Voilà le chapitre du jour! Il n'y aura probablement rien demain parce qu'occupée, mais qui sait avec un peu de chance...

Rien à voir sinon, mais si quelqu'un à des idées de fic, je suis preneuse. Je n'arrive pas à trouver un bon début d'histoire pour me lancer dans une nouvelle fic alors que ce n'est pas l'envie qui manque!

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Pas pour la première fois, le réveil fut difficile et douloureux. Sa tête battait et son regard était flou. Elle tenta instinctivement de venir masser l'arrière de son crâne, qui devait présenter une belle bosse, mais ses mains étaient retenues. La corde brute frottait contre ses poignets qui risquaient d'être rapidement à vif.

« Tu es réveillée ? Chuchota une voix à proximité."

C'était Yuri, qui était attachée à côté d'elle.

Depuis combien de temps était-elle inconsciente?

Yuri semblait aller relativement bien et Shizuru s'étonna qu'elle n'ait pas été violentée depuis leur capture.

Des souvenirs du Clan, ils avaient toujours été pressés d'user de leurs nouvelles proies. Qu'elles soient encore inconscientes ne les avaient d'ailleurs jamais dérangé.

Mais Shizuru se sentait relativement bien excepté son mal de tête. On ne l'avait touché pendant qu'elle était évanouie, ou du moins d'une façon qui n'aurait pas été ni intrusif ni douloureux. Elle ne savait pas qu'en penser mais, après tout, ce groupe de pillards était différent de celui dont elle était issue.

« J'étais inconsciente pendant combien de temps? »

Yuri haussa les épaules pour signifier son ignorance.

« Le jour s'est levé depuis un bon moment.

-Où sont Mitsukaze et Tori ? »

Yuri fit un geste du menton de l'autre côté d'elle.

Mitsukaze se tenait là, le menton contre la poitrine toujours inconscient. Attaché comme elles, il présentait une épaule noirci par du sang séché, un bandage grossier cachant la plaie par balle qu'il avait reçue.

« Ils ont emmené Tori il y a seulement quelques minutes. Tu as commencé à te réveiller alors qu'il se débattait. »

Shizuru reposa l'arrière de sa tête douloureuse contre le mur où elle était appuyée et laissa le silence s'épaissir.

Ce n'était pas un vrai silence, il y avait un bruit de fond constant fait de voix et d'activité humaine. Elle n'osa pas demander à Yuri ce qui allait leur arriver. Il n'y aurait probablement aucune réponse rassurante.

Une dizaine de minutes plus tard, il y eut des cris. Pas de douleurs, mais des vivats, des hourras de gens excités.

« Qu'est-ce que c'est que ça ? S'exclama Yuri en posant la question qui la tracassait tout autant.

-On dirait... une foule devant un spectacle ? »

Aucune explication ne leur vinrent et les cris restèrent là, suspendu dans l'air, à se répercuter contre les murs durant bien une heure. Yuri ne cessait de lui demander ce qu'elle pouvait entendre, convaincue que c'était avec une ouïe incroyable qu'elle percevait les mordeurs. Nul doute qu'elle pouvait donc aussi l'utiliser dans leur situation.

Pourtant, Shizuru n'entendait probablement pas mieux qu'elle et elle pouvait bien supposer ce qu'elle souhaitait. La foule semblait se disperser, indiquant que le spectacle -quelqu'il soit- était terminé.

Un chemin devait passer non loin de leur cellule car elle entendait des paroles indistinctes et des rires d'hommes et de femmes. Ils semblaient nombreux. Un campement grand et nombreux, bien établi. Le peu qu'elle en découvrait ne lui donnait pas tant la sensation de pillards qu'un camp agressif. C'était comme dans ses livres d'histoires, ce camp était l'équivalent d'une nation guerrière et probablement expansionniste qui voulait dominer leur voisin. Il complétait leur façon de faire par des méthodes barbares.

Pourquoi les gens ne savaient-ils pas s'unir face à l'adversité ?

Il y eut un moment d'accalmie et vint finalement des cris d'un bâtiment probablement voisin au leur. Des cris à glacer le sang, une voix masculine indistincte sous la douleur, celle d'un homme adulte qui ressemblait étonnamment à celle d'un bambin en souffrance. Shizuru ferma les yeux et tenta de refouler ses souvenirs. Les cris et la douleur était une association qui ne lui rappelait que trop bien Hana. Sa fille avait hurlé une souffrance aussi profonde et Shizuru savait donc facilement associer ces cris à des blessures effroyables.

« Il le torture, chuchota Yuri à ses côtés, le visage livide. »

Oui ça paraissait évident. Au bout de quelques heures où l'équivalent d'une éternité, les cris cessèrent et elles virent finalement à travers les barreaux de leur geôle, deux hommes traîner Tori.

Il était torse nu mais sa poitrine et son dos alternaient entre de la peau et de la chair à vif.

Ils l'écorchaient vivant.

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Quatre jours entiers.

Sa torture dura 4 jours, fait de cris effroyables, de sanglots et de sang. Le corps qu'ils emmenaient et ramenaient chaque jour ressemblaient de moins en moins à quelque chose d'humain. Il y avait de moins en moins de peau, et de plus en plus de chairs et de muscles à nus. Des infections et du pus. Un écorché... c'est ce qu'il devenait.

