Chapitre 26: Liam
L'air frais du début de décembre me mord la peau. Heureusement, ma main est bien au chaud dans celle de Théo. On marche en silence entre les tombes. Le bruit des feuilles mortes craquant sous nos pas. Même si il est vrai qu'on a été séduit par le fait que l'autre ne sache pas tout de notre vie, notre désir d'avancer ensemble nous oblige à parler du passé. Seul moyen d'envisager l'avenir. Je sais qu'aujourd'hui ne sera pas une bonne journée. Car il va me parler de lui et donc de l'horreur. Et je sais que ça va me mettre en rage. Et que je devrais ne rien laisser paraître. Pour lui. Je vais devoir être fort. Et ça va être horrible. Mais paraît-il qu'il faut qu'on en passe par là avant d'envisager d'être… un couple … Mince je me sens rougir rien que d'y penser… Je veux être avec Théo. Et je crois bien que lui aussi veut être avec moi. Alors aujourd'hui. On aura une discussion douloureuse qui prouvera à quel point nous sommes sérieux, à quel point notre confiance envers l'autre est grande. Il s'arrête devant une tombe. Et reste silencieux quelques instants. Je le vois ouvrir et fermer la bouche. Hésitant à parler. Je ne peux même pas imaginer comment ça doit être compliqué… Il écrase mes doigts.
-Dis … tu veux pas commencer ?
-Si bien sûr.
Moi je n'ai pas grand chose à dire… ma vie est plutôt calme en comparaison de la sienne.
-J'ai été adopté lorsque j'avais 5 ans. Je viens de Russie. Je n'ai jamais connu mes parents biologiques. Je n'ai que quelques souvenirs de l'orphelinat et ils ne sont pas tendres. J'ai toujours été agressif et je me battais beaucoup et avec tout le monde. L'une des cantinières était particulièrement méchante avec moi. Elle disait vouloir m'apprendre la discipline alors elle me donnait des coups de louches et elle écrasait ses cigarettes sous mes pieds… J'ai encore les cicatrices. Un jour un couple est venu et ils ont joué avec nous, la femme m'as aidé à mettre mes chaussures. Et je pense que c'est en voyant les marques que les Geyer ont décidé de m'adopter… par pitié sans doute. Les procédure d'adoption ça prend toujours un temps fou. En 1 ans on avait découvert un cancer en phase terminal à ma mère adoptive ce qui fait que je ne l'ai connu que quelques mois. Mon père s'est toujours très bien occupé de moi. Mais des fois j'avais cette rage qui revenait et je me bagarrai beaucoup à l'école… Donc j'ai toujours eu peu d'amis. Je jouais beaucoup avec mon voisin Scott et son ami Stiles bien qu'il soit plus grand que moi. Je les considère vraiment comme des frères, ils m'ont beaucoup aidé à me construire… Bon la suite tu la connais. J'avais un meilleur ami dans mon collège, et j'avais même réussi à plaire à une fille géniale mais j'ai tout fait foirer à cause de la jalousie car je suis très possessif. Ma copine en a eu marre de mes excès d'humeur… Mason était l'épaule sur laquelle elle pouvait pleurer donc je suppose que c'est normal qu'ils aient fini par se plaire… je suis soulagé qu'il soit enfin sorti de l'hôpital…
Je me tais … je ne sais pas vraiment quoi dire de plus … Théo a serré ma main fort. Je sentais qu'il était peiné pour moi… pourtant ça ne m'as pas vraiment fait mal de lui dire tout ça … Il sait comment je suis. Je ne veux pas avoir honte face à lui
-Moi aussi j'ai des marques de brûlure sous les pieds. Mais j'en ai aussi partout sur le reste du corps. Parfois lorsque je me regarde j'ai l'impression que mon corps entier est une cicatrice et j'en ai vraiment honte… J'ai peur de me montrer nu face à toi. Peur que tu me trouve répugnant.. toi il te suffit de garder tes chaussettes… moi je ne peu pas cacher ça…
-Et je ne veux pas que tu le caches. Comment pourrais-je être dégoûté par quelque chose comme ça… tu sais j'ai eu quelques aperçus de ton corps… et crois moi ce que j'en ai vu m'as fait vraiment très envie… alors ne sois pas stupide. Tes complexes j'en ai rien à faire. Ce que tu n'aime pas chez toi, je l'aimerai pour toi.
Sa lèvre inférieure tremble. Il est ému.
-Depuis le plus loin que je m'en souvienne… mes parents m'ont toujours forcé à me battre avec ma sœur… Il fallait mériter chaque chose et il n'y avait pas d'amour. Pour mes parents j'étais une expérience. Rien de plus. Ou peut-être juste un chien de combat. Mais avec ma sœur c'était pas comme ça. Bien qu'on soit forcé à quasi s'entre-tuer chaque jours de notre vie… bizarrement.. quand venait le soir on s'offrait la tendresse que nos parents ne nous donnaient pas. On dormait dans des cages, alors on ne pouvait pas se rejoindre ou jouer ensemble… mais on chantait. On inventait des chansons et des histoires. Et on arrivait à rire malgré la vie que l'on menait. Mais le lendemain, il fallait tout oublier et s'entre-déchirer pour un quignon de pain ou des vêtements chauds. Mais si je supportais tout ça , c'était grâce à elle. Et je l'ai tué. C'était un accident. Je visais l'épaule. Mais elle a bougé et la lame est venue se planter dans son cœur. Elle est morte dans mes bras. En me remerciant. Elle m'a remercié.
Je veux hurler.
-A partir de ce moment ĺa j'avais plus rien à perdre. Et c'était la faute de mes parents si j'en étais venu à tuer la seule personne qui semblait m'aimer. Alors j'ai juste laissé la rage l'emporter et je leur ai fait subir tout ce qu'ils m'avaient appris. Et je te mentirai si je disais n'avoir pas été soulagé lorsque je les ai tués…
-A côté de ma vie d'avant … le centre de détention n'était vraiment pas mal.. je n'avais jamais été aussi libre. Il y avait beaucoup de contrainte je m'en rend compte maintenant que je suis réellement en liberté mais je n'avais pas à me battre pour manger et j'ai pu commencer à étudier… j'ai rencontré ton père… qui m'a aidé à me relever peu à peu et à envisager un futur. Il est le premier à m'avoir dis que moi aussi j'avais le droit d'être heureux… La suite … tu l'as connais… et jusqu'à aujourd'hui je n'avais pas eu le courage de venir ici, sur la tombe de ma sœur, pour la remercier à mon tour. Car c'est grâce à elle que j'ai pu sortir de tous ça. Et que je suis avec toi aujourd'hui.
Il n'ose pas me regarder… je suis en colère bien sûr. Mais Styles a raison. Sa vengeance il l'a eu. Puisqu'il est là aujourd'hui. Puisqu'il peut enfin commencer à vivre.
-J'ai été en colère contre ta sœur et je m'en veux. J'aurai dû entendre ta version avant de la juger. J'aimerai lui dire merci moi aussi. Parce que c'est grâce à elle que tu es dans ma vie. Revenons souvent. Et apportons des fleurs la prochaine fois.
Je le sens me prendre dans ses bras. Je lui rends son étreinte.
