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Partie 28
KEITH
Mon cœur tambourinait dès que j'entendais un bruit. J'étais planqué dans une des chambres du motel depuis la veille au soir, depuis Norma.
Quand je revins de la clinique la vieille en fin de journée, je fus sûr d'y être tranquille. La Police avait déjà fouillé les lieux. Je l'avais entendu à la radio. Je me faufilai dans la dernière chambre, la plus reculée, celle qui permettait de voir tout le périmètre autour du motel. Je savais que je ne pouvais pas y rester longtemps mais je ne savais pas où aller ni comment me sortir de tout ça alors je me suis terré ici. Je serrais ma tête entre mes mains, j'avais une migraine d'enfer après cette nuit blanche passée à attendre l'arrivée d'Alex. De toute façon, j'étais devenu insomniaque. Quand on m'avait retiré la garde de mon fils, mon monde s'était écroulé…
Hagard, une fois le jugement rendu, j'avais tenté de supplier ma femme avant qu'elle ne quitte le tribunal, je m'étais aplatis face à elle mais elle m'avait regardé de haut, un sourire victorieux au coin de la bouche.
-Ne fais pas ça Caroline.
-Tu as fait ça tout seul. Je ne t'ai pas forcé à devenir alcoolique, à devenir violent, à devenir un vrai connard.
Putain ! Quelle salope ! Si elle n'avait pas été si frigide et si exigeante et vénale je n'en serais pas là.
-Je comprends que tu m'en veuilles mais Nathan ne doit pas subir nos discordes.
-Tu appelles ça des discordes ?
Elle sortit de son sac une photo d'elle, elle y avait le visage tuméfié. Sa main trembla, elle était furieuse.
-Tu m'as mis un coup de poing et tu as continué alors que j'étais à terre ! Tout ça parce que j'ai refusé tes avances malvenues.
-Tu es ma femme.
-Non, nous sommes séparés et je ne voulais plus que tu me touches, je t'ai laissé rentrer chez moi parce que j'avais de la peine pour toi, tu avais tellement de problèmes mais tu as tout interprété de travers.
Elle rangea la photo, consciente que cela n'avait aucun effet sur moi.
-Laisse nous tranquille maintenant. Va-t'en loin de nous !
J'étais resté effondré longuement après son départ du tribunal. Mon avocat m'avait laissé en me précisant qu'il m'enverrait ses honoraires et j'eus envie de lui cracher à la gueule. Putain, tous contre moi, ils étaient tous contre moi…
Je sortis une bouteille de mon sac à dos. Dans ce sac, il y avait toute ma vie et il n'y avait pas grand-chose dedans vu que ma grand-mère m'avait déshérité. J'aurais dû finir le travail quand je l'avais poussée dans les escaliers plutôt que de lui laisser l'opportunité de me faire ce coup-là. Je pensais qu'elle avait compris le message mais je ne savais pas l'impact que Norma avait sur elle, je ne m'étais pas rendu compte qu'elle manipulait avec vice tous ceux que j'aimais. Son visage d'ange contrastait avec ce qu'elle dégageait. Et le désir animal qu'elle suscitait chez les hommes était effrayant. Elle le savait et elle en jouait. Elle avait failli mourir, agressée par cette femme mais ça ne lui a pas suffi, elle aurait dû comprendre à ce moment-là qu'il ne fallait pas jouer avec les sentiments des autres.
J'étais resté longtemps dans la maison de mon beau-père, essayant de dénicher un boulot pour retrouver ma dignité et récupérer mon fils mais je me suis fait virer des rares jobs que j'avais eus. J'ai dû me résoudre à vendre la maison pour payer mes nombreuses dettes et j'ai pris une location miteuse pour tenir encore deux ou trois ans, le temps que je me refasse. Mais rien à faire, la vie que je menais c'était de la merde. Il n'y a pas eu un jour où je ne les ai pas tous maudit. Shelly était tout ce qui me restait et elle m'avait trahie, préférant pactiser avec le diable. Un diable nommé Norma. Alors je m'étais focalisée sur elle et j'avais mené mon enquête…
J'avalai une bonne rasade de scotch bon marché. Un filet s'écoula sur ma barbe. Je devais me laver mais j'en n'avais pas l'envie. Je voulais garder l'odeur de cette pute sur moi. C'était l'odeur de la victoire.
Je l'avais soumise, je l'avais rabaissée, je l'avais remise à sa place.
