L'addiction - ou du moins la menace de tomber dans une addiction quelconque sans y prendre gare - est un sujet qui me touche beaucoup. En vérité, ce sujet m'a prit aux tripes dès que j'ai commencé a écrire ces chapitres et j'ai eu l'immense chance de bénéficier du savoir encyclopédique de mon bêta qui est Pharmacien. Forte de ses retours (nombreux et qualitatifs) j'ai tenté au mieux de vous dérouler deux gros chapitres le plus fidèle possible à la réalité (toutes proportions gardées bien évidemment, parce que nous n'élevons pas de Murlaps dans le coin ^^)

Bonne lecture à tous ^^


Chapitre 29

La vague de douleur s'abat sur moi avec une force incroyable et, même si je m'y étais préparée, je ne peux que gémir lorsque mon esprit semble vriller sous sa force. Angoisse, tristesse, terreur, sentiment d'abandon. Tout y est.

Lorsque des larmes commencent à couler le long de mes joues, Jasmine s'en aperçoit et tourne une mine étonnée vers moi. Puis, ce sont mes mains qui se mettent à trembler plus fort qu'elles ne l'ont jamais fait auparavant ; faisant écho au frisson incontrôlable qui secoue alors mon corps de haut en bas.

Les mains de mon amie se posent sur mes épaules, mais je les sens à peine. Une nausée à la saveur répugnante vient immédiatement m'attaquer la gorge en m'arrachant un cri. Je veux vomir, je veux mourir, mon corps hurle à la délivrance sans savoir vers quel Saint se tourner. Mes larmes redoublent d'intensité et je sens toute cette terreur que j'ai refoulée, déferler en moi avec une force titanesque.

J'entends des cris. Ils passent difficilement mes oreilles bourdonnantes et je me sens rapidement mise sur mes pieds. Lorsque je tourne la tête, je remarque que Casper me tient par les épaules et qu'il me mène d'un pas rapide hors de la grande salle.

Combien de couloirs passons-nous ? Je l'ignore, mais nous nous arrêtons bien vite lorsque mes jambes se dérobent sous moi et qu'il devient clair que je ne peux aller plus loin. Avec un dernier effort, Jasmine me traîne jusqu'aux toilettes pour filles et je vide mon estomac au-dessus de la cuvette, en louant mon amie qui me tient les cheveux.

-Fais apparaître une serviette, je l'entends ordonner à Casper, tandis qu'elle serre mes épaules agitées de soubresauts incontrôlables.

Des bruits se font entendre et Jasmine m'assois ensuite contre un mur carrelé pour m'essuyer le visage d'un linge humide. J'ignore combien de temps je reste assise ainsi, mais des voix masculines ne tardent pas à se faire entendre à la lisière de mes sens malmenés. Puis, apparaît le visage grave de Rabastan accroupis face à moi.

-Ça va, Alya ? je l'entends me demander, tandis que Galaad s'approche à son tour.

-Je pense que le stress y est pour quelque chose, les informe Casper. Mais ça devient vraiment inquiétant. Elle m'a dit qu'elle suivait un traitement, mais je n'en sais pas plus.

Le Serpentard se relève et les mains douces de Galaad viennent se poser sur les miennes.

-Je pourrais voir ce traitement ? demande Rabastan en continuant de me fixer d'un air sombre.

-Ce n'est pas à moi qu'il faut demander ça, elle ne me l'a pas montré. Paraît que c'est l'infirmière qui le lui a refilé.

Il hoche de la tête aux paroles de Casper et je le vois échanger un regard éloquent avec Jasmine qui n'a pas décroché un mot.

-Je pense qu'il serait sage de l'envoyer à l'infirmerie, intervient Galaad en tournant une mine inquiète vers ses amis. Elle est blanche comme un linge.

À cet instant, je commence à prendre conscience de ce qui se passe autour de moi et regarde, sans les voir, mes mains blafardes et tremblantes. Je ne comprends pas ce qui m'arrive.

