OOC : Bonjour à tous. Voici un nouveau chapitre. J'espère que vous apprécierez. Sur ce, bonne lecture.

Durant tout le trajet dans les ténèbres qui séparait les deux dimensions, personne ne parla.

Il y avait seulement un silence de mort. Mais un silence qui signifiait tout. Qui laissait transparaître chacune des émotions que l'un et l'autre ressentaient.

Nero pouvait ressentir la gêne, la tristesse, l'angoisse, le désespoir de Shiro... Il pouvait même deviner les moultes tentatives de l'enfant pour s'exprimer, pour lancer le sujet de conversation. Il désirait seulement lui parler, le faire réagir.

Comprendre, sans doute.

Mais l'état mental de Nero ne laissait place à aucune discussion, aucune compréhension. Il ne voulait rien entendre.

Il ne voulait rien entendre de la bouche de Shiro. Absolument aucun mot.

Il n'était pas assez fort pour cela.

Je suis désolé, Nero. Je ne peux pas te laisser faire cela.

Il s'était détaché de lui.

Il le sentait. Il sentait qu'il s'était détaché de son oncle. Que quelque chose avait changé entre eux. Et c'était sûrement cela qui heurtait Nero le plus.

Quelque chose qui avait changé de manière irrémédiable. Shiro avait préféré... épargner ces humains, au point de risquer sa vie pour eux.

Alors que l'objectif qu'ils avaient en tête, l'objectif avait été de reprendre la tête de Deepground. Que Shiro succède à son père.

Que Shiro anéantisse les humains et se venge pour tout ce qu'ils leur avaient fait.

Et en une journée, à peine une journée, il retournait sa veste ?

Jamais je ne te pardonnerais pour cela.

Non... Nero était trop en colère. Cela avait été leur objectif. Ils l'avaient décidé de l'accomplir ensemble.

Pour chercher Weiss. Pour reprendre le pouvoir.

Lorsqu'ils arrivèrent au bout du chemin, que Nero était sur le point d'ouvrir le portail pour parvenir de l'autre côté, la voix de Shiro s'éleva.

« Je sais que tu m'en veux. »

Nero ne cilla pas. Il ne se retourna même pas vers lui.

« Mais que voulais-tu que je fasse de plus ? » s'exclama l'enfant, la voix tremblante. « Tu ne veux pas m'écouter ! Tu ne veux jamais m'écouter. Ces humains ne t'ont rien fait. Ils ne t'ont jamais rien fait. Et tu voulais... carrément t'en prendre à eux. »

L'ancien Tsviet ne répondit toujours pas, même si ses émotions s'illustraient par les ténèbres qui s'agitaient autour de son corps.

« Pourquoi tu fais la tête ? » cria l'enfant. « Je suis revenu avec toi ! Ce n'est pas ce qui compte ? Ce n'est pas ce que tu voulais ? Je suis revenu avec toi. J'ai fait tout cela pour qu'on ne soit pas séparés, Nero ! Pourquoi tu ne me parles pas ? »

Plus de « Papa » Nero...

Nero baissa la tête, sentant ses propres mains trembler.

Alors qu'il franchissait le portail pour atterrir dans leur dimension, dans leur propre monde, Nero ne fit jamais face à Shiro. Il lui tournait toujours le dos et s'éloignait précipitamment de lui.

C'était idiot. C'était lui qui s'enfuyait alors que Shiro devait être grondé. Parce que c'était cela ! Il avait fugué, il s'était enfui, il avait pris le parti d'humains...

Il devait être puni. Il devrait être celui qui s'enfuyait, non ? Pour ne pas avoir à affronter la colère de son oncle ? C'était comme cela que cela fonctionnait, n'est-ce pas ?

Alors, pourquoi était-ce Nero qui mettait de la distance ? Qui s'enfuyait comme s'il avait quelque chose à se reprocher ?

Il n'avait rien, rien à se reprocher.

- Si tu veux me punir, vas-y ! cria Shiro en serrant les poings, les larmes aux yeux. Je ne sais pas : crie, gronde-moi, dis quelque chose ! Dis que je suis un enfant ingrat, capricieux et pourri gâté ! Au moins, je saurais ce que tu penses ! Mais ne reste pas silencieux comme ça, parce que là, tu me fais juste peur !

Nero s'arrêta enfin.

- Tu me fais peur, répéta Shiro d'une petite voix.

Son oncle finit par se retourner lentement vers lui.

Le regard voilé, il ne trouva rien à répondre.

Oui, il devrait faire tout cela. Dire tout cela. Dire que Shiro est un sale gamin ingrat, capricieux et pourri gâté. Nero avait fait tant pour lui ! Il l'avait recueilli, protégé, élevé. Et tout ce qu'il avait en échange, c'était quoi ?

Un enfant qui était si désireux de connaître le monde qu'il en oubliait qui il était ?

Un enfant qui oubliait qu'il n'était pas humain ? Qu'il était créé à partir d'une expérience de la Shinra et qu'il serait toujours traité en tant que tel ?

Oui ! Nero pouvait être furieux. Scandalisé. Haineux envers Vincent, envers ces humains qui lui ont mis ces idées dans la tête.

Mais...

Mais aucun mot ne sortait de sa bouche.

Nero était incapable de s'exprimer. Absolument incapable de dire toutes ces choses à cet enfant.

A la place, ce fut avec le ton éteint qu'il lui demanda :

- ... Ai-je été un si mauvais gardien envers toi ?

Les yeux de l'enfant s'écarquillèrent de stupeur.

