Hello! Bon finalement je me suis réveillée plus tôt et j'ai donc pu préparer le chapitre pour publier aujourd'hui.

Pour info et, suite à certains longs chapitres subdivisés lors de la publication, je peux officiellement dire qu'il y aura 35 chapitre à cette fic!

Si jamais vous avez des idées, ou même ne serait-ce une thématique pour m'inspirer une nouvelle fic je suis preneuse! ;) Parce que je me suis lancée dans une tentative pour une fic Mai HiME légère et humoristique mais... je suis meilleure au drame et à la souffrance XD

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« Arrêtons nous », Yuri finit par lui demander.

Elles avaient traversé le no man's land, Shizuru repoussant les mordeurs de sa main libre pour se créer un passage, n'hésitant pas à repousser plus brutalement les mordeurs parfois trop intéressés par Yuri.

Elles s'étaient enfoncées dans les rues, jetant des regards par-dessus leurs épaules de crainte qu'on ne les rattrape. Shizuru ne voulait pas imaginer ce qu'on leur ferait après les dégâts qu'elle avait causés.

Elle préférait se montrer positive, elles étaient libres.

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Shizuru choisit un bâtiment en bon état, à la porte principale déjà éventrée. Le hall était peu dégradé et l'escalier semblait encore solide. Elle força Yuri à monter et crocheta la porte d'un logement vide.

Il sentait le renfermé mais les volets étaient clos et Shizuru put allumer la flamme de son briquet pour les éclairer sans crainte d'être repéré. Elle déposa Yuri sur un canapé poussiéreux et s'en alla fouiller les placards.

Elle revint avec une bouteille d'eau, des bandages et analgésiques périmés qu'elle déposa sur le canapé où elle s'effondra.

Elles se partagèrent les analgésiques pour apaiser leur peine respective et laissa Yuri boire tout son saoul avant de s'emparer de la bouteille qu'elle prit soin de terminer, que Yuri ne boit pas après elle.

Malgré sa fatigue, elle songeait distraitement au risque qu'Anh Lu avait encouru en partageant son espace de vie. Les petites choses qui auraient pu amener à sa fin... boire après elle, emprunter sa brosse à dent ou l'embrasser.

Elle aurait soudain aimé avoir autre chose à boire que de l'eau… sauf bien sûr si elle devait continuer de faire face au regard d'aigle de Yuri.

« Quand tu m'as donné ton t-shirt, j'ai vu ton bras, commença cette dernière avachie sur le canapé.

-Oui, les écorchures ne sont pas belles à voir mais ça aurait pu être pire...

-Je parle de l'autre bras, l'interrompit-elle. De tes morsures... elles sont anciennes... »

Shizuru se frotta consciemment le bras en question. Yuri n'aurait définitivement pas été la première personne à qui elle aurait voulu raconter son histoire pour la première fois.

« Tu es immunisée… continua Yuri avec incrédulité.

-Non, démentit-elle avec honnêteté. Je suis... simplement différente des mordeurs habituels, ironisa-t-elle. Ils me voient comme l'un des leurs et ils n'ont pas tort d'une certaine manière. »

Elle joua avec son briquet, allumant et éteignant la flamme, faisant apparaître et disparaître son interlocutrice dans le noir.

« Je les sens, comme je sens les humains. Je n'ai pas d'ouïe particulière ou de don de survivalistes extraordinaire. Il ne me chasse tout simplement pas. »

Yuri effleura le tissu usé nouée autour d'elle.

« C'est ton odeur qui m'a protégé...

-Entre autre oui.

-Je n'ai jamais entendu parler d'un tel cas...

-Moi non plus.

-Peux-tu arrêter de jouer avec ce briquet ? Je préfère voir mon interlocuteur. »

Shizuru acquiesça et ralluma le briquet qu'elle posa sur la table basse.

« Je crois avoir vu des bougies, attend. »

Elle disparut dans le noir pour revenir avec plusieurs bougies odorantes qu'elle alluma, baignant rapidement le lieu d'une lumière douce accompagnée d'une agréable odeur.

« Tout ce que tu as raconté depuis ton arrivée est donc un mensonge ?

-Non... une vérité arrangée je suppose. J'ai vraiment perdu mon groupe et marché des mois durant...

-Mais tu n'as pas eu à éviter les mordeurs.

