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Gros chapitre de lore aujourd'hui
Interlude - Première partie
Chapitre 5 : L'origine du monde
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La cloche d'appel de l'entraînement sonne, me tirant de la méditation. Les bienfaits de ce moment de paix intérieure se retrouvent presque anéantis lorsque je réalise que je dois me rendre au boudoir d'Akara. Je prends mon courage à deux mains et une grande inspiration avant de me relever. Je prends un peu de temps pour fixer mon arc dans mon dos. Je ne sais pas pourquoi, mais je veux faire bonne impression. Je me sens un peu ridicule car à bien y réfléchir, la Grande Prêtresse m'a vu dans un moment de faiblesse absolue. Peut-être que j'essaye de compenser, pour montrer ce que je suis à mon meilleur. Je secoue la tête et me gifle mentalement. Je crois que je cogite trop.
Je me rends rapidement dans les quartiers de la Grande Prêtresse. Je veux être sûre de m'y trouver avant que sonne la cloche du début des entraînements. Bien que je sache où ils se trouvent, c'est la première fois que je m'y rends. Akara loge dans une aile donnant sur la cour où ont lieu les travaux pratiques. Je suis étonnée de voir que l'intérieur du bâtiment est presque plus austère que le reste du monastère. Je croise plusieurs sœurs en armure noire et au visage masqué dans les couloirs. Elles sont armées de lances qu'elles portent contre l'épaule. Leur masque est blanc et lisse, ne laissant apparaître que leurs yeux et ne portant que deux trous pour leur permettre de respirer. C'est la première fois que je vois des sœurs de la garde personnelle d'Akara et je dois dire qu'elles m'impressionnent beaucoup. Je suis étonnée qu'elles me laissent cependant passer sans rien dire. J'imagine qu'elles auront été mises au courant de ma venue.
Je m'arrête devant la seule porte du couloir. Elle est gardée par deux sœurs de la garde. L'une d'entre elle m'interpelle alors que je m'approche pour entrer.
- "Ton arc et ton carquois." Ordonne-t-elle. Sa voix est légèrement déformée par le masque. Je me défais de mon équipement et lui tend. "Pose le contre le mur." J'obéis sans ciller. "Reste ici. La Grande Prêtresse viendra te chercher." Conclut-elle sèchement.
Je recule et me poste nerveusement à côté de mon matériel. J'essaie d'observer les gardes discrètement. A vrai dire, il n'y a rien d'autre à regarder dans ce couloir vide. Les sœurs sont à peu près de ma taille, mais bien plus athlétiques. L'une d'entre elles à la peau un peu plus sombre. Serait-elle Khejistani?
Je suis tirée de mes réflexions par la cloche qui sonne le début des entraînements et la porte du boudoir qui s'ouvre au même moment. Akara apparaît dans l'encadrement, vêtu d'une robe violette différente de celle que j'avais vu auparavant, mais bâtie sur le même modèle. Elle est composée de plusieurs pans lâches qui bougent de manière étrange tandis qu'elle se déplace. Tout comme Moiraine, elle ne touche pas les battants de la porte, mais les manipule par télékinésie. Cela ne m'étonne finalement pas plus que ça, puisqu'elle a aussi été son professeur. Je me plais à imaginer que peut-être elle m'enseignera la même chose.
Akara m'invite à entrer à sa suite. Les portes se referment derrière nous. Nous traversons une pièce très sombre. Alors que nous avançons, des torches arcaniques s'allument devant nous. Bientôt tout l'endroit est baigné dans une douce lumière légèrement bleutée. Je m'arrête un instant en découvrant ce que cachait l'obscurité. Une immense bibliothèque.
Les rayonnages recouvrent les murs jusqu'au plafond et s'élèvent sur au moins trois étages. Je trottine pour rattraper mon guide qui a pris de l'avance pendant que je m'extasiais.
Nous poursuivons notre chemin dans un couloir plus austère avant d'arriver à un grand bureau. Le mobilier est ancien et sombre. Les mêmes orbes arcaniques éclairent le lieu, mais la lumière naturelle entre également par de larges fenêtres donnant sur la cour intérieure. Je peux voir les novices pratiquer des exercices de lutte. Akara m'invite à prendre place dans un large fauteuil dans lequel je me sens trop petite avant de s'installer sur une banquette placée contre le mur et encadrée par de grandes plantes en pot d'un vert foncé. Je retiens une expression de surprise lorsqu'elle s'étale nonchalamment et repose sa tête sur sa main. Je ne m'attendais pas à cette décontraction de sa part, et étrangement cela me met plus mal à l'aise qu'autre chose.
