Disclaimer : L'univers de Diablo appartient à Blizzard


Interlude - Première partie

Chapitre 2 : Entre la vie et la mort

###

L'attente me paraît durer des heures. Je ne sais pas trop si c'est de fatigue ou autre chose, mais je finis par somnoler. Contrairement aux potions de régénération que Jarzeth m'avait données à boire, la médication d'Adria a l'avantage de diminuer grandement la douleur. J'arrive plus ou moins à me reposer.

Je sursaute presque lorsque la porte s'ouvre sur Kashya. A sa suite, drapée dans une robe en plusieurs pans d'un violet profond, s'avance la Grande Prêtresse Akara, en personne. Elle fait signe à Moiraine et Jarzeth de rester assis lorsque ces derniers se lèvent pour la saluer. C'est la première fois que je la vois. Je suis subjuguée.

C'est une femme sans âge aux yeux d'un gris clair perçant et à la longue chevelure blanche. Son aura est visible sans peine. Je n'ai même pas besoin de me concentrer pour la voir. Elle forme un large halo laiteux autour d'elle. Il se dégage de cette femme une sérénité et un contrôle absolus. Tout comme ma maîtresse d'arme, elle possède cet étrange visage inexpressif. J'imagine que c'est une qualité qu'elles cultivent pour les besoins de leur art.

La Grande Prêtresse s'approche. Elle écarte les pans de ce que je pensais faire partie de sa robe, dévoilant une riche tunique rouge bordeaux en dessous. Elle s'assoit sur la tranche de mon lit, puis retire la couverture et le bandage qui me ceint l'abdomen. D'un geste sec, elle m'empêche de baisser la tête alors que je m'apprête à regarder.

- "Ce n'est pas quelque chose que tu souhaites voir mon enfant." Me dit-elle.

Sa voix est chaude et douce. Ce qui tranche avec la froideur naturelle que son apparence dégage.

- "Regarde-moi." M'ordonne t-elle. Je plonge dans son regard d'acier. Elle semble me sonder au plus profond de mon âme. "Je peux te soigner." Dit-elle posément. "Mais tu vas devoir faire un choix." J'ose à peine cligner des yeux. "Dans tes veines coule une drogue puissante qui bloque une grande partie de la douleur mais comprends bien que ton corps est en train de succomber à la blessure que tu as reçue. L'infection a empoisonné ton sang. C'est pour cela que tu es aussi affaiblie. Comprends que le poison aura raison de toi. Ce n'est qu'une question d'heures." Mes larmes se mettent à couler sans que je puisse faire quoique ce soit. Bien qu'elle ne fait, malheureusement, que confirmer le diagnostic de Pipin, la brutalité de sa déclaration m'est un coup de poignard en plein cœur. "Le choix est le suivant." Poursuit-elle sans tenir compte de mon état émotionnel. "Mourir en paix dans l'ivresse de la drogue ou guérir en supportant l'état réel de ta condition physique."

Sur le coup, je ne comprends pas le choix absurde qu'elle me propose. Évidemment que je veux vivre, surtout maintenant que je sais que je peux être sauvée et rien ne peut être pire que ce que j'ai déjà traversé. Mais la précision qu'elle porte ensuite me glace le sang.

- "Pour te guérir, je dois purger tout ce qui corrompt ton sang, la drogue y compris. Ce qui signifie que plus rien n'arrêtera la douleur mais aussi le reste… Il n'est pas garanti que tu le supportes. Ce passage à la frontière de la mort, peux t'y faire plonger ou faire sombrer ton esprit dans la folie. Que choisis-tu?"

Je dévisage la Grande Prêtresse comme pour trouver le moindre indice qu'elle pourrait mentir ou me proposer une alternative. Mais elle se contente de me fixer de ses yeux glacés et de son expression de poupée de cire. Je tourne la tête vers Moiraine à la recherche de réconfort. Elle a les yeux embrumés mais elle tente de me sourire. Je vois bien que le cœur n'y est pas.

