Pairing : TR/HG

Rating : M

Résumé : Ultima ratio - le dernier recours. Le jour de la bataille finale contre Lord Voldemort est enfin arrivé. Harry, Ron et Hermione se battent avec courage contre leur ennemi juré, mais tout ne se passe pas comme prévu et Hermione se retrouve seule dans une situation bien précaire.

Auteur : Winterblume

Traductrice : me !

Disclaimer : Les personnages et le monde d'Harry Potter appartiennent à JKR. Le scénario complet appartient à Winterblume. Je ne fais que traduire avec son autorisation.


Ultima Ratio

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Chapitre 29 : Qui est Ron ?


Le lendemain matin au réveil, Hermione se sentait étonnamment en forme. Elle s'était attendue à avoir la gueule de bois ou pire après sa soirée d'hier. Mais non ; aucun mal de tête, pas de nausée. Peut-être avait-elle fait de beaux rêves ?

Elle fut un peu confuse de ne pas découvrir les rideaux rouges de son lit à baldaquin, mais un plafond dépouillé avec pour tout éclairage une ampoule. Elle n'avait pas pu transplaner au château, ce qui n'était pas surprenant, avec la quantité de bière qu'elle avait ingurgitée. Elle roula sur le côté et découvrit Tom, assis sur un siège et déjà complètement habillé. Il était en train de l'observer d'un air sombre. Perplexe, elle se redressa lentement. Pourquoi la regardait-il ainsi ? Qu'avait-elle fait hier ? Elle ne se rappelait pas grand chose. Mais ses yeux assombris par la colère arboraient maintenant un éclat légèrement rougeâtre, alors qu'ils retraçaient intensément sa silhouette. Un frisson glacé lui traversa l'échine. Les doigts crispés sur les accoudoirs de sa chaise, le Serpentard semblait se retenir de craquer. Qu'est-ce qui avait pu l'enrager de la sorte ?

"Qui est Ron ?" articula t-il soudain d'une voix froide et étrangement composée.

Sous le choc, les yeux de la brune s'agrandirent. Où avait-il entendu ce nom ?

"Que... quoi ?" balbutia t-elle.

Il plissa les yeux. Elle recula sur le lit en sentant le pouvoir brut et violent qui émanait de sa personne. Ses gestes furent précipités et sa respiration s'accéléra. Son camarade bondit soudain de son siège et ce mouvement brusque la fit sursauter. Il fit un pas vers elle, alors que la pression de sa magie noire s'intensifiait autour d'eux, rendant l'atmosphère oppressante. La Gryffondor déglutit, plantant deux grands yeux effrayés sur lui.

"Qui est Ron ?" répéta t-il en insistant sur chaque mot. Son ton implacable ne tolérait aucune résistance.

Elle le fixait toujours, la couette serrée entre ses poings pour l'empêcher de trembler.

"Réponds-moi !" rugit-il, furieux.

Ses yeux teintés d'une lueur carmine la foudroyaient et Hermione se sentait agressée par l'aura sombre qui suintait de lui. Mais elle ne pouvait rien dire. Il était hors de question qu'elle parle de Ron. Elle ne l'avait pas fait depuis sa mort. Avec personne ! Elle ne s'en sentait pas capable, elle n'était pas prête. Son corps se mit à trembler alors que ses pensées l'entraînaient de force vers le roux. Il était mort. Mort par sa faute. Elle n'avait pas pu stopper le maléfice de Bellatrix.

Le ténébreux s'avança encore et elle eut un mouvement de recul. Cette folie furieuse brûlait encore derrière ses pupilles. Sans crier gare, il l'attrapa par le bras et la souleva presque du lit en l'attirant contre lui. La brune lâcha une plainte en sentant l'étreinte douloureuse de ses doigts autour d'elle.

"Tu parles dans ton sommeil, Hermione. Tu le savais ? Tu as dit que tu l'aimais."

À présent, les larmes commençaient à dévaler ses joues. Elle tira sur la main qui emprisonnait son bras.

"Lâche-moi !" hurla t-elle, sans arriver à se libérer de lui.

"Tu as dit que tu aimais ce Ron. Qui est-ce ? Je vais le tuer !" gronda t-il. Il avait vraiment l'air hors de lui.

Son cœur se serra douloureusement à ces mots. Elle le vrilla des yeux et articula d'une voix monocorde : "Tu arrives trop tard. Il est déjà mort."

Tom fut pris au dépourvu et elle profita de ses quelques secondes d'hésitation pour le repousser. Elle recula jusqu'à ce que son dos ne heurte le mur. Ses larmes coulaient toujours, si bien qu'elle les essuya d'un revers de main furieux. Pleurer ne lui servirait à rien. Le Serpentard se tenait toujours debout au milieu de la chambre et la fixait avec rage. Son regard carmin semblait luire dans la pénombre et sa main droite était frémissante, comme s'il voulait dégainer sa baguette. Elle se demandait s'il allait l'attaquer à présent. Il semblait grandement en avoir envie. Sa propre baguette reposait encore sur le chevet, hors de portée. Bien que dans l'immédiat, même armée, elle ne se serait probablement pas défendue.

Soudain, le jeune homme fit volte-face et sortit en claquant la porte. Le souffle court, Hermione ferma les yeux et prit une profonde inspiration pour se calmer. Puis, elle se laissa glisser le long du mur jusqu'au sol.

Elle ne voulait pas se souvenir. Cela faisait trop mal. Encore hier, les images de son passé l'avaient bombardée sans merci. C'était peut-être la raison de son rêve cette nuit et du retour de ses fantômes. Elle essayait désespérément d'oublier son ancienne vie et son lot d'horreurs. En même temps, ce désir de tourner la page la rendait coupable, car elle avait l'impression de trahir ses amis. Ils avaient traversé tant d'épreuves ensemble, ils s'étaient sacrifiés et elle était la seule personne encore vivante pour honorer leur mémoire. Mais ses souvenirs... Ses souvenirs étaient juste cruels. Bien qu'elle n'eut plus la force d'affronter ces images, elle était terrifiée à l'idée d'oublier un jour le visage de Ron. Son apparence, la sensation de ses bras autour d'elle, le son de sa voix, la lueur espiègle dans ses yeux lorsque Harry et lui concoctaient l'une de leurs stupides aventures.

Sa respiration était saccadée et elle eut l'impression qu'un étau glacé avait emprisonné son cœur. Elle pressa une main sur son visage et se força à respirer normalement. Les larmes lui brûlaient encore les yeux mais elle refusait de pleurer. La tête penchée en arrière, elle fixa le plafond blanc. Ses membres étaient encore parcourus de faibles tremblements.

Inutile de pleurer, Granger ! se houspilla t-elle. Reprends-toi, par Merlin !

Qu'est-ce que ses amis diraient en la voyant fondre en larmes de cette manière ? C'était pathétique.

Tu es sûrement plus forte que ça ? critiqua une petite voix narquoise.

Elle se hissa lentement sur ses pieds. Rester à se morfondre sur son passé ne changerait rien. En se redressant, elle remarqua alors ses vêtements ; un t-shirt et une paire de pantalon en flanelle confortables. Elle pouvait sentir des traces de métamorphose sur sa tenue, sans doute l'oeuvre de Tom qui avait transformé son uniforme de Poudlard. Lui seul pouvait choisir cette couleur verte criarde typiquement Serpentard, pensa t-elle avec tendresse. Son léger sourire retomba bien vite. Il avait été si furieux contre elle. Des frissons involontaires l'envahirent au souvenir de ses yeux terrifiants. Pourquoi fallait-il qu'elle parle dans son sommeil ? Pourquoi cette nuit, lorsqu'il pouvait l'entendre ? Elle savait combien il pouvait être jaloux.

Comme si tu valais mieux que lui, persifla une voix gênante, lui rappelant comment elle avait été prompte à attaquer Mélanie Nicolls. Cette dernière n'avait pourtant fait que le coller d'un peu trop près.

La brune soupira faiblement. Tout cela était pénible. Elle comprenait pourquoi Tom n'avait pas apprécié l'entendre proférer son amour à un autre garçon. Elle avait un terrible timing. Peut-être devrait-elle en discuter avec lui ? Lui expliquer qui était Ron, l'importance qu'il avait pour elle. Une fois de plus, elle sentit sa gorge se nouer. Non, elle ne pouvait pas. Pas lorsqu'elle se sentait encore responsable de sa mort. Le roux ne la blâmerait jamais, elle le savait. Elle avait fait son possible pour stopper cette folle de Bellatrix. Mais cela n'avait pas suffi. Et le doute persistait ; elle ne cessait de se dire que si elle avait fait les choses différemment, il serait encore en vie.

Arrête ! Ce n'était pas avec des 'si' que Ron lui reviendrait.

Elle se dirigea vers le lit pour récupérer son holster et sa baguette. D'un mouvement du poignet, sa robe de sorcier retrouva son aspect originel. Elle se demanda quoi faire à présent. De toute façon, Tom ne pourrait pas retourner à Poudlard sans elle. Sans doute était-il si déçu et remonté contre elle qu'il ne reviendrait jamais.

Maintenant tu dramatises, Granger.

Elle se redressa avec un grognement frustré. Il finirait bien tôt ou tard par se calmer. Ne serait-ce que parce qu'elle était son seul moyen de transport. Elle décida donc d'attendre son retour.