-Effectivement. J'ai à peine besoin de me nourrir, je ne ressens pas vraiment les changements de température, alors... à part la solitude tout était relativement facile, je suppose. »

Le silence s'étendit et Shizuru commença à somnoler malgré elle.

« Enlève ton sweat, ordonna Yuri, je vais bander ton bras. »

Shizuru obéit tout en lui conseillant de ne pas toucher son sang, particulièrement infectieux. Yuri ne dit rien mais la soigna avec adresse.

« Ahn Lu est au courant?

-Personne à part toi. Vas-tu leur en parler ? A l'Ecole ? »

Yuri se tut alors qu'elle rangeait les bandes de gaze restantes. Elle parut plongée dans ses pensées.

« Je devrais, mais... elle soupira- mais je te dois ma vie. C'est une dette que je ne peux pas oublier. Tu as menti mais tu as toujours fait ton taff et il n'y pas eu d'incident depuis ton arrivée. Du moins aucun pour lequel on puisse te tenir responsable. Je ne dirais rien. Mais Ahn Lu...

-Je vais demander ma propre chambre, indiqua-t-elle. Je n'avais pas conscience de ce que j'étais, pas exactement du moins. »

Yuri l'observa et si elle aurait préféré discuter de tout cela avec Ahn Lu justement, le simple fait de pouvoir en parler était déjà un soulagement en soi.

« Je savais qu'il y avait quelque chose de différent après les morsures, mais ce n'est que récemment... aujourd'hui en fait, que je viens de confirmer que je pouvais contaminer les gens. Je suis un danger et je crois que ce serait une bonne idée de mettre un peu d'écart entre Ahn Lu et moi si je veux qu'elle soit en sécurité. »

Yuri pinça les lèvres.

« Je crois que ce serait effectivement une bonne idée. »

Sur ces mots, Yuri se roula sur le côté pour passer la nuit dans le canapé. Congédiée d'une certaine façon, Shizuru s'en alla dormir dans la chambre principale, s'octroyant les draps de propriétaires disparus depuis longtemps.

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Elle fut réveillée par le bruit de casse et elle sauta sur ses pieds, échevelée pour se précipiter vers la source du bruit.

Yuri était debout, appuyée contre le canapé du moins, son pied blessé ne touchant pas le sol. Elle avait renversé tous les produits que Shizuru avait dégoté la veille dont quelques bougies auparavant sur la table basse.

« Tout va bien ?

-Ma cheville me fait un mal de chien si tu veux tout savoir...

-Tu crois que ça va aller pour rentrer aujourd'hui? »

Yuri la foudroya du regard. Toute trace d'amabilité avait été gommée durant la nuit.

« Bien sûr. Je préfère d'ailleurs partir au plus vite. Après ta façon de faire pour échapper à ces barges, et bien... qui sait comment ils vont réagir... ou vouloir se venger. Tu y as songé ? »

Shizuru se redressa, passant une main dans ses cheveux.

« Est-ce que tu me reproches notre fuite ?

-Ta façon de faire ! Tu étais irréfléchie. S'ils ont compris... Quand ils comprendront notre implication, ils viendront se venger.

-Ils ont des explosifs, Yuri. S'ils voulaient nous faire du mal, s'ils voulaient... faire exploser nos murs, ils auraient déjà pu le faire. S'ils ne l'ont pas fait jusqu'alors, c'est probablement parce qu'ils n'étaient pas sûr de gagner. Ils sont bruyants avec leur véhicule et nous surveillons nos murs, nous savons comment nous y prendre. Avec les dégâts? Leur perte ? Ils ont probablement autre chose à faire que venir nous chercher et même alors... ce n'est rien de ce qu'ils auraient pu nous faire malgré tout.

-Nous avions une sorte de statu quo.

-Ah oui? Ils ont la ville et si on empiète il est normal qu'ils s'en prennent à nous ? Gronda Shizuru.

-Oh arrête, tu es à peine des nôtres. »

Enragée, Shizuru la poussa et Yuri chuta au sol.

« Putain, jura-t-elle. »

Shizuru respirait rapidement, durement.

« Je t'ai sauvé la vie. »

Yuri la dévisagea du sol.

« C'est la seule raison pour laquelle je ne partagerais ton sale petit secret qu'avec Miss Maria. Elle sera la seule juge de ce qu'il adviendra de toi. Mais je lui ferai aussi part de mon point de vue. »

Shizuru plissa les yeux et, prête à être la meilleure personne entre elles deux, tandis finalement la main pour l'aider à se redresser.

