'osait dire.
— Mais est-ce qu'on est sûrs au moins qu'il marche, cet Artefact ?
— Mais oui ! renchérit Blaise en accompagnant sa parole d'un geste vers le carnet. Peut-être qu'il n'est pas encore au point !
Les murmures, légèrement enthousiastes, parcoururent la salle. Hermione ne dit rien, continuant son inspection. L'atmosphère sembla s'éclaircir et tout le monde se retourna vers Madame Rosmerta, plein d'espoir. Au fond de lui et voyant le visage de la sorcière, Severus sentit que la réponse couperait court à leur entrain.
— Il fonctionne.
Évidemment.
Le silence s'abattit de nouveau sur la pièce comme la sentence du bourreau sur le cou de sa victime. La femme repoussa son bol et rassembla ses esprits pour continuer.
— Les tests qu'El… qu'Elphias et son équipe ont effectué sur le prototype sont concluants…
Arthur croisa les doigts et se pencha vers elle, ses jointures blanches malgré son apparent calme.
— Qu'a donné le prototype ? Vraiment.
— Le joyau, le contenant, qu'ils ont utilisé. Il a diffusé l'Avada Kedavra, puis il s'est réduit en cendres.
— Mais peut-être que ça ne signifie pas qu'il a annulé le sort ? demanda prudemment Luna.
Rosmerta secoua à nouveau la tête. Hermione ferma brutalement le carnet et regarda la sorcière.
— De quand date l'essai ?
— Vers le 10 avril. Le nouveau joyau a été formé il y a trois jours, souffla-t-elle.
— Donc, conclut impitoyablement Hermione. Nous pouvons sans trop nous avancer déduire qu'il s'agit d'une version améliorée.
—Dont nous ignorons tout de la puissance… murmura Harry, les yeux rivés sur le bois craquelé de la table.
Il sentit la peau de ses paumes se fendre sous la force de ses ongles qui s'y enfonçaient. La main de Drago se posa dessus, l'obligeant à relâcher sa prise, tandis que celle de Ron faisait de même sur son épaule dans un geste qu'il voulait réconfortant.
— Dont nous ignorons tout de la puissance, répéta Hermione pour que chacun ait bien conscience du risque nouveau.
— Je suis désolée… commença à sangloter Rosmerta, à nouveau submergée par la pression.
Harry lui aussi se serait bien mis à pleurer soudainement. S'il le pouvait.
— Alors, que fait-on ? demanda-t-il à la place tout en acceptant la main de son petit dans la sienne malgré le sang qui la tachait.
— On ne change rien.
Ron se retourna vivement vers Madeleine qui venait de parler.
— Comment ça on ne change rien ? commença-t-il à s'emporter. Voldemort a l'Artefact et du coup, que Harry lui lance un Avada Kedavra ne servira plus à rien ?
— Il suffira d'en lancer deux, répondit-elle du tac au tac, un sourire carnassier sur les lèvres.
Harry sentit sa mâchoire se décrocher.
— D—Deux ? C'est une blague ?
Il tourna rapidement les yeux vers sa meilleure amie, puis ses anciens professeurs. Tous avaient la mine sombre, mais résignée. Hermione fut la première à lui rendre son regard, résolument ferme.
— Un pour détruire l'Artefact, un pour détruire Voldemort.
Est-ce qu'il était en train de délirer ? Ils étaient sincèrement en train de lui demander non plus d'arriver à lancer une fois le sortilège mortel, mais bien deux sur le plus puissant sorcier au monde actuel ? Alors qu'il était à ce jour incapable de battre son ennemi ? Harry voulait se réveiller de ce cauchemar au plus vite.
Sentant la panique monter petit à petit dans le corps du brun, ce fut Drago qui intervint en premier.
— Pourquoi pas nous ? Pourquoi ne pas tous lui envoyer l'Impardonnable ? Nous aurions plus de chances de l'atteindre et de détruire l'objet, argumenta-t-il.
— Pourquoi l'Artefact fonctionnerait-il sur un sortilège inefficace et serait complètement sans effet sur son utilisateur ? lui demanda Severus, comme s'il lui posait une question en pleine leçon. Je t'écoute ?
— Ça, on en sait rien, rétorqua Drago, ébranlé, mais refusant de céder.
Severus renifla de mépris.
— Réfléchis un peu, ton père a beau être cruel et manipulateur, il n'en reste pas moins excellent éducateur en matière d'objets magiques. Il n'aura pas manqué de te faire la leçon sur leurs usages et prérequis.
Drago serra les dents. Bien sûr que Lucius, à la tête de la Collection, lui avait appris les fondamentaux en matière d'artefacts en tous genres. Bien sûr qu'il connaissait les conditions d'activation. La première et plus importante d'entre elles : que l'objet soit confronté à sa raison d'être.
L'Artefact n'aurait évidemment aucune raison de s'activer s'il ne répondait pas à son principal usage, contrer l'Avada Kedavra fatal pour son utilisateur.
— Donc… commença prudemment Harry d'une voix qu'il espéra claire et non pas étranglée comme il sentait sa gorge l'être, je devrai atteindre Voldemort deux fois.
— Sans qu'on ne sache quelles seront les conséquences sur l'Artefact cette fois-ci, contrairement à son prototype, rajouta doucement Hermione. Que ce soient des effets sur l'objet, son utilisateur… ou la personne qui l'aura détruit.
Quand il se posa sur Harry, son regard était désolé.
Mais pas autant que lui.
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Le soir même, Harry demeura introuvable.
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18 mai 1999
Little Hangleton
La lueur chaude qui émana du joyau quand les flammes de l'âtre s'y reflétèrent fit briller les écailles de Nagini d'un macabre éclat. Le serpent ne lâcha pas l'Artefact des yeux, approchant sa grande tête et sortant la langue comme pour tâter de l'aura magique qui s'en dégageait. Elle recula vivement et montra les crocs, crachant dans sa direction.
— Danger.
La main calme de son maître se posa sur son crâne, apaisant les inquiétudes en caressant les écailles scintillantes.
— Comme toute chose magique qui joue avec la vie et la mort, ma très chère.