Je prends quelques secondes pour réfléchir à la proposition d'Akara. Si la possibilité de se laisser glisser dans le repos éternel dans la torpeur qui est actuellement la mienne est séduisante, mon désir de vivre est plus fort. Je sens comme quelque chose qui m'appelle. Un instinct, une force qui me pousse vers l'avant. De plus, ils sont déjà plusieurs à avoir tout risqué pour me sauver. Je dois leur faire honneur.

Je m'y reprends à plusieurs fois avant de pouvoir formuler la requête en entier.

- "Je veux vivre... mais… la mort… plutôt que la folie…"

Le visage de la Grande Prêtresse s'adoucit légèrement et je devine presque l'esquisse d'un sourire poindre à la commissure de ses lèvres.

- "Kashya, va chercher deux bassines, de l'eau et des linges propres. Pour le reste, tu as ce qu'il faut." Dit-elle sans élever la voix.

Ma maîtresse d'armes part sur le champ, claquant la porte derrière elle. A ma grande surprise, Akara se tourne soudainement vers Moiraine et lui attrape le visage d'une main ferme.

- "Nous n'avons pas le temps pour cela, mais je dois en avoir le coeur net." Son ton est plus dur. "Je sais que Kashya ne voit pas ces choses là comme la plupart d'entre nous, et j'ai bien conscience que tu fais tout pour le dissimuler mais ne t'avise même pas de tenter avec moi. Qu'as-tu fait à ton corps éthéré? Tu es mutilée."

Elle n'élève pas la voix pourtant j'ai l'impression que ses mots sont comme des coups de fouet. Se produit alors quelque chose que je n'aurai jamais cru voir de ma vie. Moiraine fond en larmes.

- "Je vous demande pardon." Sanglote-t-elle. "Je n'ai pas eu le choix… Il n'y avait pas d'autres moyens..."
- "C'est de ma faute." Tente Jarzeth. "Je n'étais plus en mesure d'accomplir le rituel. Elle a dû le faire à ma place."

Alors que je pensais qu'Akara était inexpressive, je vois soudainement son visage exprimer une colère implacable envers le mage.

- "Quel rituel?" Demande-t-elle froidement.
- "Un sceau d'emprisonnement démoniaque."

Elle le scrute un moment avant de relâcher Moiraine.

- "Vous portez les traces de l'utilisation massive des forces chaotiques mais elles semblent bien moindre chez vous." Elle fronce les sourcils. "D'ailleurs, votre corps éthéré est très différent de ce que l'on voit habituellement chez les mages. Je dirai que vous pratiquez une forme de discipline qui préserve votre intégrité. C'est rare pour votre caste, Vizjerei." Dit-elle. Il acquiesce lentement. Elle le dévisage avant de se tourner vers Moiraine, l'air peiné. "Pouvez-vous l'aider?" Demande-t-elle finalement.
- "Sans doute." Répond-il. "Je peux lui enseigner ce que je sais, au moins. Toutefois, je n'ai pas le don de vision comme vous autres. Je ne peux agir que d'une manière théorique et instinctive." La Grande Prêtresse soupire et secoue la tête.
- "J'avais placé tant d'espoirs en toi, Moiraine." La déception est palpable.
- "Elle a l'étincelle aussi." Réplique ma sœur en me regardant. Elle sèche ses larmes d'un geste rageur. "Je ne l'avais pas vu avant. Elle était trop dormante. J'ignore comment, mais elle s'est soudainement dévoilée."
- "Je le sais. Je la vois aussi. Mais ce n'est pas parce qu'une autre opportunité s'offre à moi que je ne peux être attristé et en colère de te voir ainsi mutilée. Toutes les sœurs sont précieuses à mes yeux. Toutes." L'espace d'un instant, elle semble sincèrement blessée, puis son expression redevient neutre. "Nous verrons en temps et en heure ce que nous ferons pour ce problème particulier. Il y a beaucoup de points à éclaircir sur votre mission à Tristram." Déclare-t-elle froidement. "Pour l'heure occupons nous de toi, mon enfant." Conclut-elle en se tournant vers moi.

