Chapitre 29 : incompréhension

Au cours de la soirée de Noël, Livia avait tenté de ne pas trop se formaliser sur l'incident avec « l'autre ». Avant de rentrer dans la salle, elle avait mis son masque de fer et avait entrepris de faire des sourires faux à tous ceux qu'elle rencontrait. Elle avait parlé à quelques personnalités sans grand intérêt et sans faire éterniser le dialogue, une boule d'émotion toujours prisonnière dans son abdomen. La seule fois où elle avait réussi à mettre en sourdine cette petite boule émotionnelle désagréable, c'était lorsqu'elle avait rencontré une femme âgée qui était de sa patrie. Angela Helderbard. D'origine Allemande, comme la grande mère de Livia, la sorcière avait fait ses études en Amérique et était réputée pour avoir été un membre actif du MACUSA pendant de longues années. Bien qu'elle n'avait jamais été sénatrice ou attachée à des politiques dans son travail, elle était bonne amie avec Slughorn depuis longtemps, sans que Livia n'ait pu en savoir plus.

En même temps, ce n'était pas ça qui l'avait pendue aux lèvres de la sorcière pendant plus de deux heures. Intriguée par sa connaissance plus qu'excellente de l'Allemand, l'ancienne membre du MACUSA avait commencé une discussion avec elle et, après avoir échangé des banalités en langue germanique, elles avaient commencé une réelle discussion, en anglais cette fois, sur la situation dans leur pays. Helderbard avait des idées politiques bien tranchées comme Livia, alors, elles ne s'étaient pas lâchées de pratiquement toute la soirée. La seule fois où Livia avait bougé de place, s'était pour trouver des sièges pour qu'elles puissent discuter paisiblement.

La sorcière aux cheveux gris lui avait parlé de la situation qui se détériorait rapidement, malgré tous les efforts de Darius Blackwood pour régler le problème, et Livia ne s'était pas gênée pour lui faire part de ses inquiétudes pour la suite ainsi que de ses opinions politiques. Elle avait surpris la sorcière lorsqu'elle lui avait sorti un argumentaire judicieux sur la stupidité de leur président d'entamer des représailles sur les puristes alors qu'il n'avait encore aucune connaissance du terrain, de ses alliés et, surtout, alors qu'il n'était pas encore en position de force majeur sur tout le pays à cause des édits de Middleton.

D'après Helderbard, le président Duremonde allait être destitué prochainement, ce qui, d'après l'opinion conjointe de Livia et de cette femme, pouvait potentiellement conduire à une catastrophe. En pleine crise, une destitution pouvait amener aux pouvoirs les plus terribles personnages. Cela s'était déjà vu avec Middleton d'ailleurs et Helderbard exprimait très bien les doutes de Livia sur le fait que les puristes allaient probablement tenter un coup de force pour arriver au pouvoir.

Captivée par leur conversation, Livia avait à peine remarqué Lily et James approcher d'elle. Elle était beaucoup trop occupée à tenir son argumentaire pour le faire.

-...Je suis sûre qu'il se serviront du chaos et de la soi-disant « injustice » dont ils ont été victimes pour se hisser au pouvoir. Et ce serait une catastrophe. La dernière fois qu'ils ont eu un peu de pouvoir à travers Maia Middleton, ils s'en sont servis pour légitimer leur position dans le pays. Ils sont presque intouchables depuis ! Ce qui s'est passé au Nevada nous l'a très bien montré.

-Liv ? s'était élevée la petite voix de Lily qui tenait la main de James, mais l'américaine n'y avait prêté aucune attention.

-Si jamais ils s'installent à la présidence, ils essayeront de renforcer la fracture sociale actuelle et ça, les nôtres ne l'accepteront jamais, vous le savez. Nous combattrons et nous perdrons parce que ce ne sera pas nous qui donnerons les ordres au praetoria.

-Les praetorii sont des guerriers, pas des chiens de chasse comme les aurors, avait répondu Helderbard sur le qui-vive. Je suis sûre que si la ligue impose une gouvernance qui va à l'encontre de leur principe, beaucoup déserteront les rangs.