Nagini sortit à nouveau la langue en signe de mécontentement vers l'Artefact que Voldemort observait avec fascination. S'éloignant de la source magique, elle rampa plus confortablement sur ses épaules et y posa sa tête triangulaire sans quitter l'objet des yeux. Le sorcier continua son geste lent sur sa plus précieuse alliée et d'examiner sa trouvaille.
Quand il l'avait découvert à Cambridge, il avait immédiatement senti son potentiel, pulsant là, à ses pieds.
La colère ressentie devant la fuite de cette sorcière avait été rapidement mise de côté. Les notes éparpillées à travers la pièce après son carnage avaient été rassemblées, restaurées le plus possible après les explosions et le sang. Et sitôt de retour dans son fief, il s'était mis au décodage. Utilisant les restes d'Elphias Doge et les dernières traces de magie qui substituaient dans les gouttes de sa carcasse, les secrets de ce dernier s'étaient dévoilés.
Alors comme ça, ce vieux fou de Dumbledore avait demandé un moyen de contrer le plus rapide des sortilèges de mort ?
Le rire de jubilation qui avait suivi ces découvertes avait macabrement résonné dans le manoir de Little Hangleton. Il y avait fort longtemps que le Lord Noir ne s'était pas senti aussi bien, apaisé. Personne n'avait osé approcher sa salle d'étude par la suite, pas même les plus téméraires et plus dévoués de ses Mangemorts. Lord Voldemort était heureux et ce n'était jamais bien rassurant pour tous, y compris pour ceux qui ne souhaitaient que sa victoire la plus totale.
La langue fendue de Nagini lui effleura la joue comme un baiser, l'arrachant à ses pensées.
— Contre la mort ? demanda-t-elle.
— Contre la mort, ma toute belle, lui répondit-il en relevant le joyau au niveau de leurs yeux. Vois-tu, le but ultime de tous les plus grands est d'échapper à sa propre mortalité. J'y suis arrivé depuis bien des années, mais subsistait toujours le doute qu'un jour, quelqu'un ne réussisse à briser mes rêves.
— La Prophétie, siffla-t-elle en se rapprochant à nouveau de l'Artefact pour l'examiner, plus sereine. Harry Potter.
Les doigts du sorcier se crispèrent légèrement sur le joyau, mais il se détendit instantanément en sentant la chaleur magique s'en dégager.
— Oui. Cet avorton qui aurait dû mourir. L'unique sorcier qui peut s'opposer à moi, élu par la force du destin… Mais ce destin, ma chère Nagini, il est là entre mes mains.
Un sourire carnassier s'étira sur ses lèvres fines. Potter était le seul qui pouvait l'atteindre. Et, avec l'Artefact en sa possession, jamais il n'aurait le temps de faire quoi que ce soit. Même s'il réussissait par sa chance insolente à lancer le sortilège sur le Lord, son espoir serait vain et il serait anéanti par l'inutilité de sa tentative.
Lord Voldemort glissa l'objet dans les plis de sa robe et se laissa aller dans le fauteuil de cuir. Nagini ondula de son épaule à ses genoux, enroulant affectueusement le haut de son corps pour profiter des caresses que son maître lui prodiguait, totalement dévoué à elle, enfin. Silencieusement, il savoura le crépitement des bûches et la lucidité d'esprit dont il n'avait pas perçu l'absence jusqu'alors.
— Oui… Peu importe le reste. Nous aurons Potter.
— Tuer les autres ?
— La politique, mes Mangemorts, Lucius… Laissons-les s'amuser pour le moment, siffla le sorcier, le regard plongé dans les braises incandescentes. Nous aurons bien tout le temps de nous en occuper quand ce gosse ne sera plus là. Quand le seul véritable obstacle sur ma route ne sera plus. Ils paieront leurs cachoteries et petites manœuvres assoiffées de pouvoir. Le maître, c'est moi.
Nagini siffla, satisfaite de retrouver son maître et ses ambitions qu'il semblait avoir mises de côté depuis quelque temps. Le sourire de Voldemort se fit plus glacial et, confortablement installée, elle ne vit pas l'étincelle de folie qui brilla un court instant dans ses yeux.
— Quand Potter ne sera plus, ils se rappelleront qui doit dominer le monde sorcier et pourquoi.
— Gagner. Tuer Potter et gagner.
Le rire froid du Lord emplit à nouveau la salle. Oui. Il allait gagner.
Puis il s'occuperait de tout le reste.
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18 mai 1999
Square Grimmaurd
Londres
« Voldemort a attaqué hier Cambridge. De nombreux alliés sont tombés. As-tu plus de détails ? »
« Aucune information à ce sujet. Rien ne nous provient de la ville et Il n'en a rien laissé paraître contrairement à ses précédents coups de folie. Je vais tenter d'en savoir davantage. Qu'y avait-il de si important pour que toute cette zone soit invisible depuis tant de temps à nos yeux ? »
« Une source de résistance. »
Drago n'était pas certain que son père eût avalé cette simple explication sur la ville fantôme. Il en était parfaitement conscient, la cité universitaire était le seul point de Grande-Bretagne à avoir si longtemps esquivé le regard acéré du Ministère. Cependant, ils ne pouvaient se permettre de laisser échapper l'information sur l'existence de l'Artefact.
Ils en avaient longuement débattu une partie de la journée : maintenant que le Lord était en possession de leur principal atout, devaient-ils le dévoiler à leurs alliés de fortune ?
Comme à l'accoutumée, les avis avaient été très partagés. Avertir de la nouvelle puissance du Lord ou éviter que Lucius et son camp ne prennent l'information comme prétexte pour se retirer de l'accord. Ou, pire, que Lucius n'ait envie de rajouter l'Artefact à la Collection ce qui, Drago en était sûr et certain, était la probabilité la plus forte.
En donnant les nouvelles de Cambridge à son père, il était alors resté sur la lignée de ce qui avait été décidé : informer sur l'état des choses là-bas sans apporter le moindre doute quant aux réelles finalités de l'endroit.
