Mot de l'auteur
/!\ Cette histoire est une réécriture en version boy x boy de "La quête des Livres-Monde" de Carina Rozenfeld, l'histoire et les personnages lui appartiennent ! Les livres peuvent être acheter sur amazon, fnac et en librairie ! (Environ 5 à 14 euros le livre et environ 30 euros l'intégrale) pour soutenir l'auteur et la financer dans ses projets ! /!\
PS : Les personnages autres que Nathan, Zayn, Lia et Aela ne m'appartiennent pas ! Ils sont de Carina Rozenfeld, une écrivaine très talentueuse que j'admire !
Assise dans la cuisine de Nathan où ils s'étaient retrouvés avant de se rendre à la soirée de leur amie Alice, Lia gobait des M&M's à toute vitesse, calquant son activité cérébrale frénétique sur les claquements secs de sa mâchoire broyant les confiseries. Elle n'avait pas encore eu de migraine, mais elle avait l'impression que son cerveau tournait à toute vitesse, explorant des cheminements de pensées en accéléré. Pour le moment, elle n'avait pas parlé de sa visite chez Eyver à ses amis. Elle ne voulait pas les inquiéter plus que nécessaire. Ils avaient déjà suffisamment de choses à gérer sans avoir à se préoccuper de leur copine et de ses angoisses - certainement injustifiées. Donc elle continuait à jouer le rôle de Robine-bouffonne, avec son soutien indéfectible...
Par contre, elle ne pouvait pas s'empêcher de parler à toute vitesse, conséquence de son injection de mémo, et elle espérait que son débit saccadé n'allait pas les alarmer.
- J'en reviens pas. Le livre est là quelque part, on le sait grâce à la dernière distorsion, mais on ne peut pas le retrouver. C'est super énervant.
- Oui, mais c'est rassurant aussi. Il n'est pas complètement perdu, il est chez quelqu'un. Donc, on peut le retrouver, dit calmement Zayn en se dépêchant de piquer un chocolat avant que Lia ne vide le paquet.
- Mais comment ?
Nathan, les doigts dans les cheveux, ferma les yeux.
- Moi, j'ai une autre question, annonça-t-il en gardant les yeux clos, la tête en arrière et la nuque sur ses mains croisées.
- Laquelle ? aboya Lia.
Zayn lui adressa un regard inquisiteur, les sourcils froncés. Mais Nathan le détourna de la remarque qu'il s'apprêtait à faire :
- Quel est l'intérêt pour ce type de garder le Livre-Monde ? demanda le jeune Chébérien lentement. Ok, on peut imaginer qu'il l'a trouvé caché dans la tour Saint-Jacques. Mais il ne l'a signalé à personne. On en a la preuve avec les appels qu'a passés Zayn. Alors, pourquoi il l'a pris et que compte-t-il en faire ?
- Ça fait déjà deux questions..., grommela Lia.
- Nathan a raison, approuva Zayn en tambourinant des doigts la table de bois. S'il l'a gardé, c'est pour une raison précise. Sinon, il l'aurait signalé à son supérieur et on l'aurait su. À quoi ça peut bien lui servir ?
- À mon avis, il pensait que c'était un objet précieux et il voulait se faire du fric avec, dit Lia en avalant une pleine poignée de confiseries. Mais il a dû être drôlement déçu quand il l'a ouvert, continua-t-elle la bouche pleine.
- Tu crois ? Je veux dire, tu crois qu'il a l'idée de le revendre ? interrogea Zayn.
- D'après toi ? Tu trouves un objet caché dans un monument historique. À moins de se prendre pour le héros du Da Vinci Code et de penser trouver le secret du Graal dedans, je ne vois pas ce que tu peux en faire. Moi, perso, je tenterais de me faire quelques euros.
- Oui, mais toi, tu es basique, rétorqua Zayn en lui faisant une petite grimace.
- Peut-être bien, mais je suis l'humaine lambda, espèce de Chébérien. Et l'humain lambda, il est basique, ce qui l'intéresse, c'est le fric.