-Peut-être, mais les membres du praetoria ne peuvent pas aller contre les vœux inviolables qu'ils profèrent à la fin de leur formation. Ils jurent de protéger et servir le MACUSA. Ils ne peuvent pas se battre contre lui. Ils ne peuvent que se retirer et cela ne changerait rien du tout. Les praetorii qui resteront fidèles au MACUSA se battront contre nous et nous ne pourrons avoir aucun appui des déserteurs. Voilà pourquoi on ne peut pas gagner une guerre en Amérique sans le soutien du Praetoria. Ils le savent et c'est exactement pour cela qu'ils visent le pouvoir ! Ils savent que tant qu'ils ne l'ont pas, ils sont vulnérables face au MACUSA. Maintenant que le président a choisi un camp dans cette guerre froide, ils vont commencer à préparer leur défense et la meilleure défense qu'ils ont c'est de prendre le pouvoir pour éteindre toutes traces de menace dans le camp adverse. C'est qu'ils préparent, mon père le sait et je le sais aussi.

-Espérons alors votre père arrivera à désamorcer cette enchainement politique qui serait plus que regrettable, lui avait calmement dit Angela Helderbard avant de se tourner vers Lily et James, de plus en plus mal à l'aise. Oui ?

-Pardon de vous dérangez, s'était excusée Lily, intimidée. Liv, c'était juste pour te dire qu'on y va.

Livia l'avait regardée une seconde, puis, elle lui avait juste sifflé un « Okay, à plus tard » avant d'entrer avec miss Helderbard dans un débat sur les solutions que Darius Blackwood pourrait ou non, mettre en place pour faire barrage à la destitution d'Emerick Duremonde.

Ce n'est qu'une heure plus tard que Livia s'était décidée à partir de la soirée afin de raccompagner la vieille sorcière jusqu'à l'extérieur du château. Arrivée en bas des escaliers de la grande porte, Helderbard l'avait remerciée de l'avoir raccompagnée.

« Vous avez beaucoup de répondant politique miss Blackwood. Votre père a de quoi être fier. J'espère que nous nous reverrons » lui avait-elle dit avec un sourire avant de tourner les talons pour rejoindre les grilles du château afin de pouvoir transplaner en toute liberté. En la voyant faire, Livia n'avait pas pu s'empêcher de penser à quel point elle aurait aimé pouvoir faire pareil. S'envoler très loin d'ici pour rejoindre sa famille. Son frère, sa mère, son père. L'idée qu'elle n'allait pas les revoir avant fin juin, refaisait jaillir la petite boule d'émotion dans son ventre.

Livia avait effacé son soupçon de tristesse d'un mouvement de tête, puis, elle était partie rejoindre ses appartements pour aller profiter d'un long sommeil bien mérité.

En se réveillant le lendemain matin, la petite boule ne s'était pas évanouie, au contraire. Elle l'avait suivie toute la journée. Même une balade, seule, au bord du lac noir n'avait pas suffi à faire disparaître cette petite bulle de sentiment qui tiraillait ses entrailles. Elle s'était assise sous un peuplier et avait regardé le château sans bouger pendant presque une heure. Elle serait restée plus longtemps ,si le froid ne l'avait pas obligée à reprendre la direction du château.

Elle ne voulait voir personne. À part Lily, qui l'avait bombardée de question sur sa connaissance de l'allemand (qui avait entraîné une longue discussion sur sa grand-mère Tatia) et d'autres choses peu importantes, elle n'avait vu presque personne au cours de la semaine. Elle faisait toujours en sorte d'éviter le contact. C'est pour cela qu'en rentrant au château après sa balade, elle avait fait plusieurs détours afin de passer par l'entrée la moins empruntée du domaine. Ça ne l'avait pourtant pas empêchée de voir Peeves, poursuivit par un fantôme gros, gras et furieux qui brandissait une sorte de rouleau à pâtisser à la main en injuriant l'esprit frappeur qui riait à tue-tête.