« Bien, laissons à Miss Maria la décision de ce qui doit advenir. »

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Revenir à l'École fut une procession longue et plus ardue qu'elle n'aurait dû. Yuri appréciait peu de s'appuyer contre Shizuru et de devoir porter une partie de ses vêtements pour masquer sa propre odeur au mordeur. Une remarque désagréable était parfois accompagnée d'une question intriguée sur ces capacités. Yuri lui listait les points positifs de son état puis les négatifs. Shizuru la laisse faire consciente qu'elle avait elle-même réalisé cet exercice.

« Comment t'es-tu échappée ? »

La question qui devait lui tourner dans la tête depuis la veille lui échappa dans l'après midi alors qu'il ne devait leur rester que deux heures de trajet.

« Je les ai contaminés...

-Quand ça ? Je me suis réveillée avant toi dans cette cellule. Nous y sommes restées enfermées presque constamment ensemble... Tu les a mordus à ta première sortie « toilettes » ?

-Non, au moment où ils ont commencé à m'écorcher vivante. »

Yuri s'arrêta, forçant Shizuru à se stopper.

« Quoi ? s'interloqua Shizuru.

-Comment quoi ? Tu me prends pour une idiote ? Je t'ai entendu hurler pendant quoi ? 2-3heures ? Une incubation dure-

-Yuri, l'interrompit-elle. Je les ai contaminés. Et il me faut peu de chose et peu de temps pour transformer quelqu'un... Alors 2-3h et une morsure... c'est amplement suffisant, peu importe leur niveau d'infection à la base. »

Yuri se recula d'elle trop brusquement et Shizuru la rattrapa avant qu'elle ne s'écroule.

« ça va, dit Shizuru. Il faut toujours de mon sang ou de ma salive pour contaminer quelqu'un. Un contact peau à peau n'a rien de dangereux. »

Yuri se réappuya contre elle avec une certaine retenue, craignant probablement d'attraper le Parasite par simple contact.

« Si ça fonctionne comme n'importe quelle autre contamination de mordeurs en version amplifiée, comment tu fais avec Ahn Lu ?

-Comment ça ? ne comprit pas Shizuru.

-Il est bien connu que ce sont tous les fluides qui sont contaminants... alors comment ça se passe quand tu couches avec elle ? Vous le faites avec des gants ? Et pas de langue je suppose. »

Shizuru manqua d'en lâcher Yuri, le visage rouge.

« Kami-sama Yuri !

-Oh ne fais pas ta prude. Je me demande juste quelle est ta logistique dans cette histoire. Faire preuve de doigté et s'arrêter là ? Se moqua-t-elle.

-Arrête Yuri ! Nous ne sommes pas ensemble avec Ahn Lu.

-Donc ça a été un problème entre vous cette... »

Yuri fit un geste qui l'engloba tout entière.

« Un problème pour moi oui. Ahn Lu n'est pas au courant, lui rappela-t-elle.

-Et bien, ça doit être désagréable d'être rejeté sans raison, ironisa-t-elle. »

Shizuru préféra ne pas répondre et, finalement, petite miséricorde, Yuri se tut le reste du trajet.

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Leur retour fut bruyant et animé.

En débouchant dans la rue de l'Ecole, les sentinelles des murailles s'interpellèrent entre eux plutôt surpris des silhouettes qu'elles dessinaient à la tombée de la nuit. Et puis, la surprise passée, on cria, on avertit tout le monde de leur retour. Les portes s'ouvrirent et des gardes -dont Ahn Lu- sortirent pour venir les soutenir et les aider.

On se bouscula pour les aider, pour les interroger. On délesta Shizuru de Yuri et elle se retrouva avec une brassée d'Ahn Lu. Parce qu'elle avait déjà rejeté un baiser, Ahn Lu ne tenta pas de l'embrasser mais elle enfouit son visage dans le creux de son cou, à moitié pleurant et riant.

« Tu es en vie ! Kami-sama tu es en vie ! »

Shizuru inspira profondément, se gorgeant de l'odeur de cette femme qu'elle aimait mais ne pouvait avoir.

Elle était en vie et, quelque part, il y avait quelque chose de merveilleux à autant apprécier ce fait.

Elle était en vie et elle était prête à se battre pour rester !