- Lia a raison, intervient Nathan. Je suis certain que celui qui a récupéré le livre comptait le revendre. Il l'a ouvert pour savoir ce qu'il contenait.
Lia adressa un grand sourire vainqueur à Zayn, les dents couvertes de chocolat fondu. Le jeune homme pouffa de rire en secouant la tête.
- Tu peux rester sérieux cinq minutes ? Bon..., partons de ce postulat. Je pense que c'est logique, je l'admets. Mais maintenant qu'il l'a ouvert, il a bien vu que ça n'avait pas vraiment de valeur.
- Zayn, mon petit Zayn, pour un Américain, tu ne raisonnes pas assez en capitaliste. De nos jours, on trouve des acheteurs pour tout ! Il suffit de chercher au bon endroit !
- Et c'est où le bon endroit, ma petite Lia ? demanda le Chébérien en employant le même ton professoral que son amie.
- eBay !
Les regards de Nathan et Zayn se croisèrent. Ça ne pouvait pas être aussi simple !
Et pourtant...
Ils se levèrent tous les trois d'un bond et se ruèrent dans la chambre de Nathan en traversant le salon où se trouvait la mère du garçon, qui peignait en écoutant de la musique classique. Elle releva la tête, alertée par la bousculade.
- Tout va bien ?
- Très bien, répondit Nathan. On a des courses en ligne à faire !
- Des courses ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils. Mais le trio avait déjà disparu, la laissant sans réponse.
Dans son antre, Nathan se précipita sur l'ordinateur et appuya sur la barre d'espace du clavier pour faire disparaître l'économiseur d'écran tout en s'asseyant. En quelques secondes, il était connecté sur eBay.
- Je cherche dans quelle catégorie ? demanda-t-il en faisant dérouler le menu.
eBay était un site de vente aux enchères. Les particuliers pouvaient y vendre ce dont ils voulaient se débarrasser, neuf ou d'occasion. Cela pouvait aller de la paire de chaussures à la voiture de luxe, en passant par les jouets, les vêtements et les livres... Ce marché virtuel était organisé en catégories susceptibles de guider l'acheteur à travers les millions de ventes proposées.
- Livres ? proposa Zayn, pragmatique.
Nathan cliqua sur le lien. Ses amis, penchés chacun derrière une épaule, scrutaient l'écran, en quête du Livre-Monde. Retenant leur souffle, ils parcoururent de nombreuses annonces de la section, fouillant dans les livres anciens ou d'occasion. Zayn avait enfoncé les ongles de sa main droite dans l'épaule de son ami, Lia avait l'impression que sa tête allait exploser. La recherche dura un moment, dans le plus grand silence. Sans succès.
- Essayons dans la partie « antiquités », on ne sait jamais ? suggéra Zayn dans un murmure.
Sa voix, qui n'était pourtant qu'un chuchotis dans la chambre, les fit quand même tous sursauter. Nathan hocha la tête.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Mais après un long moment passé à éplucher toutes les annonces dans un état de tension intense, ils durent se rendre à l'évidence : il n'y avait rien qui ressemblait au Livre-Monde. En tout cas, pas là où ils cherchaient.
- S'il est bien sur ce site, ça va être long de lire toutes les mises en vente, fit remarquer Nathan un poussant un soupir. Il y en a des milliers !
- Oui, et là, on n'a pas le temps, on est déjà en retard, rappela Lia en vérifiant l'heure sur son téléphone. Alice va nous attendre.
- Alors allons-y, on continuera plus tard.
Nathan éteignit l'ordinateur et se leva. Il s'étira en s'ébrouant et jeta un regard à Zayn qui se frottait les yeux, comme s' il venait de se réveiller d'un long sommeil.
- Ça va nous changer les idées, cette soirée, dit-il.
- Oui, et on en a bien besoin, renchérit Lia.
Alice avait déménagé quelques rues plus loin, derrière le parc, au cœur d'un lotissement privé dans lequel s'alignaient plusieurs maisons de briques claires, prolongées chacune d'un jardin. C'était un luxe de vivre dans un lieu comme celui-ci à Paris. Nathan et Lia sifflotèrent d'admiration en arrivant chez leur amie.