- "Dis-moi. Comment te sens-tu depuis ta guérison?" Me demande-elle, coupant court mon fil de pensée.
- "Je vais bien. Merci pour…" Je m'apprête à formuler les remerciements que je n'avais jamais prononcés après qu'elle m'a soigné, mais elle me coupe à nouveau.
- "Nul besoin." Elle regarde mon ventre. "La cicatrice ne te gène pas trop ?"
- "Elle frotte un peu lorsque je porte l'armure mais rien de très méchant." Je bredouille, très intimidée. Elle secoue la tête.
- "Je vais demander à ce qu'on révise ton armure et qu'on te confectionne une tunique de combat. Il faut que tu évites d'irriter la zone."
- "Merci." Je réponds simplement, de plus en plus étonnée de la tournure que prend l'entretien.
- "Bien!" S'exclame-t-elle pour changer de sujet. "Nos premières séances seront très théoriques. J'ai beaucoup de choses à t'apprendre avant même de commencer à explorer l'étincelle qui te caractérise." Je lève la main de manière scolaire. Akara lève un sourcil. "Oui?"
- "Qu'est-ce c'est?"
Elle sourit. Enfin presque. C'est plus comme l'idée d'un sourire. Je le vois dans ses yeux mais sa bouche ne le forme jamais.
- "C'est comme cela que nous, les sœurs, appelons un certain pouvoir dormant que certaines personnes possèdent." Dit-elle. "Il est transmis par le sang, mais il peut se passer plusieurs générations avant qu'un éveil soit possible. Ton étincelle est rebelle et a mis beaucoup de temps pour se manifester réellement, mais aujourd'hui tu es prête."
- "Moiraine a aussi l'étincelle ?"
- "Avait." Corrige-t-elle. L'espace d'un instant, elle semble infiniment triste. "Ce don est aussi puissant que fragile. La clé réside dans l'équilibre entre les forces qui la composent. Angéliques et démoniaques."
Elle place une main devant elle et génère une petite boule de lumière blanche qui projette des ombres sur son visage de cire. Alors même que son expression ne change pas, j'ai l'impression que deux personnes différentes me regardent. L'une bienveillante et l'autre malfaisante. Elle fait disparaître la source de lumière et son visage retrouve sa neutralité habituelle.
- "Laisse-moi plutôt te raconter une histoire. L'histoire du monde. À travers elle, réside le mystère de notre existence et sans aucun doute certaines réponses à tes questions." Enchaîne-t-elle en se recalant sur la banquette.
Ses yeux d'acier accrochent mon regard et je suis comme engluée à elle.
- "Il y a des milliers d'années, il n'existait qu'une seule créature dans l'univers. Nous l'appelons Anu. Anu était la somme de tout ce qui existe. Le bien et le mal, la lumière et les ténèbres, l'esprit et la matière, la joie et la peine... Elle aspirait à devenir un être éclairé et bon. Mais son esprit était parasité par de sombres pensées, et des émotions qu'elle trouvait nuisibles. Alors un jour, elle décida de se séparer physiquement de cette part d'ombre. Elle rejeta toutes ces choses qui l'éloignaient de cet état de pureté qu'elle recherchait. Pendant un temps, elle réussit, mais toujours ces émotions, ces pensées noires, dérivant dans le vide, tentaient de retourner en elle, car elles n'avaient nulle part ailleurs où aller. Alors Anu sacrifia une partie de son corps pour emprisonner ce qu'elle abhorrait. La créature résultante développa une forme de conscience. Hélas, se sentant toujours incomplète, elle continua de vouloir retourner dans Anu. Cette dernière la repoussait encore et encore, refusant d'être souillée à nouveau.
Bientôt, Anu voulu totalement détruire cette moitié non désirée. Mais sa moitié était devenue exactement ça : un alter ego. Et elle répliqua avec la même force. Les deux entités se battirent pendant des siècles, libérant leurs énergies créatrices et destructrices dans l'univers.