Au même instant, Kashya entre avec le matériel demandé. Je vois dans son regard appuyé à l'attention de Moiraine qu'elle a remarqué que quelque chose d'important s'était passé mais elle reste stoïque. Elle se contente de déposer aux pieds de la Grande Prêtresse les bassines et de donner à Jarzeth les linges et un broc rempli d'eau. Elle confie son poignard à Moiraine, qui le prend d'une main tremblante.

- "Sors maintenant." Ordonne Akara à ma maîtresse d'armes.
- "Madame, Annor est l'une de mes élèves. Je…"
- "Justement… sors." L'injonction est ferme et sans appel.

Sans un mot Kashya rebrousse chemin. Nos regards se croisent une dernière fois. L'espace d'un instant, je crois y lire de l'inquiétude.
La Grande Prêtresse pose une main sur mon front et dégage mon visage de mes cheveux trempés de sueur.

- "Quoiqu'il advienne maintenant, c'est à toi qu'il revient de trouver la force de résister." Me dit-elle. Je déglutis. "Es-tu prête?"

Évidemment, je ne le suis pas, mais j'acquiesce néanmoins. Je sens ses mains se poser douloureusement à l'endroit de la blessure.

- "Je vais purifier ton sang." M'explique-t-elle. "Je partagerai ma vie avec toi pour guérir ta blessure mais le reste du chemin, ça sera à toi de le faire."

Ses yeux deviennent uniformément blanc et se mettent à luire. Son aura se déploie soudainement autour d'elle. Je n'ai jamais rien vu de tel. Sa lumière occulte tout. Je ne vois plus qu'elle. Elle est à la fois magnifique et terrifiante. Je sens mes forces me quitter rapidement et la douleur se réveiller. Au début, c'est tout à fait supportable, mais bientôt je me sens perdre pieds totalement. Je m'accroche à la silhouette diffuse de la Grande Prêtresse noyée dans cet océan de lumière. J'ai de plus en plus de mal à contrôler ma respiration alors que la douleur augmente.

Lorsque le pic est atteint, ou du moins ce que j'imagine l'être, mon corps cesse de m'obéir. Je m'arc-boute et me contortionne violemment. Mes hurlements sont bloqués dans ma gorge. Je n'ai pas l'air suffisant dans les poumons pour les produire. Très vite, je sens que je me vide de mes forces de manière si brutale que j'ai l'impression de tomber indéfiniment dans les ténèbres. Au bout d'un moment, je ne ressens plus rien. Je ne vois plus rien. Pas même la lumière d'Akara.

Est-ce la fin? Est-ce que j'ai échoué?

Si j'étais vraiment morte, je n'aurai pas ce genre de pensées. Je ne penserai pas tout court… Il me faut un long moment avant de sentir la présence de la prêtresse en moi. Son énergie parcourt mon corps, mais je ne sens pas la vie y retourner. Je glisse invariablement vers la mort. J'en suis certaine. Je crois même que mon cœur s'est arrêté de battre. Je ne pensais pas qu'on pouvait être conscient dans ces moments-là.

Alors que je me laisse dériver, j'entends une voix qui m'appelle. Je mets du temps à la reconnaître. C'est Moiraine. Que me dit-elle? Que me veut-elle? Je m'accroche mentalement à elle. Je regagne progressivement conscience. Elle me demande de revenir. Je sens sa main dans la mienne. Je veux lui dire que je suis toujours là mais je réalise que ce n'est pas le cas. J'ai abandonné. C'est bien ça, je suis morte. A quel moment tout a basculé? Oh bien avant que la Grande Prêtresse n'essaye de me soigner. Dans la prison, lorsque je croyais que tout était perdu. C'est là que j'ai renoncé à vivre.

Un souvenir s'imprime soudainement dans mon esprit. Celui d'un morceau de papier trouvé dans un livre. Un extrait de journal traduit par Lazare. Je m'en rappelle si clairement. C'est étrange.

