Hello à toustes ! Me voici pour un nouveau Os écrit en décembredisclaimer : toujours Mathieu Sommet


Sans voix :

Ça devait forcement arriver à un moment, et de surcroît au pire. Le Patron, le plus grand criminel que le monde eut porté demeurait sans voix après une soirée habituelle de sturpe où il n'avait cessé d'hurler pour expulser toute sa colère et sa folie meurtrière. Il était adossé contre le plan de travail de la cuisine entrain d'être incendié par Mathieu qui souhaitait tourner le prochain épisode de Salut les Geeks. Sauf que maintenant il en était parfaitement incapable ce qui changeait complètement ses plans. Il allait devoir réorganiser tout son emploi du temps pour repousser le montage et ainsi la sortie sur YouTube ce qui n'allait pas rendre jouasse son public.

Après vingt minutes d'insultes, de quelques tapes dans la nuque et d'un tirage dans le canapé bien violent l'homme en noir n'osait bouger, presque coupable de l'état dans lequel il se présentait à son créateur. Tout le monde en avait été circonspect, ne sachant quelle réaction arpenter face à cette maudite situation.

Le présentateur se calma après de longues et relaxantes inspirations suivies d'un café préparé par Maître Panda. Il incita ses personnalités à vaquer à leurs occupations repoussant la journée à plus tard. Délicatement il confisqua les paquets de cigarette du Patron qui s'indignait en suppliant presque Mathieu de lui laisser, tel un enfant ou dans ce cas présent un addict de la taille d'un gosse, c'est-à-dire d'un mètre soixante.

-Ta gueule tu vas encore plus t'extincter la voix à parler ou fumer. Bouge pas c'est compris ?!

Le criminel hocha la tête, contraint pour une fois de se taire et exécuter les ordres de son créateur sans broncher; une vieille habitude qu'il avait perdue. Il observa le châtain se déplacer méthodiquement pour lui préparer des soins et s'occuper pour une fois de son double. En effet, il revint avec un large plaid rembourré de couleur jaune, un anti-inflammatoire, un grog à la sauge et au thym avec une pointe d'eucalyptus, un inhalateur composé d'eau chaude et d'huiles essentielles ainsi qu'un pot de compote de fruits. Il posa le tout sur la table basse en marbre, enroula précosieusement son alter-égo ne laissant que ses bras et sa tête dépasser puis il lui tendit l'infusion et le médicament, une mine affligée au visage.

-Avale ça et reste tranquille. Tu devrais mettre trois jours pour retrouver ta voix.

-Trois?

Mathieu frissonna à cette entente d'outre-tombe dès plus grave et brisée qu'accoutumé, une des choses qu'il appréciait le plus chez lui, sûrement parce qu'elle résonnait jusqu'à l'intérieur de son âme. Il avait dû utiliser le reste de ses forces pour pouvoir sortir un son, encore plus compréhensible. Il sourit faiblement en pensant aux jours de silence qui allaient venir, un vrai paradis dans cet appartement. Il lui fit prendre ses soins avant de lui coller la tête contre l'inhalateur pendant une dizaine de minutes, enfonçant ses ongles dans son crâne pour l'empêcher tout mouvement. Une fois cela fait, il lui servit un bol de compote et mit une série sur Netflix sans grand intérêt pour avoir un fond sonore et une chose à zieuter de temps à autres.

Le présentateur récupéra le Patron pour l'amener contre son torse en s'allumant une cigarette bien mérité qui fit grommeler ce dernier devant la fumée virevoltant à ses yeux sans pouvoir y toucher. Il se sentit tout de même instantanément apaisé au contact du corps chaud de son créateur, comme à chaque fois qu'il était proche de lui. Son aura relaxait chaque partie du criminel; taisant ses pulsions enfouies au plus profond de ses pensées noircies jusqu'à la douleur des cicatrices ornant son corps.

Il caressa doucement ses mèches pour l'endormir d'un geste las et automatique tout en le serrant tendrement contre lui. Il le berça tout en fredonnant faiblement la chanson qui lui trottait en tête, d'une voix traînante et lui conseilla fortement de se reposer. Ce dernier s'exécuta sans broncher. Il ne fit long feu face à tant de châleur, espérant demeurer aussi confortablement installé pour les prochaines heures, le souffle lent et le rythme cardiaque régulier.