Cependant, la réponse de son père l'avait surpris. D'habitude, quand Voldemort faisait un carnage quelque part, il n'en cachait rien. Pire, le Ministère et même l'Ordre pouvaient évaluer plutôt clairement l'ampleur de la catastrophe. Mais cette fois-ci, Voldemort s'était fait discret. Confirmant le témoignage de Mme Rosmerta, aucun Mangemort n'avait accompagné le sorcier sur son chemin de destruction contrairement à ses précédentes errances. Pire, le Ministère était resté dans le noir, comme si les barrières qui entouraient Cambridge n'avaient pas bougé malgré la mort des sorciers qui la tenaient. C'était comme si…
Comme si la folie destructrice de Voldemort n'avait pour une fois pas été qu'un coup de sang irrationnel et l'avait, enfin, calmé.
Ce qui, se dit Drago, était logique quand on savait le véritable résultat du carnage de Cambridge.
Soupirant, il replia le parchemin et le fourra dans sa poche, près de sa baguette. L'heure du repas était passée depuis un petit moment, mais il n'avait pas eu envie de rejoindre les autres, préférant se focaliser sur l'échange de messages avec son père. Harry, lui, était descendu plus tôt, le laissant se concentrer.
On toqua à la porte. Drago s'étira, faisant craquer avec délice ses cervicales douloureuses.
— C'est ouvert.
La tignasse rousse qu'il aperçut quand la porte s'entrebâilla lui fit hausser un sourcil.
— Un souci ?
Le regard de Ron parcourut la pièce rapidement, puis se troubla quand il ne sembla pas trouver ce qu'il recherchait. Il entra et ferma la porte derrière lui, étouffant le cliquetis du bois le plus possible. Drago fronça les sourcils devant son attitude.
— Harry n'est pas avec toi ? demanda le roux dans un demi-murmure.
— Il est descendu manger, lui répondit le blond automatiquement.
L'autre secoua la tête dans un signe négatif. Drago sentit son corps se tendre et il se leva rapidement.
— Quoi ?
— Il n'était pas en bas, on a pensé qu'il avait fait comme toi et sauté le repas, alors je suis venu voir s'il était ici, mais…
— Il m'a dit qu'il monterait après, intervint Drago. Il devrait être en bas.
Ron pinça les lèvres, un mauvais pressentiment se faisant sentir à l'arrière de son esprit.
— Il doit être quelque part dans la maison, ajouta Drago qui préférait ne pas penser à une autre alternative.
— Et s'il n'y était pas ? demanda Ron, prudemment.
Les yeux gris de Drago prirent une teinte plus sombre et il dut faire appel à tout son sang-froid pour ne pas envoyer paître celui qui était devenu son ami au fil des semaines.
— Il doit être quelque part dans la maison.
— Et s'il n'y était pas ? insista Ron en serrant les dents.
Merlin, il espérait avoir tort. Drago ferma les yeux et prit une profonde inspiration, serrant les poings. Il devait le concéder à Ron – bien qu'il n'eût absolument pas envie de penser à ce cas de figure – c'était une possibilité.
— Pour l'instant, Harry est dans cette chambre, conclut-il comme pour établir le mensonge entre eux. Il dort, il n'a pas été en grande forme aujourd'hui.
— Ça c'est la vérité et c'est bien ça qui m'inquiète, marmonna Ron, un pouce glissé entre ses dents pour en tirer les peaux de manière agitée.
— Ta gueule, Ron, ne put s'empêcher de répliquer Drago par réflexe, nerveusement – car il avait raison.
Depuis des jours, Harry n'était pas en grande forme. Aujourd'hui semblait avoir été le coup de massue final. Ron ne s'offusqua pas de la coupure cinglante du Serpentard, parfaitement conscient de la possibilité – à la fois effrayante et terriblement probable – que par conséquent, Harry n'était tout simplement plus là. Qu'il n'avait plus pu.
— On cherche dans la demeure. Discrètement.
Le roux souffla et ravala son inquiétude, se contenta de hocher la tête et de reprendre l'attitude la plus assurée possible.
— On se retrouve dans quinze minutes. Ensuite…
— Ensuite, conclut Drago en souhaitant de tout son cœur ne pas avoir à en arriver là, on cherche ailleurs.
oOo
Le visage à peine éclairé par les lumières de la ville, Harry essaya de distinguer les étoiles. Au-dessus de lui, de rares éclats dans cette nuit du mois de mai malgré la récente nouvelle lune, trop gâchés par le brouillard et la pollution tant lumineuse que de l'air. La gorge nouée, il ravala un soupir. L'air frais lui faisait du bien et les bruits ambiants, neutres quant à la guerre qui faisait silencieusement rage dans son monde, lui remettaient les pieds sur terre. Le vrombissement des automobiles qui circulaient encore cette nuit, les sirènes des ambulances et voitures de police faisaient écho au loin, lui rappelant quelque peu son enfance passée au 4, Privet Drive, quand tout était, finalement, bien plus simple.
Oui, il avait grandi dans un placard sous l'escalier. Oui, il avait pâti du manque d'amour et de reconnaissance de sa simple existence. Oui, il n'avait été qu'un souffre-douleur, un intrus au sein de ceux qui étaient sa famille de sang.
Mais à l'époque, personne ne se reposait sur ses épaules. Personne ne lui attribuait plus de responsabilités que sa frêle carrure n'était capable de porter. Personne ne lui demandait de sauver le monde entier.
À l'époque, il ne risquait pas de mourir.
Bien sûr que sa vie avait constamment été en danger, tant bien dans ces moments d'insouciance où il était finalement caché à Little Whinging qu'à Poudlard, sa véritable maison. Depuis son retour dans le monde sorcier, il avait toujours été la cible de Voldemort. Chaque année, de mortelles épreuves s'étaient dressées sur son chemin. Il avait même été retenu captif, vaincu et exposé aux yeux du monde, torturé l'année dernière !
Pourtant, c'était aujourd'hui que tout semblait le faire s'effondrer au sol, abattu.