- Non. Non ! Pourquoi tu me dis cela ?

- Parce que si je l'avais été... Tu n'aurais pas eu besoin de recourir à cela.

Il s'excusait presque.

Il se remettait en question. Comme toujours, Nero était incapable de réprimander Shiro sévèrement. Ou alors, cela ne durait jamais longtemps.

- ... Je t'aurais mieux protégé, mieux préservé des humains, je n'aurais pas eu la faiblesse de te faire sourire en rapportant ces choses du monde extérieur, tu n'aurais pas cherché à t'évader. A me quitter.

- Nero...

Shiro secoua la tête.

- Ce n'est pas ça. Tu aurais dû me laisser partir. J'aurais fait mes propres expériences. Cette journée dans le monde extérieur... Tu ne peux pas savoir ce que j'ai appris ! J'ai appris des choses que je n'aurais jamais pu apprendre par la télévision ou par des livres.

Imperturbable, Nero le fixa avec une expression désespérée.

- Je me suis fait des amis, lui révéla Shiro. Des amis. Jamais je n'aurais pu m'en faire si j'étais resté enfermé.

- Tu n'as pas d'amis. Les humains prennent et jettent. Ils l'ont toujours fait, déclara Nero, la voix lourde.

Shiro finit par perdre patience.

- Mais quand est-ce que tu vas comprendre ? Quand, Nero ? Pendant trois ans, tu m'as enfermé ici ! Tu m'as gardé enfermé comme un animal !

A son tour, le ton de Nero monta d'un cran.

- Nous sommes des animaux ! Tu ne le comprends toujours pas ?

- Non ! On est des êtres humains ! Et aucun être humain ne devrait être enfermé comme toi, tu m'as enfermé ! Tu comptais m'enfermer ici, toute ma vie, pour toujours ?

Oui.

Oui, c'était le but. Le but avant que Nero ne décide que Shiro pourrait reprendre le rôle de Weiss. En tant que chef de Deepground.

- Je ne suis pas heureux ici. Tu ne peux pas me protéger éternellement, lâcha Shiro tristement, un peu plus calme.

- Si, je le peux.

- Pourquoi ? Parce que tu n'as pas pu protéger Weiss ?

Piqué au vif, Nero fut tout de suite à quelques centimètres de lui.

Ses yeux magenta brillèrent de colère. Et sa réaction effraya l'enfant qui recula de quelques pas, tétanisé.

Non... Non...

- Ne me parle de Weiss, siffla Nero.

- C'était mon père ! Et je ne suis pas Weiss ! cria Shiro avec tellement de force et de hargne dans sa voix qu'un écho résonna autour d'eux.

A nouveau, le silence.

Nero laissa les bras tomber le long de son corps tandis que Shiro inhala, exhala.

Toutes les pensées tournaient à vitesse grand V dans sa tête, ne lui laissant aucun répit pour lui permettre de réfléchir.

Il... n'avait aucun mot pour réagir.

Cette phrase... C'était comme si Shiro avait pris lui-même une arme et l'avait utilisé sur son oncle.

- Je ne suis pas Weiss, répéta Shiro tristement. Je suis Shiro. Tu le réalises ?

- ... Weiss est en toi.

Il aurait presque pu ne pas l'entendre, tellement la voix de Nero était basse, comme un murmure.

- Peut-être, approuva l'enfant. Mais... Je ne suis pas Weiss. Je suis ma propre personne. Je ne le connais pas, je ne l'ai jamais rencontré mais je suis sûr que j'ai des aspirations différentes de lui. Cela ne compte pas ?

Nero ne réagit pas.

Il fixait Shiro sans rien dire.

Enfin, l'enfant lui posa la question. Une question qui déchira le cœur de Nero.

- Est-ce que tu m'aimes ?

La réponse fut immédiate.

- Bien sûr que je t'aime !

- Vraiment ? l'interrogea Shiro sans le croire.

- C'est... une question ridicule, Shiro.

Oui... Il n'y avait aucun, aucun intérêt à la poser. N'est-ce pas ?

- Elle n'est pas ridicule. Je ne sais même plus, à ce stade. Si tu m'aimes moi ou si tu aimes la partie de Weiss à l'intérieur de moi. Je ne sais plus.

Les larmes étaient au bord des paupières de l'enfant.

Mais contrairement à d'habitude, où Nero se précipitait pour le rassurer et le serrer contre lui, l'ancien Tsviet demeura figé sur place, sans agir.

- Si... si tu m'aimais réellement, tu comprendrais. Tu comprendrais que je ne suis pas Weiss, que j'ai d'autres envies : que j'ai envie d'explorer le monde extérieur, de me faire des amis...

Est-ce que tu m'aimes ?

Nero ne s'était même jamais posé la question.

- Alors... Dis-moi. Dis-le-moi. Est-ce que tu m'aimes ?

Maintenant, Shiro pleurait.

Mais contrairement à la première fois, Nero fut incapable de lui répondre.

Il fut incapable de lui dire que oui. Qu'il l'aimait. Ou que non, il ne l'aimait pas.

C'était parce que Weiss était en lui que Nero avait pris Shiro sous son aile, la première fois. Parce qu'il était son fils. Parce qu'il était de la même famille.

Mais... Qu'en était-il réellement ? Pour Nero, Shiro avait toujours été comme un « mini-Weiss ». Il avait cru qu'il partagerait les mêmes désirs, les mêmes aspirations que son père.

Qu'il pourrait combler le vide que Weiss a laissé par son absence.