Livia les avait laissé passer, puis, sans un mot, elle était allée dans sa salle commune pour prendre ses affaires de rune et de défense contre les forces du mal. Elle avait un peu de retard sur ses devoirs cette semaine. Enfermée dans la bibliothèque, elle avait alors travaillé en essayant de ne pas se concentrer sur la petite boule qui lui envoyait des vagues d'émotion à intervalle régulier. C'est le vieux bibliothécaire qui l'avait forcée à quitter la chaleur du lieu. Elle avait fini tous ses travaux et était fière d'elle, alors, elle était partie sans protester et avait rejoint ses quartiers sans passer par la grande salle pour manger. Elle n'avait pas faim. Elle voulait juste aller se reposer, alors c'est ce qu'elle avait fait. Tirant les rideaux pour ne pas être dérangée par ses camarades de chambre, elle avait passé la soirée à lire quelques passages de son manuel d'histoire de la magie américaine avant de, lentement, sombrer dans le sommeil.

La journée de cours du lendemain avait été un peu plus dure que prévu. Le matin même, les nouvelles de la gazette du sorcier était arrivées, informant toute l'école des récentes attaques qui avaient eu lieu en Angleterre et cela avait rendu tous les septièmes années partagés entre tristesse, désarroi et colère. Les professeurs semblaient être chamboulés eux-aussi par la nouvelle, même s'ils avaient tous tenu leur programme sans émettre de commentaires sur les tristes évènements.

La journée suivante, la situation était restée toute aussi tendue. Livia avait l'impression qu'une chape de plomb s'était abattue sur l'école, ce qui n'aidait pas la petite boule qui restait lovée au creux de ses côtes à s'estomper.

Il avait fallu attendre la fin de la semaine et l'excitation de l'approche des vacances de Noël, pour que le château retrouve un peu de vitalité. La plupart des élèves se préparaient pour le départ avec une joie de vivre proche de la démence, mais Livia ne trouvait pas ça plus mal. Revoir Marlène sautiller un peu partout en leur parlant de ses vacances avec sa famille au pays de galles était agréable. À part Lily et elle, toutes les autres filles partaient. Même ses camarades de dortoir s'en allaient pour les fêtes. La perspective d'avoir son dortoir pour elle toute seule était la seule chose qui l'avait faite sourire pour de vrai depuis presque une semaine.

Au moment du départ, Lily et Livia avaient accompagné les filles jusqu'au train et elles l'avaient regardé partir avec des grands signes de la main. Livia avait souri machinalement, comme elle le faisait depuis presque une semaine, jusqu'à ce que le train soit assez loin pour que personne ne voit l'effacement de son masque.

-On rentre ? lui avait demandé Lily alors que les quelques élèves, qui avaient eu la même idée qu'elles, s'en allaient déjà retrouver la chaleur de Poudlard.

-Vas-y, avait dit Livia avec un petit sourire. Moi je vais rester encore un peu.

Lily l'avait regardée avec la même compassion dans le regard qu'elle lui lançait depuis une semaine, puis, elle avait tourné les talons, sans doute pour rejoindre son très récent petit-ami.

Livia était restée longtemps immobile sur le quai de la gare. Même après que le train ait complètement disparu au loin. Les bras croisés pour se tenir chaud, elle regardait les lignes de la rame en pensant à quel point elle aurait aimé pouvoir être dans ce train, même si cela voulait dire supporter de voir Dorcas et Marlène se bécoter tout le trajet.

Elle aurait aimé être auprès de sa famille en ce moment. Pouvoir être avec son frère, même si c'était pour le regarder souffrir. Il lui manquait terriblement. Même si être à ses côtés était une épreuve, Livia l'aimait. D'un amour douloureux, mais toujours vivace. Elle ne savait pas si c'était cette information qui la rendait si mélancolique depuis une semaine. Tout ce qu'elle savait c'est à quel point elle aurait aimé être près de lui. Le simple fait qu'elle sache qu'il souffrait en ce moment et qu'il devait sans doute demander à sa mère pourquoi elle n'était pas là auprès de lui, suffisait pour lui donner les larmes aux yeux de culpabilité. Elle n'était pas là parce qu'elle avait fait de mauvais choix. De mauvais choix que Sirius Black avait eu la bonne intelligence de lui cracher à la figure.

Au bout d'un moment, Livia avait refoulé la boule d'émotion qui naissait dans sa poitrine, comme depuis le bal de Noël, et elle avait tourné les talons pour rentrer au château afin de profiter du chauffage magique. En voyant James et Lily ensemble dans la grande salle, Livia avait décidé de les laisser tous les deux. Elle était partie dans sa chambre et y était restée jusqu'à l'heure du souper.