L'Élu l'avait-on appelé. Celui-qui-a-survécu. Des années durant, il avait représenté l'espoir pour les sorciers de Grande-Bretagne. Il y a quelques jours encore, il posait pour leur journal rebelle, se montrait aux autres comme le rempart qui leur permettrait de vivre leur vie heureuse, libérée du joug des Forces du Mal. Il représentait leur camp. Il représentait la délivrance, les jours heureux.
Pourtant, ce soir, c'était terminé.
Il ne pouvait plus.
Les titres, les symboles… il n'avait plus la force de les porter.
Il avait toujours, finalement, fait ce que le public voulait de lui. Ce que les sorciers, proches comme inconnus, attendaient de lui. Il avait même involontairement joué les marionnettes pour que le Ministère actuel asseye son pouvoir l'année dernière !
Il n'avait que dix-huit ans ! Et tous les efforts qu'on lui demandait de faire depuis ses onze lui paraissaient maintenant comme des broutilles inutiles qui n'avaient servi à rien, si c'était pour en arriver là. Qu'avait-il fait de concluant dans le passé si c'était pour en revenir au point de départ ? Il suffisait de voir quel résultat ça avait eu l'année dernière, quand ils étaient censés en finir, tous unis, soutenus par les sorciers les plus forts de leur temps. Quand c'était censé être la bataille finale.
Au final ? Des morts. Des torturés. Des captifs. Des disparus. Des exilés. Tout ça parce qu'il n'avait pas été fichu d'accomplir la prophétie qui planait au-dessus de sa tête alors qu'il avait tout le soutien possible.
Et là, on lui demandait non plus de tuer un être immortel, mais de le détruire deux fois ?
Lui, Celui-qui-a-été-vaincu ? Celui-qui-a-échoué ?
Il savait que c'était n'importe quoi, que penser ainsi était complètement aberrant. Que sa vie n'était pas une suite d'échec qui avait abouti à ce moment précis. Qu'il y avait eu du positif, du bien. Qu'il y en avait encore aujourd'hui.
Mais, seul dans la nuit londonienne, en compagnie de la nuit et des chauves-souris qui passaient haut dans le ciel qu'il aurait préféré étoilé, il n'en avait plus rien à faire de la logique des choses.
Il avait juste envie, pour une fois, d'abandonner.
De ne pas culpabiliser des larmes qui coulaient le long de ses joues.
De ne pas s'en vouloir pour les sanglots silencieux qui serraient sa gorge.
De ne pas avoir honte d'avoir peur.
— Harry ?
Le jeune homme essuya rapidement ses larmes d'un revers de manche, pris sur le fait, bousculant dans le même temps sa paire de lunettes. Sur le rebord du toit du Square Grimmaurd, l'air échevelé et anxieux de son petit-ami ainsi que le souffle de soulagement de son meilleur ami lui tordirent les entrailles de culpabilité. Il savait qu'en montant ici, sans prévenir personne, pour respirer un instant sans ressentir la pression énorme de son destin, il allait déclencher les inquiétudes des autres. Harry avait juste espéré avoir un peu plus de temps. Et surtout, qu'il n'ait pas à voir leur inquiétude à eux.
Il se redressa en position assise, abandonnant sa contemplation du ciel et s'efforça de retrouver une respiration normale, mais son inspiration se bloqua dans sa gorge, lui faisant échapper un hoquet. De là où il était, Drago le remarqua et sentit son cœur se serrer devant l'état d'anéantissement de son amant. Harry ne les regardait pas, détournait même le visage. Se mordant la lèvre, il fit un pas dans sa direction, mais une main le retint fermement sur place. Courroucé, il se retourna vers Ron qui secoua la tête, sans appel.
— Laisse, on redescend tout ça l'heure.
Il hésita, jeta un œil à Harry qui gardait résolument le regard braqué ailleurs, le vent faisant faiblement voleter le col de sa chemise et sa tignasse épaisse. Drago se mordit la lèvre, souhaitant ardemment se précipiter vers lui et le serrer dans ses bras pour qu'il puisse laisser aller toute la peine et la pression qu'il ressentait. Mais le brun ne semblait pas avoir envie de cela. Pas envie qu'on ne le voie dans cet état. Et Drago comprenait.
Même s'il voulait être un roc pour lui, même s'il voulait être celui qui guérirait tous ses maux et serait son plus grand soutien, il comprenait qu'Harry n'ait pas envie qu'il le voie ainsi. Parce que Drago était pareil. Comment jouer un tel rôle pour l'autre dans les pires moments quand on paraissait faible et plus bas que terre ?
C'était tordu, mais c'était leur logique à eux. Et ils la respectaient pour l'autre.
— Je serai dans la chambre, dit doucement Drago, juste assez fort pour que Harry puisse l'entendre de là où il se trouvait.
Ron se détendit perceptiblement et hocha la tête en guise de remerciement. Il le relâcha et Drago se détourna sans rajouter un mot, repassant par l'ouverture qu'ils avaient fini par trouver lors de leur fouille du grenier.
Harry ne se retourna pas même quand les pas de son amant s'éloignèrent, ni quand ceux de son meilleur ami se rapprochèrent et qu'un bruit sourd se fit entendre à ses côtés, indiquant que le rouquin s'était laissé tomber lui aussi sur le toit froid de la demeure.
Le silence s'installa entre eux et Harry s'essuya à nouveau discrètement les yeux, essayant de ne pas renifler ni de respirer trop fort par la bouche. Un mouchoir entra dans son champ de vision et il hoqueta faiblement devant l'attention.
— Vas-y, il est propre et y'a que nous deux.
Le brun le prit sans un mot et accepta. Il retira ses lunettes et les posa à côté de lui avant de sécher mieux ses larmes et de se moucher le plus silencieusement possible. Ron ne se retourna pas vers lui, se contentant de regarder le brouillard emplir le ciel.
Quand il fut un peu plus calme, Harry ne prit pas la parole. Intérieurement, il remercia Ron d'avoir renvoyé Drago et d'être resté, mais il ne se sentait pas encore la force d'émettre le moindre mot, de peur d'éclater à nouveau en sanglots, incontrôlables cette fois.
Ce ne fut que plusieurs minutes plus tard que son meilleur ami commença, toujours sans se retourner vers lui, bras croisés derrière la tête et maintenant allongé de manière confortable malgré le froid de la nuit londonienne.