- Eh ben, ils sont blindés, les parents d'Alice, pour se payer une baraque pareille ! s'exclama Lia.
- Je ne sais pas, mais c'est grand en tout cas, dit Nathan en sonnant à la porte.
Une Alice tout excitée, les cheveux en pétard, les joues roses et les yeux brillants, leur ouvrit.
- Ah, super, vous voilà ! Je suis contente que vous soyez là ! Entrez vite ! On a commencé !
Du salon, qui se trouvait au bout de l'entrée marbrée, leur parvenaient de la musique trop forte, dont les basses faisaient vibrer les cadres accrochés aux murs, ainsi que des voix et des rires. Zayn suivit ses amis dans la maison, intimidé.
- Tu es l'ami américain dont m'a parlé Lia ? demanda Alice en détaillant Zayn d'un air inquisiteur.
- Oui.
- Bienvenue, alors !
- Merci.
Ils pénétrèrent dans le salon, plongés dans une pénombre seulement striée des éclats des lumières multicolores qui tourbillonnaient. Appuyée le long d'un mur, une table proposait un assortiment de plats et de boissons. Le canapé et les fauteuils en cuir avaient été poussés contre un autre mur afin de libérer un vaste espace où une vingtaine d'adolescents se trémoussaient au tempo de la musique.
- Trop classe la déco ! murmura Lia en appréciant le mobilier et l'immense écran plat accroché au-dessus du canapé.
Nathan, lui, ne dit pas un mot.
Il avait tout de suite repéré la longue chevelure blonde d'Aela qui ondulait alors qu'elle dansait en riant avec ses copines. Son cœur fit un petit bond. Il avait oublié qu'elle était une amie d'Alice. La dernière rencontre avec la jeune fille n'était pas un souvenir spécialement agréable. Il l'avait plantée au parc, en larmes, après qu'elle lui eut avoué qu'elle savait qu'il avait des ailes. Depuis, pas de nouvelles, pas d'appel. Elle avait respecté sa demande : le laisser tranquille.
- Tiens, y a ta copine qui est là..., fit remarquer Lia en lui donnant un coup de coude dans les côtes.
- J'ai vu, oui, merci, répondit Nathan d'un ton sarcastique.
À ce moment-là, comme si elle avait entendu le bref échange, Aela tourna la tête et son regard croisa celui de Nathan. Elle se figea aussitôt et pâlit dans la lumière stroboscopique. Elle le fixa un long moment avant de se retourner. On sentait à présent une certaine raideur dans ses mouvements.
- On va danser ? demanda Lia qui avait déjà commencé à se trémousser.
Sans un mot, Nathan la suivit. Il n'était pas un excellent danseur et avait toujours peur d'être ridicule, ne sachant pas quoi faire de ses longs bras. Mais il accompagna Lia, juste pour éviter d'avoir à penser à Aela.
Zayn, voulant éviter de se trouver à l'écart des seules personnes qu'elle connaissait, les rejoignit sur la piste, surmontant sa timidité. Très vite, le malaise se dissipa. Lia commença à faire la zouave, en inventant des chorégraphies improbables. Elle devint vite le centre d'attention, ce qui semblait lui plaire.
Nathan s'éclipsa pour se servir un verre de quelque chose de frais. Il préférait rester discret, d'autant que les slows commençaient. Il se disait que, si une fille venait à danser avec lui, en passant ses bras dans son dos elle sentirait forcément ses ailes camouflées sous sa chemise noire et sobre. Autant éviter de se mettre dans une situation pareille. Il laissait Lia profiter de la soirée et l'observa en pleine technique de drague auprès de la cousine d'Alice avec un intérêt certain.
Toutefois, Nathan fut heureux quand, sans hésiter, Zayn se planta devant lui et lui proposa de danser. Avec lui, il ne risquait pas de se faire remarquer, et il accepta avec plaisir son invitation.
Zayn mit avec quelque temps d'hésitation, ses bras autour de son cou. Ce geste d'intimité, inédit, le troubla. Il le regarda alors dans les yeux.