En voyant que la situation James-Lily n'avait pas changé au diner, Livia s'était installé à la table des Serpentards, seule. Mais Lily en avait décidé autrement. Après quelques minutes à savourer ses pates aromatisées au basilic, elle avait vu la préfète s'installer devant elle.

-Hey, avait dit Lily en se servant dans le plat devant elle.

-Hey, lui avait répondu Livia sans grand enthousiasme. Pourquoi tu n'es pas restée avec James ?

-Il est allé chercher Remus et Sirius. Ils sont un peu... moroses depuis quelques temps.

Livia avait levé des yeux nerveux vers elle.

-Ah oui ? avait-elle timidement demandé. Remus est comment ?

Elle n'avait pas vu le garçon depuis une semaine. Elle avait l'impression qu'il faisait une immense partie de cache-cache avec elle.

-Ça va, il gère. Il est un peu triste après ce qui s'est passé, mais il va mieux. Je ne sais pas comment a fait Mary pour lui redonner le moral mais, il semble aller vraiment mieux maintenant, avait expliqué Lily avec un petit sourire faible avant de redevenir très sérieuse d'un coup. Sirius en revanche... James m'a dit qu'il ne l'a jamais vu comme ça avant.

Livia avait regardé Lily dans les yeux. Il est vrai qu'elle n'avait pas beaucoup vu le garçon au cours de la semaine. Il était souvent absent et, lorsqu'il était là, il avait un visage très fermé.

-Qu'est-ce qu'on en a à faire de lui ? avait faussement interrogé avec un air absent.

-Je ne sais pas, c'est juste comme ça, avait répondu Lily avec un regard insistant. Juste pour que tu saches qu'il a l'air de s'en vouloir pour ce qu'il a dit.

Livia avait froncé les sourcils.

-Je n'en ai rien à cirer de ses états d'âme. Qu'il aille au diable, avait répliqué la jeune femme, sans comprendre pourquoi son cœur venait de faire un battement de trop.

Lily l'avait intensément regardée pendant de longs instants, ce qui l'avait rendue mal à l'aise. Puis, enfin, alors que Livia était sur le point de finir son diner, elle avait rouvert la bouche pour entamer une discussion périlleuse.

-Je peux te poser une question ? Sans que tu te fâches ?

-Oui, lui avait répondu Livia intriguée.

-Tu ne t'es jamais demandé pourquoi vous preniez tellement à cœur ce que dit ou fait l'autre ?

-Je ne prends absolument pas à cœur ce que dit ou fait ce minable, avait répliqué Livia d'un ton acerbe.

-Et pourtant, à chaque fois qu'il dit ou fait quelque chose, tu t'emportes inexplicablement et pour lui c'est pareil.

-Je ne vois absolument pas où tu veux en venir, avait dit Livia qui commençait à être agacée. Si je m'énerve, c'est uniquement parce que ce n'est qu'un sale con arrogant.

-Avery est un con arrogant. Augusta est une conne arrogante. Et pourtant, tu as réussi à passer au-dessus de leur stupidité pour finir par les battre de manière intelligente. Mais avec Sirius tu en es incapable !

-Parce qu'il est encore plus con, arrogant et insupportable que les autres voilà pourquoi, avait grondé Livia en essayant de respecter sa promesse de ne pas s'énerver, bien que c'était très dur à ce moment précis.

-Je ne crois pas que ce soit ça, avait ajouté Lily avec toujours ce petit regard étrange.

Livia commençait comprendre où Lily voulait la mener et ça ne lui plaisait pas du tout.

-Bon, il faut que j'y aille, avait soudain dit Livia en regroupant ses affaires et partant dans la foulée sans faire attention à Lily qui avait secoué la tête, visiblement exaspérée.

Livia était sortie par les grandes portes et comptait continuer jusqu'à son dortoir, mais elle s'était stoppée dès qu'elle s'était retrouvée en face de Sirius Black. Il était accompagné de ses amis. Remus avait lancé un regard nerveux à Livia, puis, il avait pris Peter pour le faire avancer dans la salle sans regarder Livia dans les yeux lorsqu'il était passé à côté d'elle et qu'elle l'avait suivi du regard.