Est-ce la potion qui me met dans pareil état ou tout simplement la date de la compétition se rapprochant de jour en jour ? Je l'ignore, mais je ne peux décemment faire taire mes inquiétudes concernant ces redescentes aussi terribles que disproportionnées.

Avec des gestes gourds, je tente de me relever et sens les bras protecteurs de Galaad me soulever aisément pour me remettre sur mes jambes flageolantes.

-Je rentre à mon dortoir, dis-je d'une voix pâteuse. J'ai besoin de pioncer.

-Et puis quoi encore ? gronde Rabastan. Nous t'emmenons voir Pomfresh avant que tu ne t'écroules. Je pense que sa posologie n'était définitivement pas adaptée à ton cas.

Je lève des yeux rouges vers le jeune homme et me sens vaciller quand je comprends que cela signerait l'arrêt de mon traitement. Au fond de moi, mon esprit s'agite en refusant cette possibilité, alors même que je sais qu'il a raison.

-J'irai voir l'infirmière demain, je lui réponds avec aigreur. Maintenant dodo. Si z'êtes pas content, m'en fous.

Rabastan conteste et j'entends Galaad prendre ma défense tandis que je me dirige d'un pas résolu vers la sortie. Il nous faut dix bonnes minutes pour rejoindre la tour de Serdaigle et mes amis remercient les Serpentards avec chaleur, avant de m'aider à rallier mon lit moelleux.

Pour l'occasion, Casper utilise le fameux sort lui permettant de monter jusqu'au dortoir des filles et, je m'assois sur mon matelas avec un soupir de rauque.

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-Montre-nous ton traitement, Alya, me demande mon ami en s'accroupissant à mes pieds. On veut juste y jeter un œil, ok ?

Avec des gestes tremblants auxquels font écho le claquement de mes dents, j'ouvre le tiroir de ma table de chevet et leur tends la petite fiole. Ils se penchent tous deux vers cette dernière et Jasmine la prend délicatement entre ses doigts pour lire la petite étiquette jaunie.

-Une simple potion de Compassion ? s'étonne-t-elle en nous regardant avec de grands yeux. C'est ce que prend ma grand-mère contre ses insomnies. Ça m'étonnerait que ce soit ce truc qui te mette dans un état pareil.

Je vois Casper lever un sourcil perplexe et je ne peux m'empêcher de soupirer de soulagement. Je crois que je n'aurais pas supporté qu'on me l'enlève.

Une fois Casper repartit dans son dortoir, je pose la tête sur mon oreiller et le sommeil me prend instantanément. Celui-ci n'est néanmoins aucunement bénéfique, car je ne tarde pas à faire de violents cauchemars qui me couvrent rapidement d'une sueur froide. Je me tourne et retourne tout au long de cette interminable nuit en sentant ma nuque se raidir, tandis que mes pensées torturées m'agressent avec violence.

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Le réveil est le plus dur que je n'ai jamais connu. J'ai l'impression d'être passée sous un troupeau de sombrals, avant que mes restes ne soient jetés dans le lac noir. Ma tête, quant à elle, vrombit et me lance à chaque battement de cœur en me donnant envie de la cogner contre les murs pour faire cesser la douleur.

Lorsque j'ouvre les yeux, aucun bruit ne se fait entendre dans la pièce et je remarque que le soleil semble levé depuis plusieurs heures déjà. Sans attendre une seconde de plus, je me jette sur mon tiroir et vide quatre gouttes de potion sur ma langue avide. Mes épaules se détendent instantanément et je jette enfin un regard circulaire autour de moi. Je m'aperçois, à cet instant-là, que je suis seule dans le dortoir et devine que Jasmine a cru bon de me laisser dormir ce matin. Pour le coup, je l'embrasserais volontiers.