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Elles eurent le droit à une longue douche chaude et à des soins appropriés même si Shizuru déclina ses derniers. Chacune de leur côté, auprès de leur proche -Ahn Lu pour Shizuru- eurent le droit à un repas royal. Shizuru n'avait beau ne pas ressentir la faim, elle prit plaisir à manger ce dîner, les doigts d'Ahn Lu n'arrêtant pas de se glisser dans ses cheveux, les ongles courant sur son cuir chevelu et provoquant des frissons de plaisir le long de son dos.

L'attention était appréciable, même si ce ressenti provoquait son lot de culpabilité.

Bien nourrie, dans des vêtements propres et son bras bandé par ses propres soins, elle était prête à s'endormir quand on frappa doucement à leur porte.

« Miss Maria, salua Ahn Lu. Si c'est pour faire un rapport, ça peut attendre demain non ? Shizuru est à deux doigts de s'endormir.

-J'aimerais autant que nous faisions le point dès maintenant. »

Shizuru repoussa doucement Ahn Lu.

« Ce n'est rien, je préfère tourner la page rapidement. Autant faire un point maintenant. »

Miss Maria l'invita à la suivre et elles remontèrent les couloirs lentement jusqu'au bureau de l'ancienne directrice de l'Ecole. Avec attention, Miss Maria referma derrière elle sa porte.

« Je suppose que Yuri vous a déjà fait son rapport, commença aussitôt Shizuru. »

Miss Maria, dans son fauteuil à dossier derrière son bureau, était comme une reine attendant que son sujet s'explique. Ce qui n'était peut-être pas si loin de la réalité compte tenu de la situation actuelle.

« Elle m'a dit certaine chose oui. Mais je préfère obtenir la vérité de ta part plutôt que de faire confiance sur parole à une personne subjective.

-Vous voulez que je vous montre les morsures ? Intervint Shizuru. »

Miss Maria se cala au fond de son fauteuil et l'invita à s'asseoir.

« Raconte moi tout.

-Quand nous avons été captu-

-Non, Fujino-san, ton histoire depuis tes morsures. »

Alors Shizuru le lui raconta. Tout excepté ce qu'était son groupe, exceptée qu'elle avait été avec des pillards. Elle lui parla des morsures, de cette contamination qui ne venait pas mais des différences qu'elle remarquait. De ce baiser qui avait probablement contaminé son groupe. La contamination du groupe, le comportement étrange des mordeurs qu'elle avait contaminés, le surnom qu'elle leur avait donné, sa fuite, sa solitude -affreuse-, la découverte de l'Ecole, sa volonté de s'intégrer et la suite plus récente de ses aventures.

« Avant hier, j'ignorais -ou du moins je n'étais pas certaine- d'être responsable... d'être capable de contaminer les gens. Mais j'avais un doute et j'ai fais attention... avec Ahn Lu par exemple. Je ne veux pas faire de mal à qui que ce soit, Miss Maria. Je vous assure. Je veux juste... un foyer. Des amis avec qui discuter et partager un repas. Je suis prête à me battre pour ça. A partir faire toutes les expéditions seules ou... peu importe. Juste... ne me mettez pas dehors. »

Miss Maria croisa ses longs doigts devant elle et parut pensive.

« Tu es un danger Fujino-san. »

Shizuru sentit son estomac chuter. Elle sentait où cette conversation allait. Le visage dur et fermé, Miss Maria l'observa d'un regard d'acier.

« Mais le risque que tu nous fais courir est peu de chose finalement puisque tu es pleinement consciente de ce que tu es et de ce qu'un contact mal avisé de ta part provoquerait. Tes qualités toutefois sont un plus non négligeable. Tu peux rester. Nous t'emploierons à bon escient pour les expéditions, selon tes conditions. Tu auras cependant une chambre particulière. Ahn Lu n'a pas à courir un risque par ignorance. Tu manges, tu jettes ce que tu ne consommes pas, tu nettoies tes couverts. Tu ne quittes jamais ta gourde.

-J'ai compris, balbutia-t-elle. Je ne partage pas mes affaires. Si je suis blessée, je me débrouille. Si-

-Je n'ai pas dit ça. Il faut juste faire attention. S'assurer que ceux qui te soigneront sont au courant. Porte des gants par exemple. Es-tu d'accord avec mes conditions ?

-Oui, s'empressa-t-elle de confirmer soulagée. Oui tout ce que vous voudrez. Allez vous... allez-vous en parler à d'autres personnes ? Si Yuri en parle, comment les gens vont réagir? Est-ce que... ?