Mais aujourd'hui, le fait que Shiro admette qu'il n'était pas Weiss, qu'il était différent de lui, que cette partie de Weiss ne serait jamais réellement une partie intégrante de lui, qu'il voulait juste explorer le monde extérieur...

C'était comme si Nero s'était pris une gifle dans la figure.

Une gifle qui l'avait ramené à la réalité.

- ...Tu ne le sais pas, n'est-ce pas ?

Nero ne détacha pas son regard de l'enfant.

Les larmes avaient coulé. Mais dans son expression, Shiro avait déjà compris sa réponse. Avant même que Nero ne le réalise.

Sans un mot, il tourna les talons et se dirigea à toute hâte vers leur abri.

Sans réfléchir, Nero tendit le bras vers lui, l'appela d'une voix suppliante, pour qu'il revienne, pour qu'il revienne près de lui :

- Weiss !

Nero s'arrêta net.

Il...ne l'avait même pas appelé Shiro...

Il...l'avait appelé Weiss. Comme un réflexe du passé.

La porte claqua.

Shiro s'était enfermé dans sa chambre.

Et cette fois, contrairement aux conflits habituels... Quelque chose s'était définitivement brisé entre eux.


Cher Weiss. Puissant Weiss. La seule personne qui ne m'ait jamais aimé. Et la seule personne que j'ai aimée.

Quelques heures s'étaient déjà écoulées.

Pourtant, Nero n'était pas entré dans la maison.

Il le désirait. Il le désirait réellement.

Mais quelque chose l'en empêchait. Pas Shiro, pas ce qui venait de se produire entre eux... Mais quelque chose en lui qui le bloquait et l'empêchait d'agir.

Alors, Nero était resté à l'extérieur. Assis par terre, au sol, l'ancien Tsviet contemplait la nuit éternelle verdâtre de cette dimension.

Plus il la regardait, plus il la trouvait fascinante... Alors que d'habitude, il n'y a jamais prêté attention.

Il aimerait dire qu'il était désolé. Il aimerait s'excuser auprès de Shiro pour ces choses qu'il lui avait dites.

Mais... est-ce qu'il était réellement désolé ?

Peut-être que Shiro avait raison. Peut-être que Nero n'avait jamais aimé que la partie de Weiss en lui.

Peut-être qu'il n'aimait tout simplement pas Shiro.

Toutefois, cette pensée lui heurta le cœur. Il secoua la tête, comme pour l'effacer de sa tête. C'était impossible d'envisager une telle chose. De ne pas aimer Shiro. Mais si c'était le cas, qui était-il pour se cacher de la vérité ?

Peut-être devait-il tout simplement admettre que Shiro n'était que pour lui, un moyen de remplacer Weiss.

Ils avaient eu un lien fort pendant ces trois ans, à cause de la partie de Weiss en lui. Parce que son frère n'avait pas été présent et qu'il avait comblé ce vide avec cette partie de lui en Shiro.

Peut-être était-cela, la vérité.

Et plus il y pensait, plus il se demandait si...

Nero pensa à quelque chose. Quelque chose qu'il avait gardé sur lui depuis qu'ils avaient fêté son « anniversaire », à la demande insistante de l'enfant.

Il ressortit son cadeau. Le dessin que Shiro avait fait pour lui.

Le dessin de Shiro et Nero ensemble.

Les sourcils froncés, l'ancien Tsviet le contempla en silence.

Il avait rajouté la coiffure de Weiss sur la silhouette de Shiro pour qu'il montre qu'il était là, en Shiro, parmi eux...

Et même pour les gunblades...

Pour toutes les choses que Nero avait prévues pour Shiro... Son rang à Deepground... Sa place en tant que chef qui se vengerait des humains qui leur avaient infligé toutes ces choses...

N'était-ce pas une preuve ?

Pourtant...

Pourtant, la première fois, Nero avait apprécié le dessin de Shiro. Il l'avait aimé avant même de rajouter Weiss avec eux et qu'ils fassent comme s'ils étaient une famille de trois. Que l'autre père de Shiro fût juste... parti et qu'il reviendrait.

Alors que... si ça se trouve, il avait eu tort tout du long. Weiss ne reviendrait jamais.

Weiss était mort.

Ou s'il était en vie, il ne l'aimait pas assez pour penser à lui et revenir.

A cette pensée, Nero froissa le papier dans ses mains tandis qu'il se couvrait le visage, les deux options étant inimaginables à accepter pour lui.

Non. Il devait continuer d'espérer.

Nero se laissa tomber en arrière, serrant le dessin de Shiro sur son cœur.

Tout était si compliqué...

Pourtant, il avait juré. Il avait juré sur le fait qu'il n'aimerait jamais personne d'autre que Weiss. Et jusqu'à ce que Shiro entre dans sa vie, il n'était jamais intéressé à quiconque. Et s'il s'était intéressé à Shiro, c'était parce que Weiss était en lui, alors...

Mais voilà.

Shiro était un enfant. Un enfant qui riait, qui souriait, qui s'énervait... Qui dessinait, lisait et jouait.

Un enfant qui faisait tourner Nero en bourrique par moment. Mais sans cet enfant, que serait devenu Nero aujourd'hui ?

Un enfant avec une enfance que Weiss lui-même n'avait pas eu.

Ton anniversaire ! Il faut le fêter. Il paraît que cela se fête !

C'est le meilleur cadeau que tu puisses me donner !

Tu pourras me les montrer s'il te plaît ? Les étoiles ? Les vraies étoiles, je veux dire ?