« Il y en a un peu partout dans certains quartiers de la ville. L'infection continue de se développer sur les chaires à vif et leur apparence est abominable, lui expliqua Yuri un soir. On préfère éviter ces quartiers, j'en ai fais des cauchemars après en avoir vu un. »

Elles avaient du mal à dormir ou à manger.

Mitsukaze était dans un état pire encore. Il avait vomi en découvrant le passage de Tori la première fois. Il détournait les yeux par la suite.

Ils le faisaient tous.

« Il joue avec lui. Avec ce qu'ils lui font, Tori aura dit tout ce qu'ils voudraient savoir. Ils ne font pas ça pour des infos, seulement pour le plaisir.

-C'en est devenu un vrai savoir-faire, souleva Shizuru. Lui faire ça... sans le tuer, suffisamment longtemps pour que le parasite prenne le pas et en fasse un mordeur...

-Son système immunitaire s'affaiblit avec cette torture, avec les infections, le parasite agit plus vite. Si leur amusement avec lui se termine... ce sera bientôt à l'un de nous. »

Il n'y avait aucune façon d'amadouer leur geôlier, aucune façon de les soudoyer... Ils étaient piégés et à leur merci mais avant d'en arriver à l'état de victime torturé, ils étaient étonnement bien traités. Leurs blessures avaient été soignées, leurs repas étaient bon, copieux même, lorsqu'ils parvenaient à l'avaler. On les sortait régulièrement -pour les toilettes seulement- mais il était évident que s'enfuir ne servirait à rien.

Yuri avait toutefois essayé, mais ils l'avaient facilement capturée à nouveau sans chercher à l'abattre. Ce qui sur le fond avait probablement été son objectif pour éviter de finir écorchés. Après tout, Shizuru n'imaginait pas que Yuri espèrait réellement s'échapper avec sa cheville dans une attelle.

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Yuri avait raison. Après 4 jours de cris se succéda 3 jours de calme. Ils auraient pu leur faire croire qu'on les avait oubliés.

Mais une semaine après le début de la torture de Tori, 3 hommes entrèrent dans leur cellule. Ils ressemblaient étonnement aux personnes gentilles et ouvertes d'esprit de l'Ecole. Les monstres pouvaient se dissimuler derrière les apparences les plus douces.

Des trois, ils étaient évidents de qui était le chef. Il avait un sourire quelque peu dérangeant, de petits yeux clairs de fouine et des cheveux blonds ébouriffés. Il était habillé d'un costume qui n'avait absolument plus court pour leur époque.

Yuri se tenait droite, le menton relevé dans un signe de fierté et de force. Shizuru, les sourcils froncés, observait la scène comme si elle était extérieure à tout ça alors que Mitsukaze se recroquevillait dans son coin comme espérant se faire suffisamment petit pour en devenir invisible. Malgré les soins, sa blessure avait dû commencer à s'infecter et il était fiévreux depuis 2 jours.

« Le garçon, désigna le blond en costume. Il n'est pas certain qu'il passe la semaine autrement. Gardons donc les femmes pour la suite, j'ai l'impression qu'elles seront plus amusantes que lui. »

Mitsukaze hurla alors qu'on le traînait à l'extérieur, se débattant comme un beau diable tout en pleurant comme un enfant. Honteuses d'elles, Shizuru et Yuri détournèrent le regard, soulagée au fond que ce ne soit pas leur tour.

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Les cris de Mitsukaze ne durèrent que deux jours.

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A l'aube de leur troisième semaine, l'homme en costume réapparut accompagné de ses deux comparses, toujours les mêmes.

Il sourit à Shizuru quand leurs regards se croisèrent et elle sut que c'était son tour. Elle n'eut pas la volonté ou la force de se débattre alors qu'on l'escortait dehors.

« Allez ma fille, il va nous falloir un peu plus de combativité que ça. »

C'était un étranger -européen ou américain- qui aurait pu être beau et avenant en faisant un effort mais son expression ne promettait que d'obscurs desseins.

Shizuru lui offrit un sourire qu'elle voulut amusée comme pour indiquer qu'elle ne lui ferait guère le plaisir de répondre à ses attentes. Sa propre réaction la surprenait. Il fallait croire qu'après des années de soumission, toute ce qu'elle avait vécu l'amenait aujourd'hui à ne plus exprimer sa peur de la même façon.

Elle avait trop vu de femmes suppliantes n'obtenir aucune grâce. Pire, certains savouraient l'effroi de leur victime. Elle ne leur ferait pas ce plaisir. Elle ne se soumettrait plus jamais à la domination des Hommes ou à ses propres peurs, sans une légitime raison.

« Tu t'amuseras moins dans quelques instants, rétorqua-t-il agacé de sa réaction. »

Alors qu'on la sortait du bâtiment sombre où on les retenait, Shizuru fut éblouie par le soleil et se retrouva à trébucher jusqu'à ce que ses yeux s'adaptent -plutôt rapidement. Elle se retrouva à observer les alentours pour découvrir un camp bien aménagé, établi dans un ancien chantier -gigantesque projet de complexes de logements, d'activités et de commerces- arrêté probablement peu après la construction de la superstructure.

