Ces derniers jours, mon rythme de parution est devenu assez aléatoire mais si vous voulez déverser votre ire populaire, j'ai le coupable : Assassin's Creed. J'ai revu ce film il y a quelques jours et ça m'a donné envie, à moi aussi, d'aller courir sur les toits et d'assassiner des gens. Activité fort amusante vous en conviendrez ! J'ai donc eu la faiblesse de demander à mon compagnon de me l'installer et me voici : l'air hagard, les yeux rougis par l'écran et à ne plus savoir quel jour nous sommes et si je suis sensé aller travailler demain ou non. Je vais essayer de revenir de terre de croisade un peu plus régulièrement, mais je ne promets rien ^^

D'ici là, bonne lecture à vous !


Chapitre 26

Lorsque j'arrive en haut de la tour d'astronomie, le vent fait voler mes cheveux et je regrette de n'avoir pas enfilé une cape par-dessus le pull de Casper. Je note immédiatement que je suis seule sur le toit circulaire et croise les bras sur ma poitrine pour conserver un peu de chaleur. Je jette ensuite un œil distrait par-delà les larges créneaux et admire la forêt interdite qui ceint une partie du domaine, ainsi que les hautes montagnes encore couvertes de neiges en leur cime.

Ne voyant personne arriver, je m'approche un peu plus du bord et aperçois la large arène de bois dont les abords délimités ont été interdits aux élèves. Celle-ci est, pour le moment, encore en construction mais présage d'une taille plutôt remarquable, sans compter les hauts mâts qui supporteront les drapeaux des écoles en lice. Sans prévenir, une pointe de stress vient se loger dans ma poitrine quand je prends conscience que cette compétition va arriver bien plus vite que je ne me le figure.

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Sans plus un regard, je me détourne du paysage et m'en vais m'asseoir sur un créneau un peu plus loin. Au bout d'un moment, je sors la montre que Casper m'a prêtée et vois qu'il n'est pas encore seize heures. Je la range à nouveau dans ma poche et mes pensées dérivent naturellement vers mon grand ami.

Alors, comme ça, il a découvert le secret de Jasmine ? Dire qu'il était au courant depuis le début serait plus exact et je suis encore surprise qu'il ne nous en ait pas parlé plus tôt. Il nous a affirmé l'avoir plus ou moins déduit avec facilité et je m'étonne de son sens de l'observation que ne laisse pas présager sa bonhomie naturelle. Même si, en étant honnête, je pourrais affirmer que Casper a toujours été de ceux qui se taisent, mais qui n'en pensent pas moins.

Je tire un peu sur mes manches et me demande ce que mon ami nous cache encore sous son éternel sourire confiant. Mes pensées rebondissent à nouveau et je réfléchis une énième fois à ce que je vais bien pouvoir demander à Caussman. J'y ai pensé toute l'après-midi et pleins de choses ont tourné dans mon esprit, sans que je ne réussisse véritablement à les saisir. La première - et des plus troublantes - est que je ne comprends pas pourquoi Arkwood a quitté sa copine.

C'est idiot, mais je reste fixée sur ce que je viens d'apprendre. C'est vrai quoi ! Il ne pouvait pas continuer à lire ses mièvreries pleines de sentiments dégoulinants, plutôt que de la jeter sous un prétexte carrément bidon ? Sans compter que Caussman voulait vraiment savoir ce qu'on s'était dit durant notre retenue, comme si cela était censé revêtir une quelconque importance que, pour ma part, je n'aurais pas réussi à saisir. À certains moments, je pars dans des extrapolations qui ne me permettent pas de réfléchir efficacement et j'en viens à tous les maudire, juste pour la forme.

La porte menant à l'escalier s'ouvre brusquement et je sursaute. Ce petit blond de Caussman referme cependant bien vite le battant et s'approche de moi en me présentant une mine sérieuse.

-Toujours déçu d'avoir perdu ? je lui demande en le regardant venir s'adosser au créneau en face de moi.

-Non.

Il croise les bras sur son torse et regarde à son tour le paysage qui nous enserre, ainsi que le ciel clair, même si nuageux.