Zayn lui sourit timidement et rougit, avant de poser sa joue sur sa poitrine. Nathan se dit que, certainement, il devait entendre son cœur qui battait plus vite et cela le gêna. Il regarda autour de lui pour voir si Lia avait remarqué la situation, mais son amie était occupée à embrasser la cousine qu'elle avait draguée un peu plus tôt. Visiblement sa technique de drague était efficace. Il l'envia d'être aussi à l'aise et d'arriver à créer une intimité avec une fille qu'elle venait tout juste de rencontrer. Lui en était incapable, même avec celles qu'il connaissait bien. Il remarqua alors Aela, debout dans un coin sombre du salon, qui l'observait d'un œil perçant. Il détourna aussitôt les yeux et se concentra sur Zayn. Ses cheveux caressaient son cou, sa joue était toujours posée sur sa poitrine et il avait l'impression qu'il était brûlant à travers le tissu de sa chemise. Il se pencha un peu en avant, cherchant à dire quelque chose pour dissiper son malaise, mais Zayn leva la tête au même moment et ils se retrouvèrent tout proches l'un de l'autre. Le temps parut suspendu. La bouche de Zayn était là, à quelques centimètres de la sienne, légèrement entrouverte. Il n'avait qu'à se pencher un tout petit peu plus pour l'embrasser enfin. Mais il n'osa pas.
Il se redressa, troublé à l'extrême et encore plus envieux de Lia. Il ne reposa pas sa joue contre lui. La chanson s'arrêta, ils se séparèrent sans se regarder. Silencieux, Zayn alla se servir une boisson au buffet.
Nathan se dirigea quant à lui vers la baie vitrée qui s'ouvrait sur le jardin plongé dans la pénombre. Seuls quelques photophores équipés de bougies brillaient sur la table en teck sombre de la terrasse et produisaient une faible lueur.
Il posa son poing crispé et son front brûlant sur la vitre fraîche en fermant les yeux. Pourquoi tout était-il si simple pour certains et si compliqué pour lui ? Il aurait aimé se retrouver quelques minutes en arrière et oser poser ses lèvres sur celles de Zayn. Il se retourna pour voir ce qu'il faisait, prêt à lui demander de partager une autre danse avec lui, mais il n'était plus dans la pièce. La magie de l'instant ne se reproduirait plus. Il l'avait laissée filer...
Par contre, Aela s'avançait vers lui d'un pas décidé, perchée sur ses sandales à talons compensés qui allongeaient encore plus ses jambes fines mises en valeur par une jolie jupe à volants.
Nathan hésita à battre en retraite dans le jardin et à s'envoler loin de tout ça, mais il résista à la tentation et décida de faire face à la situation. Aela s'arrêta à un mètre de lui et le dévisagea un instant. Nathan crut voir une émotion fugace passer sur son visage, mais il ne sut pas la décrypter.
- Bonsoir, lui dit-elle d'une voix sèche.
- Bonsoir.
- Tu sais que tu as été ignoble avec moi ?
Au moins, elle était directe.
Nathan haussa les épaules. Bien sûr qu'il le savait, mais c'était pour son bien à elle. Personne ne devait connaître la vérité, encore moins maintenant que l'Avaleur de Mondes rôdait. Il vit Lia qui s'était arrêtée d'embrasser sa copine et lui jetait un regard en biais.
Aela fit encore un pas vers lui et se retrouva toute proche. Nathan pouvait sentir son parfum de jasmin. Elle était encore plus belle que dans ses souvenirs. Ses yeux bleu brillaient, ses pommettes hautes lui donnaient un air de chat. Une masse de longs cheveux blonds et raides encadraient parfaitement son visage de porcelaine.
Soudain, elle se mit sur la pointe des pieds en s'agrippant à son bras et lui chuchota dans le creux de l'oreille, à voix si basse qu'il crut avoir mal entendu :
- Nathan, je sais que tu es un Chébérien. C'est ce que j'essayais de te dire la dernière fois.
Nathan se pétrifia sous l'effet de la surprise. Comment pouvait-elle savoir ? Connaître Chébérith ? C'était impossible !
