"Abby, tu ne veux toujours pas en parler ? tente Lucy en préparant son lit.
-Je… je ne sais pas trop. Je sens que… Que je peux m'effondrer à tout moment.
-Et ce serait une si mauvaise chose ? Peut-être que ça te fera du bien, dit-elle en souriant.
-Je n'ai pas le droit de m'effondrer ou la porte se refermera."
Je passe la main dans mes cheveux et soupire. J'ai beau essayé, je ne peux m'empêcher de penser à lui. Depuis qu'il a croisé mon regard, je ne peux me détacher de lui.
"Il reviendra, Sting va vite se rendre compte qu'il a fait une connerie."
J'hoche les épaules en guise de réponse. Les larmes menacent de couler et j'essaie de les refouler. Je ne fais que répéter cet exercice depuis maintenant deux jours.
Deux jours sans lui. C'est beaucoup trop.
Cette fois, mon cœur me fait plus mal, c'est comme si la douleur que j'ai refoulée, veut maintenant se libérer.
Ma respiration commence à se faire difficile et les larmes coulent sans que je ne puisse rien y faire.
"Abby ? s'inquiète la blonde."
Celle-ci s'avance vers moi tandis que je me laisse tomber à genoux au sol en sanglotant. Que m'arrive-t-il ? Pourquoi ça fait aussi mal ? Je couvre mes yeux de mes mains et tente de me calmer, mais rien n'y fait. Je sens des bras m'enlacer, puis ces bras disparaissent.
Je me suis évanouie ? Dorénavant allongée, je ne comprends pas. Je peine à ouvrir les yeux comme s'ils étaient cloués et ma gorge est sèche. Je passe mes mains sur mon visage. Il est étonnamment sec alors que je viens de pleurer toutes les larmes de mon corps.
"Lucy ? je l'interpelle."
Pas de réponse.
La panique commence à se faire sentir et quand j'ouvre les yeux, mon cœur fait un bond dans ma poitrine.
Je suis à T-land…
Toujours dans une chambre d'hôpital, le son régulier du cardiogramme me donne mal à la tête.
"Lucy…, je tente même si je sais qu'elle ne peut ni me répondre, ni m'entendre."
Et voilà… J'en étais sûre. Le chagrin a fini par avoir raison de ma présence à E-land. Et si la porte s'était refermée ? Non… Non. Ça je ne m'en remettrais jamais.
Mon cœur me fait si mal, une migraine atroce me tord de douleur et mon corps tout entier est engourdi de ne pas avoir bougé pendant des semaines.
Pendant une dizaine de minutes, je suis restée là à pleurnicher sur mon sort. Que faire d'autres de toute manière ? Ça ne changera pas le temps que je devrais passer ici puisqu'il est déjà programmé. Je me doute bien que mon chagrin d'amour causera bien plus que quelques heures à T-land.
Soudain, j'entends des voix qui se rapproche.
"...tests.
-Ça fait un mois que vous lui faites des tests et que vous ne trouvez rien !
-Chérie, calme-toi.
-Nous n'avons jamais eu un cas pareil. Je…"
Le docteur s'arrête dans son élan en me voyant parfaitement réveillée. Quant à mes parents, leurs yeux s'écarquillent de surprise.
"Ab...Abby ? dit doucement ma mère.
-Abby ? répète mon père."
Les larmes font de nouveau leur apparition, cette fois, elles ne sont pas seulement causées par le chagrin ou la peur de rester ici, mais également car mes parents m'ont énormément manqué.
Ceux-ci se précipitent dans mes bras en larmes.
Je ne sais pas quoi faire… Je ne mérite pas tout ça. C'est de ma faute s'ils sont si tristes. Je sanglote d'autant plus fort. Leur odeur, leur voix, jusque ici, je ne m'étais pas rendue compte à quel point ils me manquent là-bas.
Quand mes parents finissent par me lâcher, le médecin s'approche à son tour. Il met d'abord la lumière d'une lampe dans mes yeux, puis pose son stéthoscope sur ma poitrine.