Pendant ce temps, histoire de se changer les idées, elle descendit à la réception et régla la note. Elle devait admettre qu'en plein jour et l'esprit sobre, ce motel ressemblait à un vrai dépotoir. Avec un peu de chance, son camarade se dépêcherait un peu. En regagnant sa chambre, elle nota la propreté apparente de la pièce, comparé au reste de l'établissement. Encore le fait de Tom. La jeune femme rejoignit la salle de bain dans un état de crasse avancé, apparemment non affectée par les sortilèges de nettoyage. Tout à coup, elle regretta de ne pas avoir appris les charmes de Legifer. C'était le comble mais dans ce genre de situation, cela aurait valu le coup. Certes, un simple "Scourgify" n'avait rien de grandiose mais l'endroit fut assez propre pour l'utiliser. Après s'être rafraîchie, elle retourna s'asseoir. Plus les minutes s'écoulaient, plus elle se sentait mal. Visiblement, le Serpentard avait besoin de plus temps que prévu. Elle culpabilisait car l'entière situation avait dû profondément l'affecter.

Hermione se redressa en entendant la porte s'ouvrir. Elle fut soulagée de voir Tom entrer mais déchanta vite en avisant son visage fermé. Il gardait un strict contrôle sur ses émotions et son air fut indéchiffrable. Même ses yeux gris paraissaient insondables. Elle frissonna presque en apercevant son regard vacant. Il semblait vide de toute émotion.

"On devrait rentrer à Poudlard."

Elle lui jeta un œil inquiet, avant de répondre d'une petite voix : "Tom, on–"

"Je vais bien. Retournons juste au château," coupa t-il.

Les sourcils froncés, elle posa une main délicate sur son bras. Il observa son geste et sa façade s'effrita l'espace d'une seconde, lui permettant de voir à quel point il était loin d'aller bien. La fureur bouillonnait encore en lui, mêlée à une douloureuse déception.

"Tu n'as pas à être jaloux," murmura t-elle.

"Qui as dit que je l'étais ?" siffla t-il.

La violence de ses mots la fit tressaillir. Il s'écarta légèrement d'elle, avant de poursuivre d'une voix dégoulinante de sarcasme : "Pourquoi devrais-je être jaloux ? Parce que tu en aimes un autre ?"

Il détourna les yeux et son visage se para à nouveau d'un masque impénétrable. Lorsqu'il reprit la parole, ce fut d'un ton bas et terriblement vide : "On doit rentrer, sinon on aura des ennuis."

Dès qu'il se serait calmé, la Gryffondor devrait avoir une sérieuse conversation avec lui. Cela même si elle redoutait de lui parler de Ron. Elle ne s'en sentait pas encore la force. C'était à peine si elle pouvait penser à lui, alors en discuter avec Tom...

Pour l'heure, elle lui tendit une main. Ses prunelles grises l'observèrent avec nonchalance pendant quelques instants, puis il finit par l'accepter à contrecoeur. La brune lui adressa un petit sourire, qu'il ne retourna pas et serra fermement ses doigts tout en brandissant sa baguette. Elle canalisa son énergie, faisant appel à la magie de la baguette de Sureau, qui obéit prestement à ses ordres. Dans un tourbillonnement de robes, le couple disparut de la chambre d'hôtel, aspiré par la pression familière du transplanage. Ils atterrirent quelques secondes plus tard sous le couvert d'un bosquet d'épicéas à proximité du Grand lac. Hermione fut encore un peu étourdie en sentant la magie de la baguette crépiter autour d'elle. Cette fois ci, elle ne se laissa pas surprendre par la sensation et garda la tête froide.

Son camarade lâcha immédiatement sa main, comme s'il venait de se brûler. Son geste dédaigneux la fit froncer les sourcils mais elle ne fit aucune remarque. Elle vérifia sa montre. Bientôt midi ; ils avaient nettement séché le cours de Sortilèges. Et ce serait rêver de croire que personne n'avait remarqué leur absence. Après tout, ils n'avaient pas passé la nuit dans leur dortoir. Les camarades de Tom seraient probablement muets comme des tombes, craignant trop les représailles pour vendre la mèche, mais on ne pouvait pas en dire autant des filles de Gryffondor.

"Allons-y," fit-elle en se tournant vers lui.

Le ténébreux acquiesça, la scrutant de cet air absent insupportable. Il partit devant sans un coup d'oeil en arrière. Sa froideur était blessante mais elle ne pouvait que l'accepter pour le moment.

Tom prit la direction du château sans se préoccuper de la sorcière derrière lui. Les poings serrés avec force, il sentait son pouvoir magique courir férocement dans ses veines. Il mourrait d'envie de sortir sa baguette et lui jeter un sort. Il voulait laisser son aura noire s'abattre sur elle et la faire souffrir. Lui faire payer pour ses mots qui avaient causé autant de mal.

Ses paroles résonnaient toujours dans sa tête. Des mots soufflés avec tant de douceur et d'affection. Des mots murmurés telle une supplique, franchissant avec grâce ses lèvres roses.

Des mots qui n'étaient pas pour lui.

Une vague de magie furieuse déferla en lui, faisant bouillir son sang, alors qu'il se souvenait de sa silhouette endormie, roulée en boule sous les couvertures tout près de lui, susurrant ces mots pour un autre.

Il s'était senti...

... vide.

Il n'avait pas voulu l'admettre. Ce sentiment l'agaçait et il ne voulait pas trop s'y attarder mais au fond, il savait que ses mots avaient eu un énorme impact sur lui. Il accéléra le pas, comme pour échapper à ses propres pensées. Il fulminait et sa rage incandescente lui donna l'envie de faire demi-tour pour hurler à la figure de sa camarade. Quelque part, toute cette colère servait à dissimuler autre chose. Un sentiment masqué par son tempérament violent. C'était comme une étreinte glacée qui le paralysait, un poison infectant sans pitié ses blessures profondes.

Ça fait mal, réalisa t-il, surpris.

Ses émotions le rendaient totalement confus. Mais il ne pouvait le nier. Ses mots l'avaient blessé et il ne s'était jamais senti aussi vulnérable. Ils avaient réussi à lui infliger une douleur inconnue jusqu'à présent. Comment avait-elle fait cela ? C'était incompréhensible. Mais surtout, effrayant. De quoi avait-il peur ? Peu de choses parvenaient à l'effrayer et certainement pas des paroles. Alors comment ses mots avaient-ils un tel effet sur lui ? Rien que d'y penser, il en tremblait presque. Mais de quoi ? Colère ? Haine ? ...Crainte ?

Ils rejoindraient bientôt l'entrée du château et le Serpentard pouvait toujours entendre les pas de sa camarade dans son dos. Elle n'avait rien dit depuis leur arrivée et il n'avait aucune envie de lui parler pour l'instant. Sa fureur le rendait si volatile qu'il pourrait dire ou faire quelque chose de regrettable. Mais pourquoi l'ignorait-elle ? Était-elle trop mal à l'aise maintenant que la vérité avait été dite ? Il tressaillit presque et cette réaction extrême suscita encore chez lui une impression de vulnérabilité répugnante. Tout cela ne fit qu'exacerber sa colère.

Hermione fixait le dos du ténébreux devant elle. Le silence pesant qui s'était installé entre eux se prolongeait. Peut-être devrait-elle le rompre ? Elle ne savait quoi dire. Tom était toujours à deux doigts d'exploser et elle ne préférait pas tenter le diable. Elle poursuivit donc son chemin en silence jusqu'au Grand hall d'entrée. L'endroit était désert, seulement dérangé par le bruit de leurs pas résonnant contre les murs. Ils étaient sur le point d'atteindre les escaliers mouvants, lorsqu'une voix les interpella soudain :

"Halte là !"

Monsieur Barnes, le concierge, remontait vers eux d'un pas traînant. Sa ressemblance avec le Argus Rusard de son époque en était presque amusante.

Sans le chat, bien sûr, songea t-elle en l'observant. Son visage était ridé et quelque peu buriné, malgré le fait qu'il soit constamment à l'intérieur, en train de rôder dans les couloirs après les fauteurs de trouble. Ses cheveux étaient d'une couleur non identifiable, probablement du gris ou un brun terne et il portait une épaisse cape grisâtre.

"Vous deux !" beugla t-il presque. "Le directeur veut vous voir !"

Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Parler à Dippet était bien la dernière chose dont elle avait envie. Elle n'eut d'autre choix, puisque Barnes leur faisait déjà signe d'avancer. Ils le suivirent donc silencieusement à travers les corridors de Poudlard. La brune pouvait apercevoir les regards furieux que Tom lui lançait de temps à autre, ce qui n'arrangea pas son stress. Barnes les conduisit jusqu'au bureau du directeur, leur ouvrit le passage gardé par les sentinelles tout en marmonnant dans sa barbe à propos de 'petites pestes teigneuses'. Puis, il les abandonna à leur sort.

Hermione déglutit, alors qu'elle gravissait les marches menant au bureau de Dippet. Elle entendait la démarche aussi réticente de son camarade derrière elle. Risquant un coup d'oeil vers lui, elle fut frustrée de voir cet air impassible dépeint sur ses traits. Elle l'ignora et toqua faiblement à la porte.

"Entrez," vint la réponse à l'intérieur du bureau.

Soupirant, elle s'exécuta. L'endroit était aussi impeccablement rangé que de coutume, si ce n'est encore plus froid et inhospitalier. Dippet se tenait à son bureau, occupé à trier une pile de documents comme à chaque fois que Hermione lui rendait visite. Elle se demanda brièvement s'il gardait une pile prête sur son bureau pour ce genre d'occasion, quand il voulait paraître débordé. Le tout puissant directeur, encore dérangé par de simples petits élèves.