— Cette situation pue complètement la merde de Veracrasse.
Harry s'étrangla dans un rire involontaire. Ron continua très sérieusement :
— Pourtant, ce qui est bien, c'est que même si c'est de la merde liquide, bien puante et dégoulinante, on y est ensemble.
Harry renifla à nouveau et s'allongea à son tour, les yeux brouillés.
— C'est de la bonne grosse merde, lâcha-t-il, voix étranglée.
— Ouaip, répondit Ron en faisant bien sonner le « p ». Mais à plusieurs ça schlingue moins fort, c'est sûr.
Le brun souffla, se détendant légèrement en sentant la chaleur corporelle de son meilleur ami près de lui.
— On a vécu une année d'enfer, hein ?
— Ouais Ron…
— Tu sais, malgré toutes les galères et déconvenues qu'on s'est tapé, continua le rouquin, je trouve qu'on s'en sort pas si mal… On revient de loin. On était plus bas que terre en mai dernier, mais on a su se redresser. OK, on a fui, on a dû s'exiler aux States, mais on était ensemble.
Il se contenta d'hocher la tête et l'autre continua.
— OK, on a vécu des trucs pas cools, et c'est limite un euphémisme, mais on a aussi eu de bonnes nouvelles et fait de bonnes choses, regarde, tous les jours on a de nouveaux soutiens et tous les jours, même si c'est pas tout rose, on a du positif ! Tu m'aurais dit y'a une semaine que Fred se manifesterait comme une fleur, j'aurais eu du mal à y croire, eh ben tu sais quoi, à mon moi d'y a une semaine, je lui dis merde.
La véhémence et le discours mal organisé de son meilleur ami lui tirèrent un faible sourire.
— Y'a qu'un jumeau Weasley pour faire des surprises pareilles…
Ron renifla, mais ne cacha pas son air satisfait.
— Le gars fuit à l'autre bout du pays et s'organiser une petite bande résistante pendant tout ce temps et il attend de voir ta tronche sur un journal pour trouver un moyen de se manifester ? Même Papa a pas engueulé George pour toutes les insultes qu'il a sorties à Fred en entendant enfin parler de lui.
Harry se détendit encore un peu plus en se remémorant ces instants tant de surprise que de joie. Apprendre que le dernier membre de la famille Weasley en cavale allait bien malgré son absence et qu'il ne s'était pas rapproché d'eux simplement par manque de moyens et de véritable connaissance de la situation…
Oui, quand il y repensait, tout le monde au sein du Square et de la Réserve avait eu la chance de ne pas se retrouver isolé à un moment ou à un autre. Avait eu la chance de renouer les liens essentiels à la survie et à la lutte. Fred, lui, n'avait pas eu cet avantage. Seul, mais en sécurité, il n'avait pu retrouver les siens ni s'informer sur la réalité de la situation. Il avait dû composer avec ce et ceux qui l'entouraient en ces moments.
En pensant à lui, Harry se rappela que, fondamentalement, il n'avait jamais été seul.
Dès le début, Ron avait été à son côté. Puis Auber, Drago, Charlie, Hermione… Petit à petit, son monde avait retrouvé de ses couleurs.
— Je sais que tu sens tout le poids de ce dont on a parlé sur tes épaules, reprit Ron, le tirant de ses pensées. Mais t'es pas seul. Tu le seras jamais.
— C'est moi qui dois lancer les Avada Kedavra, répliqua faiblement Harry, sentant à nouveau sa gorge se nouer.
— Et alors ? Ça nous empêche de t'en donner le temps ?
Ron se redressa d'un coup et se retourna vers lui. Harry tourna vaguement la tête vers lui, observant la silhouette floue de son meilleur ami. Il devina plus qu'il ne distingua l'air ferme et décidé de Ron.
— Je…
— Ok, t'as à lancer deux fois ce sort pour qu'on puisse gagner. Ça veut pas dire qu'on va te laisser seul devant lui en attendant gentiment que tu fasses tout le boulot.
Harry se rassit péniblement, tremblant.
— Ouais, c'est toi qui dois lancer les sorts. Ça je peux pas te dire autrement, la vieille Trelawney l'a dit y'a bien trop longtemps et a pondu une prophétie à ce sujet, continua le roux en se redressant de toute sa taille. Mais y'a marqué nulle part que personne ferait rien pour te laisser le temps.
Le brun se mordit la lèvre, se sentant à nouveau émotif et les larmes revenir au coin de ses yeux. Cela n'empêcha pas son meilleur ami de continuer, plus assuré qu'avant.
— Alors, même si on doit y laisser la vie, moi, ou un autre, ou plusieurs autres, ou même personne, on va être là avec toi et c'est tous ensemble qu'on y arrivera.
Harry ne tint plus. Le cœur plein d'émotion et de reconnaissance envers son tout premier ami, celui qu'il avait toujours considéré comme la personne la plus proche de lui, son frère, il fondit en sanglot et l'attrapa rapidement dans ses bras, le serrant contre lui dans l'étreinte la plus serrée qu'il pouvait donner. Pas une seule seconde il ne songea à relâcher Ron, quand bien même il mettait toutes ses forces pour lui transmettre tout l'amour et la gratitude qu'il éprouvait en cet instant. Le plus grand ne s'en offusqua pas un instant, entourant les épaules plus frêles de ses bras et l'étreint lui aussi, laissant son pull recueillir les larmes d'Harry qui ne voulaient cesser de couler.
— Je… Je sais pas si… hoqueta Harry, si j'arriverai…
— Chut. Si. T'y arriveras parce qu'on va te créer toutes les occasions pour.
— M—Mais… gémit-il.
— J'ai dit chut, répondit le Ron en enfouissant le nez dans la tignasse de son meilleur ami. T'y arriveras parce que c'est pas que à toi de le faire.
La présence rassurante de l'autre permit à Harry, après plusieurs minutes à pleurer, d'enfin se calmer. Le menton posé sur le crâne de Harry, Ron contempla Londres.
