Toujours en recherche d'idée pour une nouvelle fic!

Iphigeniaaulide: Et oui une fic de Mai HiME dans l'univers d'Avatar/Légende de Korra me fait réfléchir ^^ Une fic historique par contre, je ne suis pas sûre d'être prête à faire le minimum nécessaire de recherche sur l'époque XD

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A la fenêtre de l'appartement voisin, aux côtés d'Ahn Lu, Miss Maria elle-même et plusieurs représentants de l'École -exceptée Yuri dont la jambe n'aurait pas supporté l'épreuve-, Shizuru continuait d'observer la Horde d'une bien meilleure vue.

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A sa première vision de cette masse sans fin, elle avait dévalé l'escalier, bousculant le mordeur qui descendait devant elle, manquant de s'étaler tant ses jambes tremblaient de l'effort. Elle avait couru au camp dans un rythme soutenu et on l'avait aussitôt écouté et cru.

Une équipe de responsables avait été réunie pour constater par elle-même la taille d'une Horde si immense que Shizuru ne savait réellement en estimer le nombre qui la composait.

Rejoindre la tour avait été facile et rapide, les rues étaient toujours vides.

Grimper la tour -une seconde fois pour elle- et une première pour tous les autres avaient été une épreuve en soi. Miss Maria, malgré toute sa volonté à ne pas se montrer faible, avait fini par demander des pauses et de l'aide.

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A présent, tous armés de jumelles, ils constataient les choses.

"Ils ne bougent pas, remarqua Miss Maria dans le silence étouffant du groupe.

-Non, mais la Horde ne cesse de grossir. Regardez sur les bords, indiqua Shizuru, quand un nouveau mordeur atteint le groupe, il ne cherche pas à pousser qui que ce soit. S'ils étaient attirés par des survivants, leur comportement habituel serait de contaminer avant son voisin. Là… ils restent immobile à côté des autres.

-Je n'ai jamais entendu parler d'un comportement pareil, souffla Ahn Lu effrayée. Est-il possible qu'il y ait… quelque chose de particulier pour les réunir ainsi? Une odeur?"

Si la question était posée à voix haute sans attendre de réponse, elle était au fond adressée à Shizuru. Le regard de Miss Maria et Ahn Lu en coin, indiquaient bel et bien qu'elles attendaient sa réponse.

Silencieusement, elle hocha négativement la tête, et puis à voix haute:

"Je n'ai rien vu qui justifie ce comportement."

On s'inquiétait et s'agitait.

"Peut-être qu'ils ignoreront l'Ecole si nous ne faisons aucun bruit jusqu'à ce qu'ils s'éloignent. Ils ne nous percevront pas d'ici si nous faisons en sorte de ne faire ni bruit, ni lumière, ni quoi que ce soit d'autres."

Shizuru continuait d'observer les rues en contrebas, la masse sombre et effrayante qui ondulait sous le soleil hivernal. Elle essaya de nouveau d'en repérer le centre, le point névralgique de ce regroupement. Ces jumelles remontèrent trop vite alors qu'on lui tapotait le bras pour une question qu'elle n'avait probablement pas entendu et…

Elle repoussa la main insistante et glissa de nouveau le long d'un des immeubles autour duquel s'amassaient les mordeurs. Sur le toit, avec la neige en toile de fond, la silhouette solitaire ressortait à peine tant elle est pâle de peau et de cheveux.

Albinos.

Le mot résonna aussitôt dans son esprit.

Ses jumelles n'étaient pas assez puissantes pour détailler l'individu, mais sa carrure était celle d'un adolescent malingre et Shizuru sut.

Ce n'était pas un survivant. Ou un mordeur qui aurait autrement rejoint les autres en contrebas.

C'était Nagi. Un de ses Cauchemars. Sa création.

A partir de là, il lui fut plus facile de les voir. Elle ne les repéra pas tous -peut-être parce qu'ils n'étaient pas tous là- mais elle était sûre de reconnaître des gens du Clan qui se tenaient sur différents toits. Ils observaient les mordeurs qui s'amassaient à leurs pieds.

Shizuru se souvint de la seule nuit face aux Cauchemars. Du comportement étrange des mordeurs presque comme s'ils avaient obéis à Kenshi, à un cauchemar…

Un frisson lui parcourut l'échine à la réalisation que c'étaient eux qui avaient attiré les mordeurs. Les cauchemars contrôlaient les mordeurs et formaient la Horde.

Cela soulevait une seconde question et les hypothèses qui s'y rapportaient.

