Griffon est dingue... bon, on le savait déjà mais là, ça se précise ! XD Ah Minos... ce cher Spectre qu'on adore détester !... C'est un chapitre que j'ai vraiment adoré écrire, j'espère qu'il vous plaira également ^^ Oui, Minos y est sadique à souhait !
Chapitre 27 : The damned power of Salvation
Les églises !... Haut lieu d'apostasie chez les Spectres ; siège de débauche ultime pour un Juge !...
Contrairement à une croyance couramment répandue, le diable, tant craint, ne logeait guère dans les églises. C'était là l'apanage d'un certain Griffon en titre, passé maître dans l'art de tromper les pénitents !...
En grand connaisseur des âmes, Minos appréciait se grimer en prêtre, camouflant sous une capuche à larges bords sa chevelure magnifique et ses yeux de sadique immonde.
Les péchés des braves gens n'étaient pas palpitants en soit : tromperies en tout genre, escroqueries, infidélités. Rien de nouveau à se mettre sous la dent. Jusqu'à l'arrivée de la fille de l'humble Marquis qui dominait ces terres. Veuf bien avant l'heure, il résolut de ne point s'autoriser de secondes noces afin de se consacrer à l'éducation de son unique fille qu'on disait exceptionnellement intelligente - y aurait-il un soupçon d'orgueil de la part de ce brave Marquis ?... Minos allait se faire fort de débusquer la faute jusqu'en son pli !... Le Juge était rompu à l'exercice et les siècles de pratique lui avaient apporté une incommensurable connaissance du sujet.
Minos prit place dans le confessionnal, distinguant à travers la voilure pourpre celle qu'il s'apprêtait à recevoir.
Judith de Clairevoye.
Inutile qu'elle se présente ; Minos connaissait l'identité des âmes avant même qu'elles ne se révèlent par la parole.
Elle se plaça sur l'agenouilloir, s'y signant. "Pardonnez-moi, mon père, car j'ai péché. Je ne me suis plus confessée depuis la Toussaint."
"Parlez sans crainte, mon enfant. Notre Seigneur peut tout entendre."
Griffon se cala un peu mieux, oreille proche de la grille, prêt à jouir de tout ce que cette personne instruite lui confiera.
"Je..."
"N'ayez point de crainte, parlez-moi comme si vous vous adressiez à notre Seigneur."
"J'ai... recommencé... la semaine passée... à écrire des vers... d'une profondeur abjecte." laissant échapper un reniflement précédant le sanglot.
"Précisez la nature de votre littérature, mon enfant. S'agit-il de vers érotiques ?..."
"Il... il y a de cela, mon père... ma main... ma main... j'ai eu envie de la placer sur le billot afin qu'un Ange du ciel me la tranche..." l'avisant, tremblante, larmes roulant sur ses joues.
"Quel est le sujet de vos vers, mon enfant ?..."
"J'ai... écrit... j'ai damné et maudit le... laquais de mon père qui... jadis a laissé se noyer notre chien Balto dans le marais... j'ai imaginé... qu'un descendant des Enfers le châtiait à l'aide d'un fouet... démembrant son corps dans une gerbe sanglante..."
La robe de Minos venait de dessiner un renflement évocateur. Lui-même s'amusait, du bout des doigts, avec la croix qui ornait sa tenue, la prenant un instant en bouche pour la caresser du bout de la langue avant de reprendre la parole.
"Poursuivez, mon enfant."
"Puis j'ai imaginé... séduire mon cousin Alexandre..."
Intéressant !...
"Vous êtes-vous plu à imaginer des relations charnelles avec ce membre de votre famille ?..."
Elle baissa la tête, sanglotant. "Oui... oui... plusieurs fois..."
Minos s'en pinça la lèvre.
"Y avez-vous pris du plaisir, mon enfant ?..."
L'excitation montant, Minos devait moduler à la perfection sa voix afin qu'elle ne le trahisse point.
"Oui !... Oui, mon père. Et lui aussi... nous sommes... misérables..."
Ce n'était guère la personne, exquise d'un point de vue humain au demeurant, qui exacerbait l'excitation du Griffon mais bien la confession elle-même. C'était exactement ce qu'il était venu chercher !... La pureté même du péché avoué. La racine originelle avant qu'elle ne croisse. L'effet était tel sur Griffon qu'il manqua de s'empoigner, préférant diriger sa volupté sur la croix en or pur qu'il triturait à l'envi.
"J'ai également fait... un rêve, mon père..."
"De quelle nature, mon enfant ?..."