Pourtant, c'était une victoire amère parce qu'au final, je m'étais encore éloigné de mon but. Mon but ultime qui était mon fils. Pourtant je ne regrettais rien. Je n'avais aucun doute sur le fait qu'Alex allait me traquer mais j'étais prêt à répliquer…
Je mangeai un morceau et finis par m'allonger, les rideaux était fermées, j'étais dans le noir depuis des heures. Depuis toujours.
Je refoulai toutes les images de ces dernières heures, et finis par m'assoupir.
En ouvrant les yeux, je me sentis moins douloureux mentalement. La nuit était tombée, je le devinais par le noir total qui régnait dans la chambre. Je refermai les yeux, l'esprit inondé par les souvenirs de la veille…
En sonnant à la porte du manoir, j'étais hargneux : voleurs d'héritage ! voleurs de famille !
J'étais aussi fébrile car je savais qu'Alex était parti. J'avais guetté la maison toute la semaine, hésitant à leur rendre visite, à essayer d'obtenir leur aide plutôt qu'à exercer un chantage sur cette immonde créature mais ma fierté me retenait, leur demander de l'aide m'écorchait la bouche. Et je savais que je parlerais dans le vide, qu'ils se croyaient mieux que moi. Je devais passer à l'action, reprendre le contrôle de ma vie et leur faire payer.
Elle m'ouvrit avec un sourire qui se fana immédiatement en croisant mon regard. Elle tenta de refermer la porte sur moi, je fis le forcing et entrai sans y être invité. Elle recula, le portable toujours contre son oreille. Je le lui arrachai des mains sans ménagement et le mis dans ma poche.
-Rends-moi mon téléphone !
-Non. J'ai besoin de te parler.
Je la reluquais de haut en bas, moqueur, elle avait grossi cette dinde. Elle arborait une tenue très sage mais je n'étais pas dupe.
-Je ne veux pas t'écouter.
-Tu vas le faire quand même sinon je dévoilerai tous tes petits secrets à Alex.
-Je n'ai aucun secret pour lui.
-C'est ça. Tu crois vraiment qu'il t'aurait épousée s'il savait quelle trainée incestueuse tu es ?
La voir pâlir de la sorte me procura un plaisir que je n'espérais plus. Je n'étais plus le minable petit Keith, j'avais le dessus.
-Tu divagues.
-Ton frère ? Sérieux ? Continuai-je.
Je pris une mine dégoûtée. Je voyais bien qu'elle se questionnait sur le fait que je sache autant de choses.
-Ton fils est au courant qu'il est une abomination ?
Son visage se transforma, elle attrapa la canne de ma grand-mère accrochée à la patère de l'entrée et frappa de toute ses forces dans ma direction. J'esquivai de justesse et je lui filai un coup de poing en pleine mâchoire. Elle s'effondra lourdement, sonnée. La canne cliqueta au sol, loin d'elle. Je la saisis et la menaçai avec, elle replia ses bras sur sa tête.
-Tu vas m'écouter maintenant ?
Elle fit oui de la tête.
Enfin.
Je baissai mon arme de fortune, moins colérique.
-Trouve un moyen de convaincre Alex de plaider ma cause auprès de Caroline. Vous devez la faire changer d'avis, lui monter que j'ai changé.
Elle resta silencieuse.
-Tu as entendu ?
Silence.
-Réponds putain !
-Tu n'as pas changé, murmura-t-elle en se relevant.
-Quoi ! M'énervai-je.
-Tu n'as pas changé ! T'es toujours le même sale gros enfoiré ! Cria-t-elle.
Quelque chose vrilla dans ma tête. Je bondis sur elle mais elle avait déjà fait demi-tour, courant en direction de la cuisine. Je n'étais pas très vif, j'avais pris du poids durant ces années d'inactivités. Quand j'entrai dans la pièce, elle avait déjà un couteau en main. J'eus un rictus, que croyait-elle faire avec ça ?
-Dépose ça tu vas te blesser.
-Alex va arriver, tu ferais mieux de t'en aller.
-Il vient de partir. J'ai tout mon temps, susurrai-je en avançant lentement vers elle.
Elle pointa le couteau dans ma direction.
-Ne fais plus un pas.
-Sinon quoi ?