— Et puis, si on arrive pas à le tuer à coup d'Avada Kedavra, t'auras qu'à lui planter une arme blanche dans la tête ou lui trancher le cou. Je suis sûr que ça peut avoir son effet.
Harry lâcha un rire involontaire, la soudaine idée de se retrouver affublé d'une épée et de se battre contre le Lord en duel moldu faisant dérouler un drôle de film dans son esprit. Il essuya une dernière fois ses yeux contre le pull détrempé et relâcha doucement Ron qui le laissa faire.
— Au pire, je prends le couteau suisse que Sirius m'a offert dans la poche et je tente en ultime recours.
Le rouquin lui adressa un large sourire et lui tendit ses lunettes, qu'il mit immédiatement sur son nez, redécouvrant enfin le regard taquin du Gryffondor. Harry ressentit un élan d'amour pour son frère, comme rarement il ne l'avait éprouvé. Ron le poussa doucement.
— T'imagines les journaux : Le Grand Gouverneur vaincu par une arme moldue. Tant, c'est ça la solution, tout bêtement.
Harry lui sourit enfin et Ron se releva, s'étira, et lui tendit la main. Harry la prit sans attendre et se laissa porter par le geste.
Non, la situation n'allait pas miraculeusement s'améliorer. Non, son rôle n'allait pas subitement changer parce qu'il avait pleuré ou parce que Ron avait été là pour le rassurer.
Mais il lui avait rappelé l'essentiel.
Ce poids, ce destin qui lui pourrissait la vie, il n'en était pas la seule variable.
oOo
Quand il retourna enfin dans sa chambre et que Drago se redressa prestement du lit, l'air inquiet et scrutant son visage comme pour savoir si Harry allait mieux, ce dernier lui adressa un sourire, plus confiant et reconnaissant qu'il ne l'avait été depuis longtemps.
oOo
19 mai 1999
Little Hangleton
— Je te félicite.
Ces simples mots de la part de son Maître la firent frissonner de plaisir. D'entendre de ses lèvres les louanges qu'elle avait si longuement attendues, si ardemment cherchées depuis des mois, c'était comme si Voldemort l'acceptait enfin au plus près de lui, comme si elle accédait enfin à tout ce dont elle avait souhaité depuis qu'elle était devenue Mangemort. Enhardie, elle osa relever les yeux de sa position et se délecta de voir l'air calme et satisfait du grand sorcier.
— Je ne vis que pour vous servir, mon Maître, lui dit-elle, la voix sirupeuse.
Une caresse sur le haut de son crâne, l'enjoignant à se redresser, manqua de lui arracher un gémissement de plaisir. Obéissant rapidement, elle se releva et se permit l'audace de regarder plus franchement son maître, oubliant un instant qu'elle ignorait totalement pourquoi il la complimentait alors qu'elle échouait encore dans la plus grande tâche qu'il lui avait confiée.
— Tes informations sur Cambridge m'ont été fort utiles, Pansy, tu es à l'origine d'un immense pas vers ma victoire la plus absolue, la flatta-t-il.
Elle manqua de se sentir défaillir et se courba dans une nouvelle révérence en retour.
— Je ferai tout pour vous.
— Quant à l'assassinat que je t'ai confié, reprit-il sans attendre.
Son sang se glaça et ses yeux s'écarquillèrent, fixés sur le plancher devant elle.
— Oublions cette tâche pour le moment, finit-il.
Le cœur de Pansy, qui venait de s'emballer soudainement sous la menace imminente, s'arrêta un court instant. Elle balbutia.
— Maître ?
Le Lord s'avança, l'effleura à peine tandis qu'il passait à côté d'elle. Dans son sillon, Nagini ondula, s'enroula autour des chevilles tremblantes de la Mangemort, sa langue tâtant la peau dénudée à ce niveau, entre caresse et menace.
— Lucius ne sera plus longtemps un poids… Laissons-le s'amuser pour le moment, il ne m'inquiète plus.
Les lèvres de la jeune femme s'ouvrirent, se refermèrent, indécise et hébétée devant un tel changement d'attitude. Elle qui avait craint pour sa vie au vu de ses échecs inexpliqués… Mais le Maître savait mieux qu'elle, mieux que tous.
S'il demandait à laisser Lucius pour le moment, faisant oublier son incapacité à obtenir le moins résultat sur le sujet, elle n'allait certainement pas se remettre en position précaire en insistant. Après tout, il venait de la féliciter ! Elle devait rester dans ses bonnes grâces ! Pansy se retourna vers son Maître qui commençait à quitter la pièce et s'inclina encore, prenant bien garde de ne point blesser Nagini qui suivait relâchant sa prise autour de son corps.
— Bien Maître. Que votre volonté soit faite.
Le sorcier sortit et la créature magique suivit de près, tous deux disparaissant dans les couloirs obscurs du manoir.
Pansy se redressa et profita de ces quelques secondes seule dans le petit salon pour reprendre contenance, partagée entre l'extase et la trépidation. Elle claqua légèrement ses joues pour se remettre de l'événement puis s'affaira à ranger un peu la pièce pour ne pas retourner dans le manoir si fébrile. Pourtant, quand elle eut fini de retrouver ses esprits et qu'elle voulut à son tour quitter les lieux, une baguette fut brandie sous son menton.
Le regard fou de Bellatrix se plongea dans les yeux, les dents serrées de la sorcière laissant entendre un faible grincement dans le calme de l'endroit. Sentant la chaleur au bout de l'objet, Pansy n'osa déglutir, ressentant toute la menace qui émanait fortement de son ainée.
— Alors comme ça, cracha Bellatrix, parce que tu as réussi à aider un tant soit peu mon Maître, tu te crois sa préférée, petite traînée ?
Plais au Maître.
Pansy dégagea brutalement la baguette d'un coup de main, ne tremblant pas quand le sort qui menaçait fut immédiatement envoyé contre le mur dans la violence du choc. Bellatrix recula d'un pas, releva l'artefact, mais fut accueillie par celle de Pansy, maintenant tendue dans sa direction.
—Je ne vis que pour lui, c'est moi qui réussis à faire avancer sa cause !
Fais tout pour lui.