-J'ai pas beaucoup de temps, Tio, alors on va faire ça rapidement.

Il reporte son attention sur moi et me fait un petit geste de la main.

-Vas-y, je t'écoute. Pose ta question, j'y répondrai.

-Tu ne m'aimes pas.

Il a une expression de surprise, mais se reprend bien vite et lève un sourcil interrogateur,

-Qu'est-ce qui te fait croire ça ?

-Tu l'as dit toi-même, lorsque j'ai voulu débarquer dans la salle commune de Serpentard.

-J'ai pas dit que je ne t'aimais pas, simplement que je m'en foutais de toi. Si Doyle ne me l'avait pas demandé, je ne serais jamais monté vous aider, toi et ta pote, en janvier.

-Ça a le mérite d'être honnête. Et qu'est-ce qu'il t'a dit pour te convaincre de le faire tout de même ?

-C'est ça ta question, Tio ?

-Non.

-Et bien, qu'est-ce que tu attends ?

-J'essaye simplement de comprendre.

-De comprendre quoi ?

-Pourquoi tout ça. Durant notre retenue, Arkwood m'a expliqué m'avoir protégé des harpies parce qu'il pensait que je le méritais.

Je vois l'intérêt du Poufsouffle s'éveiller, mais il ne fait aucun commentaire.

-Mais je ne peux pas croire qu'il quitte sa copine, qu'il m'invite dans votre salle commune et même qu'il m'accompagne jusqu'à la tour de Serdaigle, simplement par bonté d'âme. Alors quoi ?

Je vois Caussman arborer un sourire moqueur et attendre patiemment la suite.

-Est-ce que… Est-ce que je l'intéresse ? je demande d'une voix peu sûre en scrutant la réaction du jeune homme.

Son sourire perd quelque peu de sa superbe, mais il se reprend vite et éclate d'un rire mauvais.

-C'est ce que tu crois ? me demande-t-il d'une voix méprisante. Tu crois qu'il s'abaisserait à t'envisager ? Sérieusement ? Toi ?

Hé, oh ! Oui, j'ai pas une tronche à défiler pour Miss Sorcière, mais j'ai une dignité tout de même, faudrait faire gaffe à pas trop me l'amocher si possible.

-Je ne crois rien, je réponds en grinçant un peu des dents. Je me contente d'émettre des hypothèses.

Il acquiesce et soupire longuement, avant de jeter de nouveau un œil au panorama qui habille notre horizon.

-Pose-moi une autre question, celle-ci est ridicule.

Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je sens quelque chose faire mal quelque part au fond de moi. Est-ce que j'ai vraiment espéré une réponse positive de sa part, au point d'être déçue ? C'est à la fois tellement idiot, mais si révélateur, que j'ai envie de me frapper la tête contre la pierre.

-Non, je n'en ai pas. Merci quand même.

Je me relève et marche jusqu'à la porte avant qu'il ne me rappelle.

-Reviens ici, Tio, me dit-il d'une voix dure. Reviens poser ton cul si tu ne veux pas que je vienne te chercher.

-Vous menacez vraiment tous ceux que vous croisez, ou bien je suis la seule à bénéficier de ce traitement de faveur ?

Avec des gestes agacés, il s'approche de moi et je sens qu'il s'énerve.

-Ne me dis pas que c'est tout ce que tu voulais savoir ?

Je hausse des épaules et prends rapidement l'escalier pour descendre la tour d'astronomie. J'ai le moral un peu dans les chaussettes et j'essaye de faire illusion quand je pénètre dans la salle commune de Serdaigle. Jasmine et Casper sont en train de lire dans notre coin habituel et je me pose entre eux, en jetant un œil au recueil d'histoires coquines que notre ami lit avec intérêt.

-Et tu bouquines ça à la vue de tous ? je demande d'une voix moqueuse en jetant un œil à la couverture suggestive pleine de femmes nues.