Le Sanctuaire est une utopie. Il ne peut y avoir de paix entre les anges et les démons. Même ici. Ces créatures qu'ils ont enfanté sont malléables. Elles croient aveuglément en la lumière alors que leur cœur se tourne invariablement vers les ténèbres. Le moment de mettre un terme à cet éternel conflit est arrivé et il ne peut y avoir qu'un seul vainqueur. Je crains que ce soit aux hommes de faire pencher la balance et j'ai peu de doutes sur le côté vers lequel elle penchera.

Les mots prennent étrangement une tout autre signification. La lumière est la vie. Les ténèbres sont la mort. Je crois en la vie mais mon coeur a choisi la mort. C'est ce que tout homme choisit lorsque l'autre côté semble inaccessible. Je repense à Lazare. Je ne veux pas ressembler à cet homme abject mais je le comprends. La mort n'est pas plus attrayante mais elle est le choix le plus facile lorsque l'univers entier s'acharne à faire de ta vie un enfer.

Des images terrifiantes de notre combat contre le Seigneur de la Terreur repassent dans mon esprit. Je revois chacun d'entre nous se dépasser pour prévaloir. L'image du prince Aidan s'imprime presque dans ma rétine. L'homme qui a tout perdu et qui trouve la force d'amener la lumière au coeur des ténèbres. Le bouclier presque imbrisable qui a retenu la main de Diablo. Le seul d'entre nous à ne pas avoir usé de la magie interdite de Jarzeth. Le seul d'entre nous à ne pas avoir cédé à la facilité. Je comprends un petit peu mieux Adria et la fascination qu'elle a pour lui.

Et moi, je suis là, plongée dans les ténèbres bien heureuses à attendre. Les paroles de la Grande Prêtresse me reviennent. Le reste du chemin, c'est à toi de le faire. Je n'ai même pas tenté le premier pas. J'ai honte…

Inspirée par la détermination farouche du prince, je me reprends. J'ai choisi la vie, alors je dois me battre pour elle.

Je me concentre sur la voix de Moiraine et l'énergie d'Akara. Il faut que je reprenne le dessus. La tâche est ardue. Mes deux ancres vers le monde des vivants m'échappent. Mais je persévère. Bientôt, leurs voix deviennent plus claires. Je sens que la vie est à ma portée. Je reprends possession de mon corps. La douleur est là, toujours aussi brûlante. Néanmoins, j'ouvre les yeux. En ce moment, Akara est tout ce que je peux voir. Sa silhouette diffuse est noyée dans l'intense lumière générée par son aura.

Je bande ma volonté sur une seule chose. Respirer. Malgré le sentiment que c'est hors de ma portée, je persiste. Je me focalise sur la sensation de la main de Moiraine qui sert la mienne. Je m'y accroche désespérément.

Et je finis par réussir. Je force l'air à entrer dans mes poumons et prends une longue et douloureuse respiration. Tout mon être proteste lorsque ma poitrine se soulève comme pour la première fois de ma vie. Soudainement, une douleur sans nom me traverse. Une fois… puis deux… encore et encore. C'est mon cœur qui repart. Mais qu'importe cette douleur débilitante, je ne lâcherai rien.

C'est alors que tout change. L'énergie d'Akara m'embrase. Mon corps accepte son don. Je m'arc-boute violemment une dernière fois comme pour expulser la mort hors de moi. Mes muscles tétanisent et je finis par retomber tremblante sur le lit. L'aura d'Akara se dissipe lentement et la pièce retrouve une réalité tangible. Je respire. Je vis.

Mon cœur cogne douloureusement dans ma poitrine et ma respiration est fébrile mais je suis bien là. Les larmes se mettent à couler, mais cette fois-ci, ce sont des larmes de joie. La main de Moiraine quitte la mienne. Je tourne légèrement la tête. Elle me sourit. Elle aussi a le regard embrumé. Cependant, son attention glisse rapidement vers la Grande Prêtresse a qui elle tend l'une des bassines qu'elle avait demandées.

Akara se penche et se met à vomir en quantité un liquide noir. Je suis horrifiée. C'est comme si elle avait absorbé physiquement le mal qui était en moi et qu'elle le recrachait. Cette scène surréaliste se poursuit un moment. Jarzeth, qui semble aussi fasciné que moi, est en train d'humidifier les linges qui lui avaient été confiés dans l'autre bassine.