Une fois passé, elle s'était retournée vers Sirius qui ne l'avait pas lâchée du regard, à l'instar de James avec Sirius. Ses yeux avaient croisé les siens et, au lieu de ressentir un flot électrique dans ses veines ou de la colère brute, elle avait senti la petite boule dans son estomac se réveiller face à ses grands yeux gris qui avaient une expression qu'elle n'avait encore jamais vu.

Pourtant, malgré ça, Livia s'était forcée à froncer les sourcils et, après quelques secondes à se reprendre, elle avait poursuivi son chemin en prenant soin de lui effleurer avec force l'épaule avec la sienne pour qu'il comprenne qu'elle n'en avait rien à faire de ce qu'il pensait. Que la colère qu'elle avait contre lui était la seule chose qui était réelle entre eux. Il n'avait pas protesté. Il ne s'était même pas retourné vers elle. Il avait juste accepté le mouvement d'humeur de la Serpentard lorsqu'elle était passée, sans broncher, ce qui avait surpris James au plus haut point.

Livia était descendue jusqu'aux cachots et elle s'apprêtait à entrer dans la salle commune quand elle avait entendu un son étrange dans le couloir sous-terrain. Une sorte de cri étouffé, puis, des échos de voix, dont l'une était effrayée. Intriguée, Livia s'était rapprochée du cachot d'où s'élevait ces voix :

- Qu'est-ce que tu lui as dit sale sang-mêlée ? avait demandé la voix qu'elle avait tout de suite reconnu comme celle de Edmond Mulciber.

-Rien ! avait répondu l'autre voix.

Livia avait ouvert de grands yeux quand elle avait reconnu la petite voix tremblante de Guertruda Bolfort.

-Je ne te crois pas ma belle, avait dit Mulciber avec un ton presque amusé.

-Je le jure, je ne lui ai rien dit du tout ! s'était exclamée Guetruda, paniquée. Je ne lui ai rien dit !

-Comment est-ce qu'elle a su alors ? l'avait interrogée Mulciber d'un ton étrangement calme, ce qui poussait Livia à vouloir pousser la porte pour voir ce qui se passait.

-Je...Je ne sais pas, avait répondu la fille. Je ne sais pas.

-Blackwood a déjà fait expulser Avery de l'école. Si elle découvre ce que j'ai fait à cette petite putain de Katherine, elle pourrait également me nuire et ça, je ne permettrais pas que ça arrive ma belle.

En entendant son nom, Livia avait fait de grands yeux et s'était collée contre le mur à côté de la porte.

-Je ne lui ai rien dit je le jure ! avait désespérément répété Bolfort.

-Ce n'est pas ce que m'a dit Augusta. Elle a dit que l'autre jour, elle était venue te parler au sujet d'une visite que j'aurais fait à l'infirmerie l'année dernière et que tu l'avais entraînée dans un endroit calme un long moment...Alors, sauf si tu as fait du tricot avec elle, je crois que tu as été plus bavarde que tu ne le dis.

-Elle...Je ne sais pas comment...Mais...elle a su que j'étais à l'infirmerie ce jour-là, à cause du cognard de Mcfly et... avait bégayé Guertruda en tremblant. Je jure que je ne lui ai rien dit ! Rien du tout !

-Tu mens.

Il y avait eu un son étrange et elle avait entendu le son étouffé du cri que Guetruda avait poussé. Livia avait sorti sa baguette. Elle voulait intervenir, mais la voix de Mulciber s'était de nouveau faite entendre. Il avait demandé à Guertruda si elle voulait de nouveau subir ça ou si elle était enfin décidée à parler.

- Je ne lui ai rien dit je le jure ! avait sangloté Guertruda, ce qui était vrai. Elle m'a traitée de menteuse, mais je ne lui ai rien dit ! Je ne lui ai rien dit !

-J'espère pour toi ma belle, parce que, voilà ce qu'on va faire. On ne peut plus s'attaquer à Livia depuis Halloween, ce traître à son sang de Black et ce vieux fou de Dumbledore y veillent tous les deux chacun de leur côté, mais par contre, personne ne garde un œil sur ta sécurité. Si jamais la garce apprend quoi que ce soit de plus, peu importe par qui, c'est sur toi que ma colère s'abattra c'est clair ?