Comment se retrouvaient-ils là? Le Japon était suffisamment grand pour qu'on n'ait pas besoin de s'y croiser. Pourtant ils étaient là, si près qu'elle les reconnaissait aux jumelles.

Elle le savait avec une absolue certitude : ils étaient là pour elle. Ou du moins Nagi était là pour elle, les autres le suivaient probablement selon leur étrange hiérarchie.

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Elle baissa ses jumelles et découvrit les 5 personnes qui l'accompagnaient en pleine discussion.

Ils évoquaient la possibilité de fuir, de se cacher ou d'attaquer.

Shizuru les entendait sans les écouter. Parce qu'elle savait à présent que les Cauchemars étaient aussi intelligents que dotés de la capacité de réunir et contrôler les mordeurs.

A présent dotés d'une armée infatigable que rien n'effrayait, le Clan était devenu plus dangereux qu'il ne l'avait jamais été. Et il risquait d'attaquer l'École pour l'atteindre elle.

Il n'y avait pas d'autres raisons à leur présence ici.

Les Cauchemars poursuivaient leur obsession ou, du moins, celle du Cauchemar qui menait. Et elle avait toujours suscité l'intérêt malsain de Nagi.

A des dizaines d'étages de haut, elle espérait avoir raison. Car dans ce cas, elle pouvait les éloigner de l'Ecole simplement en s'en éloignant elle-même.

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"Miss Maria, les interrompit-elle brusquement sans se soucier de leur discussion."

La vieille femme hésita et puis, finalement, se distança du groupe pour se tenir à ses côtés. Shizuru lui tendit à nouveau les jumelles et lui indiqua avec précision où regarder.

"Tu le vois?"

Miss Maria acquiesça.

"Il s'appelle Nagi, chuchota-t-elle à son oreille. C'est celui que j'ai contaminé."

Elle lui indiqua d'autres bâtiments où se tenaient d'autres Cauchemars.

"Ce sont d'autres personnes de mon groupe d'origine. J'ai marché des mois durant pour m'en éloigner, s'ils sont là… La coïncidence est trop grosse.

-Ils sont là pour toi, compléta Miss Maria.

-C'est ce que je pense, admit-elle. Miss Maria, vous vous souvenez de ce que je vous ai dit sur eux. Ils ne sont pas comme les autres.

-Je me rappelle oui. Et leur comportement est étrange en effet, celui des mordeurs aussi."

Shizuru se recula de la fenêtre, remarquant que la conversation se poursuivait sans elles et sans Ahn Lu qui, aux côtés des représentants de l'Ecole, les observaient plutôt que de participer à la conversation.

"Shizuru, l'interpella Miss Maria à voix basse. Que veux-tu faire de ces informations?

-ça me semble évident, intervint-elle. S'ils sont bien là pour moi, il faut que je parte. Les murs de l'Ecole ne me protégeront pas. Ni moi, ni personne, pas face à autant de mordeurs. S'il y a la moindre chance qu'il change leur trajectoire pour me suivre, il faut la prendre."

Son regard glissa de nouveau vers Ahn Lu à la réalité de la situation. Partir signifiait quitter ce qu'elle considérait comme son nouveau foyer, ça signifiait quitter Ahn Lu.

Le coeur au bord des lèvres, elle poursuivit:

"Si je me trompe, ma présence ou non ne changera absolument rien à la situation, mais si j'ai raison… l'Ecole est sauf.

-Tu seras vu comme une déserteuse, Shizuru. Quitter l'École dans une telle situation…

-Peut vous sauver, l'interrompit-elle. As-tu une autre solution? Parce que nos murs ne tiendront pas et je tiens trop à vous pour espérer qu'ils passent simplement à côté de nous sans nous voir… La présence des gens que j'ai contaminé… c'est trop gros pour n'être qu'une simple coïncidence."

Miss Maria en convint.

"D'accord. Rentrons. Demain nous pourrons réfléchir à…

-Miss Maria, voulez-vous vraiment tenter le sort? Attendre de voir? Il n'y a pas à réfléchir. Si je dois les attirer autre part, c'est maintenant. Je passe chercher mon sac rapidement et… je m'occupe de les emmener… aussi loin que possible."

Miss Maria observa les vues grouillantes de mordeurs avant d'acquiescer les lèvres pincées.

"Oui, oui. Je pense que ton hypothèse est la seule que nous pouvons tenter, en espérant que cela fonctionne."

Miss Maria lui tapota l'épaule et se tourna vers ses collègues.

"Rentrons, tonna Miss Maria d'une voix plus forte. Allons, nous devons faire passer le mot, pas de lumière ni de son. Renforçons les tours de garde, allons."