Casper a le bon goût de rougir jusqu'aux oreilles et il s'empresse d'appliquer un sort pour modifier la couverture. Sort qu'il a certainement dû oublier de jeter dès le début. Je tourne ensuite les yeux vers celui de Jasmine et remarque que c'est un grimoire portant sur l'utilisation avancée des cartes de Tarot. Et moi qui cherchais une distraction bienvenue…

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Plus j'y pense, et plus je prends conscience du peu de temps qui nous sépare de cette fichue compétition à laquelle j'aurais dû refuser de participer. Car ce dimanche se termine bien trop vite à mon goût et une nouvelle semaine s'enchaîne alors, apportant son lot de cours, d'entraînements et d'exercices physiques qui me font chaque fois cracher mes poumons. J'ai de moins en moins de temps pour moi et la nette impression de ne plus croiser personne, à part Jasmine et Casper qui font mes devoirs à ma place pour me permettre de m'entrainer jusqu'à très tard le soir.

Puis, une autre semaine arrive et j'ai l'impression de me retrouver coincée dans la même boucle temporelle qui n'en finit pas de recommencer, encore et encore. Je ne croise plus Arkwood ni Caussman jusqu'à fin mars, sauf une ou deux fois, lors des repas ; ni Burke et ses copines qui semblent satisfaites de la tournure qu'ont pris les évènements.

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Certaines fois, je surprends les coups d'œil complices échangés entre Jasmine et Rabastan et je dois chaque fois donner un coup de coude à mon amie pour ne pas qu'ils grillent deux mois de couverture. Je croise également de moins en moins ma sœur qui a encore changé de copain et je ne peux m'empêcher de fusiller Brian du regard chaque fois que je le croise. Non pas qu'il ait fait la moindre chose de mal, mais on ne sait jamais, mieux vaut prévenir que guérir, comme dirait l'autre.

C'est pourquoi, lorsque début avril arrive, ainsi que la sortie de Pré-au-Lard, j'en profite pour prendre ce temps de repos nécessaire.

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-Tu es sure de toi Aly ? Tu n'auras plus rien après, et ne compte pas sur moi pour te refiler de l'argent !

Je jette un regard à ma sœur qui a accepté de braver la pluie et le vent pour m'accompagner jusqu'à chez Honeyduke. J'ai laissé Jasmine et Casper au château et j'avoue que ça me fait du bien de changer d'air. De toute façon, c'était ça ou on allait finir par se taper dessus.

-Mais oui ! je réponds à l'interrogation de Soneïs qui regarde avec effarement le monceau de friandises que j'ai posé dans mon panier. Si je n'ai pas mon quota sucre/chocolat, je risque de m'évanouir sous la pression. En plus, les concurrents de Beauxbâtons et Durmstrang arrivent dans une semaine, alors je dois avoir fait mes réserves avant d'être entièrement prise par Les-Entraînements-De-La-Mort que m'a promis Casper.

-Oui mais quand même…

Elle ne dit ensuite plus rien et je me contente d'aller payer mes achats à la petite sorcière ridée comme un pruneau qui tient la boutique. Nous sortons ensuite sous la pluie et nous serrons sous le parapluie que j'ai fait apparaître au bout de ma baguette.

-Papa et maman viendront assister à la compétition, commence ma sœur en remontant le col de sa cape doublée. Ils nous ont envoyé une lettre hier, je te la montrerai quand on sera remonté.

-Sérieusement ? Papa va encore me menacer de mort si je perds.

-Au moins, ça va te motiver pour faire de ton mieux !

J'ai un petit rire froid et esquive habilement une large flaque en entraînant Soneïs dans mon sillage.

-Ne t'inquiète pas pour ça, il y a déjà Jasmine et Casper qui font le nécessaire, sans compter Rabastan qui semble beaucoup trop pressé de m'affronter. Et je ne te parle même pas d'Arkwood qui veut absolument que j'écrase Serpentard.

-Au fait, j'ai prévu de faire une banderole pour t'encourager. Tu préfères quoi comme couleurs ?

-Invisible.

-Aly !

Je soupire et elle me fait son petit air méchant qui donne envie de lui tirer gentiment la joue, tellement elle est mignonne ainsi.