Dans sa tête, il n'avait pas pensé qu'à son frère.

Non. Il avait pensé à eux trois. Lui, Weiss et Shiro, dehors, en train de contempler les étoiles.

A eux trois et pas à eux deux...

Ton père sera avec toi. Je t'en fais le serment, Shiro.

Ok, Papa Nero.

Et quand il avait traqué Jin Satsu... était-ce pareil ? L'avait-il pour Shiro à lui seul ?

Tu peux compter sur moi pour te protéger. Je serais toujours, toujours là pour te protéger. Et tu sais que tu peux te confier à moi.

Est-ce que, sans cette partie de Weiss, Nero aurait fini par recueillir Shiro ?

La réponse était évidente : sûrement pas.

Mais si aujourd'hui, cette partie venait à disparaître... est-ce qu'il cesserait à jamais d'aimer Shiro ?

Nero abaissa à nouveau le regard vers le dessin.

La silhouette de l'enfant lui souriait.

Nero aurait aimé le dessin tout autant, sans cet ajout maladroit de sa part. Il aurait pu juste laisser Shiro tel qu'il était et dessiner un gribouillis à côté et dire que c'était Weiss. Son frère serait tombé sur le dessin, il aurait ri et aurait simplement dit : « super, je suis plus petit que toi apparemment et je ne ressemble à rien. » Nero aurait nié de manière véhémente et...

Si cette partie de Weiss disparaissait...

Non.

Nero devait l'admettre : même sans cela, il aurait du mal à ne pas cesser d'aimer Shiro.

Parce qu'il n'y avait pas que Weiss. Il y avait une part complètement autre, mais qui l'aimait.

Et que Nero aimait tout autant.

La seule personne que j'ai aimée.

Je ne veux pas laisser tomber ceux qui comptent sur moi.

Shelke l'aurait parfaitement dit.

Weiss...

Il y avait plus qu'une personne, maintenant. Une personne qui comptait sur lui.

Et Shiro.

Nero se couvrit le visage, essayant de reprendre ses esprits. A Deepground, il aurait trouvé cela inconcevable.

Mais à présent, aujourd'hui, c'était ce qu'il ressentait. Il aurait dû s'en rendre compte plus tôt.

Weiss était son frère. Son partenaire de vie. Il le serait à jamais.

Mais Shiro était son fils.

Pas son neveu. Son fils. Il n'y aurait jamais le même lien qu'avec Weiss et l'idée même rendait Nero mal à l'aise.

Mais c'était un lien qu'il chérissait, qui lui convenait.

Il était nécessaire qu'il fasse cette introspection.

Qu'il réalise que même s'il avait aimé Shiro au début parce que c'était son « mini-Weiss »... Quelque chose de plus en était ressorti au fil du temps.

Nero se releva. Précautionneusement, il rangea le dessin dans sa poche.

Il prit une inspiration avant de se diriger d'un pas déterminé vers la maison.

Pardon, Shiro.

Pardonne-moi de ne pas l'avoir réalisé plus tôt et de ne pas t'avoir précisé davantage mes sentiments...

J'aurais dû le faire. Si je l'avais fait, tu aurais sûrement...

« Je ne crois pas », s'éleva une voix derrière lui.

Nero était sur le point d'entrer.

La voix inconnue, étrangère, le fit sortir de sa torpeur. Tout de suite, Nero se retourna d'un bloc.

Devant lui, une silhouette...

Une silhouette qui lui était familier.

Un vieil homme, à la barbe sale, à l'aspect aigri, qui le fixait d'un œil mauvais et dédaigneux.

Derrière son masque, les yeux de Nero s'écarquillèrent.

Il l'avait rencontré à Wutaï... Il l'avait vu à l'atelier d'Argento.

- ... Toi, gronda Nero alors qu'il se plaça en position défensive.

Le vieil homme ne changea pas d'expression.

- Il est temps.

Temps ? Mais de quoi il parlait ?

- Il est temps de te juger. Il est temps que ton procès se tienne, Nero. Et j'en serais le seul juge, juré...

Le vieil homme marqua une pause :

- ...Et bourreau.

Sans réfléchir, Nero amassa ses ténèbres avant de les lancer telles des vagues immenses en direction de l'homme.

Mais avant même qu'il ne puisse le toucher, l'homme tendit le bras à son tour.

Les ténèbres de Nero furent écartées, comme si un bouclier, un champ de force invisible, repoussait les forces de l'ancien Tsviet.

La stupeur foudroya l'ancien Tsviet qui recula, livide.

- Je te croyais plus efficace que cela.

A nouveau, les ténèbres chargèrent vers lui.

Si c'était un bouclier, il n'aurait qu'à simplement le briser !

Le vieil homme ne cilla pas.

A la place, les ténèbres se dissipèrent dès qu'elles essayèrent de pénétrer la sphère personnelle du vieillard.

Nero serra les poings.

Qu'est-ce que...

Les ténèbres... n'avaient aucun effet sur lui ?

- Ton monde entier va brûler, déclara le vieillard, menaçant.

- Allez-vous-en !

Nero en eut assez.

Sans réfléchir, Nero dégaina ses pistolets et tira sur le vieillard à répétition, les détonations résonnant dans ses oreilles encore et encore.

Un hurlement le fit se retourner.

Une créature de ténèbres, gueule grande ouverte, griffes et crocs en avant, s'était élancée sur lui, par-derrière !

Nero n'utilisa pas ses armes. A la place, il absorba la créature dans les ténèbres pour le faire disparaître, tout en continuant de tirer sur l'homme.