Il leva le nez de ses précieux travaux pour les scanner du regard. La jeune femme eut la vague impression qu'il n'avait pas la moindre idée sur la raison de leur présence. Puis, une lueur de reconnaissance sembla animer ses pupilles sévères lorsqu'il remarqua Tom debout à ses côtés.

"Monsieur Riddle," déclara t-il enfin d'un ton strict, agrémenté d'une pointe de déception. "Cela fait maintenant deux fois dans l'année scolaire que vous êtes la source de problèmes."

"Je suis vraiment désolé, Monsieur," répondit-il avec une courtoisie excessive, qu'il adoptait seulement pour impressionner.

Dippet balaya ses excuses d'un revers de main.

"Si je comprends bien, Miss..." Il plissa les yeux vers la concernée, essayant visiblement de se rappeler son nom.

"DeCerto, Monsieur," fit calmement le ténébreux.

"Oui, oui," rétorqua t-il d'une voix impatiente, nullement embarrassé de ne pas connaître le nom de ses élèves. "Donc Miss DeCerto et vous, avez quitté le château depuis hier soir. Est-ce exact, Monsieur Riddle ?"

"Oui, Monsieur." Son air sincère soutira presque un haussement de sourcils à la Gryffondor. "Je m'en excuse vraiment. Je vous assure que cela ne se reproduira plus."

"Je vois."

Sans un mot de plus, le directeur quitta son bureau et marcha jusqu'à l'âtre. Jetant une poignée de poudre de cheminette du vase situé sur le rebord, il passa ensuite sa tête à travers les flammes vertes. Il parut discuter un instant avec quelqu'un à l'autre bout du réseau. Sa conversation finie, il regagna son siège. Il n'avait pas fait deux pas, qu'une silhouette émergea soudain de la cheminée. Des cheveux blonds, une moustache de même couleur, un ventre protubérant et un penchant pour les vêtements de luxe ; Slughorn venait de faire son entrée dans le grand bureau. Une lueur amusée brillait dans le regard que le Maître des Potions posa sur eux. Hermione fut même décontenancée de voir le clin d'oeil conspirateur qu'il lui adressa.

"Armando," salua t-il de sa voix imposante. "J'espère que vous n'avez pas été trop sévère avec nos jeunes amis ici présents. Ils ont l'air terriblement chagriné."

Dippet n'eut guère le temps de répondre puisqu'une autre silhouette avait jailli de l'âtre. Elle se retint de grogner en reconnaissant Dumbledore. Pour une fois, ses vêtements, à savoir une robe de sorcier aigue-marine ne clashait pas trop avec ses cheveux auburn. Malheureusement, il n'affichait pas une expression aussi joyeuse que sa tenue colorée. Un pli austère creusait son front alors qu'il dévisageait le couple d'élèves avec suspicion.

"Au contraire, Horace. Nous devons être ferme avec eux," observa t-il suite à la remarque de son confrère, vrillant Hermione de son regard perçant. "En quittant Poudlard, ils ont enfreints une règle importante de l'école. Les élèves ne doivent pas sortir sans autorisation. Durant l'année scolaire, nous sommes responsables de leur personne et les familles comptent sur nous pour assurer la sécurité de leurs enfants."

Elle ne commenta pas le fait que ni Tom, ni elle, n'avait plus aucun parent pour se soucier d'eux. L'air accusateur sur le visage de son professeur ne lui plaisait pas du tout. Il la rendait trop coupable. Après tout, Hermione n'avait pas oublié comment elle l'avait manipulé. Elle se sentait honteuse alors qu'en réalité, elle donnait raison à Dumbledore. Quitter le château de la sorte avait été irresponsable.

"Allons Albus," s'exclama Slughorn. "Nous avons tous été jeunes un jour. Ce n'est pas comme s'ils avaient fait quelque chose de dangereux. Ils ont seulement quitté le château pendant quelques heures pour s'amuser."

Les deux autres sorciers ne semblèrent pas de cet avis mais le Maître des Potions n'en avait cure. Il se dirigea vers le couple et à la grande surprise d'Hermione, encercla ses épaules d'un bras en l'écrasant presque au passage.

"Miss DeCerto est une brillante élève," ajouta t-il gaiement. "Je suis sûre qu'elle n'aura aucun problème à rattraper les cours qu'elle a manqué aujourd'hui."

Il la relâcha, non sans un clin d'oeil amusé, avant de faire un pas vers son voisin. "Et Tom est notre meilleur élève à Poudlard. Il est très responsable. Après tout, c'est vous, Armando, qui l'avez promu à la fonction de préfet."

Il donna une petite tape dans le dos de son élève. "Ce n'était qu'une petite escapade. Je suis sûr qu'ils le regrettent déjà. Nous ne devrions pas les punir trop sévèrement."

La brune dut admettre que Slughorn ferait un parfait avocat, s'il décidait un jour de changer de carrière.

"Vous n'avez pas tort, Horace," jugea enfin Dippet.

Le directeur examinait Tom, contemplatif. De toute évidence, le discours de Slughorn avait eu l'effet escompté. Elle faillit rouler des yeux. Bien évidemment, il ne pouvait pas infliger de grave punition au Serpentard. Il l'avait lui-même nommé préfet et sa réputation en pâtirait s'il s'avérait que l'élève de son choix était un irresponsable. Les parents n'apprécieraient pas du tout. En fin de compte, c'était le rôle du préfet de veiller sur les plus jeunes élèves.

Manifestement, Dippet devait penser quelque chose du même goût puisqu'il annonça pompeusement, tourné vers les deux élèves : "Je ne mentionnerai pas cet incident dans votre dossier scolaire. Mais vous serez tout de même punis pour avoir enfreint le règlement. Je laisse cette tâche à vos directeurs de maison."

La jeune femme parierait que c'était en partie la raison de son aimable 'générosité' ; il ne voulait pas se charger de cette corvée lui-même. Alors, il déléguait aux autres. Elle soupira presque en se rendant compte que dans son cas, ce quelqu'un d'autre serait Dumbledore.

"Bien," fit joyeusement Slughorn. "Tom, pourquoi ne viendriez-vous pas dans mon bureau un peu plus tard pour en discuter ?"

"Bien sûr, professeur," répliqua t-il poliment.

Le Maître des Potions eut un sourire éclatant, avant de s'intéresser à Dumbledore : "Puis-je vous inviter à prendre une tasse de thé ?"

"Certainement, Horace," accepta le vieux professeur d'un air serein. Le pétillement chaleureux mourut dans ses pupilles lorsqu'il toisa Hermione.

"Je vous attends dans mon bureau aujourd'hui après les cours, Miss DeCerto."

"Oui, Monsieur," répondit-elle, d'ores et déjà misérable à cette idée.

Dumbledore ne répondit rien et se détourna, emboîtant le pas à son confrère. Dippet s'était replongé dans son importante paperasse et son camarade prit cela comme une permission de prendre congé. Il se dirigeait déjà vers la porte. Avec un 'bonne journée, Monsieur le directeur,' qui demeura sans réponse, elle se pressa derrière lui. Il ne l'avait pas attendue et était déjà en bas de l'escalier, si bien qu'elle dut le courser dans le couloir.

"Tom, attends," lança t-elle après lui. Elle accéléra le rythme pour venir se placer à sa hauteur.

"Je suis désolée," murmura t-elle. "C'est moi qui nous ai attiré des ennuis."

Il la foudroya des yeux, avant de persiffler : "Oui, c'est ta faute."

"Pardonne-moi."

À son grand désarroi, Hermione aperçut Londubat en train de remonter le corridor dans leur direction. Comme prévu, un pli se forma instantanément sur son front lorsqu'il repéra le ténébreux. Ce dernier, en l'occurence, ne releva pas la présence du blond ou s'en fichait juste éperdument.

"Hermione, où étais-tu passée ?"

Elle interrompit sa marche et chose surprenante, Tom l'imita. Même si son humeur massacrante restait inchangée.

"Je... heu..." Elle ne sut quoi répondre, ne pouvant lui raconter leur petite aventure.

"Qu'est-ce que tu lui as fait ?" s'écria alors Londubat au Serpentard.

"Je n'ai rien fait," riposta celui-ci d'un ton frigide, en fixant la brune.

Il contrôlait à peine son sang-froid et elle se raidit face à ses prunelles enflammées. Son geste n'échappa pas au blond.

"Est-ce que tu la harcèles encore, Riddle ?"

Une dangereuse lueur écarlate se faufila dans les pupilles de son camarade, braquées sur Londubat. Mais il ne daigna pas répondre à son commentaire. Il pivota vers elle, le regard encore luisant du même éclat sinistre et déstabilisant.

"J'ai encore beaucoup à faire," lâcha t-il sèchement. "On se verra plus tard."

Il tourna ensuite les talons et entreprit de s'éloigner. Hermione le retint par le bras.

"Je suis désolée. Vraiment."

Cette fois-ci, elle ne faisait pas allusion à leur punition respective. Le Serpentard ne réagit pas et écarta simplement sa main pour poursuivre son chemin. Avec tristesse, elle observa son dos battre en retraite.

"Pourquoi t'es-tu excusée à ce bâtard arrogant ?" s'étonna le blond.