-Comme tu veux, Sony, je m'en fiche. Avec un peu de chance, une météorite s'écrasera dans le parc d'ici deux semaines et cette fichue compétition n'aura pas lieu.

-T'es bête !

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Lorsque nous arrivons en vue du château, nous sommes accueillies par un Rusard acariâtre qui nous oblige à frotter nos bottes pleines de boue sur le paillasson pendant cinq bonnes minutes. Nous filons ensuite jusqu'à la grande salle, dans laquelle de nombreux élèves jouent aux échecs sorciers ou font leurs devoirs. J'adore ce genre d'ambiance feutrée à laquelle il manquerait presque un chocolat chaud et un plaid pour être vraiment à l'aise.

Ma sœur me dépose un doux baiser sur la joue et file ensuite rejoindre ses copines, tandis que je fais de même. En déposant mon gros sac de friandises plein à craquer sur la table de Serdaigle, je jette un œil au plateau de Labyrinthe sur lequel les pions de Casper, Jasmine et Henry se livrent un combat acharné.

-Si j'étais toi, je n'irais pas sur cette case, je souffle à Henry lorsqu'il va pour déplacer le petit hippogriffe.

-Aly ! C'est de la triche ce que tu fais là ! grogne Jasmine en me regardant retirer ma cape et mon écharpe.

Je ricane et replie le col roulé de mon pull, avant d'attraper un petit paquet parmi les bonbons que je viens d'acheter. Je me faufile ensuite le long des tables et arrive devant Arkwood et Caussman qui jouent aux cartes explosives. Ils semblent très concentrés sur leur partie et lèvent un œil étonné en me voyant me planter de l'autre côté de leur table.

-Tiens ! je lance comme tout salut.

Puis, je jette une boîte de dragées de chez Berthie Crochue à Arkwood qui l'attrape au vol. Il la regarde sans comprendre et échange un regard avec son ami blondinet qui a caché sa tignasse sous un bonnet.

-Pour tous ceux que je t'ai piqué à l'infirmerie. Ne me remercie pas, j'ai bien conscience que tu ne sais pas comment on fait.

Je m'étais imaginé qu'il me ferait un simple hochement de tête comme toute réponse, quelle n'est pas ma surprise lorsque je le vois s'assombrir à vue d'œil en fusillant le paquet des yeux.

-T'es allée à Pré-au-Lard ? me demande-t-il d'une voix sourde, en rivant son regard colérique au mien. T'es sérieuse ?!

Je jette un œil à Caussman mais celui-ci paraît aussi furax que son pote.

-Heu… Bah ouais, pourquoi ?

-T'es au courant que t'as une compétition bientôt, Tio ? crache-t-il avec hargne. Tu représentes tout Poudlard devant plusieurs autres pays et, toi, tu vas faire les boutiques ?!

-Alors, pour ton information, je ne suis pas la seule à…

Ma voix s'éteint lorsque je le vois se lever avec brusquerie et taper du poing sur le bois sombre de la table.

-Tu devrais être en train de t'entraîner au lieu de bouffer des conneries !

Je me sens soudainement mal, mais une colère à l'image de la sienne monte en moi et je réplique sur le même ton.

-Je m'entraîne quasiment chaque jour depuis des mois, je te signale ! J'ai bien le droit à un peu de repos, non ? En plus, je pense largement être prête !

-Ah ouai ?!

Il se met encore plus en rogne et je reconnais alors immédiatement cet air que je lui ai bien trop souvent vu.

-Et ben on va voir ça tout de suite, Tio !

Il attrape ensuite sa baguette dans sa poche et enjambe son banc pour commencer à longer la table vers la sortie, sans me quitter des yeux une seule seconde. Comprenant immédiatement où il veut en venir, mon rythme cardiaque s'accélère tandis que je marche à mon tour vers la haute porte en attrapant ma baguette avec fébrilité.

Plusieurs élèves nous regardent remonter la table de Poufsouffle et j'entends Jasmine m'appeler, mais je ne détourne pas le regard de celui d'Arkwood. Je sens l'excitation du combat à venir se distiller dans mes veines à mesure que je marche ; prendre d'assaut ma gorge pour assécher ma langue et faire battre mon cœur à mille à l'heure.