Aucune des deux ne gagnait. Elles étaient de force égales. Leur dernier coup provoqua un cataclysme sans précédent qui détruisit les deux facettes d'Anu et donna naissance à l'univers tel que nous le connaissons. Les corps des deux titans glissèrent lentement hors de notre plan de réalité. Et de ces corps émergèrent des formes de vie, concentrant chacun des aspects d'Anu, bons comme mauvais. Ainsi naquirent les Anges et les Démons. Ils investirent les restes des entités primordiales créant à partir d'eux les royaumes célestes et infernaux.
Toutefois, une petite partie d'Anu a survécu dans notre réalité. Son cœur. Un cristal concentrant tous ses pouvoirs mais dépourvu de volonté. De lui émergeaient parfois des espaces vides et chaotiques qui investissaient des réalités différentes. Ce cristal fut surnommé la Pierre Monde par sa capacité intrinsèque à en créer.
Découvrant le pouvoir de la pierre, les Anges et les Démons la convoitèrent et les siècles qui suivirent virent ces engeances se battre pour en prendre le contrôle, perpétuant ainsi le conflit des deux facettes d'Anu.
Ainsi, le cœur passa d'un côté et de l'autre. Grâce à lui, les Anges et les Démons créèrent des formes de vie qui leur ressemblaient et une multitude de royaumes à leur image. Chacun d'entre eux était invariablement détruit par la faction opposée. Ces terres mortes formèrent au fil des âges Pandemonium, leur champ de bataille éternel.
En effet, il n'y a jamais eu aucun gagnant, ni aucun perdant. Les Anges et les Démons sont immortels car ils ne sont que l'incarnation physique d'idées et de concepts. Même détruits, ils finissent par renaître sous d'autres formes. Ainsi la guerre ne prend jamais fin.
Mais las de siècles de d'horreurs, l'Archange Inarius désira se retirer du conflit. Il chercha autour de lui d'autres Anges partageant son désir de paix. Et il en trouva. Il suggéra que peut-être des démons aussi souhaitaient cesser les combats. Et ce fut le cas. Lillith, fille du Seigneur de la Haine en personne, le rejoignit avec une poignée de Démons renégats. Ensemble, ils conquirent le cœur d'Anu à l'insus de leur camp respectif et créèrent un royaume refuge où nuls autres Ange ou Démon ne seraient admis. Ils nommèrent ce royaume Sanctuaire car telle était sa fonction.
Les deux parties conclurent un pacte qui leur interdisait de dévoiler l'emplacement de ce lieu. La Pierre Monde y fut cachée afin que nul ne soit tenté de s'en emparer à nouveau. Le Sanctuaire devint inviolable tandis que la guerre se poursuivait à l'extérieur.
Libérés du conflit, les Anges et Démons du Sanctuaire se rapprochèrent et firent de cette terre un monde prospère. Progressivement, ils se mélangèrent et enfantèrent. Leurs progénitures, qu'ils appelèrent Néphalems, montrèrent très vite les signes de pouvoirs dépassants ceux de leurs parents. Effrayés par leurs propres engeances et craignant qu'un jour le Sanctuaire soit découvert et pris d'assaut par des forces extérieures désirant s'emparer de ce nouveau levier potentiel dans la Guerre Éternelle, les Anges et Démons présents utilisèrent le pouvoir de la Pierre Monde pour contenir le pouvoir de leurs enfants. Dès lors, chaque génération du Sanctuaire devint plus faible que que la précédente, jusqu'à donner l'humanité telle que nous la connaissons."
Akara marque une pause, me laissant le temps de digérer cette histoire incroyable, au sens propre du terme. Je finis par marmonner, me retenant de lever la main à nouveau pour oser m'exprimer.
- "Comment savez vous que c'est vrai?"
Elle se lève et m'invite à la suivre. Elle me mène à travers son boudoir jusqu'à un petit meuble fermé par une multitude de pièces de métal imbriquées les unes dans les autres. Elle pose la main sur la serrure complexe. Une lumière douce en émane. Les différentes parties du verrou se mettent en mouvement et glissent tels des serpents hors de leur gonds. A l'intérieur, sur un petit cousin de velours, repose une pierre à l'éclat sanguin. Elle me rappelle étrangement la pierre d'âme qui enfermait Diablo.