-Très clair, avait répondu Guertruda entre deux sanglots.

Il y avait eu un bruit de relâchement dans la pièce et Livia avait entendu des pas se diriger vers la porte. Instinctivement, elle avait couru dans la salle voisine et s'était cachée du mieux qu'elle pouvait en prenant soin de retenir son souffle quand Mulciber était passé à quelques centimètres seulement de l'endroit où elle se trouvait. Elle aurait voulu se précipiter vers Guertruda une fois que le Serpentard eut disparu, mais elle avait entendu la jeune femme courir hors de la pièce en sanglotant avant qu'elle puisse le faire.

Livia était alors demeurée dans sa cachette, mut par une grande réflexion. Tous les mots qu'avait prononcés Mulciber tournaient dans son esprit. Elle repensait à cet après-midi, il y a deux semaines, où elle était allée parler à Guertruda. Livia n'avait pas fait ça pour avoir des informations, elle avait déjà un autre élève dans le viseur pour ça et elle savait que la petite asiatique lui avait déjà donné toutes les informations qu'elle était en mesure de lui donner. Elle avait fait ça pour qu'il le sache et ça avait marché. Cela avait pris plus de temps que prévu, mais ça avait marché.

Cependant, Livia n'avait pas pensé que Mulciber s'en prendrait à elle. Cela changeait tout maintenant.

« La magie n'est pas qu'une simple énergie particulière que tu peux utiliser Livia. Elle est la source de l'énergie du monde entier. Nous sommes tous ses enfants. Que ce soit toi, moi, cet oisillon, cet arbre, cette fleur... Elle donne la vie à tous les êtres de la terre. Nous sommes liés les uns aux autres par cette parenté à son énergie. Et, même si elle fleurit davantage chez certains d'entre nous, elle reste une source d'unité pour tous les êtres et pas seulement les sorciers. C'est pour cela que nos actes ne sont jamais sans conséquences pour les autres Livia, parce que nous sommes tous liés à elle. » Lui avait un jour dit son père lorsqu'elle avait utilisé ses jeunes pouvoirs pour essayer de faire voler un oisillon, beaucoup trop jeune, et qu'il était tombé de son nid, mort à ses pieds. « Voilà pourquoi il faut toujours réfléchir à ce que nos actes vont entraîner sur le monde avant d'agir, parce qu'il ne s'agira jamais que de toi. Tu fais partie d'un tout, où chacune de tes actions peuvent avoir un impact sur quelqu'un d'autre, comme cet oisillon. »

Elle aurait dû réfléchir plus aux conséquences de ses actes effectivement. Maintenant, elle se sentait coupable que Guertruda soit comme l'oisillon. Un dommage collatéral à sa découverte de l'affaire Katherine. Ses recherches devraient être plus discrètes si elle ne voulait pas retrouver Guertruda défigurée comme elle l'avait été.

En retournant dans sa salle commune, Livia en était persuadée. Elle qui avait prévu de s'attaquer au grand jour à Rodrigue Spelman (le poursuiveur de Poufsouffle qui s'était pris un des poteaux de but en pleine tête et avait dû rester alité pendant quatre jours après le fameux match), elle se rendait compte qu'elle devait revoir tout son plan. Il y avait autre chose qui l'avait perturbée lorsqu'elle s'était installée dans son dortoir vide. Mulciber avait dit que Dumbledore et Black veillaient sur elle.

Cela l'avait assez déstabilisée pour qu'elle se jette un sort pour vérifier qu'il n'y avait aucune trace de protection sur elle. Rien. Elle avait aussi jeté un « Protégo revelio » sur la pièce mais rien non plus.

Elle ne savait pas comment Dumbledore veillait sur elle, mais ce n'était pas par des sorts d'espionnages ou de défenses. Quant à Black... Elle tentait d'évincer l'information de son esprit mais elle revenait sans cesse. S'il veillait sur elle, Livia ne savait pas comment. Il n'avait plus la carte et il ne lui avait jeté aucun sortilège. Comme avec Dumbledore, c'était un mystère. Et puis surtout, la question qui revenait sans cesse c'était, « pourquoi ? ». Pour Dumbledore elle pouvait comprendre encore, elle était son élève, mais pour l'autre ...