Je remarque pour la énième fois, depuis un petit mois déjà, à quel point le Poufsouffle m'attire. J'ignore si ce sont ses gestes, sa façon de se déplacer à l'instar du gros prédateur qu'il est, ou tout simplement la beauté sauvage qui se dégage de lui. Mais je ne peux désormais plus me le cacher.

Et alors c'est quoi ? L'éternel couplet de la nana qui tombe amoureuse de son bourreau ? Ridicule. En plus, si Arkwood est mon bourreau, je suis le sien ! Un sort dans sa poire, un sort dans la mienne, et on recommence comme en quarante, souvenez-vous.

Nan, en vérité, c'est vachement plus simple que ça : c'est un complot.

De qui ? J'ai pas encore trouvé, mais je suis sûre d'être sur la bonne voie. J'ai récemment interrogé de manière musclée mes trois petites Alya pour leur faire cracher le morceau, mais aucune d'elle n'a encore voulu avouer. Je sens que ça ne devrait cependant plus tarder.

Pour ce qui est de mon amour propre, par contre, c'est une autre histoire. C'est vrai quoi, il suffit que mon adversaire préféré retourne sa veste en mode grand-héros-de-l'histoire et, ça y est, je monte aux rideaux ? Ridicule, je vous dis.

Histoire de bien me contredire, je sens à nouveau les griffes de l'amertume se planter en moi et le rire de Caussman retentir dans mon esprit. Celui-ci me rappelle chaque fois à quel point j'ai pu être bête de penser qu'il pourrait me voir autrement qu'en simple adversaire.

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Nous arrivons enfin en bout de table et ses yeux bleus n'ont toujours pas quitté les miens. D'un mouvement vif, je le vois lever sa baguette vers moi et je lance alors un Protego à une vitesse prodigieuse. Puis, je pousse sur mes jambes pour fuir à toute vitesse par la haute porte ouverte.

Oui, encore la fuite me direz-vous. Pour ma défense, je préfère me battre là où il y a un minimum de monde possible, histoire d'éviter les dégâts collatéraux qui m'enverront en retenue. Sans compter que, moins il y a de public, mieux c'est.

Je tourne immédiatement à l'angle du large seuil et monte le grand escalier quatre à quatre en entendant Arkwood me poursuivre en jurant. Ses pas sonores résonnent haut sous les arches et je m'élance dans un couloir vide en ne pouvant réfréner un rire nerveux.

-Reviens ici, Tio ! rugit-il au moment où je tourne la tête vers lui pour tirer la langue.

Je crois que mon culot ne lui plait pas, car il lève alors sa baguette et je comprends au dernier moment ce qu'il essaye d'accomplir. En tournant de nouveau les yeux vers le bout du couloir, je vois le long tapis lie-de-vin onduler avec force et s'agiter en de hautes vagues qui roulent vers moi à toute vitesse. Je saute par-dessus la première, tente de garder l'équilibre à la seconde et la troisième m'envoie bouler à terre.

Malgré ma tête qui me tourne, j'ai tout de même le réflexe de jeter un bête sort d'entrave vers Arkwood, qui ne s'y attend pas du tout. Lorsque de longues cordes sortent du sol pour lui happer les genoux, il prononce un chapelet de gros mots, tous plus grossiers les uns que les autres, et doit lancer plusieurs contresorts pour s'en dépêtrer.

Mais je n'attends pas de voir comment il s'en tire et me remets rapidement sur mes pieds. Je lui lance ensuite un expelliarmus qu'il contre avec facilité et jure à mon tour. Sans attendre, je lève haut ma baguette et invoque une nuée d'oiseaux de plusieurs "Avis" sonores, qui viennent l'assaillir de toutes parts et lui faire perdre sa concentration.

Je lui jette ensuite un troisième sortilège, mais il réussit à l'esquiver de justesse. Il pointe alors sa baguette vers le tapis redevenu inerte et marmonne une formule. Celui-ci ne le reste pas longtemps et je dois me plaquer contre le mur pour ne pas être avalée par l'épais tissu qui tente de s'enrouler autour de mon corps.

