On se rapproche de la fin du recueil, et je me rends compte que les derniers textes sont vraiment tournés sur le drame / hurt-comfort. J'espère que ce texte et les autres vous plairont, et merci encore pour vos commentaires !


Messages non-lus

Rosie a le regard toujours aussi brillant qu'il y a quelques heures quand elle déballait les cadeaux qu'elle range désormais dans sa chambre avec l'aide de John. La date d'anniversaire de la petite étant au mois de juillet, cela lui donne une raison de plus d'aimer l'été, en plus de sa chaleur et du soleil presque constant pendant les vacances ! Pour l'occasion, son anniversaire était fêté chez ceux qu'elles considèrent comme ses grands parents, à savoir chez Sieger et Violet Holmes. Ce n'était pas la première fois que Rosie voyait les parents Holmes dans leur propre maison. Elle aime la région calme où vit le vieux couple toujours aussi friand de sobriquets pour leurs fils et la confection de plats copieux.

Ainsi, en plus de Sieger, Violet et Mycroft se trouvaient aussi Molly et Hudson. La journée était vivement animée par bon nombres d'anecdotes sur tout le monde, pour le grand bonheur des parents Holmes, ravis de toujours en apprendre sur leurs enfants. De même pour Rosie qui s'entend toujours un peu mieux au fil du temps avec les adultes, peut-être même mieux qu'avec les enfants de son âge. Une fois sa dernière année de maternelle achevée, la petite n'a dit au revoir qu'à quelques camarades, dont un certain Joël que John soupçonne être le garçon qui fait parfois rêvasser sa fille. Cela ne dérange pas plus que cela John, qui est tout de même content de voir Rosie avoir des amis qui vont semble t-il rejoindre la même école qu'elle. Cela fait déjà une bonne chose pour sa future rentrée !

En attendant, Rosie est extatique en parcourant du regard tous les cadeaux qu'elle a eu pour ses six ans. Sieger et Violet Holmes lui ont offert un coffret avec de nombreux pochoirs et accessoires pour faire de jolis mandalas et autres figures géométriques élégantes. Molly a choisi de lui faire découvrir une de ses séries de bandes dessinées préférée avec trois albums de Astérix. Rosie n'a pour le moment lu que quelques pages, mais de ce qu'elle en a vu, ça a l'air vraiment drôle ! Hudson a laissé parlé ses talents de couturière et a confectionné deux peluches, représentant chacune un drôle d'extraterrestre aux couleurs vives et aux gros yeux. La fillette pouffe en voyant les expressions rigolotes des peluches déjà baptisées Bruce et Tony. De son côté, Mycroft, fatigué que Rosie lui demande de prêter son parapluie (demande toujours refusée), a acheté un petit parapluie rouge à pois noirs, ne réalisant pas qu'il a prit un objet à l'effigie d'une super héroïne coccinelle populaire chez les enfants. C'est pourquoi Mycroft était assez surpris que Rosie soit aussi joyeuse en recevant un simple parapluie.

La fillette a répété tant de fois merci qu'il est impossible de les compter. De même pour les bisous qu'elle a donné pour remercier. Si les parents Holmes, Molly et Hudson les ont acceptés avec joie, Mycroft les a esquivé avec plus ou moins de maturité, sous le regard amusé de Sherlock.

D'ailleurs, le détective, pour cette année, a décidé de voir les choses en grand, et a offert pour sa filleule un séjour pour trois à Disneyland. Si Rosie a (littéralement) bondi de joie, John a été encore plus surpris, s'attendant à ce que le second adulte accompagnant de Rosie soit Molly, ou Harry (qui n'a pas pu venir à l'anniversaire et a tout de même envoyé par colis un puzzle 3d représentant la Terre), mais Sherlock s'est tout de suite proposé, non sans un air gêné. Ainsi, tout comme sa fille, John a hâte de voir le détective avec des oreilles de Mickey et dans des attractions colorés. Peut-être même qu'il acceptera de se faire prendre en photo avec les personnages !

Le séjour dure un week-end, et la famille compte se rendre au parc cet été. John espère cependant que l'asthme bel et bien diagnostiqué de Rosie ne posera pas trop de souci. Pour le moment, la fillette ne fait que rarement des crises, mais quand elle s'agite trop, elle s'essouffle plus vite que la moyenne. C'est pourquoi John veille à ce que sa fille fasse attention, lui rappelant ce qu'elle peut ou ne peut pas faire.

D'ailleurs, le dernier cadeau que la fillette a reçu est bien celui de John, à savoir un collier. Ce n'est pas un simple collier pour enfant acheté en bijouterie. C'est un collier similaire à celui que portait régulièrement Mary. Et même si Rosie n'est pas encore habituée à avoir une fine chaîne dorée avec une minuscule perle au milieu autour du cou, elle aime la beauté du bijou. Elle a d'ailleurs vite décidé qu'elle ne le porterait pas à l'école, ne voulant surtout pas l'abîmer ou le perdre. À l'heure qu'il est, elle est belle avec son collier, assortie à ses yeux bleus et sa chevelure flamboyante et dorée. Au moment du coucher, Rosie enlève le collier et le dépose sur un petit support en forme de chat acheté pour l'occasion, le bijou tenant sur le bout de la queue de l'animal.