Sous l'impulsion de Miss Maria, ils se dirigèrent tous vers le palier et les nombreux escaliers à descendre.

Shizuru attrapa la main d'Ahn Lu et la retint.

Dans la salon d'un autre temps, lumineux, quoique poussiéreux, elles se firent face.

Ahn Lu ne souriait plus.

"Tu pars."

C'était ce qu'elle avait toujours aimé chez Ahn Lu, elle était intelligente, elle comprenait facilement les choses, rapidement aussi.

"Oui. Je ne t'ais pas tout dit, admit-elle. Je veux juste que tu saches que je ne fuis pas devant le danger. Je cherche juste à l'éloigner de vous.

-Je sais, intervint-elle. Je sais. Tu n'as jamais été du genre lâche."

La main d'Ahn Lu glissa de sa tempe à sa mâchoire avant qu'elle ne se penche pour déposer le plus léger des baisers sur sa joue.

"Tu vas tellement me manquer. Reste en sécurité, d'accord? J'espère qu'on se reverra."

Elle défit son collier et le glissa dans la main de Shizuru avant de forcer ses doigts à se refermer dessus.

"Ahn-

-Non, écoute. C'était à ma mère, c'est une partie de moi depuis la Chute, et je veux être une partie de toi maintenant. S'il te plait."

Shizuru acquiesça alors qu'elle sentait une larme coulée.

Ahn Lu se détourna avant que Shizuru ne la voit aussi affectée qu'elle ne l'était elle-même. Sa silhouette disparut rapidement avalée dans les ombres du couloir.

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La nuit commençait à tomber. Shizuru était chargée de son sac à dos, rempli de vêtements, d'un livre et de son carnet remplis de photos de Hana, d'Ahn Lu et de l'Ecole.

Elle joua distraitement avec le médaillon offert par Ahn Lu alors qu'elle s'assurait que sa liste d'objets à réunir était complète.

Elle avait récupéré le sac d'explosifs qu'elle avait accroché à l'une des imposantes sacoches de la moto dont elle avait localisé les clés. Elle avait chargé un bidon plein dans la seconde sacoche et rempli le réservoir à ras.

Le sac sur le dos, elle démarra le véhicule dont le moteur gronda rapidement. Elle espérait qu'elle soit suffisamment bruyante pour être remarquée par la Horde ou du moins par celui ou ceux qui la menaient.

Elle parcourut les rues avec une adresse encore toute relative, la neige n'aidant pas. Elle n'avait au moins pas à zigzaguer entre les mordeurs. Elle fit en sorte de passer par les rues au plus loin de l'École pour rejoindre la Horde.

Quand elle s'en approcha suffisamment pour distinguer les mordeurs dans une des artères, elle s'arrêta et leur fit face. La masse frémissait et l'observait mais ne semblait pas prêt à s'élancer sur elle. Il fallait à présent attirer l'attention des Cauchemars.

Elle alluma le premier explosif qu'elle lança aussi loin que possible dans la horde elle-même. Ce n'était pas bien loin mais suffisamment pour qu'à l'explosion des morceaux de corps volent. Un frisson parcourut la horde et quelques mordeurs -trop peu et trop lentement- commencèrent à se détacher du groupe, attirée par le bruit et l'attaque de ce qu'ils prenaient de loin pour un être humain à contaminer.

Elle redémarra et repartit lentement à travers des rues parallèles. Elle relança des explosifs à différents endroits de la Horde. Encore et encore jusqu'à ce qu'elle n'en eut plus aucun à lancer.

Et puis les oreilles bourdonnantes, elle hurla aussi fort qu'elle le put le nom de Nagi.

"Allez! Essaie de m'attraper pour voir!"

Ce n'était pas possible que les Cauchemars ne l'aient pas remarqué et reconnu à présent. S'il y avait encore une once de leur personnalité en eux, ils n'apprécieraient ni son défi ni son attaque.

Et heureusement, quoique lentement, la masse informe et gigantesque s'ébranla vers elle.

Shizuru redémarra lentement d'abord et, de plus en plus vite alors que les mordeurs gagnaient en vitesse derrière elle, une vague déferlante et infatigable dans leur effort pour la rattraper.

Se faisant, ils s'éloignèrent tous de la ville et de l'Ecole qui s'y trouvait.

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Shizuru avait 22 ans.

Cela faisait 5 ans qu'elle avait quitté l'École. A bien y réfléchir, elle y était restée moins d'un an. Ce n'était rien comparé aux années passées avec le Clan ou à celles qui avaient suivi. Elle avait passé ces dernières années seule, seulement accompagnée par intermittence.