Aux grands maux, les grands remèdes, comme dirait mon père. Sans hésitation, je pointe ma baguette vers le sol et crie un sort appris récemment qui fait trembler la pierre sous nos pieds. Une seconde plus tard, une dizaine de longues lances rutilantes sortent de terre et empalent proprement le tapis de laine qui cesse bien vite de se débattre.

Avec satisfaction, je prends une seconde pour souffler et tourne ensuite le regard vers Arkwood. Je remarque qu'il s'est défait de ses liens et qu'il pointe maintenant sa baguette vers ma poitrine. À nos pieds, mes petits oiseaux sont étendus lamentablement et je me fais la réflexion qu'il faudra passer à la taille supérieure la prochaine fois,

-Tu peux vraiment pas faire mieux que ça, Tio ? me demande le jeune homme. Tu me déçois beaucoup.

-T'as triché.

-Tout le monde triche, même en compétition. Et toi, t'es toujours la gamine faiblarde que j'ai connu, j'en ai presque pitié.

J'ignore s'il voulait continuer sa diatribe, car c'est cet instant que choisit Rusard pour débouler à l'autre bout du couloir en fulminant devant le spectacle. J'avoue que la vue de mes nombreuses lances clouant le pauvre tapis au plafond ne doit pas être pour lui plaire. L'avantage, c'est qu'il nous cache en partie, dissimulant notre identité au vieil homme acariâtre.

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Avec un vilain sourire, je profite de cette seconde de flottement pour lancer un sort en plein dans la tronche d'Arkwood. Celui-ci essaye de l'esquiver en se jetant à terre et je suis déçue de voir que mon tir ne fait que l'effleurer. Je choisis d'ailleurs cet instant pour fuir à toutes jambes à l'opposé du concierge qui braille maintenant comme un troll en rut.

Je cours le plus vite que je puisse et sens mes jambes voler au-dessus du sol dallé. Je file ensuite par un couloir adjacent et celui-ci me ramène vers le centre du château. Je ne prends même pas la peine de regarder derrière moi parce que, si Arkwood se fait pincer à ma place, c'est tout bénef ! Pourtant, j'aurais dû au moins jeter un œil car, quand j'arrive au niveau des escaliers, je l'entends me talonner de près.

Devant moi, apparaissent alors les dizaines d'escaliers capricieux allant et venant entre les étages. Sans tergiverser, je prends le seul qui me paraît encore immobile et entends le Poufsouffle me suivre. Je perçois également la voix de Rusard un peu plus loin, ce qui a pour effet de me donner des ailes.

Je trouve mon second souffle au moment où j'arrive au milieu de l'escalier et avale les marches jusqu'au premier étage. Je dois ensuite tourner à l'angle pour rejoindre le prochain et celui-ci me mène encore plus haut.

En sautant sur l'escalier suivant, j'ai la désagréable surprise de le sentir se mouvoir, me forçant à m'accrocher à la rambarde de pierre pour ne pas tomber. Derrière moi, Arkwood fait de même et nous échangeons un regard éloquent en entendant le clopinement caractéristique de notre poursuivant. L'escalier s'immobilise enfin et nous nous engouffrons à toute vitesse dans le troisième étage.

-Droite ! me crie Arkwood à un mètre derrière moi.

J'ai deux secondes de battement, mais tourne tout de même dans le couloir qu'il me désigne en riant nerveusement. Avec ses grandes jambes, le Poufsouffle se hisse rapidement à ma hauteur, pour ensuite prendre la tête et me désigner une haute échauguette comprenant un colimaçon de pierre.

Je ne réponds rien et m'engouffre à sa suite en dérapant sur la pierre que des milliers de pieds ont rendue lisse au fil des ans. Nous nous élevons à toute allure vers le cinquième étage, mais, avant d'arriver en vue de la sortie, Arkwood s'arrête brutalement. Je manque bien évidemment de lui foncer dedans et il me rattrape par le bras pour ne pas que je chute plusieurs mètres plus bas.