Il ne pensa même pas à la dernière fois où il avait absorbé ces créatures, ce qui avait mené à ces convulsions affreuses et à sa capture.

Il voulait juste défendre sa maison ! Défendre Shiro !

- C'était donc toi, le responsable des « chiens de l'enfer » ? commenta Nero alors qu'il laissait tomber le magasine pour recharger ses armes avant de tirer à nouveau sur lui.

Le vieillard lui adressa un œil approbateur.

- Tu devrais le savoir, non ? Quoique tu n'en rappelles pas ?

Nero cessa, le fixant d'un air incrédule.

Le vieillard secoua la tête.

Il paraissait... déçu.

- Quoique cela ne m'étonne pas. Tu ne te souviens de rien. Tout ce que j'ai en face de moi est juste une pourriture génocidaire qui désire son propre frère...

Le regard féroce, Nero visa la tête.

Il lui avait déjà dit, merci bien !

Il n'avait plus ses ailes.

Mais tant pis. Au fur et à mesure qu'il s'avançait vers lui en tirant, il usa un autre enchaînement il utilisa ses pieds qui partirent en direction du vieillard pour le projeter loin et l'éloigner de la maison, de Shiro.

Va en enfer !

De manière inattendue, Nero fut celui qui fut brusquement propulsé en arrière, son dos heurtant violemment le sol.

Sous le choc, Nero laissa échapper un cri sourd de douleur.

Alors qu'il se redressait péniblement, il réalisa avec horreur que le vieillard n'avait pas bougé de son emplacement.

C'était comme si rien ne s'était produit.

- Qu'est-ce que tu es ? cracha Nero, la voix rauque.

Il n'était clairement pas humain.

Une expérience ? Il n'y avait que cela qui pourrait expliquer sa puissance !

- Nous voilà donc aux questions, releva le vieillard, aucune lueur d'émotion sur son visage.

Non.

Il le dévisageait seulement d'un air... vide, éteint. Comme s'il n'y avait plus aucune vie en lui.

- Qu'est-ce que tu veux de moi ? grogna Nero alors qu'il se redressait. Tu veux quoi ?

- Non. Toi, Nero. Qu'est-ce que tu veux ?

Qu'est-ce qu'il voulait ?

Mais c'était simple !

- Je veux que vous partiez d'ici ! Tout de suite !

- Puis-je savoir pourquoi ? l'interrogea le vieillard.

Ce furent ses pistolets qui parlèrent à sa place. A nouveau, l'ancien Tsviet lui tira dessus tout en usant ses ténèbres de manière simultanée.

Plus il attaquait, plus la fatigue le gagnait. Aucune... aucune de ces attaques ne l'affectaient ! L'homme demeurait debout, sans ciller, sans montrer le signe de faiblesse !

Même pas ses ténèbres ! Même pas quand il les utilisait pour le tuer, ou pour au moins essayer de le téléporter loin de cette dimension !

Un cri lointain fit frissonner Nero.

Un appel.

Shiro ! Shiro qui criait son nom.

- Tiens, tiens, commenta le vieillard. Je crois comprendre pourquoi.

La fureur le prit au corps.

- Shiro ! Reste à l'intérieur ! cria Nero en jetant un coup d'œil par-dessus son épaule, en direction de la porte de leur maison. Barricade-toi !

Nero rechargea et tira. Encore et encore.

Aucun effet... Aucun effet...

- C'est pour lui que tu me demandes de partir ? fit le vieillard, détaché. Pour cet enfant ?

- Je t'interdis de t'approcher ! Je t'interdis de le toucher ! rugit l'ancien Tsviet tandis qu'il essayait à nouveau de l'attaquer au corps-à-corps.

Au moment où son poing allait toucher le visage de l'inconnu, Nero se fit violemment plaquer au sol.

Encore ces créatures de l'enfer ! Nero se retourna, faisant face au chien des ténèbres qui le toisait d'une lueur prédatrice et meurtrière.

Enragé, Nero passa ses nerfs sur lui. Il lui envoya un coup de poing, puis un second, un troisième, un quatrième dans les dents avant de réutiliser ses ténèbres pour le faire disparaître.

Nero se redressa, ne détachant pas ses yeux magenta de ceux de même couleur du vieillard. Ses poings étaient ensanglantés en raison des traces de morsure.

Mais tant pis. Nero avait connu pire.

- Tes créatures ne me feront rien, l'avertit Nero. Tu perds ton temps.

- C'est dangereux pour toi de les absorber si ton corps n'est pas assez fort. Tu n'as jamais été quelqu'un doué pour la vitesse et le corps-à-corps. Cela, c'était plus ton frère ainé. L'hôte d'Omega. Quoique tu as anéanti toute mon armée de cette manière et tu as survécu.

Nero siffla de colère.

Dans un tourbillon de nuages noirs, l'ancien Tsviet se déchaîna une nouvelle fois sur le bouclier de l'homme.

Il y avait quand même une manière de le briser, non ?

Il n'était pas invincible ! Il ne pouvait pas l'être !

- Tu as anéanti cette armée pour protéger cet enfant. Une vermine.

- Tu veux vraiment mourir ?

Un dernier jet de ténèbres... et Nero sentit sa tête tourner tandis qu'une nausée lui montait à la gorge.

Ces créatures...

Non. Il devait continuer ! A nouveau, Nero fit appel à ses pouvoirs.

Deux doubles de lui-même apparurent. Deux copies, lui ressemblant trait pour trait. A trois, ils encerclèrent le vieillard pour lui tirer dessus de tous les côtés.