Mathieu huma d'une étrange voix, rassuré d'avoir toujours autant d'autorité sur sa sombre personnalité. Il le détaillait distraitement de la pointe de ses cheveux à ses pieds recroquevillés à l'angle du canapé. Avec le temps il réussissait à discerner les différences entres eux, plus aisément pour le criminel et les milles et une marques parsemant sa peau et le hippie arpentant de nombreuses traces de piqûres. Il aimait passer de longues heures à arpenter leur chair mise à nue, heureux de la voir se tendre à chaque contact tout en sentant leur sang pulser dans leurs veines; une marque de leur réalité vivante.

Bien sûr il se présentait quelques distorsions -pour beaucoup dites surnaturelles- de part son TDI il avait acquis la faculté de savoir les ressentis de ses personnalités ainsi que leurs états, de pouvoir les rassurer comme discuter avec eux sans avoir la nécessité de parler, de sentir les tensions émaner de leurs corps et même de les soigner selon la gravité de leurs cas. Assurément ils ne pouvaient mourir, réapparaissant dans la pire des situations dans sa tête le temps de récupérer et se reposer.

Malheureusement il ne pouvait rien faire pour une extinction de voix, sachant pertinemment les cordes vocales de son double si particulières et si abîmées; il préférait ne pas tenter le diable à essayer.

C'est ainsi qu'ils ne bougèrent d'un cil, contraint de laisser du repos au Patron histoire que tout se termine le plus rapidement possible. Le seul avantage allait être l'absence de remarques salaces, d'engueulades jusqu'à tard la nuit et d'explications déplacées du criminel. Enfin du calme dans cette maison de fou. Enfin une brise de silence éphémère. Enfin.

Il nota intérieurement à remercier la maison close dont il avait passé la soirée pour ce léger désagrément qui allait lui coûter plus de bien que de tord.

Mathieu ne pût s'empêcher d'embrasser son front, savourant le feu ardent s'y dégageant; son double avait toujours été un radiateur ambulant. Il aimait ces rares instants propices à un cadre presque familial et affectueux qui lui rappelaient agréablement son enfance.

Après deux jours printaniers sans quitter l'appartement, une étrange atmosphère commençait à planer au-dessus des Sommet, comme si un vide se présentait à leurs épaules. En effet, il manquait une flamme d'animosité qui jonchait habituellement leur routine de l'aube à l'aurore. Aucun bruit n'avait passé la barrière des lèvres du Patron depuis longtemps,et, malgré sa présence physique continuelle, cela arborait un énorme problème : la famille Sommet défaillissait si elle n'avait pas sa dose d'intéractions du pervers.

Sa voix marquait le fond de ses ressentis et intentions d'une façon si submersive que n'importe qui se laisserait happer, or, face à son mutisme le criminel paraissait emproi à un visage indéchiffrable et neutre le rendant plus terrifiant qu'accoutumé.

Jusqu'à lors leur créateur s'était tu, contenté du calme inhabituel prônant du salon jusqu'à l'étage, de ses heures de repos sans avoir besoin de surveiller tout le monde ou faire la police au moindre bruit suspect et du malin plaisir qu'il avait pris à forcer sa sombre personnalité à prendre ses médicaments et infusions. Pourtant lui aussi remarquait l'énorme différence qui se creusait à mesure que l'horloge valsait les aiguilles cassant, brisant, encastrant leur routine dans une profonde tourmente monotone. Il commençait même à se faire à l'idée qu'il préférait la cacophonie à la brise cinglante du Nord. Normalement tout rentrerait dans l'ordre à partir de demain...normalement.