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La douche est un véritable bonheur et les effets de la potion de Compassion me font un bien fou en faisant s'évaporer toute l'angoisse qui ne cesse d'étreindre mon cœur chaque matin. Je ne tarde pas à descendre les étages une fois habillée et sens mes pieds effleurer le sol sans le toucher, tellement je me sens sereine.

Tout en arpentant les étages, je croise plusieurs élèves transitant dans les couloirs et remarque qu'il est l'heure de la pause de dix heures trente. Avec ravissement, je m'engage dans un escalier en espérant retrouver Casper et Jasmine au patio, comme de coutume.

J'arrive bientôt au rez-de chaussée, lorsque j'aperçois Arkwood en bas des marches. Celui-ci discute avec une jolie jeune femme aux yeux bridés et dont le rire clair envahit le lieu avant de rebondir sur mon esprit enfumé. Je crois que cela devrait m'agacer, voir même ronger mon petit cœur tout mou, mais je ne sens étonnamment rien et je conserve un large sourire jovial.

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Je continue de descendre mon large escalier et j'arrive bientôt au niveau du Poufsouffle, lorsque je le vois tourner un visage surpris vers moi. Si je n'étais pas aussi déconnectée de la réalité, je me serais largement permise de lui demander pourquoi il ne présente son masque de sale type qu'à moi, et pas à sa belle interlocutrice. Mais le monde est vaporeux et rien ne peut actuellement m'atteindre du haut de mon nuage de bonheur.

-Tio !

Avec étonnement, je vois le jeune homme quitter la jolie Gryffondor et couvrir les quelques mètres qui nous séparent en de brusques enjambées. Il attrape ensuite mon bras et un large froncement de sourcil barre son visage quand il remarque que je n'ai pas quitté mon sourire bienheureux.

-Je peux savoir ce qui s'est passé hier soir ? Paraît que t'es malade, qu'est-ce que t'as encore ?

Je remarque que la jeune femme nous regarde avec attention et je ne peux m'empêcher d'éclater d'un rire franc.

-Tout va bien, mec, dis-je en me sentant gentiment tanguer. J'ai la patate !

Mais mes paroles ne lui plaisent pas et il resserre sa poigne en jetant un œil vers les hauteurs.

-Viens, finit-il par grommeler, avant de me faire remonter le long escalier sans faire mine de me lâcher.

Je proteste vaguement pour la forme, mais suis le Poufsouffle le long de plusieurs coursives jusqu'à arriver devant des armures alignées. Je reconnais le couloir du troisième étage dans lequel nous avons fait notre retenue et le souvenir de cette soirée me revient à l'esprit.

-Ok, regarde-moi, maintenant, s'exclame Arkwood, après m'avoir arrêtée en plein milieu et s'être tourné vers moi.

Je ne tente pas de me défaire de sa poigne, car je sais que ça serait vain et, de toute manière, je suis trop perchée pour réussir à fixer mon attention sur quelque chose en particulier. Néanmoins, je prends rapidement conscience que le jeune homme me dévisage avec attention et qu'il est bien plus près de moi qu'il ne l'a jamais été. Sauf peut-être lors de la nuit du bal, mais ses intentions étaient alors clairement plus hostiles.

Pour le moment, il a l'air préoccupé et continue d'observer mes yeux avec insistance. Mon esprit cotonneux ne peut s'empêcher de sourire bêtement devant lui et je me fais la réflexion que c'est vraiment un beau gars. Que ce soit ses yeux bleus, son visage régulier ou les petites fossettes qui encadrent ses lèvres fines. Tout chez lui me fait vibrer.

Puis, avec des gestes très doux que je ne lui connais pas, il met ses deux mains sur mes joues en posant ses pouces sous mes yeux. Au fond de moi, je sens quelque chose s'agiter et tenter de briser les effets de la potion de compassion. Je crois que c'est de l'excitation. Oui, une fébrilité sans pareille qui agite mon corps et me donne envie qu'il glisse ses mains sur mon corps encore et encore.