Ses amis tentèrent de lui tirer les vers du nez pendant le déjeuner, mais la brune était trop occupée à scruter la table des Serpentards. Elle fit même abstraction des regards curieux du reste de la population de l'école. Elle n'osait pas imaginer ce qu'ils pensaient tous en sachant qu'elle avait passé la nuit Merlin sait où, seule avec le préfet des serpents. Les oeillades meurtrières des filles côté vert et argent étaient suffisamment parlantes. Tout cela n'augurait rien de bon.

Pendant le cours suivant, l'Histoire de la Magie, elle fut toutefois incapable d'ignorer plus longtemps les trois Gryffondors installés une rangée derrière elle. Leurs chuchotements n'avaient pas l'air de déranger le professeur Binns. Bien qu'il ne fût pas encore un fantôme, il n'accordait déjà pas beaucoup d'attention aux autres êtres vivants, semblait-il.

"Hermione, qu'as-tu fait la nuit dernière ?" demanda Londubat pour la énième fois aujourd'hui.

"Rien. On est juste parti en douce à Pré-au-Lard et on n'a pas vu le temps passer," expliqua t-elle succinctement.

"Mais pourquoi as-tu fait ça ?" L'indiscrétion du blond n'avait pas de limite, alors qu'il insistait : "ça ne te ressemble pas. Riddle t'a forcé ?"

"Non," soupira t-elle, irritée. "Tom n'y est pour rien. C'était mon idée, en fait."

Elle n'en fut pas certaine mais crut entendre un 'ben voyons,' retentir de la table de derrière.

"Mais pourquoi avoir passé la nuit là-bas ?" se mêla la voix posée de Lupin.

"Riddle ne t'a rien fait, hein ?" s'empressa d'ajouter le blond, avant qu'elle ne puisse répondre.

La jeune femme poussa un léger grognement en entendant la voix soucieuse de son ami. Par Merlin, mais qu'allait-il s'imaginer ? Elle préféra ne pas trop réfléchir sur la question.

"Je te l'ai dit. Il n'a rien fait," affirma t-elle avec impatience. "On a oublié l'heure et il était trop tard pour rentrer à Poudlard, alors on a passé la nuit sur place."

Elle n'aimait pas devoir leur mentir mais une fois de plus, elle pouvait difficilement leur révéler la vérité. Transplaner dans l'enceinte du château de Poudlard restait impossible.

Une voix étouffée s'éleva avec indignation : "Tu as passé la nuit avec Riddle ?"

Aussitôt suivie par le reproche de Lupin : "Marc, arrête d'être aussi sans-gêne."

Si la colère de Tom à son égard ne l'avait pas autant perturbée, elle aurait probablement tenté de rassurer Londubat. Mais à l'heure actuelle, ses pensées étaient entièrement tournées vers lui.

"Est-ce qu'on t'a puni pour avoir quitté le château ?" se mêla tout à coup la voix de Weasley.

"Pas encore." D'ailleurs, elle appréhendait de plus en plus sa future entrevue. "Mais je dois voir Dumbledore après les cours."

"Ne t'en fais pas," la réconforta Lupin. "Dumbledore est plutôt indulgent."

Hermione en doutait fortement dans son cas.

"Il ne va pas trop te saquer," renchérit le roux.

"Ouais, t'as qu'à tout mettre sur le dos de Riddle," suggéra le blond avec une sombre malice.

"Sûrement pas," siffla t-elle. "Je t'ai dit que c'était mon idée. Je l'ai juste entraîné avec moi."

Londubat en remit une couche mais elle ne put le comprendre, car ce fut le moment que choisit Binns pour terminer son cours.

"– et je veux que vous lisiez le chapitre sur la guerre des Goblins de 1623, menée par Gorik le Sanguinaire contre le Roi Wilsar de la tribu du Nord," annonça t-il de sa voix soporifique.

Hermione griffonna une note rapide sur un bout de parchemin, bien qu'elle fut la seule à le faire avec Lupin. Puis elle rassembla ses affaires. Une minute plus tard, elle délaissait la salle de classe, talonnée de près par ses trois amis. Avant que l'un d'entre eux ne puisse ouvrir la bouche, Rose et Lucia les dépassèrent dans le couloir. Le regard pétillant de curiosité des filles ne lui disait rien qui vaille.

Rose la toisa, guillerette, avant de la questionner d'un air trop innocent pour être vrai : "Alors, tu t'es bien amusée la nuit dernière ?"

Après quoi, elles lâchèrent une série de gloussements idiots et agaçants. Non mais vraiment, ne pouvaient-elles pas juste fermer leur clapet ? Elle ne gratifia pas leur stupidité d'une réponse. De toute façon, les deux filles n'en attendaient pas autant. Elles poursuivirent simplement leur chemin en gloussant comme des hystériques. Hermione grimaça, avant de focaliser son attention sur les garçons qui trottinaient près d'elle. Lonbubat semblait mortifié. À l'évidence, il n'aimait pas beaucoup les insinuations de Rose mais elle n'était pas d'humeur à ménager sa jalousie. Gérer Tom lui suffisait déjà amplement.

Elle décida donc de changer de sujet. "Au fait, il s'est passé quelque chose en mon absence ?"

Le blond eut l'air mécontent, espérant probablement continuer à discuter de ses activités nocturnes. Par chance, Weasley fut plus rapide.

"Oh oui. Mais tu ferais mieux de demander à Lupin," s'exclama t-il, moqueur.

Elle échangea un regard entre ses deux amis. Lupin avait violemment rougi.

"Vraiment ?" s'exclama t-elle, amusée. "Donc Amarys, que s'est-il passé ?"

"Hem... je... c'est..." bafouilla t-il, soudain intéressé à la contemplation de ses pieds.

Le voir si nerveux la fit sourire. C'était rare, sauf lorsqu'une certaine Serdaigle se trouvait dans les parages.

"Dis-moi, ça n'aurait pas quelque chose à voir avec Stella Lovegood ?"

La rougeur s'intensifia sur les joues de Lupin, alors que Weasley éclatait de rire en lui pinçant le bras.

"Tu m'étonnes," s'esclaffa t-il. "Devine qui a une nouvelle petite-amie ?"

La jeune femme sourit tendrement face à l'embarras de son ami, même s'il avait clairement l'air joyeux.

"Félicitations. J'ai toujours su qu'elle t'appréciait."

Lupin releva enfin les yeux vers elle, un micro sourire aux lèvres.

"Ben, qui ne le savait pas ?" s'exaspéra Londubat, apportant enfin sa contribution. Il tenta d'étouffer un rire en secouant la tête d'un air faussement triste.

"Bon dieu, mais que fais-tu encore là, vieux ?" lança t-il narquoisement à Lupin. "Je suis sûre qu'elle est déjà en train de t'attendre." Il le poussa dans l'allée. "La salle commune des Serdaigles est par là," souffla t-il en aparté, pointant frénétiquement le bout du couloir.

Lupin lança un regard à Hermione qui lui affichait simplement un rictus amusé. Avec un haussement d'épaules, il sourit en coin, avant de détaler dans le couloir.

"Tu caches bien ton jeu, Casanova !" héla le blond après lui.

Bien qu'elle ne put le voir, elle gageait que les joues du Gryffondor avaient encore virées au rouge. Cela dit, elle put distinguer les mines choquées du groupe de deuxièmes années qui remontaient le corridor vers eux et avaient entendu le commentaire. La brune gloussa avant de tirer son camarade dans la direction opposée, vers leur salle commune.

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Hermione arpentait nonchalamment les couloirs, se rendant de mauvaise grâce au bureau du professeur Dumbledore. Elle n'avait pas vraiment envie d'y aller. La présence de son ancien directeur qui avait été autrefois si rassurante, la déstabilisait. La brune regrettait encore de s'en être fait un ennemi. Au moins, elle avait eu une bonne raison. Ravalant sa culpabilité, elle réarrangea son expression en un masque d'orgueil, puisqu'elle devait poursuivre son numéro de sorcière noire au risque de se faire percer à jour.

Ella frappa deux coups à la porte et Dumbledore l'invita à entrer. L'atmosphère chaleureuse du bureau contrastait tristement avec le visage de son propriétaire, comme pour lui rappeler qu'elle n'était pas la bienvenue ici. Il l'observait de derrière ses lunettes en demi-lune avec un grave froncement de sourcils.

"Je vous en prie, Miss DeCerto, asseyez-vous," déclara t-il enfin en désignant le fauteuil d'en face.

Elle s'installa et le fixa dans l'expectative, tentant de cacher combien elle se sentait nerveuse. Son cœur se serra en notant encore l'absence de l'éclat bienveillant au fond de son regard. La brune se demanda brièvement si c'était ce que Tom ressentait constamment à l'égard de son professeur. Elle se rappela bien vite que le Serpentard se contentait de le haïr en retour et n'éprouvait certainement aucune tristesse face à l'entière situation. De plus, la méfiance de Dumbledore à son sujet n'était pas mal placée.

Il planta ses yeux perçants sur elle. "J'aimerais savoir où Monsieur Riddle et vous-même êtes allés après avoir quitté le château hier."

La Gryffondor dissimula sa honte derrière un air impassible.

"Je– seulement à Pré-au-Lard," marmonna t-elle avec la quantité adéquate de gêne dans la voix.

"Je vois."

Dumbledore ne cilla pas. Puis, il ajouta sans crier gare : "Où avez-vous passé la nuit ?"