Situé en bordure de la ville, légèrement en hauteur, Shizuru distinguait en contrebas toute la ville. Avec un peu de temps, elle aurait probablement pu repérer l'Ecole. Elle n'en eut toutefois pas le temps, son attention fut attirée par l'agitation d'une foule de plus d'une centaine de personnes de toutes âges et de sexes qui hurlaient dans les gradins d'une piscine. La piscine qui n'avait jamais été remplie contenait un tas de mordeurs qui grattait contre les parois attirées par les voix en tout sens. On tint Shizuru au bord et elle découvrit une dizaine d'écorchés, aux ongles cassés et aux gueules béantes. Les chaires noircis par la putréfactions et le Parasite, les os blancs parfois saillants sous les muscles malades en mouvement.

Des hommes, tout autour du bassin olympique, tenaient de longues perches de capture munis d'un lasso que les fourrières utilisaient pour les animaux.

« Donne nous un peu d'animation, chérie, ironisa l'homme alors qu'il coupait la corde qui retenait ses poignets et la jetait littéralement dans la piscine. »

Elle s'écrasa sur le sol sale et abîmé, douloureuse de la chute de plus de 2m qu'elle n'avait pas prévu. Elle eut un moment d'effroi devant ses créatures avant de se souvenir qu'elle ne craignait rien et que le spectacle allait rapidement être écourté.

L'homme en costume allait être déçu.

La foule d'ailleurs se calmait alors que les écorchés continuaient de griffer les parois sans s'intéresser à elle. Elle se redressa et, avec une assurance et une tranquille sérénité, épousseta ses vêtements dans lesquels elle se sentait incroyablement crasseuse après 2 semaines sans douches.

« Qu'est-ce que c'est que ça ? »

« Allez les mordeurs ! »

« Bouh »

Elle voyait les hommes autour du bassin s'agiter sans trop savoir quoi faire, certains tentant de pousser les mordeurs vers elle sans qu'ils ne parviennent à les intéresser. Shizuru s'approcha donc d'un de ses mordeurs en question et avant que l'homme ne le réalise, Shizuru s'empara brusquement de la perche et la tira vers elle. Surpris, l'homme bascula dans la fosse et s'étala au sol. Il se releva aussitôt et tenta de se diriger vers l'échelle alors que les mordeurs se dirigeaient d'un même mouvement vers lui. En haut, des cris d'inquiétude éclataient et Shizuru savoura le spectacle de cet homme agresseur devenant proie à son tour alors qu'il se faisait engloutir par ses propres pantins.

Toute prise par le spectacle, Shizuru remarqua le lasso qui lui enserra le cou qu'au moment où il lui passait par-dessus la tête et se resserrait. Une main vint rapidement se glisser entre son cou et la corde alors que l'autre se saisissait de la perche. Elle tentait de ne pas se faire étrangler. La prise se resserrait et elle commençait à étouffer. Ses pieds quittèrent le sol alors qu'on la remontait.

Elle se retrouva au sol, hors de la piscine, haletante, mais elle fut vite relevée par les deux comparses de l'homme en costume.

On indiquait quelque chose dans un magnétophone, et la foule huait mais une partie commençait à partir.

« Le spectacle a été annulé, on dirait. Votre gars n'a pas couru longtemps cela dit. C'était un peu décevant, croassa-t-elle hilare. »

Le coup de poing n'avait rien d' inattendu, mais la douleur restait toujours étonnement surprenante. L'homme ne devait pas savoir viser car il avait atteint sa bouche et elle se demanda s'il ne lui avait pas ébréché une dent.

« Je ne sais pas comment tu as fait ça, mais je suis sûr que tu seras heureuse de bientôt tout me raconter, cracha-t-il en se massant les phalanges. »

Elle n'avait pas été la seule à souffrir de ce coup de poing.

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On la traîna autre part, dans un bâtiment annexe de là où elle avait été retenue. On la menotta rapidement dans le dos et on la fit s'asseoir sur un tabouret, alors que l'homme en costume prenait le temps d'ôter sa veste et de rouler ses manches.

« Je m'appelle John Smith. Et vous miss ? »

Shizuru garde le silence mais des mains se resserrèrent sur ses épaules.

« Allez, dites moi. Je vais bientôt vous connaître intimement. Croyez-moi, dit-il en déroulant une sacoche de cuir emplie de couteau et de pinces. Je vous connaitrais mieux que votre mère et votre amant. »

Ce ne serait pas bien difficile, songea ironiquement Shizuru.

Elle observa les longs doigts de John glisser amoureusement sur les instruments, elle voyait dans son regard et ses gestes un mélange de fascination pour lui et de spectacle pour elle.

« Vous vous êtes coupés en me frappant j'ai l'impression, indiqua Shizuru. »

Ses phalanges saignaient ouvertes de sa collision durant son coup de poing. Elle comprit mieux le goût du sang dans sa bouche qui ne provenait pas tant d'une blessure chez elle que de celle qu'il s'était faite en la frappant.

« Ce n'est pas grand chose, dit-il, mais tu as raison, tu as réussi à me blesser d'une certaine manière. »

Il sortit un couteau qu'il aiguisa lentement. D'un signe de tête, son comparse arracha la manche droite de Shizuru. Elle détourna le regard au moment où John appliquait sa lame contre sa peau. Elle savait ce qui allait se passer. Elle futt incapable de retenir son cri de souffrance quand il commença à détacher sa peau de sa chaire au niveau de son biceps.