Il lui fallut un moment avant de retrouver l'usage de la parole.
- Viens avec moi, lui murmura-t-il.
Il fit coulisser la porte vitrée et avança de quelques pas dans le jardin, jusqu'à se retrouver derrière un arbre touffu, dont les feuilles épaisses lui offraient un peu d'intimité. Il entendait Aela, qui avait refermé la vitre après son passage, marcher légèrement derrière lui. Enfin, il se tourna vers la jeune fille.
- Qu'est-ce que tu viens de dire ?
- Je sais que tu es un Chébérien. Je ne voulais pas te faire peur ou divulguer ton secret quand on s'est vus au parc. J'ai trouvé la photo dans le journal après notre discussion et j'ai compris que tu étais inquiet. Ce n'est pas moi qui t'aurais trahi.
Nathan laissa les informations prendre forme dans son esprit. Dans un premier temps, il décida de jouer la comédie :
- De quoi tu parles ? Je ne comprends pas...
- Ah non ! Tu ne vas pas recommencer avec tes petits airs de « je ne capte rien à la vie ». Une fois, ça me suffit ! Je t'ai vu avec tes ailes un soir et il n'y a pas dix mille solutions : les Terriens n'ont pas d'ailes. Donc, tu es un Chébérien ! s'énerva Aela, les poings posés sur les hanches, le regard accusateur.
Le pseudo-masque d'innocence que Nathan avait, sans beaucoup de succès, tenté de poser sur ses traits disparut. Il finit par bredouiller ;
- C'est impossible... Comment es-tu au courant ?
- Mon père venait de là-bas aussi.
- Ton père ?
Nathan lui-même percevait l'ahurissement dans sa voix. Inconsciemment, ses yeux fouillèrent la pénombre à la recherche d'une chaise où se laisser tomber, mais le mobilier en teck se trouvait trop près de la porte vitrée et il préférait rester au fond du jardin. Aela continua son explication, ignorant le trouble de Nathan.
- Oui. Il était chébérien. Il est venu sur Terre juste avant la disparition de son monde. Il est mort maintenant. Ou plutôt, il s'est effacé.
- Comment s'appelait-il ?
- Larchael.
Nathan s'arrêta de respirer quelques secondes. Larchael ! Le porteur du troisième Livre-Monde ! Comment était-ce possible ? Il avait eu des enfants sur Terre ? Il fallait qu'il interroge Eyver très rapidement.
Il ne trouvait pas les mots pour exprimer sa stupéfaction. Mais Léa enchaîna :
- Ma mère s'est remariée après sa disparition, et a eu mes sœurs avec mon beau-père. Je suis la seule de la famille à être à moitié chébérienne.
- Tu... tu as des ailes ?
Aela soupira.
- Non..., hélas. J'ai espéré longtemps leur apparition. Mais je n'en ai pas. Je dois plus tenir du côté terrien, ajouta-t-elle avec un petit rire triste. Et toi ? D'où viens-tu ? Tes parents sont chébériens aussi ?
Nathan secoua la tête négativement. À voix basse, prenant le temps de choisir ses mots, il raconta son histoire succinctement à Aela.
Elle l'écouta attentivement, les yeux brillants.
- C'est ce que racontait mon père ! Il disait qu'il était là pour sauver son monde, mais il a disparu avant d'y arriver.
Elle s'interrompit et son regard se perdit dans la nuit. Elle semblait soudainement très loin d'ici, perdue dans un entrelacs de souvenirs, au cœur d'un temps qui n'existait plus.
Puis elle leva les yeux vers Nathan.
- Tu viens de là-bas, comme lui... Si tu savais comme ça me rend heureuse. Emmène-moi là-haut !
- Quoi ?
- Fais-moi voler ! J'adorais voler dans les bras de mon père ! S'il te plaît !
Nathan hésita. Aela devait certainement avoir un autre gabarit à l'époque où son père était encore en vie. Il ne pouvait pas la porter comme un bébé !
Mais la jeune fille semblait déjà avoir réfléchi à la question. Sans hésiter, elle posa ses pieds sur ceux de Nathan et s'agrippa à ses avant-bras, en levant vers lui un visage suppliant.