"Quoi ?" répondit-elle, confuse.

"Je suis sûr que vous n'avez pas dormi dans les rues," élabora t-il froidement.

"J- je..." Elle tentait désespérément de trouver une excuse.

"N'oubliez pas, Miss DeCerto. Je peux vérifier vos propos en interrogeant les barmans du coin."

Elle déglutit avec difficulté. Que pouvait-elle bien lui dire ? Après tout, ils n'avaient pas du tout mis les pieds à Pré-au-Lard. Elle pourrait toujours soutenir qu'ils avaient transplané ailleurs, si ce n'est un léger inconvénient ; elle n'avait pas encore officiellement son permis de transplanage.

"Je réitère ma question," insista Dumbledore sans merci. "Où êtes-vous allés ?"

"D'accord," souffla t-elle en prenant un air embarrassé. "Je ne voulais pas l'admettre. Tom et moi, nous sommes sortis en douce à Pré-au-Lard," confessa t-elle en fixant ses mains. Elle releva ensuite la tête vers l'enseignant. "On avait un peu trop bu, vous voyez. On voulait retourner au château mais on n'a pas pu."

Une fois encore, Hermione se sentait horrible de devoir débiter une pléthore de mensonges. Jouer à l'élève capricieuse la rendait malade. Elle était coupable mais pour des raisons totalement différentes.

"On s'est perdu sur le chemin entre Pré-au-Lard et Poudlard et on a décidé de passer la nuit sur place. On avait nos baguettes, alors se protéger du froid avec un sort de chaleur était facile. Puis on a attendu le matin."

Le professeur de Métamorphose la dévisageait de derrière ses lunettes, tant bien qu'elle l'aurait cru en train de lire ses pensées, si elle n'avait pas été une Occlumens avertie. Le silence se prolongea, la mettant de plus en plus mal à l'aise. Puis, Dumbledore répondit avec une déception qui réussit presque à la faire frémir :

"Miss DeCerto, je suis professeur dans cette école depuis un certain temps maintenant. Je peux le voir lorsque les élèves me mentent."

La jeune femme ne put retenir un haussement de sourcils. Même sans la légilimencie, il était convaincant. Elle gardait ses barrières mentales dressées telle une muraille.

"Pourquoi ne pas réessayer en me disant la vérité, cette fois-ci ?" proposa t-il d'un ton sévère.

Mais la vérité n'était pas envisageable. Elle ne pouvait lui révéler comment elle avait franchi les murs de Poudlard, en transplanant directement à Londres. Ainsi, elle n'aurait plus qu'à lui parler de Peverell, de la magie de la baguette de Sureau et de son problème d'époque. Elle opta donc pour la provocation.

"Je ne mens pas."

Sa déclaration fut accueillie par un nouveau silence. Les yeux clairs de son professeur la fixaient toujours intensément et elle se força à ne pas se tortiller sur son siège. Le Dumbledore de son époque lui manquait terriblement. Il n'avait jamais eu un tel regard pour elle, comme s'il la suspectait d'avoir commis des actes horribles. Son air critique était insupportable. Elle aurait voulu tout lui dire. Lui raconter de quelle façon elle s'était battue pour le bien. Lui dire que ce qu'elle faisait était juste. Pour être honnête, elle se sentait perdue. Avant sa mort, Dumbledore avait toujours été une sorte de guide. À présent, il la croyait maléfique. C'était difficile de maintenir ses airs de sorcière noire quand en réalité, elle voulait qu'il la rassure sur le bien fondé de sa cause, qu'il lui confirme qu'elle était quelqu'un de bien. Mais elle ne pouvait commettre d'erreur.

Après de longues minutes, il laissa échapper un soupir de fatigue. "Vous souhaitez vraiment suivre cette voie, Miss DeCerto ?"

"Monsieur ?" s'exclama t-elle, réellement troublée.

"Je sais comment est Tom," répliqua t-il. "Je l'observe depuis le début. J'ai essayé sans relâche de le dissuader d'emprunter le chemin des ténèbres." Il marqua une pause, avant de continuer d'un air triste : "Hélas, je n'ai pu le faire changer. Je le pense perdu mais... c'est quelque chose que je regrette profondément."

Elle scruta son professeur avec malaise. Elle comprenait qu'il ait fait son possible pour aider le Serpentard, même si elle désapprouvait ses méthodes. Elle ne doutait pas de sa sincérité.

"Je me suis toujours demandé ce que j'aurais pu faire de plus," admit-il avec regret. "Si j'avais fait plus d'efforts, plus de concessions, peut-être aurais-je pu le sauver."

Il s'avança un peu sur son fauteuil et plongea directement ses yeux dans les siens. Un regard toujours dénué de son pétillement chaleureux mais qui s'était radouci.

"Vous voyez, lorsque j'ai rencontré Tom pour la première fois, il n'avait que onze ans, mais je pouvais déjà voir combien il était vulnérable aux attraits de la magie noire. Je me suis alors promis de le surveiller et de le protéger." Il secoua légèrement la tête. "Mais je n'ai pas réussi à l'aider. J'ai échoué. Maintenant, je dois me résigner au fait qu'il soit trop tard pour le sauver. Cela me blesse de le voir gaspiller un talent comme le sien. Tom pourrait devenir un sorcier exceptionnel. Mais il fait le choix de suivre un autre chemin. Il n'a pas pu résister à sa fascination pour les forces du Mal."

Dumbledore poussa un autre soupir. Ses yeux se troublèrent un instant, avant de dévier à nouveau sur elle avec fermeté.

"Je sais ce que représentent les forces du Mal, Miss DeCerto," lâcha t-il soudain d'un air entendu. "Elles offrent la puissance et le pouvoir. La magie noire est un leurre qui prend ses proies au piège. Elle est pleine de promesses. Elle promet des choses auxquelles vous n'aurez jamais rêvées. Des capacités que vous avez toujours voulu maîtriser en vain. Vous obtiendrez tout ceci. Et vous en voudrez beaucoup plus. Vous ressentirez le besoin d'explorer la magie noire en profondeur. Vous commencerez même à lui faire confiance, à vous croire puissant. Puissant et assez doué pour contrôler les ténèbres, pour savoir quand vous arrêter. Vous serez à l'apogée de votre pouvoir, un véritable Maître des ténèbres."

"Puis, au bout d'un certain temps, le doute commencera à s'installer. C'est à ce moment là que vous réaliserez qu'on ne peut pas contrôler les ténèbres. Vous ne faites que trébucher dans le noir, esclave de cette magie. Vous découvrirez que les forces du Mal sont trompeuses. Mais il sera alors trop tard pour revenir en arrière. La magie noire est une maîtresse cruelle qui promet beaucoup mais ne tient aucun engagement. Au lieu de cela, elle vous rongera jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien."

"C'est la voie que Tom Riddle a choisi de suivre, Miss DeCerto. C'est très douloureux pour moi de le voir se perdre dans les ténèbres mais je ne peux plus l'aider. Aujourd'hui, il se trouve hors de ma portée."

La Gryffondor le fixa en maintenant son air neutre. Néanmoins, ses dernières paroles l'avaient vraiment affectée. Il avait raison. Elle-même avait vu les forces du Mal à l'oeuvre. C'était une branche répugnante de la magie. La magie noire offrait un pouvoir qui en attirait plus d'un. Elle savait combien elle pouvait être dangereuse et néfaste. Seulement, il y avait une chose sur laquelle elle espérait qu'il se trompe. Tom n'était pas irrécupérable, n'est-ce-pas ? Hermione l'avait encore aperçue ce matin, cette haine destructrice et abyssale. Elle avait décelé un soupçon de Lord Voldemort au fond de son regard carmin. Dire qu'elle n'avait pas été terrifiée serait un mensonge.

Lord Voldemort avait été le sorcier le plus puissant qu'elle eut jamais rencontré, plus puissant même que Dumbledore en matière de magie noire. Il en avait eu une maîtrise experte et on pouvait largement dire qu'il avait été un Maître des ténèbres. Mais son professeur avait raison. Au final, il avait tout perdu aux dépends de cette magie, y compris lui-même.

Le vieux sorcier reprit la parole, la surprenant dans ses pensées : "Etes-vous sûre de vouloir suivre Tom ?"

"Q-quoi... ?"

"Je sais qu'il est très charismatique," souffla t-il d'un air presque compatissant. "Il peut être très persuasif quand il le souhaite."

Elle fronça les sourcils, ne voyant pas où il voulait en venir. Elle savait qu'il était dangereux d'approcher le Serpentard, ce n'était plus un secret depuis longtemps.

"Mais vous ne devriez pas vous laissez aveugler par son charisme," poursuivit-il. "Je vous implore de ne pas le suivre."

L'esprit de la brune tiqua sur ce dernier mot. Elle réalisa soudain ce que l'enseignant essayait de faire. Pensait-il qu'elle était l'une de ses fidèles ? Une mangemort ? Il voulait la détourner de Tom pour ne pas qu'elle le suive dans les ténèbres. Elle aurait voulu lui démontrer le contraire, qu'elle n'avait jamais eu l'intention de se laisser séduire par la magie noire. Cependant, lui avouer quoique ce soit était impossible et il y avait son camarade. Elle était le dernier obstacle empêchant Dumbledore de l'expulser et de le renvoyer à l'orphelinat. Elle ne pouvait pas prendre ce risque et devait donc continuer sa comédie. Elle feignit de ne pas être touchée par ses mots, son masque d'indifférence toujours en place. Ce qui était totalement faux. Mais par la force des choses, elle était devenue une menteuse assez convaincante.

