Sansa n'attendait pas de visite lorsqu'on toqua à la porte de ses appartements du Donjon Rouge, mais elle ne fut pas étonnée de voir les portes s'ouvrir pour laisser passer Tyrion, lorsqu'elle l'invita à entrer.

A vrai dire, elle espérait qu'il viendrait la voir.

Depuis sa fuite de Winterfell (avant cela, même), elle s'était rendu compte qu'elle avait bien plus de sentiments à son égard qu'elle ne l'aurait cru.

La dévastation du Donjon Rouge n'avait fait que confirmer et renforcer cette impression.

Le baiser qu'elle lui avait donné dans le feu de l'action, juste après qu'ils aient réussi à s'en sortir avait certes été donné avec l'euphorie du moment, mais Sansa ne pouvait nier qu'elle en avait envie, et qu'elle l'avait apprécié, beaucoup apprécié.

De plus, Tyrion s'était toujours montré aimable et attentionné, avec elle.

Elle ne plaisantait pas lorsque, à Winterfell, elle lui avait dit qu'il avait été le meilleur des hommes qu'elle ait véritablement côtoyé, en dehors de son père et de ses frères.

Elle savait qu'ils devraient reparler de ce baiser, qu'ils ne pouvaient pas laisser les choses comme elles l'étaient, surtout avec leurs nominations respectives récentes, mais elle n'avait pas encore trouvé le courage de faire le premier pas vers lui pour entamer la conversation.

C'était presque idiot, pensait-elle souvent, après tout ce qu'elle avait vécu, avoir peur d'une simple discussion, et pourtant, elle savait que le tournant que prendrait sa vie après cela en dépendrait.

Tyrion s'avança, presque timidement, vers elle, suivi par Stelsa, ne sachant visiblement pas comment aborder le sujet :

''Alors comme ça, vous voilà Reine du Nord…''

''On dirait bien. Et vous, vous voilà seigneur de Castral Roc, Gouverneur de l'Ouest, et Main de la Reine.''

Tyrion eut un petit rire :

''Si un jour on m'avait prédit cet avenir, j'aurais ri au nez de la personne qui me l'aurait dit.''

Sansa le regarda :

''Comme quoi, les gens changent d'état d'esprit…''

Tyrion hocha la tête.

Sansa baissa les yeux sur ses mains, n'osant brusquement plus le regarder en face, par peur de ce qu'il dirait :

''Ecoutez… je dois vous parler de quelque chose…''

''Je vous écoute…''

''C'est à propos du baiser.'' Le mot eut du mal à sortir. ''Celui que je vous ai donné lorsque nous sommes parvenus à sortir du château.''

Tyrion croisa les doigts, espérant, tout au fond de lui, qu'elle ne le rejetterait pas. Voyant qu'il n'ajoutait rien, l'écoutant attentivement, elle poursuivit :

''Je comprendrais parfaitement que pour vous, cela ne veuille rien dire… Mais ça n'est pas mon cas, et je…''

Tyrion l'interrompit doucement :

''Vous n'avez pas besoin de vous justifier. Pour moi non plus, ce baiser ne signifiait pas rien.''

Ce fut à son tour de baisser les yeux :

''J'espérais qu'il en serait de même pour vous.''

Il releva la tête, les émeraudes rencontrèrent à nouveau les saphirs.

''Je vous aime, Sansa. Beaucoup, même. Certainement plus que ce que je ne le pense.''

Sansa se sentit rougir à cette déclaration, comme si elle n'était encore qu'une enfant.

Elle avait tant rêvé que quelqu'un lui dirait cela un jour, même si, quand elle était une petite fille, elle espérait que cela soit un chevalier fort, grand et beau.

Mais, en fin de compte, elle préférait que cela soit Tyrion.

Peu de bels hommes, ou d'hommes forts et grands qu'elle avait connus s'étaient montrés à la hauteur de sa gentillesse, de son amabilité, et de sa politesse pour elle.

Mais, néanmoins, la vague de bonheur qui avait jailli en elle fut bien vite rattrapée par la réalité.