Je mets un temps à m'habituer aux sensations de ce monde, surtout au niveau de ma vue.
"Parfait, marmonne le Docteur. Cependant, nous devons nous méfier, nous allons approfondir nos tests.
-Non, je déclare la voix enrouée."
Mes parents se retournent surpris vers moi.
"Je...je ne veux pas, je peine à dire avec ma bouche sèche."
Je ne sais pas combien de temps je vais rester ici, et je n'ai aucune envie de les passer à faire des tests au lieu de profiter de mes parents.
"Mais Ab…, commence Papa.
-Vous l'avez entendue, l'interrompt Maman. Elle ne fera plus aucun tests. De toute façon, à quoi ça nous a avancé depuis le début ?"
Une semaine, c'est le temps que j'ai passé à l'hôpital. Une semaine longue et monotone durant laquelle je ne suis pas retournée une seule fois à E-land.
"Tout va bien ? s'inquiète ma mère."
Durant cette semaine, mes parents ont repris des couleurs. Ils ne cessent de me sourire et de s'inquiéter pour moi. Je me sens atrocement coupable de vouloir partir d'ici.
"Est-ce que j'ai été adoptée ? je demande soudain."
Mon père fronce les sourcils et s'apprête à répondre, mais ma mère lui coupe la parole et le devance.
"Oui. Une femme est venue nous voir un matin avec tous les papiers nécessaires pour que tu sois considérée comme notre fille biologique. On ne sait pas comment elle nous a trouvé ou comment elle a su qu'on essayait d'avoir un enfant, sans succès. Mais elle est venue à nous. Elle nous a demandé de te protéger comme notre propre fille. Nous ne t'avons jamais considéré autrement, le sang, ce n'est pas ce qui compte…"
Je ne pose pas plus de questions et reste silencieuse. C'est donc ma mère biologique qui m'a emmenée à T-land, ce qui est plus logique que le voyage soudain d'un bébé d'un monde à l'autre.
"D'accord. Merci de m'avoir répondu sincèrement.
-Si tu as d'autres questions, n'hésite pas, ajoute-t-elle en souriant."
J'essaie de répondre à son sourire mais je sais bien qu'il sonne faux.
J'aimerais leur dire, tout leur raconter, mais je ne peux pas.
"Ah au fait, je t'ai ramené ton téléphone. Tu dois sûrement être inondée de messages."
Maman me tend mon téléphone et dire qu'avant je ne pouvais pas passer une journée sans, alors qu'à E-land je m'en passe très bien.
"Merci Maman."
J'attrape mon téléphone et l'allume. Inondée de messages… Je ne dirais pas ça… Seules 3 de mes amis m'ont envoyé un message. Même pas Lola ?
"Il faut qu'on te dise quelque chose, ajoute ma mère.
-Non, fait mon père. On a dit qu'on attendrait qu'elle irait mieux.
-Je ne pense pas que lui mentir soit une solution."
Mon père soupire, mais cède.
"Lola a disparu, ça fait 2 semaines maintenant.
-Quoi ?
-On pense qu'elle a fugué, elle se droguait.
-Lola ? Se droguer ?
-Elle ne disait que des propos incohérents, comme quoi tu n'étais plus dans ce monde. Qu'elle allait venir te chercher avec une bague ou je sais pas quoi. Que t'étais dans mca.
-Mha, la corrige mon père."
Quoi ? Lola savait que j'étais dans un autre monde ? Mais comment ?
Mha… My Hero Academia… Non… elle n'est quand même pas partie là-bas ? Et pourtant, si elle a cette fameuse bague, le talisman, c'est tout à fait possible. Oh non ! Qu'est-ce que t'as fait Lola ?
Mes parents m'aident à préparer mes affaires. Après mes deux semaines à l'hôpital où j'ai notamment fait de la rééducation, je vais enfin rentrer à la maison.
Deux semaines, je commence vraiment à m'inquiéter, je ne sais pas si c'est normal que ça soit aussi long.