"Vous n'avez pas à vous en faire pour moi, Monsieur. Je suis assez grande pour prendre mes propres décisions," rétorqua t-elle avec condescendance.

Ses paroles avaient été prononcées avec froideur, mais elle n'en pensait pas moins. Elle n'avait pas envie de lui causer d'inquiétude. Il avait de bonnes intentions et elle se détestait déjà assez pour ses mensonges.

Le regard affligé que lui adressa son professeur la fit mentalement trembler.

"Je vois. Vous ne voulez pas changer. Mais sachez que mon bureau restera toujours ouvert pour vous. Si vous deviez réaliser l'erreur que vous êtes en train de commettre en suivant Tom, alors s'il-vous-plaît, n'hésitez pas à venir me voir. Je pourrais peut-être vous aider."

La jeune femme garda le silence. Avec un calme apparent, elle quitta son siège et marcha jusqu'à la porte. Elle fut interrompue par la voix de Dumbledore : "Oh, et Miss DeCerto ?"

Elle l'interrogea du regard.

"Quarante points en moins pour Gryffondor," l'informa t-il froidement. "Pour avoir enfreint le règlement de l'école en quittant Poudlard sans permission."

Elle approuva d'un léger signe de tête. En fait, elle s'était attendue à pire. La ménageait-il en espérant encore pouvoir la faire changer d'avis et quitter le Serpentard ? Impossible de le savoir. Les jambes flageolantes, elle quitta enfin le bureau du professeur de Métamorphose.

Bon sang, sa vie avait pris une tournure infernale. Dumbledore pensait qu'elle était une sorcière noire perdue sur la voie du Mal, son camarade la détestait parce qu'il ne connaissait rien de son passé et ses souvenirs se plaisaient à revenir la tourmenter à des moments inopportuns. Pour couronner le tout, Grindelwald était à ses trousses. Pour l'instant, trois de ses problèmes ne pouvaient être résolus. Par conséquent, elle se concentrerait sur Tom. Elle n'aimait pas le voir fâché contre elle, c'est pourquoi ils devraient avoir une petite conversation.

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En fin d'après-midi, Hermione se mit à la recherche du Serpentard. Depuis leur dispute dans cette chambre d'auberge, il s'était muré dans un silence exaspérant. En chemin vers les cachots, elle méditait sur ce qu'elle devrait lui dire. Elle le savait jaloux de ses sentiments pour Ron, mais il n'aurait d'autre choix que de les accepter. Il ne croyait quand même pas qu'elle n'avait jamais connu de garçon dans sa vie avant lui ? D'un autre côté, il avait lui-même admis qu'elle était sa première relation sérieuse, il n'avait donc que peu d'expérience avec ce genre de situation. Après tout ce qu'elle avait appris sur son passé à l'orphelinat et ce qu'elle avait vu à Poudlard, il n'avait probablement jamais eu aucune attache, romantique ou non. Ce qui ne l'aidait pas vraiment.

Une voix stridente l'arracha soudain à ses réflexions.

"Miss DeCerto !"

Elle aurait pu la reconnaître entre mille. Seul son professeur favori était capable d'hurler sur ce ton. Elle grogna bruyamment, sans se soucier d'être entendue par la femme hystérique qui se tenait maintenant dans son dos. Legifer s'avançait vers elle, toujours impeccablement vêtue et coiffée de son éternel chignon. Elle examina sa silhouette avec froideur et sans surprise, sembla personnellement offensée par l'apparence de son élève. La Gryffondor savait que ses cheveux, qu'elle n'avait pas brossé aujourd'hui, étaient encore plus frisés que d'habitude.

"Ne croyez pas que je n'ai pas eu vent de vos derniers agissements."

Le professeur la dévisagea dans l'expectative, l'air d'attendre des excuses. Hermione ne voyait pas pourquoi elle devrait présenter une quelconque excuse à cette femme.

Legifer reprit d'un ton outré : "Je n'en croyais pas mes oreilles en l'apprenant. Mais je n'aurais pas dû être surprise. J'ai su, à la minute où je vous ai vue, Miss DeCerto, que vous seriez une source de problèmes. Je n'ai jamais rencontré une jeune femme aussi indécente que vous."

Exaspérée, elle la regarda avec bravade. Qu'est-ce que cette vieille pie lui voulait-elle encore ? La jeune femme avait juste l'impression qu'elle aimait se défouler sur elle.

"Je n'ai pas cessé de prévenir Monsieur Riddle. Vous êtes une influence perturbatrice, je le lui avais bien dit."

Hermione serra les poings, bouillonnante de colère. Elle envisageait sérieusement de l'attaquer d'un sort. Pourquoi cette femme fourrait-elle toujours son nez dans ses affaires ? Pourquoi fallait-il qu'elle éprouve le besoin de dissuader Tom ? Ce dernier ne lui avait pas parlé de sa conversation avec Legifer.

"D'abord, vous entrainez le pauvre Monsieur Riddle en retenue avec votre comportement déplacé pendant le cours du professeur McGray," siffla t-elle d'un air sévère. "C'était votre faute. Vous devriez avoir assez de jugeote pour ne pas provoquer en duel vos camarades masculins. Vous n'avez pas à le faire. Vous êtes une fille, après tout."

La brune se pinça fortement les lèvres, s'empêchant de vociférer des insultes à cette sorcière. Elle se souvenait de l'incident. À l'époque, elle vouait une haine absolue au Serpentard et cela avait été réciproque. D'où leur duel en DCFM, les sortilèges plutôt dangereux qu'ils avaient utilisé et la punition de McGray. Mais elle n'avait sûrement pas été la seule fautive, s'insurgea t-elle.

Legifer ignora son attitude désagréable et enchaîna amèrement : "Maintenant, vous recommencez. Vous attirez encore des ennuis à Monsieur Riddle. C'est encore pire que la dernière fois. Un tel comportement est inexcusable. J'ai été profondément choquée d'entendre ce que vous avez fait. J'ai honte de vous avoir comme élève, sachez-le."

Oh, pauvre de vous, se moqua t-elle en fixant l'enseignante. Elle se retint tout de même de lever les yeux au ciel.

"Vous imaginez un peu ? Une jeune femme qui attire un garçon dans des bars malfamés à Pré-au-Lard. Je n'ai jamais rien entendu de tel," s'exclama t-elle, révoltée. "Quel déshonneur ! C'est un scandale, voilà ce que c'est."

Elle la vrilla de ses yeux noirs et débordants de reproches, mais la brune décida simplement de l'ignorer. Cela n'en valait pas la peine.

"N'avez-vous pas honte de vous ?" la réprimanda t-elle en ne recevant aucune réaction de sa part. "Si votre réputation vous importe peu, alors considérez au moins celle de Monsieur Ridde. C'est un jeune homme si avenant, mais vous ne faites que lui causer du tort."

Tout cela était juste trop risible pour Hermione. Legifer se trompait, bien entendu. Cependant, ses derniers mots réussirent à la mettre mal à l'aise. Ils avaient une part de vérité. Pour des raisons complètement différentes de ce que suggérait l'enseignante, elle se sentait bien coupable. Elle n'aurait pas dû embarquer Tom à Londres sur un coup de tête. Devoir admettre que son professeur n'avait pas faux sur toute la ligne fut extrêmement irritant.

Son tempérament fougueux prit le dessus et elle lâcha brusquement : "Professeur, quoi que vous pensiez de mes actes, vous n'êtes pas ma directrice de maison. Vous ne pouvez pas me punir."

Elle vit presque l'indignation infiltrer le regard assassin de Legifer.

"Quelle insolence," pesta t-elle de sa voix aiguë. "Je vous assure que nous discuterons de votre comportement inapproprié pendant votre retenue vendredi prochain."

Quelle joie, pensa t-elle avec sarcasme.

"J'ai de plus en plus tendance à penser que vous êtes un cas désespéré, Miss DeCerto. Si vous ne changez pas d'attitude, Monsieur Riddle vous quittera assurément. Merlin seul sait pourquoi il a décidé de vous donner une chance en premier lieu."

Sentant sa colère revenir à la charge en l'entendant encore mentionner sa relation, elle abrégea : "Merci, professeur. Vous avez raison, nous devrions en discuter vendredi prochain."

Puis elle s'éloigna, plantant Legifer au milieu du couloir. Ce n'était juste pas son jour, se lamenta t-elle en poursuivant son chemin vers les cachots.

Elle mit un moment à se calmer après ce fâcheux contretemps. Rapidement, sa colère fut de nouveau remplacée par l'anxiété. Cette sotte de Legifer avait réussi à la faire culpabiliser. De plus, elle se sentait malade à l'idée d'aborder le sujet de Ron et de ses douloureux souvenirs. Il fallait qu'elle voit Tom maintenant, avant de perdre tout courage et changer d'avis.

Elle s'immobilisa devant un pan de mur tout à fait ordinaire. Il s'agissait de l'entrée de la salle commune des Serpentards, dont le mot de passe lui était inconnu. Celui que son camarade avait utilisé quelques jours plus tôt pour l'emmener dans son dortoir ne fonctionnait plus. Ainsi, elle dut patienter jusqu'à ce que l'un des serpents ne veuille bien se montrer. Parfois, le système des maisons était plus une nuisance qu'autre chose.