-Plus un mot, chuchote-t-il en essayant d'écouter à travers nos deux respirations saccadées.

Je lui ferais bien remarquer que je n'ai pas encore commencé à parler, mais consens tout de même à garder le silence. Une longue minute passe et plus aucun bruit de pas ne se fait entendre.

-Et si on se désillusionnait ? je souffle en n'y tenant plus.

-Miss Teigne nous détecte à l'odeur, me répond-t-il en semblant toujours attentif aux sons environnants. Pourquoi crois-tu qu'il ne se sépare jamais de sa chatte de malheur ?

-En tout cas, hors de question que je brosse à nouveau ces fichues armures par ta faute !

-Ma faute ? Qui va se gaver de cochonneries au lieu de s'entraîner, hein ?

-Depuis quand t'es ma mère ?

-Si ta mère me ressemble, faut vraiment s'inquiéter, Tio.

-Je rêve ou tu t'essayes à l'humour ? Laisse-moi quelques minutes que je m'en remette, j'ai une partie du cerveau qui a grillé sous le choc.

Le jeune homme émet un claquement de langue agacé, mais garde son air attentif. Il faut attendre encore plusieurs minutes, avant que je ne voie ses épaules se détendre et qu'il ne consente à me lâcher le bras.

-Je pense qu'il a laissé tomber, me dit-il en entamant la remonté des marches et en débouchant au cinquième étage.

-Moi, j'ai pas laissé tomber, par contre.

Lorsqu'il se tourne vers moi, je me trouve également dans le long couloir et ma baguette est pointée vers lui.

-J'ai gagné, tout à l'heure, me dit-il en plissant les yeux.

-Prépare-toi à la revanche, alors.

Mon sourire sadique s'étire et j'entame un rapide mouvement du poignet qu'il n'a pas le temps de lire.

-Scintillusio !

Un nuage mouvant composé de milliers d'étincelles scintillantes apparaît soudainement et se rue sur le Poufsouffle pour s'accrocher à son visage et brouiller son champ de vision. Je l'entends jurer et le vois tirer bien vite sa baguette de sa poche. Je ne le laisse cependant pas répliquer et lui jette un sort qui vient le cueillir au creux de l'estomac en le renversant méchamment au sol.

-Balteum Carcerem !

Les étincelles disparaissent immédiatement et un premier lien d'acier sort un peu trop lentement du sol pour s'enrouler autour d'une des jambes d'Arkwood.

Et les autres liens alors ? Et merde, j'ai encore foiré ce sort...

Avec une rapidité qui me tire une grimace, je le vois se défaire de l'entrave et se remettre sur ses pieds en grognant. Il me lance ensuite un premier sort que je pare, puis un deuxième, mais cette fois-ci en direction d'une large tenture accrochée au mur. Celle-ci s'agite rapidement et je lève les yeux au ciel en me demandant ce qu'il peut bien avoir contre le mobilier de l'école.

Lorsque le tressage représentant une licorne dans un champ de fleurs commence à se jeter sur moi, j'entame un repli stratégique. Je file dans un couloir plus étroit que je reconnais, mais Arkwood me poursuit avec sa tenture enchantée qui tente de m'engloutir, dès que je suis à portée. À plusieurs reprises je réussis à la stopper et ce n'est qu'une fois à quelques mètres de la tour de Serdaigle que mon sortilège entrave efficacement l'épais tapis mural. Arkwood profite d'ailleurs de ce moment-là pour m'atteindre d'un maléfice de jambencoton.

Durement touchée, je me sens m'écrouler au sol tandis qu'un juron sonore passe la barrière de mes lèvres. Je lance ensuite un Protego à temps pour éviter le second maléfice de mon adversaire et m'applique un contresort qui me rend l'usage de mes jambes.

Ok, passons à la vitesse supérieure, alors.

-Aguamenti Levitatum !

D'un large mouvement de baguette, je fais apparaître des langues d'eau qui viennent léviter entre Arkwood et moi. Puis, je les fais sinuer autour de mon adversaire pour créer un véritable mur liquide de deux mètres de diamètre l'entourant jusqu'au plafond.