Il prit son temps, s'arrêta au bout de 5 cm, pour nettoyer son arme et nettoyer son œuvre avec un mélange d'eau salé qui est tout aussi douloureux que la plaie, "pour y voir plus clair".

« Stop, balbutia-t-elle en boucle. S'il vous plait, stop. »

L'homme se redressa et Shizuru fut surprise de voir sur une petite horloge accrochée au mur qu'une demi-heure s'était déjà écoulée. Elle avait l'impression de délirer et ressentait une chaleur et une suée, des signes d'humanité qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps.

« Ton nom ?

-Shizuru. Fujino Shizuru, psalmodia-t-elle maladroitement.

-Tu as des choses intéressantes à me raconter ? Peut-être pourquoi nos mordeurs n'étaient pas intéressés par toi ? Ce qui m'a rendu très intéressé par toi. »

Shizuru rejeta sa tête en arrière et tenta une nouvelle approche en basculant soudainement sur le côté pour mordre la main qui la retenait. Le comparse, dont elle ne connaissait pas le nom mais qui avait le physique du japonais classique, hurla et la frappa à son tour. Elle bascula au sol sous le coup et alors que "comparse 1" berçait sa main sanglante contre sa poitrine. Comparse 2 -un homme qui faisait petite frappe, avec ses bras dénudés et tatoués, et son crâne rasé- l'attrapa par les cheveux pour la remettre sur son tabouret.

Shizuru gémit, la pommette douloureuse, le cuir chevelu douloureux, le bras douloureux. Le corps entier, courbaturé de façon générale par son manque de mouvement des dernières semaines et d'avoir été jeté de la piscine.

« Mauvais mouvement, Fujino-san. »

La danse de son couteau juste sous sa peau reprit, 10cm cette fois créant une bande de 5 cm sur 15 entre son épaule et son coude. Elle hurla, les muscles de son bras tressautant sous la souffrance et la peur.

« Je repose ma question. »

Ces nerfs étaient à vif, c'était un nouveau type de douleur.

Une heure.

L'homme prenait son temps, mais Shizuru avait la sensation de vivre une éternité de souffrance. Tori avait enduré ça 4 jours durant. Mitsukaze deux. Shizuru n'avait pas l'impression de pouvoir survivre à la journée.

Elle s'était mordue l'intérieur de sa joue sans le vouloir, les yeux papillonnant alors qu'un voile noir tentait de recouvrir son esprit.

La petite frappe se plaça face à elle et lui fila deux baffes pour la maintenir consciente. Elle lui cracha dessus le mélange de sang et de salive qui envahissait sa bouche. Le crachat s'étala de sa joue à sa bouche et il crachota à son tour avec dégoût la partie qu'il avait reçu dans sa bouche. Shizuru ne pouvait s'empêcher un petit rire délirant que le nouveau coup de poing au visage n'aida probablement pas.

« Tu changes au moins des habituels nigauds qui hurlent à la pitié, jugea tranquillement John Smith.

-Allez vous faire voir, hoqueta-t-elle. »

L'heure suivante fut passée à lentement enlever de nouvelles bandes de peau à côté de la première. Sa main se crispait involontairement et son bras se sentait tétanisé de douleur. Etait-ce le fait que le dépeçage ne déchirait ni muscle ni organe ou que l'éclairage était horrible -digne d'un vieux film d'horreur, avec l'ampoule grésillante- John ne semblait pas percevoir les filets de sang noir parmi le rouge.

L'horloge au fond de la salle égrena une deuxième heure, alors qu'elle pleurait durant un intermède.

L'homme ne posait plus de questions depuis et Shizuru, dans l'espoir que la souffrance cesse un peu plus longtemps, se mit à parler d'elle-même.

John Smith avait l'air fatigué cependant, son visage était crispé et en sueur, il prenait des pauses plus régulièrement, non pas pour nettoyer ses plaies à l'eau salé, mais simplement pour se reposer. Ses mains tremblaient et son front semblait moite.

« Vous n'avez pas peur de choper quelque chose, balbutia-t-elle la bouche pâteuse et le ton groggy, cassé par les cris. »

Les mains de John Smith étaient sombres, couvertes de son sang au point qu'il dissimulait la coupure sur ses phalanges.

« On s'inquiète pour moi ? s'amusa-t-il. Tu devrais plutôt t'occuper de toi. »

Elle sourit à nouveau, goguenarde.

« Vous savez, j'avais une théorie à... tester, bredouilla-t-elle.

-Ah, voyez-vous ça, s'amusa-t-il le front luisant.

-Vous m'avez demandé pourquoi les mordeurs ne m'attaquaient pas ? La réponse est plutôt simple, rit-elle. Je suis à peu près sûre d'en être une moi-même."

Il y eut un silence pesant avant que la petite frappe ne prenne la parole.

"Chef, on l'a probablement tapé trop fort, se moqua-t-il. Elle délire.

-Non, je ne délire pas, répliqua-t-elle avec fermeté. Vous n'avez qu'à relever mon autre manche."

Les 3 hommes s'observèrent et finalement celui qu'elle avait mordu arracha son t-shirt en entier.

Il y eut un silence étouffant dans la salle. Trois paires d'yeux observaient les dizaines de morsures qui maculaient son bras et son flanc gauche, les lacérations de son dos et la bande rouge de son bras. Les marques d'un corps jeune qui avaient déjà trop souffert et trop vu. Mais leur regard s'attardait essentiellement sur les morsures.