Hermione commençait juste à envisager d'utiliser la magie pour ouvrir cette stupide salle, lorsqu'un groupe de quatrièmes années apparut au coin du couloir. Ils la regardèrent de travers en arrivant à sa hauteur, mais elle fit abstraction de leur attitude hostile. Elle se tourna vers un garçon brun :

"Peux-tu voir si Tom Riddle est dans la salle commune et lui dire que je l'attends ?"

Elle ravala un gloussement le voyant afficher des yeux exorbités.

"R... Riddle ?" bafouilla t-il d'un air plutôt paniqué. "Tu veux que je m'adresse à Tom Riddle ?"

Elle roula des yeux. Voilà autre chose. Il n'y en avait vraiment pas deux comme Tom et sa capacité à intimider les gens. Avait-il fait des misères à ce pauvre élève de quatrième année ou était-ce sa réputation singulière qui le terrorisait ?

"Oui, Tom Riddle," répéta t-elle, exaspérée. "Dis-lui que sa petite-amie veut le voir."

Il acquiesça, le teint livide, puis elle le vit disparaître avec ses amis derrière le mur en pierre. On dirait bien que le ténébreux ne se souciait guère de son image de préfet modèle parmi les siens. Elle contempla l'idée d'entrer le chercher elle-même, avant de se résigner. Elle ne se sentait pas du tout à son aise dans cet endroit et préférait de loin l'obscur corridor.

Cinq bonnes minutes s'écoulèrent, pendant lesquelles elle se demanda si le garçon avait réellement délivré son message. Elle pensait s'en aller, lorsque, enfin, l'entrée de la salle commune coulissa pour laisser apparaître Tom. Il avait délaissé sa cravate et son pull verdâtre, seulement vêtu du pantalon noir et de la chemise blanche de son uniforme.

"Salut," fit-elle timidement.

Il lui jeta un coup d'oeil. "Tu voulais me parler ?"

"Oui. Marchons un peu," répondit-elle en désignant l'allée.

Il hocha la tête et le couple s'engagea dans le couloir silencieux. Il marchait en évitant de la regarder, le visage complètement fermé. Elle décida de se jeter à l'eau. Il était un Serpentard. Peut-être se laisserait-il surprendre par son franc-parlé et réussirait-elle à provoquer une éventuelle confession.

"Tu es en colère contre moi ?"

Son camarade ne pipa mot. Elle eut un léger soupir.

"Je vais prendre ça pour un 'oui'. J'ai parlé avec Dumbledore. Ça devrait te faire plaisir de savoir que j'ai passé un mauvais quart d'heure. Et il a retiré énormément de points à Gryffondor. Maintenant, je suis sûre que Serpentard va gagner la coupe des quatre maisons."

Elle darda un œil vers lui. Il arborait toujours cet air indéchiffrable mais elle savait au moins qu'il l'écoutait.

"Oh et il avait encore ce 'regard'," ajouta t-elle d'un ton inquiétant. "Tu sais, celui qu'il te réserve aussi d'habitude. Comme s'il pensait que je préparais un mauvais coup."

Tom observait la sorcière à ses côtés. Elle n'arrêtait pas de bavarder de choses insignifiantes en évitant diligemment le seul sujet qui lui tourmentait l'esprit. L'incident de ce matin l'avait grandement perturbé. Les mots murmurés par la jeune femme dans son sommeil l'avaient mis hors de lui. Qui que soit ce Ron, mort ou vivant, elle avait encore des sentiments pour lui. Il n'allait sûrement pas l'accepter. Il n'était pas prêt de partager Hermione avec un autre. La façon dont elle avait susurré son nom, le bonheur sur son visage alors qu'elle avait rêvé de ce type... tout cela le rendait malade. Les choses n'étaient pas censées se passer comme cela. Comment pouvait-elle avoir autant d'influence sur lui ? C'était le contraire qui aurait dû se produire.

À présent, ses yeux inquiets étaient posés sur lui. Elle s'était même rapprochée de lui pour saisir délicatement sa main. Un doux sourire dansait sur ses lèvres, tandis qu'elle pressait ses doigts avec réconfort. Un chaleur plaisante se dégageait de sa peau et enveloppa bientôt son corps tout entier. D'un geste rapide, il retira sa main.

Elle était à lui. À lui. Il avait voulu la posséder, la faire sienne. Mais pour le moment, c'était elle qui le contrôlait.

Et cela l'enrageait comme jamais. Il n'appréciait pas vraiment que l'on veuille contrôler sa vie. Il y avait toujours eu des gens pour essayer de le contrôler. Miss Cole, Carter. Dumbledore, bien sûr. Mais jamais ils n'y parviendraient. Il avait sans cesse résisté, sans leur céder une once de terrain. Puis, Hermione était apparue. Elle avait un pouvoir effrayant sur lui. Aujourd'hui, elle l'avait totalement dominé. Juste comme cela, sans effort. Il n'avait pas lutté. Il lui avait sciemment donné ce pouvoir.

Alors que ce déferlement d'émotions l'ébranlait, il y avait toujours une ombre au tableau, occultant tout le reste. La Gryffondor n'avait pas répondu à sa question.

Qui est Ron ?

Elle avait confessé son amour à un autre et n'avait pas jugé nécessaire de s'expliquer. Elle avait juste dit que ce garçon était soi-disant mort. Cela changeait-il quelque chose ? Certainement pas ses sentiments, de toute évidence. D'où connaissait-elle ce type ? Comment s'étaient-ils rencontrés ? Était-elle sorti avec lui ? Lui avait-il rendu ses sentiments ? Un millier de questions se bousculaient dans son esprit au point de le rendre fou. Toutes sans réponse, pensa t-il en jetant un œil noir à sa camarade.

Hermione se sentit vexée lorsque Tom écarta sa main. Elle mit ce geste blessant sur le compte de la colère. Du moins elle l'espérait, tentait-elle de se raisonner. Le couple avait rejoint le hall d'entrée. Elle souhaitait avoir une discussion avec lui sans être interrompue, c'est pourquoi une petite promenade à l'extérieur s'imposait. Un peu d'air frais leur ferait du bien à tous les deux.

"Et j'ai croisé Legifer en venant à ta salle commune." Elle se remit à papoter.

Manifestement, le ténébreux n'avait pas l'intention de participer à leur conversation. Mais elle voulait le faire parler. "Elle n'était pas non plus impressionnée par mes exploits. De toute façon, je pense que cette femme me déteste, quoi que je fasse. Pas que ça me dérange. Mais elle est vraiment casse-pieds."

Elle lança un bref regard au Serpentard, dont l'air distant persistait sur ses traits. Il semblait complètement indifférent à ce qui se passait autour de lui.

"Un jour, je finirai par craquer et lui jeter un sort," renchérit-elle, pensive. "Je serai sans doute expulsée mais ça en vaut peut-être la peine. Tu ne crois pas ?"

Elle le questionnait délibérément à présent, puisque son attitude apathique commençait à lui taper sur les nerfs. Prenant une profonde inspiration, elle demanda prudemment : "Alors, qu'est-ce que Slughorn a dit ? Il t'a donné une retenue ?"

"Non," vint sa réponse monosyllabique.

"Tu as de chance," s'exclama t-elle avec un enthousiasme forcé.

Il ne fit qu'hausser les épaules et la brune perdit patience.

"Tom, s'il-te-plaît, dis quelque chose !"

Il planta ses yeux furieux sur elle.

Eh bien, au moins, son air vacant a disparu, ironisa t-elle.

"Que veux-tu que je fasse ? Que je me mette à danser de joie ?" siffla t-il avec un sarcasme dégoulinant. "Parce que c'est une merveilleuse journée, n'est-ce-pas ? Elle a si bien commencé." Son ton venimeux lui arracha un frisson. "Et c'est de mieux en mieux. Je n'ai pas eu de retenue pour avoir été complètement innocent dans l'histoire. Quelle chance, en effet. Slughorn a beau avoir suspendu mes privilèges de préfet, et alors ? On s'en fiche."

La jeune femme le fixa. Il avait l'air remonté. Elle n'aurait peut-être pas dû le provoquer.

"Il... t'a suspendu ? Pour combien de temps ?"

"Deux semaines," grogna t-il, les yeux plissés.

"Désolée. Je n'ai pas voulu que ça arrive."

"Eh bien, bravo. Tu as quand même réussi."

Hermione se sentait navrée pour lui. Elle avait commis une énorme bourde en l'emmenant à Londres, sans même lui demander son avis. Le Serpentard la toisait d'un air courroucé et accusateur mais il y avait autre chose. Elle connaissait ce regard. La jalousie.

Comme pour confirmer ses pensées, Tom demanda alors d'une voix impérieuse : "Tu as dis que tu aimais ce type. Comment l'as-tu rencontré ?"

Ce brusque revirement de conversation ne la surprit guère. Au fond, c'était bien le sujet brûlant à l'origine de leur dispute. Maintenant qu'elle avait mis le feu aux poudres, il l'alimenta de plus belle.

"Tu aurais voulu le revoir ?" la provoqua t-il. "Puisque tu l'aimais tellement, apparemment."

Elle ne répondit rien. Cela lui était toujours impossible de parler de Ron. Elle le comprenait sa colère, mais fut incapable de formuler un mot.

"Est-ce qu'il t'aimait, lui aussi ?" continua t-il avec malice.

Une fois encore, elle demeura silencieuse. Ses questions la faisaient souffrir. Chaque remarque faisant allusion au roux réveillait des souvenirs qu'elle aurait préféré garder enfouis.