"Dans ce rêve, je..." baissant la tête sur un nouveau sanglot, plus profond celui-là. "... j'ai décrété publiquement que mon âme appartenait au diable et à ses anges... Mon père !... Suis-je maudite ?... Comment vais-je faire pour gagner le ciel ? Je ne suis qu'une misérable pécheresse !..."
"Assurément tu ne gagneras point le ciel, Judith." trancha enfin la véritable voix de Griffon. "Par contre, je puis t'assurer que ton âme est déjà scellée pour notre Seigneur tout puissant, Hadès."
Elle hoqueta de terreur face à la voix qui venait de s'élever, doigts tremblants sur le velours de l'accoudoir.
"Mon père... j'ai... j'ai peur !..."
"Avec raison, Judith de Clairevoye. Avec raison." laissant sa confession faire son petit effet.
"Vous êtes..." prise d'un haut-le-cœur face à la tromperie immonde.
"Minos, Spectre du Griffon de l'Étoile de la Noblesse, premier Juge de Sa Majesté Hadès. Oui, je suis celui à qui tu t'adresses. Enfuis-toi et je te tue sur-le-champ pour présenter ton âme à mon Seigneur..." sifflé en menace, sentant bien qu'elle l'envisage.
"Qu'att... qu'attendez-vous de moi ?..."
"Pour commencer, tu vas tuer ce misérable laquais que tu hais tant. Choisis une arme subtile ; le poison par exemple."
Elle fut secouée des pieds à la tête.
"Si je fais cela... je n'aurai pas même l'infime chance d'être accueillie au Purgatoire..."
Minos exulta un rire malfaisant.
"Le Purgatoire, ma fille, est une invention bassement humaine. A dire vrai, vous autres larves demeurez toutes scellées pour la condamnation éternelle. Pourquoi penses-tu que les Enfers soient si vastes, dis-moi, Judith ?... C'est bien pour vous y accueillir toutes." laissant sa langue perfide voyager d'une commissure à l'autre.
"Vous... mentez !..."
"Tu m'offenses, petite âme. Si tu doutes à ce point, je puis m'arranger pour te prouver que ma bouche ne délivre que des vérités. Il suffit pour cela que je te tue. Alors, que penses-tu de ma proposition, Judith, ma chère enfant ?..."
Les doigts le démangeaient. Envolée l'excitation, Griffon était désireux de passer à table !...
"Je ferai de toi un pantin privé de toute volonté, suspendu dans les airs, pendant que je manierai les fils qui te retiennent encore à ta misérable vie, te vouant à des positions refusées par ton anatomie, à profaner tes tendons, à violer et saccager la moindre de tes articulations, à transgresser la loi même de tes os. Choisis, Judith, tant que tu disposes encore du privilège de le faire."
"Que... dois-je... faire ?..."
"Nous allons quitter cette place pour que tu me vois."
Son cœur heurtait si fort dans sa poitrine et le corset n'arrangeait rien à son malaise en la privant d'air tout en comprimant ses poumons !...
"Relève-toi et sors." ordonna la voix autoritaire de Griffon.
Judith se releva, tremblant sur les talons de ses jolies bottines, inspirant l'air saturé, tirant lentement le rideau, s'avançant hors du confessionnal.
Minos était demeuré à sa place.
"Fuis et je te tue." lui asséna-t-il, quittant lentement sa place pour se présenter à elle.
Elle fixait la croix habillée qui dominait le chœur de l'architecture.
Minos se tenait à présent à ses côtés.
"N'est-elle point belle, cette croyance inique qui vous fait avancer d'un pas aveugle vers votre propre perdition ?..."
"Taisez... vous..."
Minos se glissa derrière elle, posant ses mains sur ses épaules.
"Regarde-le, celui que tu supplies sans jamais qu'il ne t'accorde son pardon. Regarde-le dans les yeux et dis-lui à qui tu appartiens à présent, Judith." approchant la bouche de son oreille à laquelle était suspendue une perle de prix. "Je veux t'entendre le dire haut et fort, Julie de Clairevoye."
Elle demeurait tétanisée. Comme dans ses rêves incessants et entêtants qui la poursuivaient depuis sa jeunesse.
"Est-ce vous qui... vous êtes introduit dans mes rêves ?... Depuis ma plus tendre enfance ?..."
"Moi ? Non. Je n'ai guère ce genre de pouvoir. Un autre des sujets de Sa Majesté s'en est sans doute chargé." sans prononcer le nom maudit d'Hypnos.
"Je..." doigts tremblants.
"Dis-le." crispant ses propres doigts sur les épaules étroites de Judith.
"J'appartiens à..."
"C'est bien."
"... à... Hadès."
Elle avait conservé la tête haute.