Ils commençaient à réaliser...

Shizuru se leva, les jambes flageolantes. Personne ne l'arrêta, au contraire ils eurent même un mouvement de recul. Elle se retourna pour leur faire face dans son soutien gorge, le menton levé, tentant d'ignorer les étoiles noires qui dansaient devant ses yeux.

« Avec un baiser j'ai transformé un ado en cauche- en mordeur. En quelques heures à peine. Un baiser de quelques secondes. D'après vous, ça vous laisse combien de temps avant de devenir un mordeur à votre tour. Vous que j'ai mordu, dit-elle en pointant le menton vers "comparse 1", vous qui avez malheureuse pris dans la bouche un mélange de sang et de salive -indication vers la petite frappe-, ou vous John Smith qui êtes maculé de mon sang alors que vous êtes fait une petite plaie ouverte toute à l'heure en me cognant.

-Chef, elle délire, n'est-ce pas ? Demanda celui qu'elle avait mordu avec un début d'effroi.

-A votre place, je ne le laisserai pas sortir d'ici. L'infection peut se répandre très vite, celle dont je suis porteuse surtout. Mon groupe a été décimé en moins d'une nuit.

-Chef !

-Elle ment, gueula John Smith même si un début de panique émergeait aussi dans son regard.

-Vous semblez fiévreux pourtant. Mal à la tête?

-Vous voyez bien qu'elle ment ! cria John Smith la panique de ses comparses. Elle va bien, elle parle. Ses morsures sont anciennes et cicatrisées, elle serait un mordeur déambulant dans les rues avec toutes ses morsures autrement!

-A priori je suis un cas à part, ironisa-t-elle avec une fausse confiance. Vous l'avez bien vu, je n'ai pas attiré les mordeurs dans votre petit jeu. Je suis à peu près sûre que c'est votre cas aussi maintenant. Seulement vous, vous ne garderez pas votre identité et vos pensés.

-On va bien voir, s'exclama John Smith en s'approchant d'elle. »

L'un des deux autres hommes l'intercepta cependant et apposa sa main sur son front avant de reculer.

« Putain, jura-t-il. Vous êtes brûlant. »

Comparse 1, qui avait été mordu, fit un pas en arrière et avant que ses compagnons ne réagissent, il sortit de la salle en courant.

Shizuru se redressa plus encore.

« Tic tac, les garçons, se moqua-t-elle avec une fausse bravade qui finit de les déstabiliser.»

Toutefois, plutôt que s'enfuir, la petite frappe tatoué et John Smith l'attrapèrent à nouveau et, par vengeance ou volonté de se convaincre qu'elle leur mentait, ils décidèrent de reprendre leur torture, de finir son bras.

ça ne dura qu'une petite quoique affreuse demi-heure, avant que John Smith, la main de plus en plus tremblante, soit obligé de s'arrêter. Sa lame venait de riper s'enfonçant dans la chair et faisant finalement jaillir un flot de sang veiné de noir qu'ils ne pouvait plus louper.

Shizuru respirait rapidement, les yeux papillotant et son propre bras tremblant d'une douleur abjecte. Elle s'efforçait de ne pas perdre conscience.

John Smith, malgré la preuve flagrante de sa contamination, allait trop mal pour y réagir. Il finit plutôt par s'asseoir à même le sol. Alors que son homme de main s'agenouillait à côté de lui, inquiet malgré tout de ses assertions, Shizuru jugea que c'était le moment où jamais pour agir.

Elle ignora si cela fonctionnait vraiment mais elle avait lu plusieurs fois dans des romans policiers que des menottes pouvaient s'ôter en se déboitant le pouce. Il est étonnement difficile de se faire mal soi-même mais elle s'y efforça néanmoins. Elle mit près de dix minutes à y arriver, se mordant l'intérieur de la joue pour retenir son cri de douleur alors qu'elle retirait une main des menottes et retrouver ainsi sa pleine mobilité.

Effectivement, ça restait douloureux, mais elle avait déboîté le pouce de sa main droite. La chair à vif du bras en question avait comme grillé temporairement les nerfs sensitifs, anesthésiant presque les douleurs de son pouce déboité.

L'homme de main giflait doucement son chef à présent, tentant de le réveiller sans vraiment y arriver. Shizuru, les jambes tremblantes et un bras inutile -le droit cette fois- se déplaça aussi silencieusement que possible dans son dos, jusqu'à atteindre le plus gros des couteaux de John Smith, celui muni d'un épais manche en acier. L'arme était lourde dans sa main mais c'était un point réconfortant.

Du manche, elle frappa violemment l'arrière du crâne. Elle dut s'y reprendre à deux fois pour l'assommer, heureusement le premier coup l'avait suffisamment sonné pour qu'elle réussisse à lui asséner le deuxième sans trop de défense de sa part.

Elle prit quelques minutes pour respirer et se ressaisir et s'en alla récupérer rapidement des serflex pour fermement attacher les deux hommes -poignet et cheville. Puis, elle roula les couteaux dans leur sac de cuir -sauf le plus gros qu'elle garda avec elle- et fit disparaître la sacoche au cas où ils se réveilleraient en son absence et voudraient s'en emparer d'une façon ou d'une autre pour se détacher.