Dans la voiture, j'allume mon téléphone et recherche sur internet, l'OAV sur la fille de l'autre-monde. Peut-être que ça m'aidera à mieux comprendre ce qui m'arrive. Je glisse mes écouteurs dans mes oreilles et le regarde. Rien a changé, rien n'a été ajouté. Étrange…
Cependant à la fin de l'épisode, une annonce apparaît.
La suite à retrouver en manga ! Hors série Fairy Tail !
Mes yeux s'ouvrent en grand. Il y a carrément un manga sur ma vie passée là-bas maintenant ou je rêve ?
Immédiatement, je le recherche sur Internet. Seul le premier tome est déjà écrit. Mon doigt tremble et je mets un peu de temps avant d'être capable d'appuyer sur la page internet pour lire le manga.
Durant tout le trajet, je n'ai fait que lire ce manga et il se termine au moment où je disparais devant Lucy.
Je jette un œil à mes parents, et si cela suffisait comme preuve pour leur expliquer ma situation. Après tout, ils seraient moins tristes de mon futur départ s'ils connaissaient la vérité.
C'est décidé, je leur dirai ! Ce serait égoïste de ne pas le faire, car pendant que je profiterais de ma vie à E-land, ils seraient là à attendre désespérément que je me réveille.
Arrivée à la maison, j'interpelle mes parents avant de perdre courage.
"Lola n'est pas folle.
-Hein ? font-ils en même temps.
-J'étais bien dans un autre monde. Regardez !"
Je leur donne mon téléphone pour qu'il puisse lire le manga.
"Je ne comprends pas, dit ma mère.
-C'est ce que j'ai vécu pendant que j'étais dans le coma.
-Ce n'est pas parce qu'elle a le même nom que toi, que tu as vécu ça, ajoute-t-elle d'une voix douce.
-Ce n'est pas qu'une supposition puisque je me souviens l'avoir vécu. La dernière chose dont je me souviens à mon réveil, c'est d'avoir été avec Lucy. Si vous voulez, je peux tout vous raconter dans le moindre détail, ce sera pareil que dans le manga."
Mes parents se dévisagent, inquiets. Je redoutais par dessus tout cette réaction. Ils me prennent pour une folle.
"Lisez le manga en entier, s'il vous plaît. Ça vous aidera peut-être à comprendre. C'est là-bas que j'ai appris que j'avais été adoptée. Et ma mère biologique est donc une Originelle.
-Une quoi ? ne comprend pas mon père.
-Lisez, s'il vous plaît. Avant de me prendre pour une folle, lisez."
Je suis repartie dans ma chambre, n'osant pas croiser leurs regards.
Ils ne me croiront pas, j'en suis pratiquement sûre.
"Il est courant que les patients rêvent durant leur coma, ou bien même qu'à leur réveil, ils confondent rêve, réalité ou cauchemar, débite le psychiatre."
Je sers le poing, je n'en peux plus d'entendre ces conneries, je ne suis pas folle !
"Oui c'était un rêve, je souffle. Je le comprends maintenant."
Si je ne dis pas ce qu'il veut entendre, je vais finir en hôpital psychiatrique à coup sûr.
"Bien, fait le médecin satisfait."
Par la suite, il fait un bilan de notre séance à mes parents et je rentre chez moi, le cœur toujours en miette
"Ça va Abby ? tente mon père.
-Oui, je marmonne.
-Le docteur a dit qu'il était mieux que tu retournes au lycée seulement l'année prochaine.
-D'accord, je soupire."
J'ai essayé, j'ai bien essayé de leur dire.
De toute façon, je ne suis pas sûre que ça servira à grand chose, cela fait déjà 3 semaines, la porte a dû se refermer.
Les larmes menacent de couler alors je prétexte vouloir aller me doucher.
Je ne suis pas folle ! Je ne suis pas folle ! Je ne suis pas folle !
L'eau coule le long de ma peau, se mélangeant à mes larmes, et étouffant le bruit de mes sanglots.
Le coma a été provoqué par une maladie mentale.Début de déficience mentale.Peut-être faudra-t-il finir par l'interner.Début de schizophrénie.