Minos passa devant elle, camouflant le chœur de sa haute stature, rabattant sa capuche, offrant, à la vue effarée de Judith, sa magnifique crinière claire, améthystes perverses se devinant sous la frange fournie.
"Eh bien, ma chère Judith, par ce biais je t'octroie l'absolution au nom de notre Seigneur : ta plume se délectera ainsi, jusqu'à en perdre l'âme, des thèmes suivants : abuser, contrevenir, enfreindre, outrager, profaner, souiller, transgresser, violenter."
"Tu es abject, Minos." se fendit Aiacos, au fait des agissements du premier Juge.
Minos fit la courbette face au compliment non-voilé de son Rapace favori.
"Je n'ai rien à t'envier, Cos."
"Ne dis pas de sottises !..."
"Non, te dis-je. Et je le soutiens. Moi aussi j'apprécie de sentir la peur que tu instilles dans chacun de tes hommes lorsque l'ombre projette ta roue de plumes sur le pont du navire."
"Tu m'en diras tant !..." amusé.
"Je me tiens souvent sur le mât, respirant jusqu'à la crainte que tu leur inspires à tous, magnifique Roi des cieux. Rien n'échappe à ton regard acéré. Tu débusques jusqu'au plus faible d'entre eux, dérobant le fouet au soldat le plus proche, faisant glisser la lanière sur ton bras levé avant d'attribuer le coup mérité ; celui qui déchiquettera le restant de chair du coupable, le scindant bien souvent en deux dans le sens transversal, gerbe de sang étant telle qu'elle en éclabousse la ronde alentour. Oui, tu es magnifique de puissance, mon bel Oiseau, mon Roi." lui tournant autour, affamé. "Dans de tels moments, je ne vois, ne vis que pour toi, bel Oiseau. Je te voue mon éternité."
"Allons bon... serait-ce la confession de cette larve qui t'a mis en appétit, Griffon ?"
"Elle y a contribué. Dans une moindre mesure cependant."
"Je pourrai en prendre ombrage." amusé plus qu'autre chose.
"Ce serait te donner beaucoup de mal pour rien." arrêté devant Garuda. "J'ai envie que tu m'embrasses, Cos. Chaudement."
Aiacos eut un petit sourire allumé, glissant le bras derrière Griffon, sous ses ailes repliées, l'approchant de lui dans un choc de surplis.
"Tu mériterais bien plus qu'un baiser." cherchant ses doigts pour y glisser les siens, faisant se heurter les gardes. "Tu mériterais, Juge impénitent, que je t'honore jusqu'à la fin des temps."
Minos n'en demandait pas mieux !... Ses améthystes quémandaient.
"Conserve donc cet appétit sous cloche. J'ai à faire présentement."
Minos n'en revenait pas ; son bel amant lui tournait le dos !... Fort bien ! Il allait parachever l'œuvre malsaine commencée en Judith pour la mener droit vers le paroxysme de la folie.
"Les forces vives d'Hadès s'activent chaque jour davantage. Le pire est à craindre." admit Athéna, siégeant en son Sanctuaire.
"Nous serons là pour vous protéger, Déesse Athéna." lui promirent ses plus proches protecteurs.
Il était aisé pour un Spectre - à plus forte raison un Juge - de s'introduire dans une bâtisse, qu'elle fusse gardée ou non. Ni les molosses rôdant dans le vaste parc, ni la ribambelle de domestiques ne purent empêcher Griffon de trouver les appartements de Judith.
Cette dernière écrivait.
"Te penches-tu sur les sujets évoqués lors de notre dernière rencontre, Judith de Clairevoye ?"
Judith eut un sursaut, lâchant sa jolie plume pour faire un bond sur le côté, cœur battant.
"Vous..."
Minos s'approcha sans crainte, surplis revêtu.
Judith n'était plus capable de regarder autre chose que ce diamant sombre qui recouvrait le corps de son tortionnaire.
Minos s'empara du manuscrit, parcourant quelques lignes, finissant par soupirer, froissant le papier précieux dans son poing.
"Je t'avais pourtant indiqué les thèmes sur lesquels te pencher lors de notre entrevue, n'est-ce point exact, Judith ?"
"Sortez d'ici... sortez immédiatement." tremblante.
Petit sourire du Griffon. "On n'ordonne pas à un Juge de Sa Majesté Hadès. C'est lui qui ordonne."
"Que voulez-vous, démon ?..."
Minos fit la moue. "Ah... cela aussi je pensais pourtant de l'avoir clairement exprimé... De même que ce qui t'attendrait si tu venais à renoncer à tes vices. Dois-je te rappeler que tu as reconnu Hadès comme ton seul maître dans cette église ?..."
