Chapitre 29 : Dirk
En revenant sur le rivage, elle s'assit sur un rocher, contemplant son dernier espoir disparaître dans les brumes qui recouvraient Azkaban.
Les bras croisés sur son ventre, elle pleurait sans chercher à contrôler ses larmes.
Dirk.
Il n'était pas à Azkaban, il était vraiment mort.
Il fallait qu'elle réussisse à abandonner l'espoir de le revoir. Il était mort.
- Ça va ?
Le mangemort au manteau de cuir.
Elle se redressa d'un bond, la baguette serrée dans sa main tremblante. Elle était très mauvaise au corps à corps mais vendrait très chèrement sa peau.
Il était seul. Il n'abordait plus son rictus cruel mais un visage inquiet.
- M'sieur ? Qu'que chose allait pas avec les gamelles ?
- Tu ne venais pas réellement pour ça à Azkaban, n'est-ce pas ?
- M'sieur ?...
Les tremblements de Deryn étaient maintenant incontrôlables, les bras serrés contre elle, vague rempart contre un doloris qu'elle pressentait imminent.
Il semblait inquiet, abasourdi et retira son manteau pour le mettre sur les épaules de la livreuse.
- Tu es enceinte ?
Deryn ouvrit la bouche d'étonnement, puis la referma. Puis l'ouvrit à nouveau pour essayer de formuler une réponse, et la referma.
Si elle avait pu s'arrêter de trembler, elle aurait pu essayer d'éviter d'avoir l'air d'un poisson rouge, mais son corps, trop occupé à lui rappeler qu'elle était censée protéger l'enfant qu'elle portait, n'obéissait plus.
Personne n'avait remarqué sa grossesse.
Elle commençait à sentir bouger le fœtus, néanmoins son ventre tardait à s'arrondir.
Les mauvaises conditions de vie et sa malnutrition inquiétait la sage-femme, qui croyait qu'elle était sans domicile après avoir fuit "des ennuis" sur lesquels sa patiente ne s'attardait pas mais qui semblaient la terrifier.
En cette fin de deuxième trimestre, la professionnelle moldue que Deryn avait consultée ne comprenait pas comment le foetus s'était accroché jusque là.
Elle parlait d'un miracle, ce qui faisait rire jaune Deryn.
Un miracle tellement espéré quand les conditions étaient favorables, et qui ne s'était produit qu'au pire moment, quand elle se retrouvait seule et qu'elle n'avait aucun moyen de se mettre en sécurité pour protéger son futur enfant.
Le mangemort détacha les yeux de son ventre puis la regarda douloureusement
- C'est grâce à toi si j'ai pu sortir de Azkaban. Ils m'ont envoyé t'interroger. Deryn...
La panique d'avoir été identifiée, malgré le pseudonyme qu'elle avait donné à Azkaban, faisait maintenant suffoquer Deryn, elle leva sa baguette pour attaquer la première.
Mais au lieu de lever la sienne, le mangemort lui toucha avec douceur l'épaule pour la regarder dans les yeux.
- Est-ce que le père, c'est moi ?
Le visage de l'homme n'était plus celui qu'elle avait croisé dans le mirador. Les cheveux s'étaient éclaircis, le regard était maintenant doux, inquiet et... Plein d'espoir ?...
- Merlin ! Dirk ! Dirk...
Deryn s'élança, bras ouverts, puis hésita, et enfin se jeta sur Dirk quand celui-ci ouvrit les bras.
- Deryn, je n'aurai jamais cru te revoir. J'étais au supplice, je ne savais pas quoi faire pour te parler.
Il enfouit son visage dans ses cheveux et amorça un mouvement pour l'embrasser quand il hésita.
- Est-ce que je peux... Je peux toujours t'embrasser ?
Deryn lui répondit avec un fougueux baiser. Son cœur battait très fort, elle tremblait toujours.
Elle relâcha son étreinte soudainement et le regarda droit dans les yeux.
- Est ce que tu te souviens où on s'est rencontré ?
- Hein ?... Oh, tu te demandes si je suis bien moi ? Tu avais renversé ma gamelle de navets.
Deryn soupira de soulagement.
- Il ne s'agit plus seulement de moi.
Il baissa les yeux pour regarder encore son ventre.
- Tu es folle d'être venue, ils auraient pu...
- Je ne savais pas si tu étais vivant, j'étais tellement désespérée.
- Qu'est-ce que tu aurais fait si j'avais été prisonnier ?
- Je ne sais pas. Revenir avec un plan pour te faire sortir, j'imagine.
- De la folie ! Ils se sont doutés de quelque chose. J'ai eu beaucoup de mal à les convaincre de me laisser y aller.
Deryn passa lentement sa main pour caresser le visage, semblant chercher les traits qu'elle aimait.
- Comment tu t'es retrouvé là-dedans ?
- Quand ils m'ont attaqué, j'ai... Accidentellement... Un des gardiens… S'est retrouvé mort, et j'ai changé mon identité avec la sienne. J'ai suivi ses copains pour jouer le jeu, et je me suis retrouvé à un poste de direction. Au début, je voulais juste m'enfuir le plus vite possible. Mais ça semblait infaisable, chacun surveille en permanence les autres. Je pouvais au moins essayer de sauver ceux qui étaient emmenés à Azkaban. Quand un nouveau prisonnier arrive, je trouve tous les vices de procédures, falsifie son dossier ou l'exfiltre discrètement. Enfin, j'essaye…
- Tu ne pouvais pas me prévenir ? Quand j'ai appris ta mort, j'ai cru…
- Ton père. Dit sombrement Dirk.
- Tu m'en veux parce qu'il t'a dénoncé ?
- Non ! Bien sûr que non ! Mais chaque fois que j'essayais de te prévenir, j'ai vu qu'il essayait de suivre le patronus pour te retrouver. Il cherchait peut-être à savoir si j'étais vivant, ou alors il s'inquiétait de savoir si tu étais bien de son côté. Je l'ai entendu parler de couper les branches pourries de l'arbre généalogique. Depuis Azkaban, je pouvais le surveiller.
- C'est peut-être des choses qu'il vaut mieux que je sache, plutôt que de les gérer à ma place, répondit Deryn très agacé.
- Dirk se tut, surpris, puis contrit.
- Je ne pouvais pas bouger d'Azkaban pour te parler sans attirer plus les soupçons, je n'avais aucun moyen de te prévenir.
Deryn se sentait très énervée, mais avait d'autres chats à fouetter. Sous l'effet de l'étreinte, ses tremblements commençaient à se calmer.
- Est-ce que... Est-ce que tu es bien enceinte ? Je t'ai trouvé tellement changée en te voyant…
- Oui, lui répondit Deryn dans un murmure.
Elle sentit Dirk retenir son souffle, blotti contre elle.
- Merlin ! Un bébé... Merlin, merci.
La pressant contre lui, il sentit qu'elle l'entraînait magicalement.