Hélas le lendemain aucun son ne sortit de la bouche du criminel, ses lèvres gercées semblant sceller entres elles. Il reposait devant une des fenêtres en buvant une énième infusion qui commençait à lui donner l'envie de se défenestrer et vomir chaque gouttelette à la camomille présente dans son estomac. Il emmenchait presque à apprécier les regards suppliants des autres à chaque perche lui étant tendue pour amorcer sur une histoire de débauche dont lui seul avait le secret. Le manque de nicotine se faisait de plus en plus insoutenable, de même pour ses envies d'alcools et sa libido à deux doigts d'exploser. Heureusement, il n'avait qu'à être proche de son créateur pour que tout cesse. Ce dernier ne savait quoi faire, soucieux de l'état malencontreux de son double. Il avait même appeler sa mère pour lui demander des remèdes de grand-mère et soins onéreux et extravagants, sans succès, rien ne fonctionnait. Mathieu se questionnait sur la gravité potentielle de son extinction de voix en refoulant son irrésistible envie de l'entendre de nouveau parler, cet infernal son lui manquait lui aussi. Il en venait à douter de la véracité de sa guérison, contraint de laisser libre cours au temps de faire son effet.

-Tu sens toujours pas une amélioration ?

Pour seule réponse le Patron hocha négativement la tête, certain par l'irration toujours présente à son larynx que rien n'avait grandement évolué. Il hésita à lui mentir afin de tourner l'épisode en attente et s'enfermer dans sa chambre pour les prochaines semaines à fumer et boire sans réfléchir aux conséquences, sans suite. Il toussa légèrement la moitié de ses poumons et râla en tendant les mains pour récupérer l'infusion aux lilas que lui portait le présentateur, il allait finir par gerber des plantes.

-Tu arrives à dire quelque chose ?

Une deuxième fois le criminel hocha les épaules ainsi que la tête, circonspect face à cette demande des plus vaines. Sa voix ne s'était toujours pas remise ne serait-ce qu'un peu, cela s'annonçait problématique pour la suite des événements...Il s'était renseigné sur internet pour savoir le temps de guérison probable qu'une extinction de voix pouvait durer, et, il avait pâli face aux résultats escomptés ne désirant rester quatre jours de plus sans perversion de la société et sans pouvoir dire un mot. Il soupira un coup en fixant son créateur qui s'était étonnamment rapproché lors de ses réflexions, touchant son épaule de son bras, sa tête frôlant sa joue; quelle mouche l'avait donc piquée ? En effet, ce dernier le récupéra brusquement pour l'allonger dans le canapé en l'empoignant fermement par le col de sa chemise, dans un geste presque redondant. Il se mit à caresser ses mèches et sa nuque avec soin, puis, il vint s'attarder sur son cou passant délicatement ses doigts sur sa pomme d'Adam et en massant sa trachée à vrai dire à enfoncer sa paume avec la patience d'un aveugle désirant retrouver sa cécité.

-Mais arrête merde !

-Oh ta voix commence à revenir ! On va pouvoir tourner l'épisode en fin d'après-midi !!

-Pas étonnant tu me massacres la gorge !

-Chuuuuuut, ne force pas trop. Et puis c'est bon pour l'organisme.

-Bâtard.

-Il venait du cœur celui-là.

Face à cette réponse exiguë le criminel sortit son plus beau doigt d'honneur avec une moue faisant pâlir Marc Dutroux. Pourtant Mathieu avait raison, l'élaboration hasardeuse d'un pseudo massage de sa part lui avait été apparemment de la plus grande aide. Il pouvait bien critiquer ses méthodes, elles avaient dû bon par moment, très occasionnellement, très très occasionnellement. Il se sentit soudain grogui par le sommeil, se rendant compte que trop tard de l'évidence de la situation : l'autre connard l'avait drogué aux somnifères, encore une fois. Il eut tout juste le temps de coller une claque au châtain en l'insultant dans un langage fleuri avant de succomber aux limbes de la fatigue.

-Il m'a fait mal ce con ! Enfin c'est fait, tout va rentrer dans l'ordre. Va falloir rattraper le retard perdu de ces derniers jours et ne pas lambiner sur le montage pour sortir l'épisode en fin de semaine. Ça va être ardu...

Cela ne tarda point. Quelques heures plus tard le Patron se réveilla avec la voix en parfaite état, ce qui leur avait tous manqué. Ils tournèrent la vidéo dans un temps relativement court et le criminel s'empressa une fois cela terminé de descendre entièrement un de ses paquets de cigarettes, à deux doigts d'avoir un orgasme pulmonaire. C'est la dernière fois qu'il se péterait la voix! La dernière !

FIN


en espérant que ça vous ai plu,

tendrement Rororkit