Il était évident que John Smith était fiévreux. Une fièvre soudaine et aussi terrassante indiquait forcément qu'il était contaminé par le Parasite.

Il y avait donc un point positif à son état. Sa capacité, à présent démontrée de contaminer quelqu'un en quelques heures avec très peu de son matériel biologique, venait de lui sauver la mise. Cela signifiait aussi la terrifiante réalité qu'elle était bel et bien responsable de la chute du Clan. Son sang était porteur d'une forme de l'Otome vraisemblablement plus agressive. Elle voulait toutefois confirmer à présent que ce parasite muté donnait bien des Cauchemars...

Elle avait besoin de le voir de ses yeux, de pouvoir statuer définitivement ce qu'elle était et pouvait faire.

Toutefois, si c'était le cas, elle ne voulait pas qu'aucun contaminé de cette version du parasite ne se répande. Surtout aussi près de l'Ecole. Ce serait une situation des plus tragique. Shizuru devait retrouver celui qu'elle avait mordu.

Elle récupéra l'arme à feu que le tatoué portait et fouilla les pièces voisines pour trouver de quoi se vêtir si elle voulait sortir et retrouver l'homme sans se faire trop remarquer.

Elle ne trouva qu'un sweat trop grand pour cacher son t-shirt déchiré. Elle en rabattit la capuche et s'apprêta à sortir, s'inquiétant de la façon de s'y prendre pour retrouver l'homme et espérant qu'il n'ose pas avertir qui que ce soit de la situation.

Parce qu'elle méritait un peu de miséricorde, elle entendit de l'eau couler, provenant d'un couloir adjacent. Shizuru s'en approcha lentement, sa main gauche tenant plutôt maladroitement l'arme à feu. Craintive en premier lieu de rencontrer un autre homme de main, elle fut soulagée de découvrir "comparse 1" dans des toilettes communes. Il pressait sa plaie sous l'eau comme s' il tentait d'en faire sortir le parasite comme on appuierait pour faire sortir du pue.

Il était frénétique et paniqué. Totalement inattentif à son environnement.

« Salut, dit-elle. »

Hagard, l'homme releva la tête et la crosse de l'arme se fracassa au milieu de son visage, lui brisant le nez. Le second coup pour faire bonne mesure s'écrasa contre sa tempe et il perdit à son tour connaissance.

Shizuru l'attacha avec son serflex et s'en alla fouiller le reste du petit bâtiment, s'assurant bien qu'elle y était seule avec le 3 hommes. Elle verrouilla tous les accès qu'elle put et attendit.

John Smith fut le premier à reprendre connaissance. Sa fièvre avait chuté dans le quart d'heure suivant.

« Dé-couper... grogna-t-il. Fu-ji-no... »

Il semblait tout à la fois hagard et lucide, clairement contaminé cependant.

« Vous me comprenez ? demanda-t-elle en se penchant vers lui.

-Comme... moi ? demanda-t-il d'une voix hachée, presque méconnaissable.

-Non, je ne suis pas comme toi, se défendit-elle.

-Con- taminé ?"

Et puis, il claqua des mâchoires.

"Dé... couper."

ça ressemblait étonnement à un ordre ou du moins à l'expression d'un profond désir.

Son homme de main s'agitait à son tour et Shizuru lui laissa le temps de se réveiller en allant vérifier celui qu'elle avait abandonné dans les toilettes. Tous les 3 étaient bien contaminés, les deux hommes de main étaient au stade de la fièvre mais on ne pouvait pas s'y tromper.

Cela n'avait pas demandé grand-chose -un peu de sang, un peu de salive durant quelques secondes- et seulement quelques heures d'incubation...

Shizuru essaya de leur parler mais s'ils pouvaient comprendre et communiquer jusqu'à un certain point, ils ressemblaient à de vieilles cassettes qui sautaient. Leur conversation allant toujours d'une obsession qui leur était personnelle à un envie de contaminer propre au parasite. Ils s'interrogeaient tous sur le fait de l'intégrer à leur groupe ou non. Comme s'ils y avaient une volonté chez eux de s'organiser, savoir clairement si on était avec ou contre eux.

Pour John Smith, attaché avec un de ses hommes de main, il y avait même un phénomène de domination. La petite frappe exprimait moins ses propres obsessions, il affichait bien une envie de contamination mais il tentait aussi de répondre à la demande de John Smith quand celui-ci demandait -grognait- d'être détaché. Shizuru le retrouva en train d'essayer de ronger le serflex. Par une curiosité peut être morbide, elle avait récupéré un des couteaux de John Smith pour observer leur réaction. La petite frappe s'était aussitôt dirigée vers l'arme, tentant ensuite -dos à dos avec John- de couper le serflex.

Shizuru avait au moins répondu à toutes ses questions. Elle était effectivement plus infectieuse que les mordeurs classiques : 2-3h plutôt que 2-3 semaines. C'était un parasite différent qui donnait des Cauchemars plutôt que des mordeurs. Des êtres intelligents, capables de communiquer, de s'organiser, de faire preuve de stratégie, d'utiliser des outils et d'exprimer des désirs personnels.

Capable aussi de se nourrir, se rappela-t-elle.

Shizuru les avait exécutés rapidement et sans remords.

Il lui restait à comprendre ce qu'elle comptait faire ensuite.