Cependant, il ne bouge pas et ses paumes chaudes inondent alors mon âme d'un bonheur encore plus grand.

-Depuis quand tu te drogues, Tio ?

Ses quelques mots font voler en éclat la bulle de félicité qui m'entourait et je me retrouve quelque peu hébétée devant lui.

-Hein ?

-T'as vu tes yeux ? Ils sont rouges et tes pupilles sont dilatées. Tu prends quoi ? De l'écaille de dragon en poudre ? De la feuille de mandragore séchée ?

Ma bouche s'ouvre et se ferme bêtement sans qu'aucun mot n'en sorte. Arkwood penche alors son visage à quelques centimètres du mien. Je sens mon cœur battre plus vite et je ne peux m'empêcher de fixer ses lèvres si près des miennes.

-Distillat de Murlaps, grogne-t-il finalement après avoir senti mon haleine. Comment tu t'en es procuré ?

Je ne réponds rien et il s'agace.

-Réponds-moi, Tio. Comment tu t'es retrouvée avec ça entre les mains ?

-L'infirmière, je réussis à marmonner sans quitter ses lèvres des yeux.

Il fronce encore plus largement les sourcils et lâche finalement mon visage en me tirant une grimace déçue.

-Depuis quand t'en prends ?

Je hausse les épaules en m'apercevant que je ne sais même pas quel jour nous sommes, mais il ne s'énerve pas. Au contraire, son visage s'adoucit et un pauvre sourire ne tarde pas à venir écorner ses lèvres.

-On en reparle ce soir, d'accord ? me dit-il d'une voix conciliante. Je vais aller voir Pomfresh.

Je le vois ensuite repartir de là où nous venons et laisse mes jambes me mener jusqu'à la salle des trophées dans laquelle je m'allonge à même le tapis. J'ignore combien de temps s'écoule, tandis que je suis étendue là, naviguant sans but dans les méandres de ma conscience brumeuse ; mais, lorsque midi sonne, je me décide à me lever en sentant mes pensées virevolter autour de moi.

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Au déjeuner, j'esquive les questions pressantes de Jasmine qui s'inquiète et me force à avaler une grosse portion d'un ragoût délicieux. Devant mon mutisme, mon amie ne tarde pas à gronder et abandonne finalement son interrogatoire en me laissant terminer mon repas, sans plus insister.

Casper ne dit rien de plus, même si son regard est éloquent, et je le remercie silencieusement. Vers le dessert, je tourne un regard que j'espère discret vers Arkwood et celui-ci me le rend bien rapidement avec une mine agacée que ses yeux conciliants démentent. Je passe le reste de ma journée enfermée dans la salle des trophées, bien que j'en sorte une ou deux fois pour aller vomir mon repas dans les toilettes. C'est étrange comme, malgré cette nausée qui me tord le ventre, je ne peux m'empêcher de sourire du haut de mon exaltation ouatée.

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Le problème est que, malgré cette euphorie qui me fait fortement tourner la tête depuis des heures, je sais que le retour sur terre sera douloureux. Toute ma conscience me le hurle et mes trois petites Alya débattent avec ardeur pour essayer de trouver une solution à ce problème insoluble. Pourtant, je sais quelle est la solution.

Oui, elle est si évidente quand on y pense. Si la potion ne fait pas effet toute la journée, il me suffit de reprendre plusieurs gouttes un peu avant le repas du soir, aussi simple que cela.

Cette idée, aussi séduisante que le chant des sirènes chères à ce bon Ulysse, ne cesse de tournoyer dans mon esprit et je laisse mes pieds me mener jusqu'au patio peu occupé. Avec un soupir, je m'allonge sur un long banc et fait glisser mes yeux sur le carré du ciel découpé par les bâtiments enserrant le lieu.