Moiraine en donne un à Akara dont les vomissements impressionnants semblent avoir cessé. Elle s'approche de moi avec les autres. Le premier qu'elle pose sur mon front me fait un bien fou. Elle en prend un autre et commence à méthodiquement m'éponger le corps, malgré ses mains tremblantes. Alors qu'elle nettoie le sang qui recouvre encore une bonne partie de mon abdomen, mon regard glisse pour la première fois vers ma blessure. Il ne reste qu'une fine cicatrice rosée de la lacération. Akara m'a complètement guérie.

Progressivement, ma respiration se fait plus naturellement et la douleur dans ma poitrine s'estompe. Je retrouve avec délice les sensations d'habiter un corps sain. Akara tend sa bassine à Jarzeth qui semble encore sous le choc de ce dont il vient d'être témoin. Il se lève et va la poser un peu plus loin avant de revenir à nos côtés.

- "Tu t'es bien battue." Me dit finalement la Grande Prêtresse.
- "Que s'est-il passé?" Je demande d'une toute petite voix. C'est la première phrase qu'il m'est possible de prononcer sans souffrir le martyre.
- "Ce que je t'avais dit qu'il se passerait. Il est heureux que tu aies trouvé la force de revenir parmi nous."

Son expression est toujours aussi neutre, mais elle dégage une certaine douceur. Elle reprend le linge humide des mains tremblantes de Moiraine et poursuit la tâche qu'elle s'était fixée, l'invitant d'un regard sévère à retourner s'asseoir.

Même si je préfère que ma sœur se repose, je ne comprends pas pourquoi la Grande Prêtresse s'acquitte elle-même de cette basse besogne. Je suis gênée. Mon inconfort grandit lorsque je réalise pour la première fois que je suis nue comme un ver et que Jarzeth me regarde. Je comprends bien vite qu'il est juste fasciné par le miracle qui vient de se produire mais la manière dont il me scrute reste très embarrassante. Je détourne le regard. Les poutres du plafond ne m'ont jamais semblé aussi intéressantes.

- "Je vous prie d'excuser ma curiosité, madame, mais puis-je vous demander si vous êtes Khéjistani?" Dit-il soudainement. Akara sourit discrètement.
- "Vous avez de grandes connaissances et le sens de l'observation, Vizjerei." Répond-elle. "En effet, je le suis par mon père."
- "Adepte de Rathma?" Sa voix tremble.
- "En effet... Peu de personnes connaissent ce culte." Dit-elle en accrochant son regard.
- "On les appelle nécromanciens à tort." Ajoute-t-il.

Je déglutis. Vient-elle de pratiquer la nécromancie sur moi. Est-ce que je suis vraiment en vie? Akara semble ressentir la panique qui me gagne. Sans me regarder cependant, elle pose une main sur la mienne.