Hana elle-même représentait moins d'un quart de sa vie.

Et pourtant, Hana, le Clan, Ahn Lu et l'Ecole restaient les fantômes les plus importants de sa vie.

Shizuru n'avait jamais osé retourner sur ses pas.

Cette nuit-là, alors qu'elle était poursuivie par la Horde, lui paraissait aujourd'hui irréaliste, même si elle pensait ainsi pour une bonne partie des événements de sa vie.

Elle savait que la Horde l'avait suivi. Pendant longtemps, elle s'en était assurée. La Horde était toutefois si massive qu'il lui avait été difficile de savoir si celle-ci l'avait suivi dans son entièreté. Un quart seul aurait suffi à détruire l'École et elle s'endormait encore avec ces questions : La Horde toute entière l'avait-elle suivi? L'École avait-elle survécu?

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En 5 ans, elle ne s'était jamais arrêtée. Ou du moins, jamais bien longtemps.

Quand elle pensait avoir semé la Horde et qu'elle trouvait des traces de survivants, il lui arrivait de se faire connaître. Elle ne s'était jamais attachée autant qu'au résident de l'École et elle ne l'avait pas souhaité d'ailleurs. Elle s'efforçait toujours de cacher ses morsures et ce qu'elle était, consciente qu'être acceptée par l'École était une chance en soi.

Mais finalement, la Horde réapparaissait toujours. ça pouvait être au bout de quelques semaines ou de quelques mois selon la distance qu'elle était parvenue à mettre entre eux, mais il réapparaissait toujours. Alors Shizuru repartait, l'entrainant derrière elle avec toujours l'espoir qu'ils ne s'arrêtent pas au camp qui l'avait hébergé.

Les années passant, elle ne s'arrêtait plus auprès de survivants qu'une fois certaine que la solitude lui ferait perdre la tête. Le besoin de contact humain ou, du moins, d'une simple conversation dans son cas finissait toujours par lui faire rechercher des survivants.

Elle s'assurait que sa présence auprès d'eux ne dure jamais longtemps. Elle restait surtout attentive à la moindre modification dans le comportement des mordeurs, ce qui était toujours annonciateur de l'arrivée de la Horde et des Cauchemars.

Ils ne cessaient jamais de la suivre et savaient toujours d'une façon ou d'une autre qu'elle se déplaçait et où elle se trouvait. Après 5 ans, elle était à peu près certaine que les Cauchemars pouvaient communiquer à distance avec les mordeurs. Et quel que soit le fonctionnement de leur mode de communication, Nagi savait récupérer les informations des mordeurs qui avaient croisé Shizuru.

Heureusement la Horde n'était pas rapide, malgré le fait que ses membres soient infatigables. Shizuru avait émis la théorie que sa vitesse était proportionnelle à sa taille. Elle la voyait parfois de loin et elle ne faisait effectivement jamais la même taille. Aucune des hordes qui avait suivi n'avait cependant atteint la taille de la première.

Que ce soit une difficulté pour contrôler la multitude ou pour les recruter, Shizuru profitait toujours amplement du temps que la Horde mettait pour la rattraper,.

Comme sa situation l'empêchait de s'établir de façon définitive, Shizuru collectionnait les cartes et les manuels touristiques. Bambouseraies, parcs nationaux, temples, forêts, mausolées, elle visitait tout, admirait les traces du passage de l'Homme avant Chute, la magnificence de la nature. Son carnet et les guides étaient gonflés de notes et d'annotations, de ses impressions, des rues accessibles ou des objets d'intérêt qu'elle pouvait laisser à droite à gauche.

Trop chargée, elle finissait par abandonner ces trésors de connaissances dans des planques qu'elle annotait sur ses cartes ou au camp qui l'hébergeait.

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A 22 ans, elle s'était donc dirigée donc vers Tokyo pour la première fois, espérant que la Horde soit suffisamment loin pour lui laisser quelques mois de tranquillité.

Tokyo, malgré quelques quartiers bombardés, était gigantesque, remplis de choses à visiter et Shizuru était plus qu'enthousiaste à les découvrir.

Le Dôme n'était toutefois pas sur sa liste. Le sport ne l'intéressait pas, malgré toutes les activités et petits hobbies qu'elle développait entre ses visites. Elle avait tenté la musique mais la guitare était encombrante, attirait les mordeurs et elle n'aimait pas l'effet de la corde sur le bout de ses doigts. Elle s'essayait au dessin, des croquis qui s'amélioraient page après page dans son carnet usé. Elle en avait eu d'autres, certains qu'elle avait dû abandonner mais elle avait conservé le tout premier où était annoté l'ensemble de ses hypothèses et de son histoire.