Oui, quelques gouttes de plus et on en parle plus. La chose serait si belle si les effets secondaires ne semblaient pas augmenter proportionnellement avec les prises. Mais il me suffit, après tout, de ne jamais les laisser arriver et le tour est joué.

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Le crépuscule ne tarde pas à se déposer autour de moi et je ne prends pas la peine de m'inquiéter de l'heure, ni des élèves qui vont et viennent le long des allées herbeuse. Plusieurs fois, j'essaye de me convaincre de marcher jusqu'à mon dortoir, mais je me sens si détendue que je peine à me relever de ce banc.

Puis, avec une précocité inattendue, toute félicité se retire de mon corps ; telle la mer glissant sur le sable immaculé de ma peine, pour la mettre à nue. Une douleur sans pareille s'empare alors de mes tempes et mon corps se recroqueville sur le petit siège de bois face à la douleur qui s'abat sur lui.

J'ignore combien de temps je reste là, luttant contre des sentiments exacerbés à l'infini qui mettent à mal le peu de lucidité qu'il me reste. Je veux ma potion. Je sais qu'elle est la seule chose qu'il me faut désormais. Aussi certainement que je sais que plus rien n'a d'importance dans cet univers, à part cette fiole cachée dans ma table de chevet.

Un gémissement sort de ma gorge quand je sens une nausée bien familière me prendre la gorge et je voudrais alors que tout s'arrête.

-Ouvre les yeux, Alya. Regarde-moi.

J'inspire comme je peux, haletant pour aspirer un air qui se refuse à moi, et serrant les doigts sur le bois du banc pour faire refluer mon envie de vomir.

-Putain, Alya, écoute-moi pour une fois ! Ça fait des heures que je te cherche, alors t'as pas intérêt à flancher maintenant !

Je sens des mains me presser et tenter de me retourner sur le dos, mais je sais que c'est impossible. Mon corps est actuellement si tendu par la douleur que j'ai l'impression qu'il ne pourra plus jamais quitter cette position fœtale dans laquelle il s'est mis.

-Thomas, va chercher l'infirmière !

J'entends des bruits de course et une première paume chaude se pose sur ma joue. Celle-ci fait vaguement refluer le noyau de souffrance profondément ancré au creux de mon estomac, mais c'est passager. Avec douceur, je sens ensuite un doigt se poser sur une de mes paupières pour la soulever et laisser la lumière de cette fin de journée inonder ma pupille dilatée.

- Combien de gouttes t'as pris aujourd'hui ?

J'ouvre le deuxième œil pour observer Arkwood penché au-dessus de moi et la douleur s'intensifie, sans que je ne puisse rien faire pour la combattre. Je n'en peux plus, mon esprit est brisé par ces montagnes russes qui roulent en moi depuis des jours. Je souhaite juste que tout cela cesse pour de bon.

-Réponds-moi, c'est important.

Je déglutis péniblement et tente de me relever, mais aucun de mes muscles ne répond.

-Essaye pas de bouger, Pomfresh va pas tarder. Faut que tu te détendes.

-T'en as de bonnes, je grogne en entendant mes oreilles se mettre à bourdonner.

À mes mots, le Poufsouffle me gratifie d'un sourire moqueur.

-Mais c'est qu'elle parle ! me lance-t-il avec ironie. Maintenant, réponds à ma question, combien de gouttes t'as pris ?

-Ça ne te regarde pas.

Son air s'assombrit immédiatement et il passe ses mains sous mes aisselles pour me redresser en position assise.

-Toujours aussi merdeuse, même quand on te file un coup de main, à ce que je vois.

-Et toi, toujours aussi agréable, je rétorque en sentant mon estomac protester lorsque je me retrouve adossée au dossier inconfortable. En plus, je t'ai rien demandé.

-Ouais. Je sais pas ce que je fous là, en vrai. Tu mériterais que je te laisse dans ta merde.

J'ai un haut le cœur et je glisse du banc pour tomber à genoux dans l'herbe. Arkwood m'attrape rapidement par les épaules et je vomis une bile claire sur le gazon qui n'a rien demandé à personne.