- Tu considérais les enfants des autres comme des vermines, poursuivit le vieillard calmement. Pourquoi ne devrais-je pas considérer cet enfant comme tel ?

- Ferme-la !

Il n'allait pas le toucher... Il ne toucherait pas Shiro...

- Tu n'aimes pas les humains. Tu les détestes. Alors, pourquoi toi, hein ? Pourquoi toi ? continua de répéter le vieillard, son timbre montant d'un cran.

- Je ne vois pas de quoi vous parlez !

S'ils se téléportaient ensemble... Loin de cette dimension...

Mais un nouveau choc qui l'envoya valser quelques mètres plus loin empêcha une nouvelle fois Nero. Cette fois, il retomba sur le ventre. En se redressant, une goutte de sang tomba au sol.

Il réalisa qu'il s'était ouvert le front dans sa chute.

Un bruit d'explosion manqua de lui transpercer les tympans.

Puis, un deuxième, tout aussi intense et menaçant.

Quand Nero se retourna, il réalisa que les deux copies qu'il avait créées avaient été effacées en quelques secondes.

Comme si rien ne s'était passé.

- Mais qu'est-ce que tu es ? gronda-t-il, l'incompréhension le tétanisant.

Le vieillard le regarda.

- J'aimerais te répondre à cette question. Peut-être que cela te ferait ouvrir les yeux. Mais je ne peux pas. Autrement, je transgresserais une règle sacrée.

- ... Une règle sacrée ?

Son ennemi laissa retomber ses bras.

- Tu dois découvrir ces choses par toi-même. Mais tu ne fais que protéger un enfant sans valeur. Un enfant qui n'est même pas le tien !

Nero braqua son arme.

Il n'aurait bientôt plus de munition.

- C'est le seul enfant que j'ai.

- Il n'y a pas ce lien entre vous deux.

- Peu importe ! C'est mon fils, c'est moi qui l'aie élevé et je me fiche de ton avis.

Nouvelle détonation.

Imperturbable, le vieillard soupira.

Il paraissait... affligé.

- Tu ne verras pas grandir ton « fils », Nero.

Hystérique, Nero souhaita une nouvelle fois l'absorber.

Mais cela fut en désespoir de cause... Car l'instant d'après, il sentit une énorme pression le prendre à la poitrine, le faisant vaciller et tomber au sol.

Une douleur atroce, comme si quelque chose en ses ténèbres luttait férocement pour demeurer en vie.

- Les créatures de l'enfer, constata le vieillard. Peut-être que tu disparaîtras, au final. Ton corps n'est pas assez fort.

Lentement, il tendit le bras.

Nero le foudroya du regard, essayant de reprendre son équilibre sans y parvenir.

- Tu n'es qu'une abomination. Rien de plus, fit le vieil homme.

Et alors que Nero était sur le point de réagir, il vit les ténèbres qu'il avait déchaîné sur le bouclier, ses propres ténèbres, sa propre capacité faire demi-tour et foncer droit sur lui...

Il avait...

Il avait utilisé sa propre attaque contre lui ?

Nero eut juste le temps de disparaître dans un nuage avant de se téléporter par-derrière pour prendre l'homme à revers.

Mais cela ne suffisait pas...L'homme n'eut pas besoin de se retourner. Nero fut plaqué au sol par une énième créature des ténèbres qui s'était interjeté pour protéger son maître.

- Tu n'as aucune utilité dans ce monde. Tu mérites juste ton châtiment, Nero. Aucun acte ne saura te racheter pour tes crimes.

Nero leva la tête.

Un nuage de ténèbres tournait autour de sa tête...

Non. Ce n'était pas les siennes. Nero reconnaîtrait parfaitement les siennes...

Mais celles-ci... elles n'avaient rien à voir avec sa capacité.

Le vieillard était comme lui ?

Il abaissa son bras et Nero put seulement se téléporter de justesse pour éviter le flot de ténèbres sèches et erratiques fondre sur lui comme un vautour sur sa proie.

C'était inutile... inutile de l'affronter.

Nero devait l'admettre. Il était beaucoup trop puissant. Encore plus puissant que lui...

Mais qui était-il ?

Et par conséquent, qu'était-il ?

Nero perdit l'équilibre une nouvelle fois.

Mais ce n'était pas dû à une attaque ou à un malaise...

Il réalisa que le sol était en train de trembler...

Brusquement, au-dessus de sa tête, il entendit une explosion lointaine.

Tétanisé, Nero leva le menton, ébloui par une lueur jaune et orange qui manqua de l'aveugler.

Une odeur de fumée...

Des jets de feu et de roches émanaient du volcan qui avait été éteint pendant si longtemps. Un gros nuage de fumée grise, presque noire, était en de train de s'élever dans le ciel tandis que la lave à l'intérieur montait en fusion.

Non...

Une éruption volcanique ?

Pourquoi maintenant ?

Le vieillard lui adressa d'une voix grave et sinistre :

- Ton monde va brûler, Nero. Je t'ai prévenu.

Nero n'eut aucun mot à répondre face à cela.

D'ordinaire, Nero ne fuyait pas. Il luttait jusqu'à la fin. Il était un Tsviet, il avait toujours agi comme tel.

Bats-toi et survis.

Sois faible et meurs.

Mais là, il n'avait pas le choix. Il ne savait rien de cet ennemi. Absolument rien. Si ce n'était qu'il aurait beau attaquer encore et encore, rien n'y ferait.

Il devait évacuer Shiro le plus vite possible...