La fillette est tout sourire quand John et Sherlock l'embrasse en même temps, elle adore quand ils font ça !

Ses parents s'attendent à ce qu'elle mette du temps à s'endormir, vu la journée intense en émotions qu'elle a eu et son impatience de découvrir plus en détail certains de ses cadeaux, mais Rosie baille à s'en décrocher la mâchoire tout en souhaitant bonne nuit alors que ses papas lui font un petit signe de la main avant de fermer la porte de sa chambre. Quelques minutes plus tard, la pièce est rythmée de la douce respiration profonde de la petite.



- Je viens de me rendre compte que j'ai oublié quelque chose, dit John alors que lui et son compagnon vont pour se coucher à leur tour.

- Quoi donc ? demande Sherlock.

- La carte d'anniversaire. Je l'ai remplie, mais pas encore toi. On lui donnera demain matin.

- Qu'est-ce que je dois mettre ?

- Ce que tu veux. Même un simple « Joyeux anniversaire » lui fera plaisir !

- Je ne sais pas écrire ce genre de mots.

- Tu n'as qu'à t'inspirer de ce que tu recevais, non ?

- Ah, oui, pourquoi pas…

John, malgré la semi obscurité de la chambre, remarque le trouble de Sherlock dans son regard. Le détective est assis au bord du lit, le dos courbé, les mains serrées, comme en pleine réflexion. Sauf que les questionnements qui circulent à l'instant dans l'esprit de Sherlock semblent le déstabiliser, et pas qu'un peu. John se rapproche de son amant, son bras entourant son dos pour serrer son épaule. Le brun se détend par ce contact, mais ne peut s'empêcher de soupirer. John déglutie, mais préfère poser sa question. De toute manière, s'il ne dit rien, Sherlock ne lancera jamais la conversation. Dès que ça le concerne au niveau personnel, c'est toujours compliqué pour débuter le dialogue. John ne lui en veut aucunement, sachant très bien à quel point certaines choses demeurent délicates pour son compagnon.

- Tes parents… Ils t'écrivaient des cartes ?

- Bien sûr, répond Sherlock en chuchotant. Mycroft écrivait aussi pendant mes premières années. Oncle Rudy aussi. Victor aussi… Et mes parents le font toujours aujourd'hui.

John est étonné, mais ne laisse rien paraître. Sieger et Violet sont étonnants à encore envoyer une carte d'anniversaire à leur fils désormais âgé de quarante deux ans. Le médecin est étonné de ça, mais aussi du fait qu'il n'a jamais remarqué ça. Il comprend que Sherlock se débrouille chaque année pour que personne ne s'en aperçoive. Et entendre le prénom de l'ami d'enfance de Sherlock est déstabilisant. Victor Trevor est un des secrets les plus enfouis de son cœur. John sent alors son amant se tendre à nouveau, ses mains se crispant. Il entoure lesdites mains des siennes, et prend une brève inspiration.

- Dis-moi, demande t-il d'un ton doux.

Sherlock bat des paupières, son regard se posant sur ses mains délicatement entourées de celles de John. Il sourit de manière à peine perceptible, d'un air évasif.

- Je crois que mes parents veulent me rappeler que… que je compte toujours pour eux. Jusqu'à mes huit ans, j'étais toujours content quand mon anniversaire avait lieu, pour les cadeaux et la famille, mais après ça, je ne ressentais de moins en moins l'impatience au fil des ans. C'est à partir de mes treize ans que j'ai demandé à ma famille de… ne plus faire de fête. Je préférai être au calme. Je prétextai que c'était pour les études. Et ça marchait pendant plusieurs années. Quand j'ai commencé à me… me droguer à dix sept ans, mes parents ont comprit ce que Mycroft avait déjà comprit, mais qu'il n'osait le dire à nos parents. Cela ne les empêchaient pas de m'envoyer une carte chaque année. Avec les mêmes mots « On espère que tu vas bien », « Que tu as des amis, de bonnes notes », « Un travail stable » ou même… même « Rétablis-toi vite », toujours avec leurs surnoms « Poussin », « Chouchou » ou « Sherly ». Au début, je me disais qu'ils étaient simplement mielleux. Et puis j'ai apprit qu'ils ne le faisaient qu'avec moi. Et des années plus tard, même en sachant que je ne lisais plus leurs mots, ils ont toujours continués à m'envoyer une carte pour chaque anniversaire. En fait… Aujourd'hui encore, ils m'envoient toujours une carte, mais ça fait des années que je n'ouvre même plus les enveloppes.

- Pourquoi, Sherlock ? demande John d'un ton bas, toujours en serrant ses mains, alors que son amant s'arrête de parler, certainement pour se remettre de cette nouvelle révélation.