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Elle pouvait retrouver Yuri et tenter de s'échapper, mais elles risquaient de se faire repérer et arrêter. Et cela ne réglerait pas la dangerosité des pillards. Il n'y avait peut-être que John Smith qui aimait écorcher leur prisonnier, mais les autres aimaient les utiliser comme participants à leur jeu du cirque. Qu'arriverait-il à la prochaine patrouille qui se ferait capturer ou à des survivants voyageurs comme elle l'avait été ?

Elle n'avait pas non plus l'impression d'avoir vengé Tori et Mitsukaze.

Il fallait élaborer un plan. Dans l'enceinte même de leur camp et à leur portes, ils se trouvaient tout un tas de mordeurs impatients d'attaquer. Leur ouvrir les portes serait une bonne façon de détourner l'attention des pillards de leur évasion mais aussi de les affaiblir.

Après tout, c'était eux qui avaient attaqué en premier. Ils étaient temps qu'ils apprennent ce qu'était la défaite. Et être attaqué sur son propre territoire, c'était déjà avoir perdu, lui avait-on dit.

Elle sortit donc de la bâtisse et ajusta la capuche de son sweat pour masquer son visage. Malgré les coups de poing et le visage tuméfié, Shizuru était à peu près sûre qu'on la reconnaîtrait. Son bras la brûlait affreusement sous le sweat dont le tissu collait contre sa chair à vif, mais elle devait continuer, elle ne pouvait pas s'arrêter maintenant. Elle s'assura que les portes derrière elle étaient bien fermées et elle se dirigea vers la piscine. Des mordeurs oscillaient dans la fosse, Shizuru se demande si Tori ou Mitsukaze s'y trouvait, mais les mordeurs avaient été écorchés jusqu'à leur visage, les rendant méconnaissables.

Shizuru grimaça à la réalisation qu'elle ne savait pas comment sortir les mordeurs de la piscine. Il n'y avait aucune façon facile de les en faire remonter et elle ne se sentait certainement pas la force de les tirer un par un avec leur lasso de capture. Elle se massa la gorge inconsciemment et en ressentit une légère douleur, lui rappelant que ça ne faisait que quelques heures que cela s'était passé.

Elle s'efforça de se concentrer à nouveau. C'était donc une des porte donnant sur l'extérieur du camp qu'elle devait ouvrir. Ou du moins un accès dans lequel entraîner les mordeurs.

La journée était ensoleillée et bien avancée, Shizuru ne voulait pas perdre de temps. Elle ignorait si ce genre de camps imposait un couvre feu et les 3 hommes pouvaient être attendus. Quelqu'un finirait bien par s'inquiéter de leur absence.

Elle repartit vers ce qu'elle pensait être l'enceinte du site. Du coin de l'œil, elle observa comment étaient protégés les lieux. Les gardes n'étaient guère attentifs. Ils parlaient, buvaient mais Shizuru était convaincue, du peu qu'elle pouvait apercevoir entre certaines barrières, qu'il y avait un long no man's land derrière ces murs. Cela permettrait au garde de repérer et d'attaquer à vue. Aucun bâtiment, aucune végétation mais beaucoup de mordeurs cependant, une muraille vivante. Ils avaient probablement une façon de les éloigner de leurs accès pour pouvoir entrer et sortir mais Shizuru allait devoir se montrer inventif pour qu'ils n'y parviennent pas cette fois. Les mordeurs allaient rentrer dans leur camp, d'une façon ou d'une autre.

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Shizuru déambula dans les ombres des bâtiments sans trop se cacher. Trop se cacher intriguerait quiconque l'apercevrait.

Elle découvrit le gigantesque complexe à moitié construit et réadapté à leur goût et besoin après la Chute. Beaucoup des résidents y étaient armés, divers véhicules étaient déposés à droite à gauche. Il y avait comme un marché qui proposait absolument de tout, des armes notamment où elle fut à peu près certaine qu'on proposait les armes qu'on leur avait confisqué.

Elle ne savait toujours pas trop comment s'y prendre jusqu'à ce que son regard tombe sur une étale en particulier. On y vendait des explosifs et, plus loin, un autre vendait des bidons de gazole pour les différents véhicules. Shizuru resta de longues minutes dans un coin à observer le vendeur des explosifs, ils piquaient du nez alors que la journée s'écoulait sans attirer de clientèle. Shizuru fit le tour pour se glisser dans son dos et attendit le moment propice pour subtiliser 2 explosifs qu'elle dissimula aussitôt dans les larges poches de son sweat.

Dans un coin plus sombre du complexe, elle siphonna un réservoir dans une bouteille en verre d'alcool abandonné. Elle confectionna adroitement un cocktail molotov comme elle avait pu voir le Clan les réaliser. Heureusement pour elle, tout le monde était pris dans une activité ou une autre, tout le monde fumait, tout le monde était distrait, personne ne se préoccupait de personne. Chaparder un briquet fut sans difficulté.

Pour faciliter son évasion et son projet, elle patienta jusqu'à ce que la nuit tombe. Lorsqu'il fut suffisamment sombre pour que des flammes soient facilement visible sur un fond nocturne, Shizuru alluma son cocktail et le lança avec précision sur les bidons d'essence. Le feu gonfla rapidement et la population s'agita sans savoir quoi faire. Mais au fond, il n'y avait pas grand chose à faire. Rapidement, le feu courut sur les bidons usés et une déflagration impressionnante éclata. Un feu gigantesque et dévorant venait de naitre, attaquant une partie conséquente de leur site.