Nero était sur le point de se téléporter à l'intérieur de la maison pour récupérer l'enfant quand brusquement, quelque chose de massif apparut dans son champ de vision.

Shiro, qui soulevait sa lourde commode de 34 kilos.

Exactement comme à l'entraînement...

- Shiro, non ! cria Nero alors qu'il se précipitait vers lui.

Il était venu... Il était venu pour l'assister...

Mais ce n'était pas son rôle ! Même après tout cela, ce n'était pas son rôle !

L'enfant ne l'entendit pas.

A la place, il prit son élan pour son lancer.

Et avec sa force incomparable, il l'envoya lourdement en direction du vieillard.

Cela ne fit aucun effet. La commode céda au contact du bouclier, peu importait la capacité de leur ennemi.

- Shiro !

Il devait... il devait le sortir de là !

Il devait l'emmener loin d'ici, il devait le protéger...

Il serait en lieu sûr !

Il avait l'impression que ses jambes étaient lourdes. La douleur à la poitrine le tiraillait, le faisait souffrir.

Mais il oublia. Il oublia toutes ces sensations douloureuses.

Nero tendit le bras vers Shiro en même temps qu'il courait dans sa direction.

La scène se passa très vite.

Avant même que son oncle ne puisse le toucher, les pieds de l'enfant décollèrent du sol.

Shiro fut brusquement soulevé dans les airs.

- Papa ! hurla l'enfant, terrorisé par ce qui lui arrivait.

Non... Non.

- Papa ! Papa, aide-moi !

- Relâchez-le !

Nero était complètement hystérique. Il avait peur pour lui. Il avait peur pour son enfant.

Il avait peur de ce qu'il pouvait lui faire.

Il pouvait se battre mais rien ! Il n'y avait aucun moyen de le vaincre !

Le vieillard lui adressa une expression froide.

- Je vous en supplie... Je vous en supplie, relâchez-le ! l'implora l'ancien Tsviet, son cœur menaçant de sortir de sa poitrine alors qu'il voyait l'enfant impuissant, suspendu dans les airs, à la seule volonté d'un vieillard qui était protégé par son bouclier.

- Tu oses me supplier ? Toi ? Après ce que tu as fait, tu crois qu'on montrera de la clémence envers toi ?

Tu oses me supplier ?

L'ancien Tsviet réalisait combien il était faible.

A Deepground aussi, il suppliait. Il suppliait qu'on ne fasse aucun mal à son frère.

Il n'avait pas su protéger son frère, même en perdant le peu de dignité qu'il avait.

Et ici... il commettait la même erreur. Il était un combattant, un guerrier, mais qui ne jurait que par ses pouvoirs.

Un guerrier qui était incapable de protéger son fils.

Surtout que Shiro était innocent.

C'était Nero, le responsable...

Peu importe ce qu'il avait fait, c'était lui, le responsable ! Shiro n'y était pour rien. S'il devait se mettre à genoux devant cet homme, il le ferait sans hésiter si cela garantissait la survie de l'enfant.

- Pitié...

- Pardon ? fit le vieillard. Désolé, je n'ai pas entendu. Répète.

Sa gorge brûlait. Ses yeux piquaient. La fumée du volcan commençait à les envahir...

Nero croisa le regard de l'enfant.

Aide-moi...

Nero n'hésita pas.

Tant pis s'il était faible... Il se baissa pour s'agenouiller devant l'homme qui avait déclaré être son juge, son juré et son bourreau.

Son procès... Son procès à lui, pas à Shiro.

- ... Pitié.

Le vieillard l'observa durant quelques instants, la mâchoire serrée.

Pendant un instant, un bref instant, Nero put voir un éclat dans ses yeux.

Il reconnaissait cette lueur...

Un éclat qui indiquait que l'homme serait clément...

Il reconnaissait la même lueur que dans les yeux des scientifiques qui lui promettaient autrefois que s'il se comportait bien, il pourrait voir Weiss.

Cet éclat... cela lui donna espoir.

Un espoir qui fut fracassé quand l'homme prononça ces simples mots :

- Sache que ce n'est que le début de ton supplice.

Shiro ne cria pas.

Il ne pleura pas. Il ne supplia pas.

Cela se produisit en quelques secondes.

Via la puissance invisible dont il était capable, l'homme le rejeta violemment en arrière, vers la maison durant laquelle ils avaient habité pendant trois ans ensemble.

L'arrière de la tête de l'enfant heurta le mur de la maison.

Au moment où il toucha le sol sans bruit, Nero sentit quelque chose mourir en lui.


Nero devint sourd.

Il n'entendit qu'un sifflement incessant couvrir toute sorte de bruit.

Il n'entendit pas la nouvelle détonation provoquée par l'éruption du volcan.

Il n'entendit rien.

La vision brouillée, il courut vers Shiro, appelant son nom encore et encore.

Son corps était étendu sur le sol. Les paupières closes, la bouche entrouverte, il ne bougeait plus.

Nero l'attrapa dans ses bras, criant à en perdre la voix.

Quand il recouvrit l'audition, cela fut pour entendre les mots durs et froids du vieillard.

« Maintenant, tu sais ce qu'on ressent. »

Tout s'assombrissait autour de lui... Nero ne sut si c'était lié au nuage de fumée qui avait envahi la nuit verdâtre pour tout engloutir ou s'il s'agissait ses propres ténèbres qui étaient sur le point de tout dévaster sur leur passage.

Il n'y accorda aucune attention.

Non, non.

Il allait bien.