Le médecin se doute de la raison, mais il veut l'entendre de la part du concerné. Il a bien apprit au fil du temps qu'il faut savoir mettre les mots sur ce qu'il fait mal pour s'en remettre et avancer. Ce qui lui fait mal à cet instant, c'est de savoir que Sherlock lui cache ça depuis des années. Mal non pour une question de secret ou de mensonge, mais bien parce que Sherlock prouve à l'instant qu'il fait encore parti de ces personnes qui, malgré leurs qualités et ce qu'ils vivent, accomplissent et leurs entourages, pensent qu'ils ne valent rien… En sentant les mains de son compagnon trembler, John déglutie, sa déduction étant malheureusement juste. Sherlock le confirme, toujours en chuchotant.

- Chaque année, je fais en sorte de toujours trouver une enquête suffisamment complexe pour que ça dure des jours et que l'on ne pense pas à moi. Quand Rosie me fait un dessin pour mon anniversaire, je ne peux refuser, car elle se démène pendant sûrement des heures pour ça, et je la remercie pour ça. Mais… Mais… Je ne veux pas qu'on s'y intéresse. Je n'en vois pas l'inté-

Sherlock sursaute en sentant la main de John se plaquer soudainement sur sa bouche. Son regard se tourne vers son amant, qui a les yeux brillants, des larmes menaçant de couler.

- Je t'interdis de finir cette phrase, dit-il d'un ton sec, presque énervé. Je comprends que tu ne veuilles pas de fête en ton honneur, tu as toujours préféré passer ton anniversaire sur une scène de crime plutôt qu'autour d'une table et d'un gâteau. Il n'y a pas de problème. Et puis tu te rattrapes bien chaque année avec les anniversaires de Rosie, de madame Hudson, des miens… Mais ne va même pas penser un instant que… que personne ne devrait se réjouir de ta naissance. Parce que c'est tout le contraire. Rosie, Molly, tes parents, Hudson, Lestrade, Mycroft, et pleins d'autres sont heureux de te connaître. JE suis heureux de te connaître. Tu n'a aucune idée d'à quel point, si, les gens ont de la chance de te connaître. À quel point j'ai eu de la chance de te rencontrer. Alors… Qu'est-ce qu'il te faut pour te prouver que, si, bon dieu que si, ton existence importe ? Dis-moi ? S'il te plaît…

John sent ses larmes s'échapper, et il ne cherche guère à les cacher, ni même à les essuyer. Il voit sa main trembler tandis qu'elle quitte lentement les lèvres de Sherlock, ce dernier abordant désormais une expression impossible à décrire. John y lit tout de même de la surprise, mais rien de plus. Il ne s'attendait pas à ce que son amant lui fasse serrer son cœur ainsi. Il aimerait tant lui prouver qu'il vaut bien plus que n'importe quel trésor, qu'il est important pour tant de personnes, ne serait-ce sa famille et Rosie. Ne pas y arriver lui arrache d'autres larmes, que Sherlock essuie du bout des doigts.

- Je suis vraiment stupide, John. Très stupide avec ce genre de choses. Et je crois que je le serai pour toujours. J'en suis désolé. Je… Je suis navré si je t'ai fais douter de quoique ce soit. Je crois que j'ai encore beaucoup de choses à apprendre.

Sherlock dit cette dernière phrase avec un sourire, mi amusé, mi désolé. En le voyant, John accepte ses excuses, souriant à son tour malgré ses larmes qui continuent se couler. Sentant ses cordes vocales désormais incapables d'émettre le moindre son, John s'approche et embrasse sans plus attendre son compagnon. D'abord de manière précipitée, pour très vite devenir plus douce, plus amoureuse, plus passionnelle.

Sherlock halète, et très vite, le détective se retrouve allongé, surplombé de John, dont les larmes cessent enfin de venir, les dernières s'échouant sur le visage de Sherlock.

- Je t'aime, Sherlock.

Et par les mots de John, le baiser de John, le doux contact des mains de John, Sherlock sent au fond de lui quelque chose se briser. Quelque chose de semblable à un cadenas qui aurait verrouillé pendant longtemps un lourd secret.



Le lendemain, Rosie sourit en lisant la jolie carte que John lui donne, écrite par lui et Sherlock. C'est la première carte d'anniversaire que la petite peut lire. En la voyant parcourir les mots, le détective se remémore les nombreuses cartes qu'il a reçu et que certaines n'ont jamais étés sorties de leurs enveloppes. Il hésite un instant, puis demande finalement à John et Rosie si ça les intéressent de les lire. Si Rosie accepte de joie, dans le but d'améliorer sa lecture, John acquiesce, voulant découvrir en même temps que son compagnon de nouvelles preuves de célébrer l'existence de William Sherlock Scott Holmes.


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Note : Au Royaume Uni, l'école maternelle dure deux ans. Rosie a désormais six ans et passe bientôt à l'école primaire. De ce fait, considérez qu'elle a commencé l'école plus tard que la moyenne, à quatre ans :)