Shizuru était déjà loin, partie dans les ombres et se déplaçant rapidement sur un terrain qu'elle avait eu l'après midi à étudier.

Elle croisait des gens qui se précipitaient vers le feu pour tenter de l'éteindre. Elle leur souhaita intérieurement bien du courage, car, même en s'éloignant, le feu dessinait des ombres jusqu'au loin, dans le complexe.

Shizuru sortit le premier explosif, de la dynamite dont elle alluma la mèche et lança vers une partie de la muraille qui lui paraissait plus fragile que le reste. La déflagration fut soudaine. Elle manqua d'être jetée au sol par le souffle de l'explosion.

De nouveaux cris éclatèrent alors qu'on se précipitait vers la brèche, car elle venait bel et bien de créer une brèche dans leurs murs. Shizuru se releva en dérapant et se dirigea aussitôt vers les cellules où elle avait été gardée. Elle prit beaucoup plus de temps qu'espérée à forcer la porte de la cellule pour en sortir Yuri. La femme qui avait bien évidemment entendu les explosions ne cessait de lui demander ce qui se passait.

« Viens, lui ordonna-t-elle. Allez dépêche toi. »

Yuri tituba contre elle avec son attelle stabilisant toujours sa cheville cassée. Yuri drapa finalement son bras sur l'épaule de Shizuru et ainsi soutenu, elles purent se précipiter dehors. Yuri grimaçait mais elle ne lui demanda pas de ralentir, alors qu'elle sautille plus qu'autre chose sur sa seule jambe valide.

« Hé ! Cria quelqu'un en les apercevant. »

Shizuru tendit l'arme à feu à Yuri qui comprit aussitôt ce qui lui était demandé. Elle tira et abattit adroitement l'homme.

« Que comptes-tu faire ? Où va-t-on ? »

C'était l'agitation dans le camp. On courait et criait de toute part. Shizuru se permit un rapide coup d'œil en arrière. On tirait au niveau de la brèche, cela avait dissimulé en partie leur propre coup de feu. Mieux, toute cette agitation attirait sans cesse plus de mordeurs. Shizuru espérait qu'ils parviennent à entrer. Elle alluma le second explosif et le lança sur le mur d'enceinte à une cinquantaine de mètres de la principale porte d'accès.

Yuri tira aussitôt vers la brèche pour s'y échapper mais Shizuru la retint.

« Non, c'est pour les attirer. »

On courait de nouveau vers cette nouvelle explosion et brèche. Shizuru continua de se déplacer cette fois vers la principale porte d'accès. Comme attendue, leur désorganisation et les explosions avaient fait disparaître la plupart des gardes. Il n'en restait que deux.

« Abats-les. »

Les tirs précis de Yuri n'attirèrent pas l'attention parmi tous ceux qui tonnaient aux alentours alors qu'on défendait les brèches des mordeurs.

Shizuru laissa Yuri s'appuyer contre un mur et s'empressa de s'approcher de la porte d'accès au camp pour s'arc-bouter contre elle. Avec effort, elle arriva à l'ouvrir. Elle revint rapidement vers Yuri pour l'aider à marcher et elles s'avancèrent vers la sortie. Yuri commença à ralentir à ce moment-là.

« Qu'est-ce que tu fais ? S'agaça Shizuru épuisée et inquiète qu'on finisse par remarquer leur échappatoire somme toute discrète.

-Comment ça « ce que je fais » ? Je ne veux pas mourir espèce d'idiote! Tu ne les vois pas?"

Des mordeurs. Par dizaine, peut-être même par centaine qui se précipitaient en effet vers elles et le camp, via la porte qu'elle venait de leur ouvrir, vers le bruit et les lueurs de l'incendie qu'elle avait déclenché. Ils étaient littéralement attiré comme des papillons par une flamme.

« Ecoute, dicta Shizuru d'une voix qu'elle se voulait assurée. Il va falloir me faire confiance sur ce coup-là. »

Et en espérant ne pas se tromper, convaincue que les mordeurs classiques distinguaient les contaminés des personnes saines de la même manière qu'elle, Shizuru ôta rapidement son t-shirt déchiré, tâché de son sang et de deux semaines de sa crasse, riche de son odeur pour le nouer tant bien que mal autour de Yuri. Sans prendre en compte ni ses questions ni son dégoût et après avoir remis son sweat, elle la cala au plus près d'elle.

« Allez, ordonna-t-elle. »

Yuri ne réagit pas immédiatement, ne comprenant pas pourquoi elle venait de nouer son t-shirt crasseux quasiment sous son nez. Elle tenta de se reculer une nouvelle fois devant les mordeurs qui se glissaient à travers le passage.

Yuri se figea finalement alors que Shizuru la retenait. Mais il n'arriva rien, les mordeurs poursuivirent leur chemin vers le camp sans s'en prendre à elles. Elles étaient comme un rocher dans une rivière tumultueuse, altérant la course des flots.

« Allez, répéta Shizuru à voix basse. »

Yuri, silencieuse, se laissa mener, hébétée.

Elles s'enfoncèrent lentement dans les ténèbres et parmi les mordeurs et écorchés.