- Tu te souviens de Superman et Lois Lane ?
Nathan hocha la tête.
- Sois mon Superman !
Le garçon ne put retenir un sourire. Après tout, pourquoi pas? Si ça lui faisait plaisir...
Il vérifia les alentours : ils étaient parfaitement seuls dans la nuit... Il déboutonna lentement sa chemise noire et l'accrocha à une branche. Aela retint son souffle quelques instants et reposa ses mains fraîches sur la peau brûlante du Chébérien qui enroula ses bras autour de la taille de la jeune fille pour la maintenir. Doucement, Nathan déploya ses ailes et les fit battre, légères et irréelles comme de la mousse. Leur duvet léger se soulevait dans la brise tiède, telle une prairie ondulant sous le vent. Aela se cramponna un peu plus fort. Il décolla de quelques centimètres et jeta encore un regard par-dessus les branches de l'arbre. Personne ne remarquait ce qui se passait dans le jardin. Tous les invités dansaient sur une musique électro entraînante qui avait remplacé les notes langoureuses des slows. Le petit espace de verdure où ils se trouvaient était protégé par le rideau de feuilles, une pénombre douce par la chaleur de la soirée...
Aela étouffa un cri quand ils prirent soudainement de l'altitude et elle se serra plus fort contre Nathan, posant une joue sur sa poitrine nue. Le garçon continua à monter, jusqu'à ce que sa peau frissonne dans la fraîcheur de l'altitude. Au fur et à mesure, Aela se blottissait de plus en plus contre lui. Enfin, il se positionna en vol stationnaire au-dessus de la ville. Ses bras enveloppaient complètement la jeune fille qui osa enfin dégager son visage pour regarder le paysage qui s'étalait sous ses pieds. Des millions de lampions jaunes, orange, rouges ou verts scintillaient plus bas, comme si un coffre empli de bijoux brillants avait été ouvert, dévoilant ses éclats miroitants. La structure des rues ne se devinait que par l'alignement de leurs lampadaires. Le reste était noyé dans l'obscurité.
- C'est magnifique ! C'est magique !
Le Chébérien ne répondit rien. C'était la première fois qu'il volait dans ces conditions, et, plus encore que la beauté de la vue, c'était la proximité d'Aela qui le troublait. Il la tenait toujours par la taille, et il la sentait toute fine, toute légère dans ses bras.
Émerveillée, la jeune fille leva un regard perlé de larmes vers son ami.
- Pourquoi tu pleures ? demanda Nathan, décontenancé.
Il pensait qu'elle serait heureuse de voler.
- Si tu savais comme ça m'a manqué... Comme mon père me manque...
- Oui, je comprends. Tu sais...
Nathan hésita à continuer. Devait-il tout lui révéler ? Et si jamais ils ne trouvaient pas le deuxième livre, il ne voulait pas faire naître en elle de faux espoirs... Pourtant, la peine de son amie le poussa à dévoiler l'existence des Livres-Monde et de tous les habitants de Chébérith qui peut-être un jour reviendraient à la vie - si Zayn et lui retrouvaient les ouvrages comprenant tout le monde disparu. Aela l'écouta attentivement et une larme roula sur sa joue.
- Tu veux dire que mon père pourrait ressusciter un jour ?
- Pas vraiment. Il s'est enregistré avant de venir sur la Terre. Donc, s'il revient, il n'aura pas encore vécu son passage ici, ta naissance.
Aela réfléchit un instant.
- Ce n'est pas grave, je pourrai tout lui raconter, on refera connaissance ! On pourra tout recommencer! Du moment qu'il est là, que je peux entendre sa voix, retrouver son sourire.
Nathan lâcha la taille de la jeune fille d'une main et sécha la larme qui suivait la courbe de son menton.
- On va tout faire pour. Je te le promets.
- Merci, souffla Aela.