Elle reculait au fur et à mesure que j'avançais. Elle se retrouva acculée contre l'évier. Je voyais la panique la gagner malgré cela, elle affichait toujours une grande dose de mépris à mon égard. J'allais le lui faire ravaler. Elle tenta une attaque, elle me frôla, puis une autre et encore une autre. Une violente brûlure me tua l'épaule. Elle était plus téméraire que je le pensais. Ce jeu devait cesser. J'attrapai son bras et le tordis derrière son dos, réminiscence de ma tentative de devenir flic comme Alex mais je n'étais pas doué. Lui avait réussi haut la main et moi non, comme pour tout le reste. Elle gesticulait comme une folle, je resserrai ma prise, tordis son poignet tellement fort que le couteau ensanglanté tomba au sol. J'avais super mal mais je ne lâchai pas prise. La colère amplifiée par la douleur se transforma en rage. Je lui saisis les cheveux de ma main libre et frappai son visage contre la table, une fois, deux fois, trois fois. Elle s'effondra comme une merde, face contre terre. Il était temps de partir, je le savais, j'étais foutu, j'avais déconné.
Pourtant…
En voyant sa robe relevée, dévoilant largement ses jambes, je n'eus qu'une seule envie, l'humilier, l'asservir, me l'approprier. Elle ne serait plus jamais à lui. Cette constatation me donna une trique d'enfer. J'étais en transe, toute cette frustration accumulée que je n'étais pas parvenu à faire redescendre même avec les meilleurs films pornos qui soient, explosait en moi. Je m'agenouillai, soulevai sa robe jusqu'à la taille, elle portait un string : si ça c'était pas un signe ! Elle était chaude en fait cette chienne ! Je m'affalai sur elle, et m'enfonçai en elle sans préavis, elle n'attendait que ça, car je l'entendis gémir. J'étais déchainé, je n'avais rien connu de tel. Je fus vite emporté par un orgasme démentiel. J'aurais voulu rester dans la chaleur de son antre mais j'entendis quelqu'un arriver. Je me redressai non sans mal.
-Norma ! Entendis-je.
C'était Shelly. Je me refroquai rapidement tandis que je l'entendais aller dans le salon. Je pris mes clics et mes clacs et me faufila hors de cette maison dont je connaissais chaque recoin. Blessé, je devais me rafistoler mais je m'en sentais incapable. Je descendis jusqu'au motel, pénétrai dans l'accueil et farfouillai dans le sac de Shelly (planqué sous le bureau) à la recherche d'un peu de liquide et de sa carte de crédit. Ce fut laborieux avec un seul bras mais je parvins à mes fins.
Jackpot.
J'attrapai un foulard accroché au porte-manteau, je le nouai tant bien que mal autour de la plaie.
Je partis en direction de ma voiture, garée à plusieurs centaines de mètres. Le long du trajet qui me paraissait interminable, je perçus la sirène d'une ambulance. Je devais aller à l'hôpital me rendis-je compte, pas moyen d'y couper. Je pris la route en direction de la clinique médical de la ville voisine. Je me sentais de plus en plus mal.
L'infirmière qui m'ausculta avant l'arrivée du médecin me posa des questions sur les circonstances de ma blessure, je prétextai une agression suite à une tentative de vol quand je me trouvais au distributeur de billets. Elle me précisa qu'un agent de Police viendrait m'interroger et que je devrais attendre après les soins dans la salle d'examen le temps qu'il arrive. La peur au ventre, je guettai son arrivée seconde après seconde tandis que le doc examinait ma plaie et finalement me fit plusieurs points de suture. Il me fit tout un laïus pour que je reste en observation cette nuit et comme j'étais hostilement contre, il renonça et me donna le formulaire de décharge et une ordonnance. Trois heures plus tard, je signai une décharge à l'accueil et réglai mes soins avec la carte de Shelly, je n'avais plus d'assurance santé et je refusais d'avoir des frais supplémentaires en passant une nuit sur place. Je préférais faire quelques courses et passer à la pharmacie…
Je rouvris les yeux, stressé d'un seul coup.
J'entendis une porte s'ouvrir. Il y avait quelqu'un dehors qui fouinait. Je tirai lentement le rideau et j'aperçus une silhouette qui entrait dans une des chambres. Elle en ressortit après une minute et referma derrière elle pour ouvrir la chambre suivante. Je plissai les yeux, il n'y eut nulle peur en moi en reconnaissant l'intrus quand il ressortit cette fois-ci.
Alex me cherchait…
Et il allait me trouver.