- "Ceux qui perdent la voie de Rathma le deviennent. La balance est difficile à conserver. Mais il est vrai que, pour un œil non averti, ce que nous faisons est assimilable à ces pratiques ignobles."
- "Ce que vous avez fait n'a rien à voir. La nécromancie permet de ramener les morts à la vie, mais c'est une fausse vie, car rien n'est donné en échange de la mort. Vous, vous avez conservé la balance des forces. Contre quoi avez-vous échangé la mort et le poison dans le corps d'Annor?"
- "On ne peut rien échanger contre la mort. Pour le poison, je l'ai extrait de son corps, c'est cela que j'ai recraché. Pour la mort, Annor a choisi seule. Je n'ai fait que lui donner un petit coup de pouce au moment où elle a fait son choix. L'échange ne concernait que la guérison de ses chairs. Quant à comment j'ai fait tout cela, ces choses-là ne vous concernent pas, Vizjerei." Elle marque une courte pause et dévisage le mage. "Vous vous êtes inspiré de la voie de Rathma pour devenir plus fort. C'est la forme de discipline que vous pratiquez, n'est-ce pas? C'est ce qui vous permet de conserver l'intégrité de votre corps éthéré. Balance et échanges équivalents..." Énonce-t-elle posément. Jarzeth acquiesce.
- "Mais je n'ai pas ce qu'il faut pour suivre la voie. J'ai dû contourner le problème du sang en …"
- "Personne ne contourne le problème du sang." Le coupe-t-elle sèchement. "Ce n'est qu'un subterfuge temporaire. Manipuler les énergies du chaos en lieu et place des énergies primordiales ne suffira pas."
- "Je respecte les préceptes de Rathma. Je donne pour tout ce que je prends."
- "Vous vous bercez de douces illusions, Vizjerei. Il est vrai que vous savez préserver la balance dans votre corps mais il évident que ce n'est pas le cas dans vos actions. Vous suivez un chemin très dangereux, car la voie de Rathma est autant une discipline physique qu'une philosophie de vie. L'un ne va pas sans l'autre." Il baisse la tête. "Votre chemin est pavé de déséquilibres qui s'accentueront avec le temps si vous persistez. La balance n'existe pas uniquement dans la manipulation des énergies élémentaires et dans la maîtrise de son corps éthéré. Réfléchissez bien à votre avenir et à vos ambitions dans la vie. Vous finirez par vous détruire et certainement tout ce qui vous tient à cœur si vous n'êtes pas prudent."

L'accusation est directe. Elle a visiblement touché très juste. Jarzeth ne peut relever la tête. Son visage exprime une honte profonde. Akara semble en colère.

- "Et c'est à cela que vous avez exposé Moiraine. Le sort d'emprisonnement démoniaque que vous avez utilisé est un sort interdit, n'est-ce pas?" Il acquiesce silencieusement de nouveau, avant d'expliquer.
- "Celui qui lance le sort, doit s'abandonner au chaos. Il n'y a qu'à travers lui que l'énergie suffisante existe pour lier deux corps et deux âmes ensembles. Mais comme la voie de Rathma l'enseigne, pour préserver la balance il faut donner pour recevoir. Le sort ouvre une brèche dans le corps éthéré du lanceur et le chaos prend ce qu'il lui chante."

Je tourne la tête vers Moiraine. Mutilée avait dit Akara. Je me concentre sur son aura mais elle la cache et je ne la vois pas. Qu'a-t-elle abandonné? Qu'a-t-elle perdu? J'observe alors Jarzeth à la recherche d'un indice, mais il ne semble pas si différent qu'avant, si ce n'est cet éclat rougeoyant dans ses yeux. La Grande Prêtresse prend une grande inspiration et souffle par le nez, visiblement contrariée pour ne pas dire agacée.

- "Il est temps que vous me racontiez précisément ce qui s'est passé à Tristram."

Moiraine est la première à raconter ce que nous avons découvert là-bas. Des indices de l'influence démoniaque à la découverte des ruines Horadrims. Je complète son récit avec l'histoire de Lazare et du roi Léoric telle que je l'ai comprise des échanges que j'ai eus avec Lachdanan. Jarzeth explique les tenants et aboutissants des forces magiques en jeu et nous poursuivons sur le terrible combat qui nous a opposé à Diablo. Moiraine explique enfin ce qu'ils ont fait pour contenir la pierre d'âme du démon.