-Spirifrigus !

Malgré les tentatives du Poufsouffle pour me faire perdre ma concentration, je réussis à geler entièrement l'eau et l'enferme alors dans une épaisse prison de glace. Avec un soupir de satisfaction, j'admire mon chef d'œuvre et écoute le jeune homme s'énerver en tirant encore et encore pour tenter de détruire ma muraille.

-Un problème, mon petit Arkwood ? je demande avec jubilation.

-Aucun ! aboie-t-il. Fornacem !

Rien ne se passe.

-Il fallait être plus attentif en cours, très cher camarade, il faut accentuer la dernière syllabe de l'incantation pour que ça marche.

Un juron sonore me répond et j'ai presque envie de sautiller de joie tellement ça m'amuse. Je n'en fais cependant rien et jette un œil à l'entrée de la tour se trouvant quelques mètres derrière moi. Je ne vois personne y entrer ou en sortir et me demande si je n'irais pas rejoindre mes amis dans la grande salle en laissant Arkwood là.

J'essaye de calculer le temps que devrait durer mon incantation, lorsque plusieurs bruits d'impact se font à nouveau entendre de l'autre côté de la glace. Au bout du cinquième coup, une large brèche s'étend à hauteur de mes yeux et je n'ai que le temps de me pousser sur le côté, avant qu'un puissant sort ne défonce une partie de la muraille gelée. Un second le suit et j'entends alors un immense fracas dans mon dos.

En me retournant, j'ouvre des yeux sidérés en voyant la haute statue d'aigle, gardant notre tour, désormais à demi écroulée. Un troisième sort traverse le couloir et finit d'exploser en mille morceaux la pierre taillée.

-STOP ! Arkwood, arrête ! Tu détruis tout !

Il y a une seconde de silence, puis une exclamation retentit derrière la glace lorsqu'il passe un œil à travers l'ouverture qu'il a pratiquée.

-Oh merde !

Sans tergiverser, je lance le plus puissant des Fornacem que je puisse créer et le feu fait rapidement fondre la prison du Poufsouffle. Nous partageons un regard coupable et je le vois qui range prestement sa baguette. Sans un mot, nous nous approchons ensuite du tas de gravats qu'est désormais la statue d'aigle et nous accroupissons face à la tête décapitée de l'animal.

-Désolé, lui dit Arkwood en la prenant entre ses mains.

-On n'a pas fait exprès, vous ne nous en voulez pas trop ? je continue en me tordant les mains.

-Tu crois qu'on peut se faire renvoyer pour ça ? me demande le jeune homme en tournant une mine interrogative vers moi.

-Cela ne serait pas pour me déplaire, nous répond alors l'aigle de sa voix de vieux sage agacé. Les individus n'ayant aucune considération pour autrui sont bien les pires, mon prédécesseur m'avait prévenu.

-C'était pas contre vous, hein, je lui réponds en voyant Arkwood rester silencieux. C'était un accident.

Je me tourne ensuite vers le Poufsouffle et le vois se mordre la joue en semblant réfléchir.

-Tu crois que tu pourrais te faire appeler "Doyle Arkwood, plaie de Serdaigle et destructeur de statues", grâce à ça ? Ça claque, tu ne trouves pas ?

Mon trait d'esprit ne le fait pas rire - ce qui ne m'étonne pas - et il tourne un regard agacé vers moi.

-Tu veux pas essayer de trouver une putain de solution, au lieu de dire des conneries ?

-Une solution ? À part oublietter Messire l'aigle ici présent et mettre les voiles en douce, je ne vois pas.

-Tu penses que ça s'oubliette les statues ?

-Aucune idée.

-Laissez-moi intervenir, très cher élèves, mais j'aimerais vous informer que je ne souhaite en aucun cas que ma noble personne, déjà en miettes, ne fasse l'objet de vos expérimentations hasardeuses.

Malgré l'intervention de la tête qu'Arkwood tient toujours dans ses mains, nos regards ne se quittent pas.

-Ça se tente… me dit-il avec un sourire mesquin.

-Carrément.