Elle sculptait au couteau dans le bois, bricolait un peu surtout quand elle était accueillie dans un camp et s'entraînait à l'arc et au couteau.

Elle n'affectionnait pas les armes à feu, trop difficiles à trouver et trop bruyantes. Elle les trouvait utiles pour lutter contre les pillards que contre les mordeurs…

Les temps trop pluvieux, elle évitait les grandes concentrations de mordeurs. Ses propres sens et ceux des mordeurs étaient affectés et elle se retrouvait à plus difficilement les percevoir ou pire à se faire attaquer et elle n'affectionnait pas les morsures.

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A Tokyo depuis 5 jours, elle trainait -pour ne pas changer- dans une librairie, feuilletant un manga -les yuri et shojo-ai avaient été une découverte- en attendant que les trombes d'eaux cessent. Elle s'y était réfugiée aux premières gouttes et avait refermé derrière elle, consciente du ciel gris et orageux, annonciateur d'une belle saucée.

Elle avait dépassé plus haut dans la rue une trentaine de mordeurs probablement réunis suite à l'apparition d'un chat non parasité. Le cadavre du pauvre animal trainait sur la chaussée et affichait trop de traces de morsure pour lui avoir permis de survivre comme dévoreur. Une belle boucherie.

Elle préférait éviter de se frotter à eux par ce temps alors qu'ils s'appuyaient sur leur vue et non leur odorat : tout individu qui semblait en trop bonne santé ferait une cible.

Elle se figea dans la pénombre de la librairie quand elle les vit passer.

Cinq silhouettes noires en tenue de bonne facture -uniformes de combat, casques, cagoules, gants et armes semi-automatique- passèrent devant sa vitrine… se dirigeant droit vers la trentaine de mordeurs.

Ils allaient faire face à une mauvaise surprise. Hormis en présence d'une Horde, les mordeurs ne se tenaient habituellement pas aussi nombreux sur une aussi petite surface. Ce n'était que la présence de ce chat qui les avait regroupés de façon inhabituelle.

Shizuru hésita une seconde avant de jurer silencieusement et de se glisser dehors, se sentant aussitôt trempée, les cheveux collés à sa peau.

Elle remercia son sac qu'elle avait choisi pour son côté hermétique, alors qu'elle refusait de risquer ses photos ou ses carnets par mauvais temps.

Arbalète au poing -elle avait récemment commencé à se former à cette arme-, elle se mit à courir derrière les silhouettes qui avançaient vite. Le temps qu'elle réagisse et dégage l'accès qu'elle avait bloqué, ils avaient pris de la distance.

Au-delà des 30 mordeurs qui les attendaient, Shizuru se souvint aussi d'avoir perçu un nid de bonne taille derrière la porte vitrée d'une petite clinique privée un peu plus loin. A cette distance, l'orage ne couvrirait pas les coups de feu et les hommes seraient rapidement dépassés par bien 5 mordeurs supplémentaires.

Kami-sama, Shizuru espérait qu'ils n'étaient pas des pillards.

Une milice ou des restes d'un contingent de l'armée… juste pas de pillards…

Les coups de feu furent tirés mais Shizuru, qui était encore à plusieurs mètres, mit un moment à le comprendre : ils avaient des silencieux. Sauf qu'ils n'avaient repéré le groupe de mordeurs qu'au dernier moment et les mordeurs étaient déjà sur eux.

Ils en avaient abattu une bonne dizaine, mais il en restait encore tant à repousser! Ils se faisaient déborder. L'un des soldats tomba et Shizuru, sans ralentir, les rencontra avec comme entrée en matière : un coup d'épaule qui jeta le mordeur hors du soldat. Elle l'aida aussitôt à se relever.

Elle avait déjà commencé à explorer les rues de ce quartier avant qu'il ne se mette à pleuvoir. Ill fallait profiter de sa connaissance du terrain. Il y avait notamment des ruelles étroites et elle savait lesquelles étaient dégagées de celles qui ne l'étaient pas. Le but n'était pas de se retrouver pris en tenaille entre ces mordeurs et un autre groupe.

Hurlant sous l'orage, elle leur intima de la suivre.

Parce qu'ils mirent un moment à reconnaître sa présence et ce qu'elle leur intimait de faire, le mordeur qu'elle avait mis à terre s'était trainé jusqu'à elle. Aussi confus qu'elle sous la pluie, il referma sa mâchoire sur son mollet. Elle cria -mélange de surprise et de douleur.