— Tu n'es rien, rien ! cria Bellatrix d'une voix stridente. Il t'a félicitée, la belle affaire ! Ce n'est qu'un événement isolé ! Unique ! Moi je suis là depuis toujours !
— Et c'est déjà bien trop long, qu'as-tu fait dernièrement pour lui, pauvre folle ! rétorqua Pansy qui sentant son esprit s'embrumer.
Sois là pour lui.
Le hurlement de folie de Bellatrix avant qu'elle ne se jette sur elle fut son seul avertissement. Délaissant sa baguette, l'aristocrate lui bondit dessus, toutes griffes dehors, cherchant à la blesser, tirer ses cheveux, arracher la chair de son visage par tous les moyens. Pansy, oubliant de même qu'elle était une sorcière, répliqua avec le même acharnement. Les deux femmes tombèrent au sol, roulèrent sur les tapis antiques, cognèrent dans les meubles, chacune tentant de prendre l'ascendant sur l'autre, d'être la plus forte.
Donne ta vie pour lui.
Prise de rage sous l'attaque de sa consœur, Pansy planta fortement les dents dans le poignet offert de celle qui essayait de l'étranger, lui arrachant un cri presque inhumain. Le sang coula dans sa bouche, Pansy n'en avait cure. Elle serra les dents, ignorant l'autre qui frappait son crâne pour la faire lâcher, oubliant totalement d'essayer de la tuer. Dans un dernier fracas de poing sur sa tempe, la jeune Serpentarde ouvrit enfin la mâchoire et Bellatrix se recula vivement, la main ensanglantée et complètement échevelée, des marques de griffures plus ou moins profondes sur le visage. Pansy, haletante, en profita pour rapidement se redresser et ramasser sa baguette, vacillante et dans un état à peine moins pitoyable que la Mangemort.
— Maintenant, souffla-t-elle en la brandissant, un sortilège sur le bout de la langue, dégage.
Bellatrix ne détourna pas le regard, la maudissant de toute son âme en récupérant sa baguette à son tour.
— Toi…
— DÉGAGE ! hurla Pansy en faisant exploser le fauteuil près d'où Bellatrix se tenait.
La sorcière, s'avouant temporairement vaincue, s'exécuta en laissant une trace poisseuse de sang sur ses pas. Pansy ne la quitta pas des yeux tandis que Bellatrix acceptait cette fois-ci sa défaite et partait. La jeune femme sentit le coin de sa bouche tressauter dans un sourire mauvais qui voulait fleurir sur ses lèvres. Elle l'avait fait. Elle avait renvoyé Bellatrix dans le caniveau où était sa place. Cette pauvre mégère dépassée. Oui. C'était elle qui avait eu les félicitations du Maître. Pas elle. Elle, elle n'était plus qu'un poids inutile que le Grand Gouverneur devait se traîner à chaque excursion qu'il faisait, chaque attaque ô combien importante il menait ! Elle savait peut-être manier sa baguette et lancer des sortilèges, mais elle n'était plus rien. Ne servait plus à rien. À quoi sa présence auprès du Maître adoré de Pansy pouvait-elle bien être utile à part rappeler les temps maudits où il avait été défait, presque vingt ans plus tôt. Pansy, elle, elle représentait la Nouvelle Ère. Elle était l'égérie des Mangemorts auprès des sorciers d'aujourd'hui, elle était celle qui recrutait à Poudlard, qui faisait oublier les défaites et l'Âge Sombre !
Oui, conclut Pansy en riant faiblement, sa tête retombant légèrement sur son épaule, forte des convictions auxquelles elle venait d'arriver. C'était elle qui avait sa place auprès du Maître. Pas Bellatrix.
Sois La Seule.
Plus loin dans les couloirs du manoir Jedusor, il lui sembla entendre le sifflement de Nagini.
oOo
19 mai 1999
Little Hangleton
Potter.
Encore et toujours Potter.
Il était immortel, son cœur d'homme remplacé par un noyau magique indestructible. Il était aujourd'hui protégé contre l'Avada Kedavra, seul sortilège auquel il n'avait trouvé aucune parade. Il était le sorcier le plus puissant et le plus redoutable de Grande Bretagne et d'Europe même.
Les peuples magiques étaient à ses pieds. Il était le Grand Gouverneur.
Alors pourquoi tuer ce pauvre gosse sans talent particulier s'avérait-il si long ?
Lord Voldemort roula la nuque, sentant des tensions nouer ses épaules et crisper tout son corps. Le sifflement de Nagini ne suffit pas, cette fois-ci à l'apaiser. D'un bas lent, il s'avança dans la cour de la demeure, le gravier crissant sous ses pas. Sa plus fidèle ondula derrière lui.
Partir à sa recherche n'avait servi à rien. Rien. Depuis des semaines, des mois où il semait mort et destruction partout où le jeune sorcier était apparu, il n'avait jamais croisé une seule fois sa route hormis ce 2 mai sur le Chemin de Traverse. Et il l'avait manqué.
Potter.
Potter.
— Ça suffit, siffla le sorcier en se redressant de toute sa stature.
Ses fidèles qui gravitaient au plus proche de lui à Little Hangleton s'étaient toujours trouvés près de lui lors de ses attaques, l'aidant ardemment à détruire et punir tous ceux qui osaient se mettre en travers de sa route, en travers lui et Potter !
Il releva sa manche, laissant apparaître sur son avant-bras la Marque des Ténèbres.
Depuis que le nouveau Gouvernement avait été formé, il n'avait pas eu besoin de l'utiliser, chacun à son poste pour répondre à ses ambitions et jouant son rôle dans la construction de sa société.
Mais maintenant, c'était secondaire.
Potter !
La politique, le renouvellement des lois, l'asservissement des peuples, tout ça n'était que secondaire !
Je dois tuer Potter !
Il sortit sa baguette et y planta le bout, convoquant ses troupes.
Les craquements de transplanage résonnèrent dans la cour. Un, deux, cinq, puis dix, vingt…
Puis plus rien.
Les hommes et femmes qui venaient d'arriver s'étaient instantanément inclinés, plantant le genou au sol malgré l'inconfort, baissant la tête en signe de soumission.