Plus rien d'autre n'existait, n'importait.

Il se concentrait seulement sur Shiro, le secouant frénétiquement pour le réveiller, pour lui faire reprendre conscience.

« A toi de voir ce que tu préfères, Nero », lui adressa le vieil homme. « Si tu juges cet enfant qui n'est même pas le tien plus important que ta haine envers l'humanité... ou si tu n'y tiens pas suffisamment au final. »

Cela fut tout.

Ce fut tout ce qu'il entendit des lèvres du vieillard.

Nero sursauta lorsqu'il vit émaner du volcan une effusion de lave rouge brillant dans le noir...

Ton monde va brûler.

La maison allait être détruite...

Toute la dimension...

Tout serait détruit.

Le vieillard... n'était plus là.

Il avait disparu. Comme si le combat, comme si ce qui venait de se produire, n'avait jamais eu lieu.

Nero n'hésita pas.

Il attrapa Shiro dans ses bras tandis que, dans la précipitation, il ouvrit un portail de ténèbres.

« Shiro... »


C'était comme si son corps ne lui obéissait plus.

Comme s'il ne percevait plus, comme s'il était étranger à tout cela...

Il eut juste le temps de fermer le portail au moment même où une explosion du volcan retentissait derrière eux.

C'était sa dimension.

Cela avait été sa maison avec Shiro pendant trois ans... Trois ans où ils avaient vécu ensemble, sans personne...

Et derrière lui, elle était en train de se détruire.

Mais Nero ne s'en souciait pas. Dans les ténèbres, il se mit à courir.

Shiro dans les bras, il eut l'impression que le temps s'écoulait trop rapidement et trop lentement à la fois.

Les cris de ses victimes s'amplifièrent dans ses oreilles.

Nero les ignorait...

Il les ignorait tous. Le monde entier pouvait le détester, il voulait seulement...

Il voulait seulement...

Arrivé de l'autre côté, Nero quitta le portail en s'effondrant presque, tenant Shiro contre lui à bout de bras.

« ...Shiro », l'appela Nero, la voix tremblante.

Il toucha l'arrière de la tête avant de retirer sa main.

Sa main fut couverte de sang...

« Non... Shiro, réveille-toi. Réveille-toi, reste avec moi. »

Les yeux de Shiro demeurèrent clos.

Non...

Non, c'était injuste. Il allait bien. Il allait bien !

Shiro allait bien.

« Shiro, s'il te plaît... reste avec moi. Ne me laisse pas. »

Doucement, Nero lui caressa le visage, écartant une mèche de ses cheveux.

Jamais je ne te le pardonnerais.

Est-ce que tu m'aimes ?

Tu ne le sais pas, n'est-ce pas ?

Si... Si, il le savait !

Il le savait maintenant ! Il savait qu'il aimait Shiro ! Il en était sûr !

« Je t'en prie, Shiro... Réveille-toi ! »

Shiro... ne répondit pas.

Nero enfouit son visage dans son cou tandis que les sanglots le prirent à la gorge.

« Réveille-toi. Réveille-toi, s'il te plaît. Tu ne peux pas partir, maintenant. On a encore plein de choses à faire, tous les deux. »

Trop de choses...

« Je suis désolé... Je suis désolé d'avoir été si long à te répondre... Je... je voulais te dire que je t'aime. Je t'aime, Shiro. Je sais que tu ne me croiras pas...je sais que tu crois que je ne t'aime pas, mais c'est faux ! Je t'aime. Je t'aime tellement. Je t'aime comme mon fils. Et rien ne changera cela. Je le sais, maintenant. Je le sais. »

Et le jour où on aura besoin d'aide ? Qu'est-ce que tu feras ? Tu veux vraiment continuer à vivre comme ça, dans la haine, dans le passé ?

« Je t'aime... et je sais que cela me tuerait d'être sans toi ! Je sais que te perdre me tuerait ! Alors, s'il te plaît... réveille-toi. Je t'en prie... »

Pourquoi ?

Pourquoi est-ce que Shiro devait payer aussi ?

« ...Weiss... » appela désespérément Nero tandis qu'il serrait frénétiquement contre lui.

S'il te plaît...

« Weiss ! Je t'en prie, viens. »

Que quelqu'un m'aide...

Je ne veux pas perdre Shiro. Je vous en supplie.

« Je t'en prie ! Viens... Weiss... Viens sauver ton fils. Dis-moi quoi faire. Je t'en prie... Réveille-toi, Shiro. »

Je suis juste un déchet.

Je ne suis même pas capable de protéger un enfant qui compte sur moi.

S'il vous plaît, je ferais tout.

Un bruit de mouvement l'interpella.

Nero releva le regard, les larmes mouillant son masque tandis qu'il cherchait désespérément la source du son.

Une silhouette se tenait devant lui.

Une silhouette avec des cheveux roux longs qui lui arrivaient jusqu'à la taille, lui cachant les yeux.

Ce qui frappa Nero fut le manteau rouge qu'il portait.

« ... Aidez-moi ! Je vous en supplie, aidez-moi ! »

L'homme ne répondit pas.

Il se contenta de pointer une direction sur le côté, comme pour l'indiquer le chemin à suivre.

Nero se redressa.

La silhouette au manteau rouge avait disparu.

Nero inhala, exhala.

Lentement, les larmes roulant sur ses joues, il baissa la tête vers Shiro.

Si tu juges cet enfant qui n'est même pas le tien plus important que ta haine envers l'humanité...

Nero ferma les yeux.

Il n'y avait pas à hésiter...