''Mais cela est impossible. Comment allons-nous pouvoir faire ? Vous allez repartir pour Castral Roc ou rester ici, et moi, je vais devoir retourner à Winterfell.''

Tyrion secoua la tête :

''Rien n'est impossible. J'irai voir Cersei, et je lui dirai que, si j'ai été très touché par son offre, je ne peux pas l'accepter. Elle comprendra.''

Sansa sourit.

C'était la plus belle des dévotions. Tyrion était prêt à abandonner ses titres et terres pour pouvoir être avec elle.

Jamais elle n'aurait cru qu'un homme ferait cela pour elle.

Mais Tyrion n'était pas n'importe lequel des hommes.

Il était unique.

Et c'était l'homme dont elle était tombé amoureuse.

oOo

La porte du bureau de Cersei était déjà ouverte lorsque Tyrion arriva devant la pièce.

Il allait frapper, mais la voix de sa sœur l'invitant à entrer résonna avant que ses doigts ne touchent le bois.

Il s'approcha de son bureau, et elle lui fit signe de s'asseoir.

Signant la lettre qu'elle venait de terminer d'écrire, elle repoussa le papier, posa sa plume, et le regarda dans les yeux.

Tyrion se surprit à repenser à une scène extrêmement similaire, des mois et des mois auparavant, mais qui auraient tout aussi bien pu être des années, tant ils lui paraissaient éloignés, tant de choses s'étaient passées, avaient évolué depuis.

Il fut tiré de sa rêverie par la voix de Cersei :

''Que me vaut le plaisir de ta visite ?''

Tyrion déglutit. Il espérait que Cersei accepterait son refus, que cela ne gâche pas toutes les nouvelles bases sur lesquelles ils étaient partis :

''Je suis venu te dire que je décline ta proposition. Je ne peux pas accepter Castral Roc, ni d'être ta Main, bien que j'ai été très touché que tu me le propose.''

A sa grande surprise, alors qu'il s'était attendu à un rejet, des cris, une dispute, Cersei se contenta de sourire :

''Je me doutais que tu viendrais pour me dire ça.''

Tyrion fronça les sourcils. Sansa et lui venaient à peine d'en parler. Cela crevait-il donc tant les yeux que cela ?

''Comment pouvais-tu le savoir ?''

''J'ai bien vu la manière dont Sansa et toi, vous vous regardiez. En fait, je pense que vous êtes les seuls à avoir mis autant de temps à vous en rendre compte.''

''Les choses que l'on fait par amour.''

Cersei haussa un sourcil, mais n'ajouta rien quant à cette déclaration.

''Toujours est-il que Castral Roc est à toi.''

Tyrion s'apprêtait à protester, mais Cersei leva la main, pour qu'il la laisse parler :

''Je sais, je sais, tu vas aller à Winterfell avec Sansa. Mais Père a été le seigneur du Roc en même temps qu'il servait Aerys comme Main du Roi ici. Pendant des années et des années, il a gouverné les Terres de l'Ouest depuis Port-Réal.''

Tyrion ne dit rien. Après tout, ce que Cersei disait était vrai, son raisonnement tenait debout.

Hochant la tête, il se leva.

Mais, quand il fut au niveau des portes, il entendit Cersei derrière lui :

''Et j'espère bien avoir suffisamment de neveux et de nièces pour hériter de Winterfell et de Castral Roc.''

Pouffant et secouant la tête, il quitta la pièce.

oOo

Cersei fut réveillée au beau milieu de la nuit par une désagréable sensation d'humidité entre ses jambes.

Pendant un bref instant, elle eut peur que ce soit comme la dernière fois, que la lumière ne lui apporterait que la vision d'une large tache écarlate, la vision de la mort.

Mais une douleur bien connue dans son abdomen lui prouva que non.

La contraction ne dura que quelques secondes, avant de s'évanouir.

Elle secoua Jaime, essayant de le réveiller, en l'appelant doucement :

''Jaime… Jaime…''

Il grommela quelque chose sur le fait d'avoir été dérangé en plein sommeil, jusqu'à ce qu'elle lui dise :

''Jaime, le bébé va arriver…''

Tout d'un coup, il se redressa, bien éveillé.