-Tu te sens mieux ? me demande-t-il ensuite en sortant un mouchoir de sa poche et en me le tendant. J'ai vu Pomfresh tout à l'heure. Elle m'a demandé de t'emmener à l'infirmerie sans tarder.

Je hoche vaguement la tête et essuie ma bouche avant de tenter de me remettre sur mes pieds. Le jeune homme comprend la manœuvre et il ne tarde pas à se glisser à mes côtés pour m'attraper par la taille, avant de poser mon bras au travers de ses épaules.

-Ça te réussit pas, en tout cas. T'as plus que de la peau sur les os maintenant. Ça fait combien de temps que tu prends de ta potion ?

-Dimanche.

Avec aisance, il me fait quitter le patio et me mène le long des couloirs du rez-de-chaussée.

-T'es sûre ? Parce qu'on s'est croisé dimanche, je te signale, et t'étais clairement pas dans cet état.

-Après notre conversation.

Arkwood ne répond rien et nous voyons alors débouler une Mme Pomfresh soucieuse, accompagnée de Caussman. Celle-ci prend vite le relais du Poufsouffle et je me retrouve rapidement allongée dans un lit d'infirmerie, tandis que la soignante file s'activer dans son bureau pour dégoter tout ce dont elle a besoin.

Arkwood, pour sa part, s'assoit sur le lit voisin en croisant ses bras sur sa poitrine et Caussman file assister l'infirmière lorsqu'elle l'appelle d'une voix pressée. De mon côté, je peine à garder les yeux ouverts, bien que la douleur soit désormais moindre, et je ne tarde pas à battre des paupières pour lutter contre le sommeil.

-T'endors pas, Alya, me dit le jeune homme en quittant son lit et en se penchant vers moi. Faut qu'on sache quelle dose de potion t'as pris ces derniers jours.

-Depuis quand tu m'appelles par mon prénom ? je grogne en fixant mon attention déficitaire sur ses yeux bleus. T'as cru qu'on avait gardé les hippogriffes ensemble ?

Un vilain sourire étire son visage parfait et il semble particulièrement content de lui.

-Et ne crois pas que je te doive quoi que ce soit pour m'avoir aidé, mec, dis-je à nouveau d'une voix pâteuse. Ni pour t'avoir fait rater le dîner, et encore moins pour m'avoir porté et supporté jusqu'ici.

-T'inquiète pas, Alya. Si j'avais dû te faire payer toute la peine que ta simple présence m'a causé ces trois dernières années, t'aurais pas eu assez d'une vie pour éponger ta dette.

Ses mots pénètrent profondément en moi et j'ouvre de grands yeux sidérés en me perdant dans les siens. Arkwood, quant à lui, n'a pas bougé et j'essaye de décoder le sens de ses mots qui semblent contenir un sous-texte auquel mon esprit torturé veut croire.

-Explique-toi, je réussis à souffler entre deux battements de cœur affolés qui font vibrer mes tempes.

Un pauvre sourire vient étirer ses lèvres et il ouvre la bouche pour répondre, mais c'est ce moment que choisit Mme Pomfresh pour débouler à nos côtés. Elle ordonne à Caussman de poser plusieurs fioles sur une tablette attenante et se penche prestement vers moi en forçant Arkwood à reculer vers le lit voisin.

Pour ma part, j'essaye de faire bonne figure, mais ne peux empêcher mon cœur malmené de souffrir de cette interruption impromptue.

-Bon, jeune fille, commence Mme Pomfresh en auscultant avec sévérité mes iris. Il va falloir m'expliquer comment vous vous êtes retrouvée dans cette situation, alors que j'avais bien précisé "Deux gouttes" à votre elfe de maison.

Elle continue son manège et me force à ouvrir la bouche, avant de tâter mon cou et de calculer mon pouls.