Le mordeur eut presque une expression étonnée alors qu'il relâchait sa prise au goût de son sang.

Shizuru l'envoya rouler au loin d'un coup de pied violent dans la tête et décrocha son second carreau sur un autre mordeur qu'elle faucha au cou.

Finalement, les soldats reculèrent dans la direction qu'elle leur indiquait. La ruelle un peu plus loin se resserra rapidement autour d'eux et, malgré leur nombre, les mordeurs ne purent se tenir qu'à 3 de fronts tout en se poussant et se gênant. Leur nombre n'était plus un avantage et les survivants ne risquaient plus d'être débordés sur leur flanc.

Armes devant eux comme rempart, deux soldats tirèrent un barrage de balles maintenant les mordeurs à distance le temps que leur trois autres compagnons plus Shizuru se positionnent un peu en retrait, deux en position à genoux et deux debout derrière eux. Ils allaient pouvoir prendre le temps de viser et de tirer pour tuer.

"Baissez vous, ordonna l'un des soldats."

Et ceux qui luttait à présent pour repousser à bout de bras les mordeurs, se jetèrent au sol.

Portés par leur élan, les 3 premiers mordeurs basculèrent aussitôt en avant prêt à perdre l'équilibre mais au moins tombèrent-ils, abattus avec précision. Les 3 cadavres tombèrent sur les deux soldats comme une affreuse couverture de protection.

Les tirs passés en automatique fauchèrent les mordeurs dans le goulot d'étranglement empêchant toute possibilité d'être de nouveau débordée. Un mur de cadavre s'éleva bientôt et finalement les tirs cessèrent et on entreprit de dégager les deux soldats à moitié ensevelis.

"Pas de sang dans la bouche ou les yeux?

-Non chef, répondirent-ils en récupérant leurs armes.

-C'était chaud, intervint un autre qui tripotait un écran.

-Qu'est-ce qui s'est passé? se plaignit le responsable.

-Il y en avait qu'un seul de pucé, je ne pouvais pas m'attendre à ce qu'il soit aussi nombreux, se défendit-il."

Et finalement, ils se tournèrent vers Shizuru qui observait l'état de son mollet à travers son jean tâché d'un sang plus sombre qu'il n'aurait dû. Heureusement, la pluie avait détrempé son jean dissimulant ainsi la couleur inquiétante de son sang aux yeux des soldats.

"Merci de votre intervention, Mademoiselle. C'est probablement nous qui aurions récolté plus d'une morsure sans votre intervention. Heureusement que vous aviez connaissance de cette ruelle vide.

-Un plaisir, répondit-elle distraitement en se redressant.

-Nous vous en devons une. Etes-vous seule?"

La question n'avait pas seulement l'intonation d'une sollicitude paternelle quant à sa situation, il s'interrogeait sur les avantages ou les risques qu'elle représentait si elle appartenait à un groupe.

"Seule, oui. Et plus discrète que vous. On n'a pas idée de parcourir ainsi la rue surtout par ce temps."

Shizuru n'aimait pas se montrer aussi agressive, mais elle devait se conformer à l'image qu'on se faisait d'un survivant. Suffisamment dure pour survivre seule.

"Alors venez chez nous. Vous aurez un toit, des repas chauds et des soins pour cette morsure. Et si vous devenez un mordeur, nous ferons le nécessaire."

Ou, autrement dit, nous vous exécuterons proprement et vous aurez probablement le droit d'être enterré ou incinéré. C'était un luxe que beaucoup de survivants souhaitaient. Il n'y avait personne qui voulait errer comme un mordeur.

Shizuru estima depuis combien de temps elle n'avait pas eu d'interaction humaine et admit qu'elle en avait besoin. Il serait d'ailleurs étrange de refuser une aussi belle proposition.

Quant à son mollet blessé, c'était du côté qui ne portait aucune autre marque de morsure et son jean était suffisamment large pour être remonté sans être enlevé. Elle devrait pouvoir s'en sortir…

"Oui, j'accepte votre proposition."

Sa jambe n'était pas trop douloureuse et elle put suivre sans trop de difficulté le groupe d'hommes qui la menèrent jusqu'à leur camp, sans trop d'incidents à déplorer. Ils débouchèrent à travers un passage surveillé dans des rues larges et absolument vides et propres autour d'un immense stade. Le Dôme.

C'était une structure impressionnante indépendamment des activités qui s'y déroulaient. Shizuru l'observa avec de grands yeux admiratifs, alors que le soldat qu'elle avait aidé -elle supposait que c'était le même, il était difficile de les distinguer avec leur uniforme similaire- la prit gentiment par le bras pour l'inciter à avancer.