''Comment ça, le bébé va arriver ?''

Cersei désigna la tache humide sur leurs draps, et Jaime comprit.

Elle venait de perdre les eaux. Il ne leur restait plus beaucoup de temps avant que leur petit lionceau ne soit là.

Il se leva à la hâte, cherchant ses vêtements :

''Ne bouge surtout pas, je vais chercher Qyburn.''

Le vieil homme leur avait dit qu'ils pourraient venir le chercher à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, dès que la naissance commencerait.

Cersei acquiesça, ce n'était pas comme si elle avait vraiment eu la possibilité de faire autre chose.

Jaime quitta leurs appartements, et elle s'appuya contre les oreillers, alors qu'une nouvelle vague de douleur contractait son utérus, bien plus fort que dans ses souvenirs.

Elle posa ses deux mains sur son ventre :

''Attends encore un peu, mon petit amour… Juste un peu…''

oOo

Après des minutes qui parurent interminables à Cersei, Jaime revint avec Qyburn, suivis également par plusieurs sages-femmes.

Les contractions se faisaient de plus en plus fortes et régulières, il allait bientôt falloir pousser pour faire enfin sortir ce bébé, attendu par tout le monde.

Jaime vint se mettre juste à côté de Cersei, la laissant s'appuyer contre lui et serrer ses mains.

Une sage-femme assez âgée s'approcha d'eux, et tenta de chasser Jaime de la pièce :

''Vous n'avez rien à faire ici, messire. Le seul homme autorisé à être dans une salle d'accouchement est le mestre.''

Jaime répliqua :

''C'est mon fils ou ma fille, qui va bientôt venir au monde. Personne ici n'est plus à sa place que moi.''

La sage-femme s'apprêtait à répondre, mais elle fut interrompue par Cersei qui, malgré la douleur, déclara d'un ton qui ne souffrait aucune contestation :

''Il ne va nulle part. Sa place est ici.''

N'osant rien redire à un ordre direct de la part de la reine, la sage-femme laissa tomber.

Jaime se reconcentra entièrement sur Cersei, au moment même où son visage se tordit à nouveau en une grimace, à cause de la souffrance que lui faisait endurer l'accouchement.

L'embrassant sur la joue, il lui souffla à l'oreille :

''Respire… Respire, tout va bien se passer…''

Il n'en savait absolument rien à vrai dire, personne ne pouvait le savoir, mais Cersei était entourée par un véritable bataillon de sages-femmes et Qyburn, et il voulait croire que tout allait se dérouler normalement, et qu'à la fin, il n'y aurait que Cersei, lui, et leur bébé.

oOo

Lorsque l'aube fit enfin voir ses couleurs pâles, le bébé n'était toujours pas né.

Des heures s'étaient écoulées depuis que Cersei avait perdu les eaux, et pourtant, toujours rien.

Jaime s'inquiétait. Cersei commençait sérieusement à fatiguer, à cause de la douleur et de l'effort que cela lui demandait pour la surmonter.

Mais lorsqu'une nouvelle contraction vint, plus forte et plus longues que toutes celles qui l'avaient précédées, Qyburn ôta les draps, et écarta doucement les jambes de Cersei.

Il déclara :

''Ça y est, je peux voir la tête. A la prochaine contraction, il va falloir pousser.''

Cersei fit ce qu'on lui dit, mettant toute ses forces pour expulser le bébé, serrant les deux mains de Jaime, celle d'or et celle de chair, avant de se laisser retomber contre lui, posant sa tête sur son épaule.

Il l'encouragea doucement :

'' Ça va aller, ça va aller, c'est presque fini… Tu te débrouilles très bien, tout va bien…''

Elle maugréa, sa voix rocailleuse à cause de la fatigue et de la douleur :

''Ce n'est pas l'impression que j'ai, de là où je suis…''

Il retint un rire, pensant que cela ne serait pas forcément très bien pris, et se contenta de l'embrasser à nouveau sur la joue.

oOo

Lorsque les premiers rayons du soleil inondèrent la pièce, des pleurs de bébé se firent entendre.