-Fujino-san... Yuri ne vous aime pas. Il ne faut pas être devin pour s'en rendre compte. Mais elle a quand même quelques qualités, croyez moi. Entre autres, elle n'a qu'une parole. Et une dette est une dette. Tu lui as sauvé la vie, alors elle gardera le silence. Si tu le veux bien, j'aimerai en parler à un de nos médecins, pour qu'il soit prêt s'il a besoin de te soigner. Essayez peut-être de mieux appréhender ton état.

-Oui, bien sûr. Je... merci miss Maria. Vraiment.

-Comme nous sommes d'accord, nous allons aller ensemble faire soigner ton bras. Te donner quelques analgésiques pour aider la douleur. Ta chambre sera préparée en attendant. Libre à toi d'expliquer la situation à Ahn Lu ou de la garder dans le noir. »

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Quand elle sortit du médecin, un beau bandage au bras et quelques prises de sang pour "voir", elle retrouva Ahn Lu qui l'attendait à la porte de l'ancienne infirmerie.

Elle semblait triste. Blessée peut-être. Et Shizuru ne put se résoudre à la laisser dans le noir, à ne pas lui expliquer la nécessité d'être séparée pour sa sécurité.

Alors elle lui proposa d'aller se promener le long du mur extérieur malgré le fait qu'elle tombait de fatigue. Elle lui raconta ce qu'elle était, les choses bénéfiques que lui apportaient le Parasite et surtout les choses négatives, dangereuses. Les choses qui les empêchaient d'être plus que ce qu'elles étaient.

Quand elles s'arrêtèrent de marcher, elles restèrent là à observer les étoiles. Ahn Lu frissonnante et Shizuru qui attendait simplement qu'elle prenne la parole.

"Je comprends, intervint finalement Ahn Lu. J'aurai… une partie de moi aurait préféré ne pas savoir, je crois qu'il aurait peut être été plus facile pour moi de comprendre que nous ne pourrions jamais être plus que ce que nous sommes parce que tu ne m'aimes pas. Mais tu le fais, n'est-ce pas? Je n'ai pas mal compris les signaux entre nous?

-Tu as tout bien lu et compris…

-Et donc… c'est d'autant plus frustrant… de comprendre que c'est le Parasite qui nous sépare. Savoir mais ne pas pouvoir, c'est… horrible."

Shizuru lui offrit un sourire piteux. Parce qu'il n'y avait pas grand chose d'autre à dire.

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Ahn Lu accepta la situation. Shizuru savait qu'on parlait d'elles dans l'École. On supposait qu'elles s'étaient disputées et séparées.

Elles continuaient de passer leur temps libre ensemble, à parler de leur livre ou de leur passion, parfois de ce que Shizuru pouvait faire ou non.

Shizuru ne voulait pas spécialement que la vision d'Ahn Lu change plus qu'elle ne l'avait déjà fait. Elle ne lui parlait pas de son clan qu'elle avait contaminé, elle laissa Ahn Lu supposé qu'elle avait été mordue lors de la perte de son groupe.

C'était plus simple… plus simple que de dire la vérité, de parler des horreurs commises par ceux qu'ils l'avaient élevé, plus simple de ne pas ramener Hana à la vie, de ne pas parler de l'ambivalence de ses sentiments à l'idée d'avoir transformé son groupe…

Elle ne parla pas de tout cela, parce que pour tout l'amour qu'elle avait pour Ahn Lu, une partie d'elle savait qu'elles finiraient par s'éloigner. Ahn Lu n'était pas du genre à s'attarder devant l'impossible. Elles resteraient certainement de bonnes amies, mais Ahn Lu finirait par trouver quelqu'un, pour "vivre les choses de l'amour" comme elle aimait le dire.

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Le groupe d'expédition principale mort pour moitié, Yuri boitant depuis sa blessure, Shizuru se proposa pour mener seule des expéditions plus régulières à son rythme et à ses conditions.

Miss Maria lui autorisa, parce que le seul danger pour Shizuru étaient les pillards dont plus personnes n'avait entendu les moto vrombir en ville depuis la nuit de leur fuite.

A la première expédition, Shizuru leur annonça qu'elle partait durant deux jours, le temps de mieux explorer et cartographier les quartiers inexplorés, notés la présence éventuelle de nids importants ou de portes à ne jamais ouvrir.

