Encore rating M pour ce chapitre, bonne lecture !
Doux contact
Sherlock se souvient qu'il n'était pas très tactile dès son plus jeune âge. Les seules personnes qui pouvaient le toucher sans risquer de représailles étaient ses parents, Mycroft, Oncle Rudy et Victor Trevor. Les autres membres de la famille ou amis ne pouvaient guère comme les plus proches du jeune garçon ébouriffer sa tignasse, lui faire la bise ou même lui faire une tape amicale sur l'épaule ou dans le dos.
Violet Holmes mettait ce trait de caractère en lien avec la timidité de son jeune fils, associé à son autisme. Au final, à son grand soulagement, celui de son mari, de Mycroft et Rudy, tout le monde à l'école comprenait, et faisait en sorte de respecter cette « règle ». Sherlock était ravi en allant à l'école, en constatant que ni les élèves, ni les professeurs ne cherchaient à le toucher. Quand il fallait se tenir la main deux par deux, le ou la camarade qui accompagnait le cadet Holmes se tenait simplement à côté de lui.
Le seul enfant, comme l'exception confirmant la règle, qui pouvait toucher Sherlock était Victor Trevor, son meilleur ami.
Quand Sherlock l'avait rencontré, il était âgé de six ans, et il passait son temps à jouer aux pirates. Courant sans regarder où se posaient ses pieds, le garçon avait trébuché et était tombé dans le ruisseau de la forêt située à côté de la maison. Victor l'avait retrouvé trempé, des feuilles pleins les boucles ! Quand son vis à vis lui avait tendu la main pour l'aider à se relever, Sherlock n'avait guère hésité. Prendre la main de ce garçon lui faisait comprendre qu'il avait déjà noué un début de lien avec lui.
Et effectivement, des jours, puis des semaines, puis des mois durant, Sherlock et Victor se retrouvaient presque tous les jours pour vivre de folles aventures à travers les peaux de Barbejaune et Barberousse. Le voir aussi joyeux et énergique faisait presque oublier à ses parents ses problèmes de communication et de sociabilité.
À force de jeux, d'après-midi passées ensemble, de goûters partagés, d'activités manuelles effectuées à deux, de sorties en ville avec les familles Holmes ou Trevor, Sherlock et Victor étaient devenus inséparables. De leur profonde amitié avait mué une attache encore plus forte, que les garçons ne pouvaient entièrement comprendre. Mais de ce qu'ils en saisissaient, ils ne voulaient pas en perdre un instant. C'est pourquoi un jour, après une autre après-midi passée rien que tous les deux dans la forêt, alors que le soleil brillait intensément au dessus d'un petit pré où étaient installés les deux compères, adossés à un arbre, l'adrénaline redescendant après leur intense jeu de chasse au trésor avait tendrement guidé le petit Sherlock Holmes vers la résolution de sa toute première énigme, il était amoureux de Victor Trevor. Et sa joie était décuplée quand son ami lui prouvait la réciproque de ses sentiments.
Le tendre et innocent baiser d'enfant qu'ils avaient échangés ce jour-là demeure aujourd'hui un des souvenirs les plus précieux de Sherlock.
Depuis les tragiques évènements de Sherrinford, Sherlock s'est rappelé en détail de son enfance, et naturellement de Victor, avec qui il avait tant partagé. Il peut affirmer maintenant que la disparition de son ami et amour l'avait profondément affecté, au point que plus personne ne pouvait le toucher, pas même sa mère dont il adorait faire des câlins.
Cette aversion pour le contact physique lui a collé à la peau des années durant, pour devenir presque maladive à l'adolescence.
La seule chose qui pouvait toucher sa peau était l'aiguille de chaque seringue qu'il utilisait.
Ce n'est qu'au bout de son troisième passage au centre de désintoxication, sous la haute de surveillance de Mycroft, que Sherlock retrouvait un semblant d'intérêt avec le toucher. Les médecins pouvaient désormais le palper pour un quelconque examen, lui faire des prises de sang, ou simplement l'aider à se lever sans manquer de se faire insulter ou même frapper.