- "Voici l'Oeil Aveugle." Déclare Akara en prenant délicatement le cristal. "C'est un fragment originel de la Pierre Monde. Si à l'origine il avait une tout autre fonction, ce sont ses propriétés divinatoires qui ont trouvé la plus grande utilité chez ses premières propriétaires." Je sens qu'elle retient une information, mais je ne me manifeste pas. "Étant une part d'Anu, le cristal a vu tout ce qui était et parce que le cœur est capable de créer des mondes, il voit ce qui peut-être. La pierre a partagé ses souvenirs avec moi. Voilà comment je connais l'histoire de notre monde. Mais d'autres l'ont documentée avant moi et par d'autres moyens. Toutes les histoires se recoupent invariablement."
Elle repose la pierre dans son écrin. Le verrou de métal se recompose tout seul.
- "Mais alors…" je bredouille. Tellement de questions se bousculent dans mon esprit. "Le don de vision…" Elle sourit discrètement, toujours à sa manière.
- "Personne ne peut voir clairement l'avenir, Annor. Mais on peut voir l'univers des possibles. La Pierre Monde voit ce qui peut-être dans la mesure où elle peut le créer ou l'altérer. Avec ce fragment que les premières sœurs…" L'intonation est étrange. "... ont récupéré, elles ont tenté d'aiguiser et de maîtriser la partie divinatrice de la pierre. Mais nul avenir est certain et, si les images du passé qu'elle offre sont sans équivoque, celles du futur sont cryptiques et pleines de faux semblants. Ma Vision Intérieure me permet d'accéder à des choses cachées aux yeux de la plupart des gens. Que ce soit au travers de la pierre ou par d'autres biais, au cours de ma vie, j'ai vu nombre d'événements futurs. L'interprétation reste toujours extrêmement complexe. C'est comme d'essayer de déchiffrer les rêves de quelqu'un d'autre."
- "C'est pour ça que vous n'avez pas vu ce qui se passait à Tristram?" Je demande alors.
- "C'est un peu plus complexe que cela." Me répond-elle. "Même difficile à décrypter, le cristal m'a toujours offert une multitude de visions de l'avenir. Ce ne sont que des probabilités. Mais depuis plusieurs années, ces visions convergent vers une seule chose: la chute de Sanctuaire tout en entier. Et lorsque je dis cela, ce n'est pas un seulement une invasion démoniaque de notre royaume. C'est d'une absence totale d'existence, dont je parle. Un anéantissement. La seule chose dont je suis certaine, c'est que tout commencera lorsque les enfers tenteront d'investir notre monde. Je ne sais ni où ni quand. Tristram n'était pour moi qu'un symptôme parmi d'autres. Je réalise toutefois que j'ai tardé à comprendre qu'il était hélas plus important que les autres."
Elle soupire, puis elle se tourne vers moi. Son regard d'acier est pénétrant. Elle parle de faiblesses, de doutes, mais lorsque je la regarde, elle dégage une force qui ne laisse aucune place à l'incertitude et aux tâtonnements. Elle semble si déterminée, si résolue.
Si je suis admirative du charisme qu'elle dégage, je dois avouer qu'elle me met également mal à l'aise. Son aspect intemporel me trouble. Quel âge a-t-elle réellement? La trentaine passée comme Moiraine ou Kashya. Moins ? Plus? Beaucoup plus ? Pour ce que j'en sais, elle pourrait très bien être âgée de plus de cent ans. Plus je l'observe, plus j'ai l'impression qu'elle vient d'un univers différent du mien et qu'elle n'a d'humaine que l'aspect.
Mi Ange, mi Démon? Nous le sommes tous, si j'en crois l'histoire qu'elle m'a narrée.
Perdue dans mes pensées, je lève la main, légèrement tremblante. Je crois que je viens de comprendre quelque chose et cela me terrifie.
- "Nul besoin de te formaliser ainsi." Me rappelle Akara. "Pose ta question."
- "Vous disiez que les Anges et les Démons ont utilisé la Pierre monde pour contenir les pouvoirs de leurs enfants. Nous... Ce peut-il que malgré la dégénérescence, certains d'entre nous avons toujours ce pouvoir? Est-ce cela que vous appelez étincelle?"