- "Diablo a senti le sang des Néphalems dans la lignée royale. Le prince s'est dévoilé durant le combat. Je dirais qu'il a du sang Néphalem presque pur, comme vous." Akara lance un regard assassin à Moiraine qui cligne plusieurs fois des yeux d'incompréhension. Elle continue néanmoins son récit. "Il a pu tenir tête physiquement au démon. Il était le seul candidat possible pour devenir la prison. Il était le seul capable de résister au sort et à l'influence démoniaque. Jarzeth ayant dépassé sa limite, il ne restait plus que moi pour lancer le sort... ou presque." Dit-elle en baissant la tête.
- "J'ai formé les signes à travers son corps éthéré." Explique Jarzeth. "Ainsi, c'est elle qui s'est ouverte au chaos à ma place. Je n'imaginais pas qu'elle serait capable de le supporter." Il secoue la tête rageusement. "Mais Diablo devait être contenu. Ca devait être fait..."
- "Je ne comptais pas y survivre…" Avoue Moiraine à voix basse. "Mais finalement je suis toujours là… Il faut croire que mon étincelle n'était pas prête à s'éteindre."
- "Ton étincelle était exceptionnelle, Moiraine." Réplique la Grande Prêtresse avant de poursuivre sur un ton sec. "Il n'y a pas de victoire dans ce que vous m'avez raconté. Je comprends mieux pourquoi ma vision était troublée et pourquoi les forces démoniaques se renforcent en Sanctuaire mais nous n'avons fait que gagner un peu de temps. Les humains n'ont jamais fait de bonnes prisons. La pierre doit être détruite, coûte que coûte."
- "Vous pensez tuer le prince?" Je demande choquée.
- "Tel qu'il est, il est un mort en sursis. Mais ça ne servirait à rien de détruire son corps. La pierre survivrait quand même et quiconque sans un esprit assez fort pour contrer la volonté de Diablo le libérerait. Nous allons devoir prendre le temps qu'il nous reste pour nous préparer au mieux." Elle regarde Jarzeth. "J'ai besoin de Moiraine. Enseignez lui vos méthodes pour contrôler le chaos. La discipline des sœurs est insuffisante pour soigner le mal que vous lui avez causé. La voie de Rathma peut aider, mais je ne peux plus intervenir puisque vous avez détruit une grande partie de que nous avions construit ensemble."

Je crois que je commence à comprendre qu'il y a un lien entre ce qu'elles appellent étincelle et Néphalem. Je n'ai pourtant pas la moindre idée de ce que c'est.

- "Vous resterez ici le temps qu'il faudra." Poursuit la Grande Prêtresse.
- "Bien madame." Dit-il en s'inclinant largement.
- "Comprenez bien que vous ne pourrez pas quitter cette chambre. Les hommes sont interdits dans le monastère." Il hoche la tête. "N'essayez pas de vous téléporter hors de ces murs. Moiraine vous a fait entrer par la grande porte, mais rien ne peut magiquement entrer ou sortir de ce lieu. Vous vous tueriez tout simplement."
- "Je vous entends." Il déglutit.
- "Moiraine tu es également confinée jusqu'à nouvel ordre. Tu ne pourras quitter cette chambre que lorsque je considérais que tu es suffisamment guérie. Tu sais ce qu'il te reste à faire en tant que sœur." Son regard est pénétrant. Moiraine acquiesce en silence et porte la main à son cœur. "Quant à toi, Annor, tu resteras le temps de ta convalescence. J'ai d'autres projets te concernant."

J'acquiesce également mais je ne sais pas pourquoi je le fais. J'ai peur de ce qu'elle compte faire de moi.

Elle se lève, replaçant d'un geste élégant les pans de sa robe, puis se dirige vers le meuble sur lequel Jarzeth avait posé la bassine dans laquelle elle avait recraché le mal qui m'habitait. D'un simple geste, elle dessine le mot de pouvoir du feu dans l'air. Le contenu de la bassine s'embrase soudainement. Pendant quelques secondes, la flamme générée touche presque le plafond, puis elle disparaît aussitôt.

- "J'enverrai d'autres sœurs vous apporter ce dont vous aurez besoin pour passer un séjour confortable." Déclare-t-elle sans se retourner.

Elle part d'une démarche souple qui fait voleter sa robe autour d'elle et quitte la pièce en claquant la porte. Son expression est restée la même tout du long, mais je suis certaine qu'elle bouillait de colère.


J'espère qu'Akara vous plait. Vous la découvrirez un peu plus au fil de l'interlude, ainsi que d'autres membres de la sororité.
Jarzeth va s'éclipser tranquillement. Mais son histoire n'est pas terminée et surtout n'est pas encore racontée :).

Vous en apprendrez d'avantage aussi sur les énergies primordiales et chaotiques. Je profite de l'interlude pour étoffer tout cela.

Pluie de cookies sur vous et à bientôt!