C'est tout ?
Le Lord se tourna vivement et remarqua la chevelure argentée du patriarche Malefoy, le nez touchant presque terre dans sa courbette aussi ridicule que pathétique.
— Lucius… siffla Voldemort, roulant de nouveau la tête et sentant sa fureur laisser émaner de faibles doses de magie de son corps, où sont les autres ?
— Maître, nous sommes tous là, répondit l'homme, sa voix frémissant à peine sous la menace.
Voldemort parcourut l'assemblée, le ciel sembla s'assombrir.
— Nous étions plus nombreux, se contenta-t-il de dire.
Personne n'était dupe. Sous sa simple remarque se trouvait la menace. Celle de tuer à l'instant devant la frustration de voir que ses fidèles n'étaient pas tous là.
— Ce sont nos derniers nombres, Maître, lui répondit Lucius dont la voix, cette fois-ci, semblait véritablement trembler.
Le mage noir se détourna vivement, scruta ceux qui l'avaient rejoint. Nott, Flint, Pansy, Yaxley, Bellatrix… Les plus fidèles d'entre eux étaient bien là. Il plissa les yeux. Dans son esprit, les noms des absents paraissaient embrumés, comme oubliés depuis longtemps.
Depuis quand ne s'était-il pas préoccupé de ses fidèles ?
Voldemort se retourna à nouveau vers Lucius puis s'avança, lentement. La mâchoire de l'homme sembla se serrer imperceptiblement, dans une futile tentative de cacher sa nervosité.
— Et…Comment se fait-il ? susurra Voldemort.
Nagini ondula entre les corps prostrés. Goûta l'air du bout de la langue. Chercha la nervosité et l'assurance.
— L'Ordre et les Rebelles, Maître.
Le tonnerre sembla gronder plus loin. Les yeux rivés sur le gravier sombre du manoir Jedusor, Pansy sentir l'air s'épaissir, devenir presque suffocant. Voldemort s'arrêta devant Lucius, les membres presque tremblants de fureur.
— Es-tu en train de me dire… Lucius regarde-moi !
L'ordre soudain du Lord claqua dans la cour, la magie crépita autour d'eux. Déglutissant, Lucius Malefoy releva la tête, obéissant à la demande de son Maître.
— Es-tu en train de me dire, reprit Voldemort en se penchant lentement jusqu'à ce qu'ils ne soient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, que ces… pathétiques… minables… pitoyables rebelles ont tant échappé à tes faibles compétences que mes Mangemorts ne sont plus que peau de chagrin ?
Sentant que de sa réponse dépendait sa vie, Lucius déglutit.
— Oui, Maître, réussit-il à dire dans une voix presque soufflée.
Près de lui, Jonathan priait tous les Grands Sorciers de leur Histoire pour que rien ne transparaisse davantage. Lucius ne mentait pas. Pas totalement. Grand nombre des leurs avaient été incapacités ou tués par l'Ordre du Phénix. Avec leur aide directe. Quant au reste, membres de la communauté Sang-Pur, ils s'étaient cachés, isolés le plus possible pour ne plus avoir à répondre au Lord. Avec leur aide directe, une fois de plus.
Voldemort sonda le regard de Lucius, ses yeux fous cherchant à déceler si l'homme devant lui ne mentait pas. Le Grand Gouverneur savait, savait que Lucius désirait le pouvoir et la domination lui aussi. Que c'était un homme dangereux et qu'il faudrait qu'il s'en débarrasse, comme il avait demandé à cette idiote de Pansy de le faire.
Mais Lucius ne semblait pas mentir. Les tremblements de ses pupilles, la sueur qui commençait à couler le long de ses tempes… Sans qu'il ne détournât cependant le regard le convainquirent. Le sorcier se redressa, toisant Lucius.
Alors comme ça, ses troupes, son armée fidèle étaient à son plus bas niveau depuis son retour il y a quelques années ?
Soit.
— Toi qui te targues de mener notre monde d'une main de maître, Lucius… Toi qui te sens au sommet en guidant la société sorcière en mon nom… il est temps.
Il recula, se repositionna au centre de ses fidèles alors que la pluie se mettait à tomber, assombrissant l'endroit, comme pour accompagner la folie meurtrière qui recommençait à se dégager du Maître.
— Si je ne puis compter que sur vous en ce pays pour chasser Potter, le débusquer et l'anéantir… il est temps de faire rentrer les Mangemorts d'Europe et d'enfin faire appel à leurs forces pour soumettre définitivement cette île à ma toute-puissance !
—D'Eur… souffla Jonathan malgré lui.
— Maître, nous n'avons pas besoin de ces étrangers pour vous aider ! intervint soudainement Bellatrix dans un cri de désespoir.
— Oh si, ma belle, lui répondit Voldemort en se retournant vers elle et ignorant totalement la phrase avortée de Jonathan. Il est temps que tous mes fidèles se dévouent à la tâche qui aurait dû être la leur depuis bien longtemps. Recouvrir la Grande-Bretagne par leur grand nombre, trouver et m'apporter Potter.
Il glissa un doigt le long de sa mâchoire, lui arracha un sourire énamouré tandis que les entrailles de Pansy se tordaient maintenant de jalousie en voyant leur proximité.
— Lucius, ordonna-t-il en relâchant subitement Bellatrix qui accorda une grimace maniaque et satisfaite à Pansy de l'autre côté de cercle. Ordonne à nos alliés de faire venir toutes leurs troupes. Ouvre les frontières. Rends-moi les forces qui devraient être là auprès de moi ! acheva-t-il alors qu'un éclair zébrait le ciel.
Malefoy se contenta de baisser la tête en signe de soumission.
— Qu'il en soit ainsi.
oOo
« Voldemort appelle ses fidèles d'Europe. Je ne pourrai tenir les frontières fermées que quelques jours, Il s'assurera que j'aie bien relayé le message. Que vos alliés retiennent les leurs chez eux.
Mon fils, il est temps. »
Les yeux rivés sur le message qu'il venait de lire et de relire, Drago froissa le parchemin et se leva.