Elle sourit franchement cette fois-ci. Je sens l'angoisse me nouer l'estomac. Si j'en crois Moiraine lorsqu'elle a déclaré qu'Akara avait un sang de Néphalem presque pur, alors la personne que j'ai en face de moi est potentiellement ce qui se rapproche le plus des premiers enfants de Sanctuaire que craignaient les Anges et les Démons. D'une voix peu assurée, je pose la question.
- "Vous savez utiliser ces pouvoirs comme la première génération d'enfants de Sanctuaire…" Elle acquiesce.
- "Mon sang est presque aussi pur que ceux des premiers Néphalems. Mes ancêtres descendent de deux lignées remontant directement à la première génération d'enfants de Sanctuaire, avant que les Anges et les Démons n'altèrent les générations suivantes."
- "Alors, vous êtes certainement plus forte que Diablo." Dis-je estomaquée.
- "Allons ne sois pas ridicule." Me reprend Akara avec un petit rictus. "Avoir simplement l'étincelle ou même du sang fort de Néphalem ne fait pas de nous des dieux. T'a-t-il semblé que Moiraine ou le prince étaient plus forts que Diablo?" Je remarque qu'elle cite pas Jarzeth.
- "Non." Dis-je un peu à contre-cœur. "Mais le prince rivalisait en force avec lui. Jarzeth arrivait aussi à contenir sa magie." Je fais exprès de le nommer. Je suis curieuse de savoir ce qu'elle pense de lui.
- "Diablo aura certainement reconnu dans le sang royal le potentiel Néphalem, mais, si je m'en réfère à votre récit, le prince n'a développé que sa partie angélique en suivant les enseignements du Zakharum. Et je doute qu'il soit vraiment conscient du pouvoir qui sommeille en lui.
Après il faut que tu réalises que nous n'appelons pas cela étincelle pour rien. Ceux qui l'ont ne possèdent qu'un fragment du pouvoir originel des Néphalems. Même moi, dont le sang est presque pur, je ne pourrai jamais rivaliser avec un Archange ou un Seigneur Démon. La Pierre Monde nous bride toujours.
Quant à Jarzeth, je sais que tu as beaucoup d'admiration pour lui, mais c'est un homme dangereux. Entends-moi bien. Il n'est pas mauvais. Je pense même qu'il se bat de notre côté avec sincérité. Mais regarde ce qu'il a fait à Moiraine et au prince…" Elle secoue la tête douloureusement.
- "Moiraine va guérir." J'affirme fermement, refusant toute autre alternative.
- "C'est fort probable mais ce que j'avais accompli avec elle restera irrémédiablement détruit. Son don a été gravement altéré. Et lorsque le chaos arrache quelque chose à quelqu'un, c'est perdu à jamais. Il n'est pas possible de reprendre ce qu'il réclame comme paiement." Je note qu'elle parle du chaos comme d'un être vivant, ce qui me trouble au plus au point. "Je suis obligée de laisser Jarzeth lui apprendre ses méthodes pour qu'elle puisse reformer son corps éthéré." Le conflit en elle est presque palpable. Elle souhaiterait parler davantage mais elle se retient. Son expression s'adoucit. "Je dois lui reconnaître qu'il est arrivé à un stade de contrôle presque inégalé ... " je l'entends presque se désigner elle-même comme limite supérieure. "... mais il manipule anormalement des forces au-delà de ce qu'il devrait être capable de faire."
- "Il n'a pas l'étincelle alors?" Je demande pour confirmation.
- "Pas le moins du monde. Mais il n'y a pas besoin d'avoir l'étincelle pour être exceptionnel. Kashya ne la possède pas et pourtant c'est l'une de mes meilleures combattantes et la meilleure stratège qu'ait connu le monastère. La valeur d'une personne ne réside pas seulement dans son héritage."
Je souris car c'est ce que j'avais dit à Adria.
Note : J'appelle la Pierre Monde le cœur d'Anu. Je sais que c'est normalement l'œil d'Anu, mais je trouve la métaphore plus poétique avec le cœur.
La suite de l'entrevue avec Akara mercredi.