Prise avec ces questions qui la démangeaient, Livia avait sorti ses affaires d'histoire de la magie, décidée à rattraper le retard qu'elle avait pris sur son planning, en ne pouvant s'empêcher d'épier tout autour d'elle régulièrement.

Ce n'est qu'à l'heure du repas du soir que Livia s'était décidée à sortir de la maison des serpents, qui étaient étrangement vide depuis ce matin. Pratiquement tous les Serpentards étaient rentrés chez eux pour les vacances. Elle était d'ailleurs étonnée que Mulciber n'ait pas été de la partie.

Sans prêter attention au calme qui sévissait aussi dans la grande salle, Livia était partie s'installer seule à la table de Serpentard. Au moment où Lily et James étaient entrés main dans la main dans le réfectoire, suivis de près par le reste des garçons de la troupe, Livia avait levé les yeux pour les observer. Le train était définitivement lancé entre eux.

En sentant le regard de Sirius sur elle, Livia n'avait même pas voulu lui offrir la grâce de son attention et était retournée à son journal qui offrait de bonnes nouvelles de son pays. Son père avait réussi à stabiliser la situation. La gazette du sorcier ne donnait pas plus de précision que cela, mais Livia savait ce que son père avait fait. La seule solution pour calmer le jeu avec les puristes était de leur faire croire qu'ils pouvaient gagner quelque chose en échange de leur retrait. Darius avait sans doute proposé un élément compensatoire et elle aurait tout donné pour pouvoir savoir quoi grâce à un Magician post. Elle redoutait presque qu'il ait accepté de partager le sous-secrétariat avec un membre éminent de la ligue du Sud. Cependant, comme elle en avait discuté avec Helderbard, c'était sans doute la seule chose qui pouvait faire retourner les loups dans leur tanière. Elle savait que c'est ce que son père avait fait, même si...

-Livia ? l'avait interpellée une voix devant elle, la faisant sortir de son état de réflexion.

C'était une voix qu'elle connaissait et qui lui glaçait le sang à l'entendre. Elle avait relevé la tête et avait vu le Gryffondor s'asseoir en face d'elle.

-Remus... avait soupiré la jeune femme avec un regard soudain très triste.

-Je... Je ne vais pas être long, avait-il dit en se raclant la gorge. Je... Je voulais m'excuser pour ce qui s'est passé l'autre jour. J'avais pris une potion fortifiante pour calmer la fatigue et...disons que ça m'a un peu fait disjoncter. Ça ne se reproduira plus tu as ma parole.

-C'est moi qui suis désolée, avait répondu Livia en retenant le garçon par le bras alors qu'il s'apprêtait à se lever. Remus je suis vraiment désolée.

-C'est bon Livia, avait-il dit avec un sourire forcé. J'ai compris tu sais.

-Compris quoi ? avait demandé Livia en fronçant les sourcils.

-J'ai compris c'est tout, avait répété le garçon en jetant un coup d'œil fugace vers Sirius qui les regardait étrangement, ce qui avait fait froncer les sourcils de Livia sous l'incompréhension de la tournure.

Ensuite, il s'était tourné vers elle et avait de nouveau eu ce sourire triste qui donnait presque envie à Livia de le serrer dans ses bras. Il avait soupiré, puis, il s'était détaché de l'emprise de la sorcière, le plus délicatement possible, et elle s'était laissée faire.

-J'espère qu'on pourra redevenir ami, maintenant que les choses sont plus...simples, avait-il dit avec un sourire nerveux.

-Bien sûr, avait affirmé Livia d'un ton triste.

Remus l'avait regardée, puis, il s'était levé pour aller rejoindre Sirius et Peter qui mangeaient leur plat à bonne distance de Lily et James qui étaient très proches l'un de l'autre.

En regardant Remus partir, elle n'avait pas pu empêcher la petite boule d'émotion d'envahir de nouveau son estomac. Après quelques secondes de tristesse, Livia avait secoué la tête et était retournée à son repas, sans remarquer le regard persistant de Sirius sur elle.