"On va devoir vous prendre vos armes et vous couvrir les yeux, l'informa-t-il. Mesure de sécurité."

Shizuru n'aimait pas l'idée mais acquiesça, leur donnant son couteau et son arbalète mais refusant qu'on lui enlève son sac. A l'abri de la pluie, elle leur montra cependant qu'il n'y avait rien dont ils devaient se soucier. Les yeux bandés, ils marchèrent encore un moment, tournant et retournant plusieurs fois jusqu'à ce qu'on l'autorise à enlever son bandeau.

"C'est notre centre médical. Je vous laisse avec Rima-san."

Rima-san était une jeune femme qui n'avait clairement pas l'âge pour être un médecin accompli, mais après tout ça ne voulait rien dire. Shizuru savait pertinemment l'apparence qu'elle-même avait. Elle n'avait pas l'impression de vieillir quand elle voyait son reflet et ressemblait toujours aux photos de ses 16 ans. Les soldats n'en avaient rien dit, aucun d'entre eux, mais elle avait senti l'inquiétude qu'elle suscitait en eux: être aussi jeune et seule dans ce monde… était-ce un piège?

Rima se voulait professionnelle. Elle la salua de façon détachée et la mena jusque dans une chambre aménagée quoique stérile. Une chambre de passage… de quarantaine. Shizuru n'avait pas besoin que Rima le lui dise pour le savoir.

La femme ne se sentait pas inquiète de son interaction avec un étranger, probablement parce que derrière la porte munie d'une petite fenêtre d'observation, se trouvait des hommes armés prêt à intervenir à la moindre véillité de sa part.

"Je vais vous ausculter, vérifier votre état et soigner votre morsure. Si vous voulez bien enlever vos vêtements."

Parce que bien sûr, il voulait faire l'inspection générale.

"Pourquoi faire? demanda-t-elle en faisant mine de ne pas comprendre.

-Pour s'assurer que vous ne présentez pas de morsures, indiqua-t-elle d'une voix qui sous-entendait qu'elle posait une question idiote."

Shizuru lui offrit un sourire charmeur, ayant appris que cela fonctionnait parfois bien mieux que bon argument.

"Mais vous savez déjà que je présente une morsure, ironisa-t-elle en montrant sa jambe blessée. Et je vais être en quarantaine quoi qu'il arrive par mesure de sécurité. Ce que je conçois, comprenez-moi bien, mais puisque je suis enfermée le temps qu'on sache si oui ou non cette morsure va me contaminer, pourquoi devrais-je passer par ce qui sera une atteinte à mon intimité et à ma pudeur? Vous pensez que je cache des armes ? Fouillez mon sac, fouillez moi, mais je ne vais pas ôter mes vêtements sauf si vous pouvez m'assurer que cette action m'épargne 3 semaines de quarantaine.

-Vous venez d'être mordue, bien sûr que vous allez passer par la quarantaine, répondit-elle.

-Donc rien ne sert de vérifier si j'ai une ou 36 morsures. Dans 3 semaines je suis des leurs ou je suis des vôtres. Écoutez, j'ai l'habitude de me débrouiller seule. Cette morsure, je l'ai récoltée pour avoir aider vos hommes. Donc vous me laissez de quoi me soigner seule et je vous épargne de perdre votre temps pour une tâche qui ne vous passionne clairement pas. Je ne dis rien et vous ne risquez rien, parce que mon état sera tranché dans 3 semaines."

Rima haussa les yeux aux ciels, mais en convint. Elle lâcha les produits de soin.

"Ne vous plaignez pas, si ça s'infecte. Et je ne vous laisse rien pour faire vous-même des points de suture, j'espère que ce n'est pas trop profond."

Et sur ce, la femme la laissa tranquille.

La chambre était fonctionnelle.

Comme pour l'Ecole, elle était dotée d'une douche et d'un confort relatif. On lui apportait ses repas à heures fixes et on lui amenait de quoi l'occuper.

On ne lui parlait que pour l'interroger, d'une façon toujours cordiale. Que faisait-elle là? Pourquoi était-elle seule? Aimerait-elle rester? Quelles étaient ses compétences?

A force Shizuru savait répondre à toutes ces questions avec des semis vérités issues de différents événements de sa vie. Son camp était mort, elle en était la seule survivante. Elle fuyait une horde avant de se retrouver là. Elle était seule sans vraiment d'objectif. Elle ne les connaissait pas suffisamment pour savoir si elle aimerait faire partie de leur groupe. Elle savait cuisiner, cultiver, coudre, pêcher, chasser, etc. Elle supposait qu'ils doutaient d'elle et de ses capacités, mais les jours s'écoulèrent sans qu'ils ne détectent un groupe dont elle pourrait être l'éclaireur. Et puis, les soldats se sentaient redevables.