Ahn Lu continuait de venir lui dire au revoir à chaque départ. A ce premier départ solo, Ahn Lu lui glissa qu'ici à l'Ecole, on la voyait comme une sorte de super-héroïne. Entre ramener Yuri, détruire pour tout ou partie le camp des pillards et repartir seule avec seulement une machette et son couteau, elle était l'image d'une personne extraordinaire.

Shizuru s'en alla donc le rire au ventre à cette idée et s'enfonça dans les rues de la ville.

Ce qu'elle ne dit pas, mais peut être que Miss Maria et Ahn Lu s'en doutait, Shizuru se dirigea vers le camp des pillards. Elle voulait s'assurer de leur état, s'assurer que les prédictions de Yuri ne se réaliseraient pas, qu'ils ne viendraient pas détruire les murs de l'École par vengeance.

Sans Yuri et de jour, bien reposée, Shizuru les atteignit vers midi. Elle resta en bordure du no man's land -d'ancien champs, salé pour que rien ne pousse- qui constituaient les alentours du complexe. D'ici, on voyait clairement l'assemblage de poutres, aciers et bâches. Dans la précipitation de leur fuite, elle n'avait pas vraiment pris le temps d'observer les lieux. Les murs étaient surmontés de grands projecteurs qui n'avaient pas été allumés lors de leur fuite, probablement parce qu'il n'avait plus de quoi produire leur alimentation.

Shizuru balaya les lieux avec les jumelles, constatant l'absence de gardes sur la muraille. Les brèches qu'elle avait ouvertes n'avaient pas été raccommodées et ils se dessinaient les mêmes silhouettes titubantes dans le camp qu'en dehors.

Cela faisait 18 jours qu'elles s'étaient échappées. Si leur camp était encore dans cet état, il fallait considérer qu'il était bel et bien perdu. Restait à savoir s'ils avaient fuis pour s'établir autre part ou s'ils étaient morts/contaminés.

Alors Shizuru traversa les champs, marcha entre les mordeurs et repassa par la porte qu'elle avait ouverte.

Les mordeurs étaient littéralement partout. Certains des mordeurs étaient morts, abattus lors de la défense du camp. Ils charriaient une infecte odeur de pourriture. Parmi eux, il y avait d'anciens pillards à la gorge déchirée, les traits tordus dans des grimaces de souffrance.

Des mordeurs déambulaient parfois avec des vêtements en bon état, signe d'une contamination plutôt récente. Il lui était difficile cependant d'estimer combien des pillards étaient morts et transformés.

Shizuru supportait à peine d'y rester: l'odeur, la vue d'écorchés et, ce qui était pire à ses yeux, celles d'enfants contaminés. Des enfants récemment contaminés. Des personnes encore innocentes de crimes, qui pouvaient se montrer différentes de leurs parents… des enfants qui avaient été transformés par sa faute, parce qu'elle avait ouvert les brèches et attirer les mordeurs.

Et même les adultes… combien d'entre eux était dans une situation similaire à la sienne? Contre les mesures du groupe mais obligé de vivre avec pour rester sous la protection dudit groupe?

Shizuru s'efforça d'ouvrir les portes, de chercher ce qui pouvait s'avérer intéressant. Elle trouva des mordeurs dans les habitats, des gens qui se s'étaient suicidés… elle trouva même un couple de personnes qui suait à grandes eaux au fond de leur lits, des morsures le long de l'avant bras.

Elle trouva aussi un bâtiment de parpaing contre lequel s'agglutinaient des mordeurs par dizaine, dont les ongles griffaient désespérément les murs.

Il était évident que des survivants s'y étaient cachés, des survivants encore suffisamment sains pour que l'odeur de leur Vie attire les mordeurs.

Alors Shizuru s'en approcha, se fondit dans la masse et finit par s'appuyer sur les épaules recouvertes de tissus raidi par la saleté d'un mordeur pour voir au-dessus des têtes grondantes ce qui se trouvaient derrière les barreaux d'une fenêtre brisée.

C'était un préjugé, un choix subjectif, mais ce n'étaient ni des femmes ni des enfants qui y étaient cachés. C'étaient des hommes adultes au look de motards agressifs quoique famélique, alors Shizuru s'en détourna. Si ce n'étaient pas eux qui les avaient capturés, ils leur ressemblaient drôlement et Shizuru n'avait pas particulièrement de remords de les laisser là.

Elle continuait de beaucoup plus s'en vouloir pour les enfants…

Sur la rue leur servant de marché, beaucoup de produits avaient brûlé ou pourri en 18 jours.