Des années plus tard encore, Sherlock, alors âgé d'un peu moins de trente ans, n'avait encore jamais expérimenté une relation amoureuse. À cette époque, il n'avait plus souvenir de Victor, et ignorait tous les baisers et câlins qu'il partageait avec ce garçon. Désormais adulte, il avait conscience d'être « en retard » par rapport à cela. Mais il ne cherchait au final aucun moyen d'y remédier. L'idée de donner son corps à quelqu'un d'autre, à une ou un parfait inconnu lui donnait des frissons. Ainsi, quand son corps, en désaccord avec son mode de pensée, réclamait de son côté de l'attention, Sherlock choisissait en général de l'ignorer, ou de se débarrasser de la gêne physique via une douche froide. Mais parfois, il laissait la curiosité le guider, le faisant découvrir un aperçu du plaisir que cela pouvait engendrer.
Cela ne le convainquait guère plus. Au contraire. Il ne pouvait se figurer une autre paire de mains sur son visage, sur son corps, ou sur son sexe.
Au fil des premières années de sa carrière de détective consultant, Sherlock avait vite assimilé l'amour et le sexe avec le crime. Beaucoup feraient des chose stupides pour ces deux motifs.
Rencontrer bien plus tard Irène Adler ne lui faisait ainsi guère peur. Il pouvait même profiter de la seule faiblesse de cette spécialiste du plaisir de la chair pour mettre à terme une nouvelle enquête.
Aujourd'hui, Sherlock n'est ni fier ni honteux de ce parcours particulier qu'a traversé son corps. Il n'a pas encore tout dévoilé à John, mais il lui a déjà parlé de son passé de junkie, de son enfance, de Victor, et de cette innocente histoire d'amour qu'il a vécu et qu'il a oublié pendant des années.
Désormais dans la vie et dans les bras de l'homme de sa vie, Sherlock aime être touché. Il aime faire un bisou à Rosie pour lui souhaiter bonne nuit. Il accepte avec le sourire les bises de madame Hudson et de sa mère. Il ne sursaute plus quand son père le serre brusquement dans ses bras. Il n'a plus besoin de se remettre mentalement après une poignée à quiconque. Toucher ou se faire toucher est aujourd'hui quelque chose de banal pour Sherlock.
Sauf quelques exceptions.
Faire des chatouilles à Rosie est très important.
Serrer John dans ses bras le matin quand il prépare un petit déjeuner spécial est très important.
Porter Rosie sur ses épaules pour lui montrer le monde sous un autre angle est très important.
Embrasser John dès le réveil est très important.
Ébouriffer la tignasse blonde de Rosie pour la taquiner est très important.
Et ce soir, Sherlock veut faire quelque chose d'également très important. La douce lumière diffusée dans la chambre et le calme qui règne, seulement rythmé par les battements de cœurs le mettent en confiance. De même que les tendres caresses de John, ses baisers surs ses lèvres, sur sa mâchoire, sur son cou, sur son torse, sur tout son corps poussent un peu plus au fil des secondes le détective à franchir cette étape dans leur relation. Quand il le demande à son compagnon, Sherlock est rassuré en entendant son ton sérieux.
- Tu es sûr ? demande John.
- Oui, répond Sherlock dans un murmure.
Son amant hoche la tête tout en souriant, le visage dévoré par la couleur écarlate. Ce soir, Sherlock laisse son corps et son âme s'exprimer, ses soupirs, gémissements halètements et cris s'échappant librement de sa gorge. Lorsque plus tard, John va et vient en lui, son regard ne lâchant guère le sien, le détective sourit, heureux et soulagé. Au moment de jouir ensemble, le sentiment que leur relation est un peu plus forte chaque jour se fait ressentir davantage. Les deux amants le constatent en partageant un nouveau baiser, étourdis par cette sorte de brume post coïtale qui envahit leurs sens et leurs esprits.
Allongé contre John, Sherlock trouve rapidement le sommeil. Et juste avant de tomber dans les bras de Morphée, il se sent profondément soulagé en comprenant que son corps et son esprit sont enfin en parfait accord. Cela le fait sourire, tout comme sa respiration qui se synchronise presque par automatisme avec celle de John.