Toutes les paroles du psychiatre me reviennent en tête pour m'assaillir de doutes, de peur. Et s'il avait raison. Après tout, mon histoire est totalement loufoque. Non ! Ce n'était pas un rêve !
Je m'écroule sur le carrelage de ma douche, mes jambes ne pouvant plus me retenir. J'ai mal, si mal que j'ai envie d'hurler ma peine au monde entier.
Je suis allongée devant la télévision, le regard vide, les yeux bouffis du manque de sommeil et de pleurs.
Cela fait 4 semaines, il faut que je me rende à l'évidence. Plus j'essaie de me souvenir d'eux, plus cela me parait irréel.
"Je ne suis pas folle ! j'hurle soudain à bout."
Ma mère se tourne vers moi, les yeux embués de larmes. Elle accourt vers moi et me sert contre elle.
"Ça va aller ma bichette, tout va s'arranger…"
Si tout ce que j'ai vécu n'était pas réel, alors non. Car c'est cette vie que je souhaite avoir.
Je me laisse aller à des sanglots pathétiques. Peut-être que je devrais finalement aller dans cet hôpital. Si mon séjour à E-land était faux, je finirai par le comprendre tandis que si c'était vrai, peut-être que cela redéclenchera mon retour.
"Maman, je veux aller à l'hôpital psychiatrique."
"Tu es sûre ? demande Maman en déchargeant la valise. Tu n'étais pas obligée tu sais ?
-Je suis toujours d'avis que ce n'est pas une bonne idée, râle Papa."
Même si je n'ai pas de déficience mentale, les pleurs, le vide et la douleur que je ressens en moi ne sont pas anodins et si je dois apprendre à vivre sans eux, autant que l'on m'aide. Je n'arriverais pas à me relever toute seule.
"Ce que j'ai vécu est réel, je déclare."
Assise sur mon lit, je ne fais que regarder le vide. J'entends des cris au loin et sursaute, je ne suis toujours pas habituée malgré les deux jours que j'ai déjà passés ici.
Je finis par me lever pour me rendre à la réunion collective hebdomadaire, en trainassant un peu des pieds.
Sting… Notre histoire n'a pas pu se dérouler que dans mon imagination, c'est impossible. Tout ce que j'ai ressenti, m'avait paru plus réel que jamais.
Je vais m'asseoir à côté d'une fille que je n'ai encore pas aperçue jusque ici. Elle me semble plutôt saine d'esprit.
"Bonjour Abby, dit-elle."
Je sursaute et la fixe. Comment connait-elle mon nom ?
"Je m'appelle Julie, m'annonce-t-elle. Je suis moi aussi une Originelle, du moins en partie.
-Je…"
Soudain, elle glisse une bague au creux de ma paume.
"Tu ne pourras pas t'en servir. Mais elle n'est pas pour toi, pour la suivante, c'est très important, m'explique-t-elle."
Sur ce, elle se lève, passant la main dans ses cheveux de jais. La bague qu'elle vient tout juste de me donner est sertie d'une pierre multicolore. Un talisman ?
Je la glisse contre ma hanche, dans l'élastique de ma culotte tandis que la jeune fille s'en va. Ses yeux noisettes m'ont paru si familiers que j'en reste bouche bée. Leur couleur tirant légèrement vers le doré, je l'avais déjà vu quelque part. Mais où ? Impossible de m'en souvenir.
Que veut-elle dire par suivante ? Et pourquoi je ne peux pas m'en servir ?
Je me lève de ma chaise pour aller l'interroger, mais mes jambes me lâchent soudain. Une migraine atroce se répand dans mon crâne, me faisant l'effet de poignards qui me transperceraient sans pouvoir me tuer. Ma vue se brouille. À genoux sur le sol, j'hurle à plein poumons. Je sens des bras me tenir, ils pensent sûrement que je fais une crise.
Soudain, la douleur disparaît, et je sens quelque chose de mou contre mon dos.
"Gamine, murmure une voix.
-Gajeel ? je fais en ouvrant les yeux."