Elle retrouva les explosifs intacts. Il ne semblait pas en manquer depuis le jour de son vol. Par mesure de précaution, au cas où, des pillards auraient survécu et voudraient un jour revenir se venger, elle récupéra tous les explosifs et les fourra dans un sac pour s'en aller les cacher dans la ville.

Elle récupéra quelques armes et des affaires diverses qui pourraient intéresser l'École.

Ses deux sacs étaient pleins. Shizuru finit par les poser à même le sol alors qu'elle se sentait intriguée par les motos abandonnées. Comme elle n'était pas pressée et que le véhicule pourrait se montrer utile, elle passa près de deux heures à trouver un jeu de clés dans les poches d'un mordeur puis le véhicule correspondant… Une moto lustrée comme si elle était neuve fut finalement découverte. Elle passa un moment à savoir comment la démarrer et tenta plus d'une fois de rouler avec. Le moteur gronda et des mordeurs s'approchèrent. Les survivants enfermés devaient s'agiter à l'idée d'un potentiel secours.

Elle passa le reste de l'après-midi et la plus grande partie du lendemain à tenter de la conduire, oscillant, chutant, se blessant et recommençant. Après quoi, fatiguée et abimée par ses nombreuses tentatives, elle partit chargée de ses deux sacs. Ils lui tiraient sur les épaules mais, après avoir localisé un bâtiment rempli de mordeurs, elle força un des appartements où s'était établi un nid et elle y déposa le sac d'explosifs avant de repartir après avoir refermé la porte avec le nid toujours piégé à l'intérieur. C'était un système de protection comme un autre.

Lorsqu'elle arriva à l'École, elle tendit le second sac expliquant que les pillards, s'il y en avait encore, devaient être peu nombreux. Leur camp n'avait pas survécu.

Il y eut une célébration pour fêter ça.

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Ces explorations prirent un rythme régulier. Elle continuait de s'entraîner en moto, cartographiait la ville, continuait de ramener des produits essentiels pour l'École, éliminait parfois des mordeurs, préférentillement les Ecorchés qui méritaient le repos après leur souffrance. Elle rentrait, déjeunait avec Ahn Lu ou d'autres occupants, lisait, écrivait dans son carnet, aidait au champ parfois. Quand elle mit la main sur un nouveau polaroid, elle le ramena à l'École, prit des photos d'elle avec Ahn Lu, de Miss Maria, de l'École. Elle en laissait aux enfants qui les voulaient et gardait certaines qu'elle glissait dans son carnet avec celles d'Hana et de Reito.

La vie prenait un rythme qui lui convenait, elle pouvait s'imaginer poursuivre ainsi.

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L'hiver était arrivé et, en ce début de nouvelle année, une épaisse couche de neige recouvrait les rues.

Miss Maria lui avait notifié que ce n'était pas dramatique si elle ne sortait pas cette semaine-là, ou ce mois-là de manière générale. L'École ne manquait de rien, les pillards ne s'étaient plus fait entendre. Shizuru avait vu les pillards réfugiés dans le bâtiment mourir de faim et ils étaient probablement les derniers d'entre eux.

Elle avait enterré Mitsukaze et Tori -ou plutôt les écorchés qu'elle supposait être eux, et se recueillait régulièrement sur le tombe, même si elle pensait plutôt à Hana qu'à eux.

Rien ne nécessitait particulièrement qu'elle sorte, mais ironiquement pour toutes les raisons qui l'avaient dégoûté de la solitude, elle avait aussi développé parfois un besoin de se retrouver seule avec ses pensées. Une journée en tête à tête avec elle-même lui faisait du bien.

Elle marchait dans les rues, la neige craquant sous ses pieds et profitant du silence. Elle se figea à un moment surprise de voir un lièvre blanc traverser la rue.

Il était rare de voir des animaux sauvages dans les villes remplis de mordeurs, il fuyait la présence des contaminés bien plus qu'ils n'avaient fui les humains d'avant la Chute.

C'était donc étonnant de…

Shizuru observa avec attention les lieux. Elle venait de traverser une bonne dizaine de rues avant de réaliser ce qui la gênait. Il n'y avait pas de mordeurs. Aucune trace dans la neige, neige qui tombait depuis quelques jours. Elle ne les sentait pas plus qu'elle ne les voyait.