"C'était... une erreur... depuis je fais acte de contrition." d'une voix chevrotante.
"Ma pauvre, pauvre enfant. La contrition est affaire de Juge. De quel droit vous autres, larves, vous permettez-vous de vous octroyer un si précieux terme ? Seul un Juge avisé demeure capable de vous assigner la peine méritée. Pour ce faire, il se fie aux seules lois édictées en la matière par Sa Majesté Hadès en personne."
"Je vous... demande de me laisser tranquille." tentant la fermeté, voix habitée par la peur.
Le diable... le diable dans toute sa beauté. Si fidèle aux textes anciens. Le tentateur. Le mensonger. Le blasphémateur.
"Rien n'est plus décevant qu'une âme qui se voit offrir le salut par la vérité et qui la foule aux pieds. Véritablement, ce péché ne te sera jamais pardonné, Judith." penchant la tête sur le côté, pans argentés lui caressant les hanches. "Vraiment, j'ignore par quelle partie de ton anatomie je vais commencer. Tu m'inspires tant !..."
"Pi... pitié... je... je ferai ce que vous... voudrez..." prise de panique devant le vent qui venait de tourner.
"Pitié ? Nous parlons de justice. Une nouvelle fois, je note à quel point tu peux demeurer distraite !..." abaissant la main, doigts se dépliant gracieusement. "Bien. Commençons par tes poignets, veux-tu ?..."
Les fils venaient de s'emparer des poignets fins de Judith et Minos les dirigeait dans un sens comme dans l'autre. "Voyons... une brisure nette." tordant les poignets d'un coup sec. Le craquement fut discret. La douleur beaucoup moins, se répercutant dans le bras entier.
Judith fixa Griffon, douleur lui faisant ouvrir la bouche.
"Crie et je tue ton père sur-le-champ."
Elle ravala son cri, se contentant d'un geignement répété, dents serrés.
Pourquoi elle ?... Pourquoi ce monstre avait-il fait irruption dans sa vie ?... Sans doute du fait de ses écrits et de ses viles pensées !... Elle pensait la sanction assurément divine !...
Des larmes amères roulèrent sur les joues de Judith.
"Pardonnez-moi... mon père !..." yeux levés vers le ciel d'où elle pensait entrevoir le salut.
"Adieu piano et séances d'écriture... à quoi peut bien rimer ta vie à présent, je me le demande ?"
Judith tomba à genoux. "Je vous demande... de me pardonner... père que j'ai offensé !..." levant les bras au ciel, éperdue de douleur, divaguant sous l'effet lancinant des poignets brisés.
Griffon, lui, venait de s'approcher du piano, l'ayant temporairement libérée de son emprise.
Il souleva le cache du clavier et joua une note. Puis une seconde.
"Savais-tu qu'avant de devenir Juge, j'étais un virtuose au piano ?..." levant ses doigts pour les admirer. "Ils m'ont permis tant de choses dans ma vie, vois-tu... de brillantes études de médecine et un doigté particulier pour les instruments à cordes frappées." s'installant, ailes élégamment repliées dans son dos. "Le Seigneur Hadès a su magnifier mes dons en m'offrant le pouvoir des fils. Notre Seigneur est si bon, Judith."
"Pitié... laissez-moi... je... j'ai mal... j'ai si mal..." commençant à perdre lentement conscience.
"Je suis curieux de voir ce qu'il me reste de mes talents d'antan." entamant une mélodie sans plus tarder, solfège lui revenant spontanément à la mémoire, doigts fins et agiles courant sur l'ivoire blanc, caressant les touches noires, pieds actionnant les pédales.
Il n'avait, à l'évidence, rien perdu de ses talents artistiques.
"Quel son !... La résonance est parfaite !..." mélodie de plus en plus entraînante.
"J'ai si mal..." s'affaissant sur son flanc. "Pitié... qu'on me vienne en aide... père..."
Griffon, lui, poursuivait son entraînante mélodie, ne se souciant pas le moins du monde de l'état de Judith.
"Tu présenteras mes félicitations à l'accordeur. Le rendu est divin."
L'instrument jouait à présent de toutes ses cordes, couvrant la pièce de notes mélodieuses.
Minos termina la partition et se leva, exécutant quelques courbettes devant un plébiscite imaginaire.
"Eh bien, tu ne m'applaudis pas, vilaine fille ?!..." rappelant ses fils, tapant entre elles les mains dont les poignets meurtris percutèrent Judith de douleur au point de la ramener à la raison. "Quel mauvais public tu fais, jeune fille." la réprimanda Griffon.