On finit par la libérer et on l'introduisit dans le camp. Elle y découvrit une foule de gens, plus qu'elle n'en avait jamais vu réuni. C'était une véritable ruche, faite d'une activité bruyante et bourdonnante.

On lui attribua un logement et une carte de résident temporaire qu'elle devait toujours avoir sur elle. Il y était clairement indiqué son lieu de logements temporaire, la durée de séjour potentiel avant qu'elle ne décide de ce qu'elle voulait faire -faire partie de leur groupe et donc trouver un "métier" au sein du dôme ou partir-, son nom et son âge. Sur ce dernier point, ils avaient du mal à croire qu'elle eût 22 ans. Shizuru songeait qu'elle allait devoir finir par ouvertement mentir là-dessus bientôt. Elle qui détestait mentir ouvertement...

Son séjour fut passé à discuter avec tout le monde, se montrer serviable, lier des amitiés, jouir des camaraderies, goûter leur alcool local et profiter de leur mode de vie. A force de côtoyer différents camps et façon de faire, elle était devenue un maitre dans les interactions sociales. Et puisque la vie en communauté n'était toujours pour elle qu'un intermède, elle avait appris à en profiter à fond, passant la plupart de son temps entourée, à écouter des histoires et à partager certaines des siennes -les moins incriminantes et les plus crédibles.

Toute cette sociabilité n'était pas tant pour le plaisir que par nécessité. Enfermés dans le Dôme, les citoyens étaient aveugles du monde extérieur. Un choix pour la majorité, mais Shizuru devait savoir si la Horde s'approchait avant qu'elle ne soit sur elle. Réseauter pour avoir les informations rapidement était essentiel.

ça ne l'empêchait pas de savourer les journées post-quarantaine.

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Elle s'intégra si bien et si vite que lorsqu'un nouvel étranger fut accueilli au Dôme, on lui demanda de lui montrer les lieux.

Elle débarqua dans le bureau du chef d'unité, celui-là même qu'elle avait aidé ce jour de pluie face aux mordeurs.

La première information qu'elle eut de l'étranger fut que c'était une femme -le nom qu'on lui avait communiqué dans le couloir aurait aussi bien pu être celui d'un homme- mais c'était une femme. Une femme qu'elle découvrit de dos à nouer ses lacets.

En fait, c'était plutôt un cul galbé qui l'accueillit, ce qu'elle n'avait pas l'habitude de mirer volontairement mais ça ressemblait presque à un affichage volontaire.

Shizuru s'appuya contre la chambranle de la porte avec un sourire amusé et puisque la femme ne l'avait pas encore entendu, elle repoussa la porte qui grinça.

"Tu es Natsuki, c'est bien ça?"

La femme se retourna et Shizuru sentit son souffle se bloquer malgré elle.

La femme devait être à peine plus âgée qu'elle et elle lui paraissait iréelle. Son visage n'avait rien de chaleureux mais il était incroyablement harmonieux, les traits fins et réguliers, la peau d'un blanc neigeux, en contraste flagrant avec le noir corbeaux de ses cheveux -véritable rideau de soie- et de ses sourcils si bien dessinés. Et il y avait ses yeux, d'un vert vif, celui de la nature, de la liberté et de l'espoir.

Ce fut le froncement de sourcils -une moue charmante de son humble avis- qui la ramena à la réalité. Avait-elle remarqué que Shizuru la fixait avec fascination?

Shizuru s'avança main tendue pour la saluer. Elle ne saluait pas ainsi, jamais. Parce qu'elle n'avait compris cette façon de saluer que 5 ans plus tôt avec Miss Maria, mais aussi parce qu'elle craignait les contacts, l'idée de contaminer les gens la rendant année après année plus frileuse de toucher les gens. Mais elle voulait la toucher, elle voulait savoir si sa peau était aussi douce et fraîche qu'elle s'y attendait.

Sa prise était timide et sa paume plus rêche que prévu mais Shizuru sentit une sensation électrisante lui traverser le bras à ce simple contact.

Son cœur s'accéléra. Elle se sentait dépassée par la simple présence de cette femme.

"C'est un plaisir de te rencontrer, dit-elle en le pensant probablement bien plus que Natsuki ne l'imaginait. Tu peux m'appeler Shizuru."

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FIN DE LA PARTIE 2