Elle se rapprocha des bâtiments où des mordeurs étaient parfois piégés. Pas de mystère, ils y étaient toujours piégés, mais ils grattaient contre les murs. Elle dut voir 3 ou 4 cas de ce genre pour comprendre là encore qu'ils grattaient contre les portes ou les murs mais tous dans la même direction, comme si quelque chose les attirait, quelque chose d'important qui les poussait à vouloir traverser des murs. Il n'y avait pas de son, ni d'odeurs de survivants pour provoquer une réaction aussi forte alors Shizuru remonta les rues dans la direction vers laquelle ils grattaient dans l'espoir de trouver une explication à ce phénomène.

Elle s'éloignait de l'École, la ville était grande mais elle n'avait jamais été aussi vide.

Petit à petit, des traces de mordeurs apparrurent de plus en plus nombreuses, venant de différentes rues et tous orientés dans une même direction. Et puis, il y eut finalement l'odeur.

Même un humain l'aurait senti.

L'odeur de mordeurs, de beaucoup de mordeurs.

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Shizuru décida de ne pas s'y élancer. De ne pas foncer dans le tas. De comprendre ce qu'il se passait.

Elle était non loin d'une tour dans un des rares quartiers possédant des immeubles de grandes hauteurs. La tour dominait ses voisines par plusieurs étages. Shizuru s'y dirigea et découvrit une porte de hall déjà ouverte et recouverte d'un fouillis de branchage dénudé et enneigé. Shizuru y entra soulevant un nuage de poussière et de neige, faisant craquer un carrelage fissuré sous ses pieds.

Elle tapota ses poches jusqu'à localiser sa lampe torche et, à la lumière blanche, se mit à monter les marches.

D'abord deux par deux puis de plus en plus lentement avant de faire des pauses à chaque palier. Cet immeuble était effroyablement haut, Shizuru ne s'amusait guère habituellement à grimper aussi haut. L'effort valait rarement la récompense.

A partir d'un certain pallier, des caisses, des grilles et des planches avaient été disposées pour barricader les étages supérieurs. Shizuru se demanda si des mordeurs s'étaient déjà amusés à monter ou descendre autant d'étage. Il devait y avoir eu des contaminés même à ces étages, mais il faisait trop sombre pour voir les traces de sang éventuelles. Ce qui attirait les mordeurs de la ville avait dû faire descendre tous les mordeurs présents dans les couloirs et escaliers. Elle en entendait quelques-uns en train de gratter mur ou porte, mordeurs enfermés depuis la Chute dans leur appartement.

Shizuru perdit un temps fou à se dégager l'accès à l'escalier pour l'étage supérieur. Elle se félicita de porter des gants qu'elle n'utilisait pas contre le froid mais pour ce genre d'éventualité: éviter de s'abîmer les mains avec des clous rouillés et des échardes de bois.

Elle reprit finalement son ascension, découvrant d'autres escaliers encore et encore, dont la solidité devenait parfois discutable.

Et puis finalement, il n'y eut plus rien à monter. Shizuru se laissa choir quelques minutes pour se reposer, pour tout ce que le Parasite palliait en termes d'endurance elle n'était pas non plus infatigable et elle le ressentait à présent dans les cuisses et le souffle.

Après que sa vision se soit ré-éclaircit, Shizuru força une porte d'un appartement qui devait donner vers le Sud, l'endroit où les mordeurs se dirigeaient. En réalité, c'était presque plus un choix au hasard qu'autre chose. A force de tourner dans les escaliers à la seule lumière de sa torche, elle avait perdu ses repères depuis longtemps.

L'appartement, bien évidemment, ne débouchait pas tout à fait côté Sud, mais une des fenêtres -celle d'une des chambres- était effectivement bien orientée.

Ce fut à peine si elle fit attention au mordeur piégé dans le salon, grattant la porte donnant sur le couloir. Comme conscient qu'une ouverture venait de se présenter, il se détourna du sud pour emprunter la porte d'entrée et entreprendre la descente de l'immeuble.

Shizuru, elle, repoussa les rideaux grisâtres de poussière et entrouvrit la fenêtre à guillotine.

Elle ne comprit pas immédiatement ce qu'elle vit. Et puis finalement, elle sut. Cette masse immense, sombre, mouvante et tentaculaire, qui ondulait dans plusieurs rues et étouffait la moindre parcelle d'espaces vides étaient des mordeurs, des milliers de mordeurs serrés épaule contre épaule.

C'était une gigantesque horde, la plus grande qu'elle n'eût jamais vu.