Cersei s'appuya à nouveau sur Jaime, s'autorisant à fermer les yeux, complètement épuisée après l'effort qu'elle venait de faire pendant une bonne partie de la nuit, pendant que Qyburn prenait le soin de couper le cordon ombilical, et de nettoyer le bébé.

Mais le repos fut interrompu lorsque ce dernier plaça le bébé, emmailloté dans des langes blanches brodées de lions dorés, dans les bras de sa mère, déclarant :

''Une jolie petite fille en bonne santé, Votre Majesté. Toutes mes félicitations…''

Cersei sourit, une larme coulant sur sa joue.

Leur fille. Leur petite fille, à Jaime et à elle.

Elle tourna ses yeux vers lui.

Il souriait comme elle ne se rappelait pas l'avoir vue sourire auparavant.

Il était heureux, elle pouvait le dire.

Les doigts de sa bonne main vinrent rejoindre les siens à l'endroit où sa main soutenait leur petit lionceau, l'embrassant sur la tempe :

''Merci… Merci beaucoup…''

Appuyant son front contre le sien, elle plaisanta :

''Alors comme ça, tu avais vu juste… Une petite fille… Tu es content ?''

Une larme coula sur sa joue, à lui aussi.

Ce qu'il était en train de vivre ressemblait à un rêve, un rêve bien trop beau, auquel il n'avait jamais pu cesser de penser, même s'il croyait que cela ne serait jamais possible.

Et pourtant, la vie lui avait prouvé que non.

''Oui… Oui, je suis content… Elle est absolument parfaite…''

Cersei regarda la petite dans ses bras, avec ses cheveux dorés duveteux, une vraie Lannister, souriant toujours, ne se rappelant pas de quand elle avait été aussi heureuse :

''Oui… Oui, elle l'est…''

oOo

Alors que la matinée était déjà bien avancée, on frappa à la porte des appartements de Jaime et Cersei.

Jaime, qui avait décidé de rester plus longtemps avec Cersei et leur fille, alla ouvrir.

Sansa et Tyrion se glissèrent le plus silencieusement possible dans la pièce.

La petite dormait contre la poitrine de sa mère, qui veillait sur elle, assise sur son lit.

Tyrion s'approcha de sa sœur pour mieux pouvoir voir le bébé.

Prenant garde à ne pas la réveiller, Cersei la tourna vers lui, pour qu'il puisse la voir.

''Alors comme ça, j'ai une nièce…''

Doucement, il leva la main, et caressa la joue légèrement potelée de la petite fille :

''Bonjour, ma chérie…''

Sansa regarda elle aussi le bébé, souriant :

''Elle est adorable. Est-ce qu'elle a un nom ?''

Jaime échangea un regard avec Cersei avant de déclarer :

''Joanna. Joanna Lannister.''

Tyrion sourit.

Oui, Joanna lui allait très bien.

Cersei le regarda :

''Tu veux la prendre ?''

Tyrion s'étonna :

''Moi ?''

''Oui, toi. Tu es son oncle, après tout.''

Hochant la tête, Tyrion tendit les bras.

La petite Joanna remua un peu, perturbée par le changement de bras, mais retrouva bien vite une position qui lui convenait dans les bras de son oncle.

Tyrion sourit.

Encore une fois, il n'avait jamais eu la chance de tenir ses neveux et sa nièce dans ses bras lorsqu'ils étaient tout juste des nouveau-nés. Il avait fallu attendre qu'ils soient assez grands et que Cersei ait le dos tourné suffisamment longtemps pour qu'ils puissent passer un peu de temps avec eux, Myrcella et Tommen, du moins.

Mais cette fois-ci, tout était différent.

Et il comptait bien en profiter.

Il sourit à Sansa.

Peut-être que dans quelques années, cela serait leurs enfants, qu'il bercerait contre lui, leurs enfants à eux.

Et aucune pensée ne le remplissait d'une plus grande joie que celle-ci.


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Ce texte répond à des dettes prises sur le serveur Discord ''Les Défis Galactiques'' :

- Prompt 78 – Respire, ça va bien se passer