-Avez-vous des allergies à certains aliments ? continue-t-elle sans arrêter de poser ses doigts avertis dans le creux de mon épaule. Des intolérances quelconques ? Une mauvaise digestion ?

Elle tire sur le large col de mon pull et je la vois froncer les sourcils devant quelque chose qui ne lui plaît pas.

-Merlin, je m'en doutais.

Elle arrête ses gestes brusques et revient à moi avec un large froncement de sourcil.

-Vous avez désobéi aux consignes et avez pris trop de potion, n'est-ce pas ?

Ne me voyant toujours pas répondre, elle insiste et je me sens petite souris sous mes draps blancs. Je prends d'ailleurs conscience, à cet instant-là, que je ne me suis pas sentie aussi mal depuis bien longtemps.

-Oui, finis-je par couiner. Mais la potion ne faisait pas effet toute la journée.

Je la vois qui fronce les sourcils et semble réfléchir.

-Je vois, et avez-vous senti d'autres effets notables ?

-Heu, j'ai vomi.

-Dès la première prise ?

J'acquiesce timidement de la tête et elle soupire avant de se relever pour poser ses poings sur ses hanches.

-Et vous n'avez aucunement pensé à venir me prévenir ?

Je hoche la tête de dénégation en espérant qu'elle cesse de me regarder aussi méchamment, mais cela ne fait que l'agacer davantage.

-Si ce que vous me dites est vrai, vous avez fait une mauvaise réaction à un des composants. Vous n'auriez jamais dû laisser la situation vous échapper ainsi et vous en ouvrir à moi ou, à défaut, à vos amis.

Elle fait un petit geste vers les deux Poufsouffles assis sur le lit voisin et je vois Caussman lever un sourcil, sans doute pour se demander depuis quand nous sommes "amis".

-Si vous n'aviez subi qu'une surdose, je vous aurais administré une simple potion de soin adaptée, car la potion de compassion n'est pas très forte. Mais je préfère ne rien en faire et consulter le professeur Rogue pour ne pas risquer d'empirer la situation. D'ici là, je vais vous donner de quoi supporter la douleur et vous allez rester alitée jusqu'à ce que j'en ai décidé autrement, vous m'avez bien entendu ?

Elle se tourne ensuite vers les deux garçons toujours silencieux et me désigne du doigt.

-Je vous laisserai prévenir les préfets de sa maison et je me chargerai d'envoyer un elfe pour lui ramener ses effets personnels.

Elle jette ensuite un œil à la grande horloge et attrape la tonne de potion qu'elle a inutilement amenée.

-Je vous laisse dix minutes et je vous demanderai ensuite de vider les lieux.

Puis, elle repart vers son bureau pour ranger les bouteilles poussiéreuses en nous laissant en plan. Un silence se dépose entre nous trois et Caussman paraît se rappeler d'un truc qu'il a oublié de faire, ce qui le fait détaler comme un lapin sous le regard ennuyé d'Arkwood. Celui-ci se lève d'ailleurs à son tour et glisse ses mains dans les poches de son pantalon d'uniforme.

-Bon bah, bonne nuit, me dit-il d'une voix grave. Et essaye de ne pas faire d'autres conneries, d'ici la compétition.

Mon cœur se remet à battre et je me relève sur un coude en espérant secrètement l'empêcher de partir.

-Tu ne t'es pas expliqué… dis-je avec hésitation.

Il fronce les sourcils et j'ai la nette impression qu'il essaye de lire dans mes pensées.

-En quoi ça t'importe, Tio ?

-Ben, je ne sais pas, mais tu as dit que...

-Ne crois pas pouvoir me connaître aussi facilement, si c'est ce que t'essayes de faire. Maintenant dors et soit raisonnable, pour une fois.

La dureté de son ton me coupe le sifflet et je le regarde quitter l'infirmerie en sentant mon estomac vriller sous la douleur de ma peine.