À ce moment-là, Nathan aurait été incapable d'expliquer comment les lèvres d'Aela se retrouvèrent collées contre les siennes. Il sentit son souffle chaud dans sa gorge, sa langue effleurer la sienne. Le mouvement de ses ailes ralentit et pendant leur baiser, intense, il redescendit doucement. Aela se serrait tout contre lui, ses mains entourant sa nuque. Le baiser dura longtemps, très longtemps.
Nathan se sentait traversé par un courant électrique qu'il n'avait jamais ressenti, qu'il n'aurait jamais imaginé avant de l'avoir vécu. Aela, la belle, la magnifique Aela se trouvait dans ses bras, l'embrassait avec passion ! Il se laissa porter par l'explosion de sensations qui le parcouraient, par le picotement de sa peau soudainement hérissée de frissons, par le vertige qui l'entraînait dans un tourbillon délicieux.
Enfin, Aela se sépara de lui, picorant de petits bisous sa joue, son menton, son cou... Il ouvrit les yeux pour reprendre pied dans la réalité. Il n'était plus qu'à quelques mètres du sol et ce qu'il aperçut le pétrifia. Aela sentit son mouvement de recul, car elle cessa aussitôt son exploration sensuelle de la peau de Nathan, Zayn se trouvait dans le jardin, le regard levé vers le couple, blême, les joues inondées de larmes. Quand il s'aperçut que Nathan et Aela le regardaient, ses yeux déjà emplis de peine s'élargirent de surprise. Il eut un moment d'hésitation puis tourna les talons et s'engouffra dans la maison.
- Oh non..., murmura Nathan, le cœur affolé à la fois par l'expérience qu'il venait de vivre et par la vision du chagrin de Zayn.
- Je suis désolée.
- Ne le sois pas. Nous étions deux, là-haut.
Nathan se posa doucement sur la pelouse et lâcha Aela.
- Excuse-moi, lui dit-il d'un air contrit.
- Vas-y, je comprends.
Nathan saisit sa chemise, l'enfila à toute allure et se précipita à la suite de Zayn.
C'est sur Lia qu'il tomba en premier.
- Ben alors, qu'est-ce qui se passe ? Zayn vient de se barrer limite en courant, en pleurant toutes les larmes de son corps.
- Il m'a surpris en train d'embrasser Aela. Je crois... que ça ne lui a pas plu.
- Tu as embrassé Aela ?
Nathan ne répondit même pas. Il farfouillait dans la poche de son jean à la recherche de son téléphone.
Lia sifflota d'un air appréciateur.
- Ben, mon gars, chapeau ! La plus belle fille du lycée... Je savais que tu les faisais toutes craquer.
Nathan entraîna Lia par le coude dans un coin isolé.
- Elle m'a raconté que son père, c'était Larchael, annonça t-il.
- À qui ?
- À Aela !
- Noooooon !...
Lia secoua la tête d'un air incrédule. Elle la regarda de loin, le temps de digérer l'information.
Sans plus se préoccuper de son amie, Nathan tenta, en vain, de joindre Zayn. Il avait éteint son portable et il tomba systématiquement sur sa messagerie. Il hésita à lui laisser une explication. Que dire ?
Aela l'observait depuis l'autre bout de la pièce, les yeux écarquillés, les lèvres rouges.
- Tu lui fais un sacré effet à Aela, commenta Lia remarquant les détails de son trouble. Elle est encore plus canon, on sent qu'elle a aimé ton baiser. Bravo, mon gars, tu as assuré !
- Arrête avec ça, qu'est-ce que je fais pour Zayn ?
- Mais rien, mon vieux. Tu n'as pas de comptes à lui rendre ! Vous n'êtes pas ensemble !
- Quand même...
- Quand même rien du tout ! Tu ne l'as pas trompé, vous ne vous êtes rien promis. Profite un peu de la situation, détends-toi, retourne embrasser Aela. En plus, elle est à moitié chébérienne, ça reste dans la famille comme ça...
Nathan haussa les épaules en levant les yeux au ciel. Pourtant, il admettait en son fort intérieur que Lia avait raison. Il ne devait rien à Zayn. Alors, sans un mot, il retourna près d'Aela, la prit par la main et l'entraîna à nouveau dans le jardin...