À présent, ils s'étaient rapprochés du Grand lac. Le gris du ciel maussade se reflétait sur la surface de l'eau, donnant au lac un aspect glacial et peu ragoûtant. Plus loin, la Gryffondor repéra un petit banc. L'interrogatoire de Tom la rendait peu à peu nauséeuse, si bien qu'elle décida de s'asseoir. Son camarade se mit à faire les cent pas devant elle.

Elle savait qu'il était de nature jaloux mais à présent, c'était d'une toute autre ampleur. Elle n'avait pas la moindre idée de comment le calmer. Elle n'allait certainement pas mentir et lui dire que Ron ne signifiait rien pour elle. Le Serpentard stoppa abruptement ses allées et venues, les yeux plissés vers elle.

"As-tu couché avec lui ?" s'enquit-il soudain d'une voix glaçante.

Les sourcils d'Hermione se soulevèrent avec perplexité.

"Quoi ?" articula t-elle faiblement. "En quoi est-ce important ?"

À nouveau, son regard s'imprégna d'une violente teinte rougeâtre. Il fit un pas vers elle et la brune retint son souffle, lorsque son aura noire et redoutable commença à se faire ressentir dans l'air.

"C'est important parce que je veux savoir. Réponds-moi. As-tu couché avec lui ?"

Cette dernière phrase sonnait davantage comme un ordre. Les yeux grands ouverts, elle sentit son pouls s'emballer mais répliqua d'un ton ferme :

"Oui."

La magie noire autour d'eux s'intensifia, alors que Tom la scrutait avec une grimace sinistre. Ses yeux carmins étincelèrent de rage, de ce sentiment qui lui dévorait les entrailles. La brune fut plus que perturbée par sa réaction. Mais elle ne voyait pas pourquoi elle devrait se sentir coupable. Ron avait été l'homme de sa vie.

Cela s'était passé la nuit avant la bataille au Ministère de la Magie. La perspective de cet affrontement l'avait terrorisée. Elle avait été persuadée qu'ils fonçaient droit vers leur propre mort. La guerre faisait rage depuis deux ans et leur sort devait se solder le lendemain, soit en un échec cruel ou par une victoire qui ferait émerger le pays des ténèbres. Personne n'avait pu trouver le sommeil. Harry était parti s'isoler pour se préparer face à la tâche qui l'incombait. Ron et Hermione étaient restés seuls dans la tente et c'est ainsi qu'ils avaient passé leur première nuit ensemble.

Et la dernière, pensa t-elle avec un douloureux nœud à l'estomac.

Ils combattaient les forces du Mal depuis trop longtemps déjà. Ils avaient tant sacrifié pour leur cause. L'avenir de la communauté magique avait été en jeu. S'ils perdaient contre les ténèbres, alors tout s'écroulerait avec eux. Ce terrible sort avait été la toile de fond à leur acte d'amour, faisant planer la peur et le désespoir sur ce qui aurait dû être une expérience merveilleuse. La jeune femme se sentait incroyablement triste au souvenir de cette nuit. Mais elle avait pris la bonne décision en la passant avec Ron. Oui, parce qu'il était mort le lendemain.

Ses yeux se concentrèrent de nouveau sur Tom. Sa magie gravitait toujours férocement autour de lui comme un halo. Pourquoi lui en voulait-il autant ? se demanda t-elle en sentant son propre sang-froid lentement se dissoudre. Elle n'avait rien fait de mal. Au moins, elle avait couché avec une personne qu'elle aimait, alors que lui passait d'une fille à l'autre en se fichant pas mal de ses partenaires.

"Qu'est-ce que te rend si en colère ?" s'indigna t-elle, défiante. "Ce n'est pas comme si toi tu n'avais pas couché avec une tonne de filles avant qu'on se rencontre."

Son visage se fit menaçant et la lueur grenat enflamma encore davantage ses pupilles.

"Oui, mais tu es une fille, Hermione."

Elle le fixa avec indignation. Quoi ? Encore ces stupides mœurs des années quarante ? Les hommes avaient la permission de faire ce qui leur plaisaient, alors qu'on hurlait au scandale lorsqu'il s'agissait d'une femme ? Elle le vit promener son regard impitoyable sur sa silhouette, avant de s'écrier avec mépris :

"Je n'arrive pas à croire que tu te laisses baiser comme une vulgaire traînée !"

Sous le choc, les yeux d'Hermione en sortirent presque de leur orbite. Comment osait-il lui jeter cela à la figure ? Ses mots étaient si vils et blessants. Comment osait-il insulter et dénigrer sa relation avec Ron ? Des larmes soudaines perlèrent le coin de ses yeux, menaçant de choir. Des larmes de colère ou de tristesse, elle ne savait plus, mais elle les réprima de toutes ses forces. Elle croisa directement les yeux enragés de son camarade, inspirant à fond pour se calmer.

"Tu n'as pas le droit de me juger !" rétorqua t-elle avec raideur.

Refusant de baisser les yeux, elle ne se heurta à rien d'autre qu'un mur de colère. Elle renifla, sentant venir les larmes qu'elle ne pourrait bientôt plus retenir. Alors, elle quitta précipitamment le banc pour s'enfuir. Elle ne supportait plus sa présence. Pas après ce qu'il venait de dire. Ses paroles immondes l'avaient profondément blessée. Elle lui tourna le dos et s'éloigna d'un pas précipité, alors que les premières larmes roulaient sur ses joues. Mais elle parvint seulement à faire quelques mètres, avant de sentir une main l'agripper par le bras, stoppant sa fuite. Elle se tortilla pour se dégager de son emprise, en vain. Il la retourna vers lui et elle tourna aussitôt la tête. Elle n'avait plus envie d'affronter ce regard carmin qui ravivait des horreurs qu'elle préférait oublier. Son visage était à présent inondé de ses larmes indésirables.

"Hermione ?" l'entendit-elle souffler.

Elle l'ignora et renifla encore, essayant de stopper le flot de larmes qui ne cessait de couler. Elle ne voulait pas pleurer. Pas devant lui. Pas après ses insultes grossières. Que voulait-il maintenant ? La rabaisser davantage ? Elle se mordit la lèvre, ravalant un sanglot. Elle ne pourrait le supporter s'il recommençait à se moquer d'elle ou de sa relation avec Ron.

Contre toute attente, elle sentit les doigts de Tom sur son visage. Délicatement, il sécha ses larmes.

"Je ne voulais pas dire ça," fit-il tout bas.

La brune prit une profonde inspiration, avant de relever la tête. Ses yeux avaient recouvert leur teinte grise et la dévisageaient d'un air tourmenté.

"Je ne suis pas une traînée," lâcha t-elle, la voix vacillante.

Un petit sourire hésitant chemina sur le visage du Serpentard.

"Je le sais. Je ne pensais pas ce que j'ai dit."

Son regard brillait doucement, sans une trace de la rage incandescente qui l'avait consumé. Au contraire, il avait l'air inquiet et un peu honteux. Cela ne changeait rien cependant, ses mots l'avaient blessée comme un poignard et la douleur était toujours aussi vive. Plongée dans cette paire d'iris gris, ses souvenirs l'assaillirent de nouveau. Elle se rappelait le nombre de fois où elle avait regardé Ron de cette façon. Combien de fois le roux lui avait rendu ses regards avec tendresse, même après une dispute. Elle avait toujours été capable de voir son amour. La Gryffondor ferma les yeux. Elle se souvenait de sa main dans la sienne sur le chemin jusqu'au Ministère de la Magie. Elle avait senti la pression rassurante de ses doigts, à chaque pas les rapprochant de leur ennemi. À ce moment là, cette étreinte avait compté plus que tout. Sans lui, elle aurait été perdue.

Elle inspira profondément pour se calmer, luttant contre les images qui la hantaient. Ses démons étaient de retour et il fallait de nouveau les museler. C'était un combat perdu d'avance, elle le sentait.

Tom fixait sa camarade. Elle avait la tête baissée, les yeux clos et du mal à respirer, comme si elle tentait d'étouffer ses sanglots. Il avait été si furieux contre elle. Il s'était senti trahi et avait voulu se venger de la souffrance qu'elle lui avait infligé. Mais il regrettait amèrement ses mots. Sa camarade avait l'air brisée. S'il avait souhaité la mettre dans cet état, à présent, il aurait voulu tout effacer.

Sa confession l'avait choqué. Hermione lui appartenait et savoir qu'un autre l'avait touchée de cette façon le mettait hors de lui. Mais jamais il n'aurait dû la blesser de la sorte. Il posa une main hésitante sur son épaule. Ce contact la fit sursauter et rouvrir les yeux. Il l'empêcha de fuir à nouveau en attrapant son poignet tremblant. Figée, elle le laissa lentement saisir sa main. Il fut soulagé de ne pas la voir résister sur-le-champ, même si elle refusait toujours de le regarder. Tom pressa ses doigts d'un geste qu'il espérait réconfortant.

Ils restèrent ainsi pendant un instant. Soudain, Hermione se précipita dans ses bras et enfouit son visage enfoui contre lui. Elle ne pleurait plus mais s'accrochait à lui de façon presque désespérée. Il referma ses bras autour d'elle, faisant glisser une main dans son dos. Il se demandait à quoi elle pouvait bien penser. Allait-elle le quitter ? songea t-il en retenant un frisson. Rien d'étonnant, avec les mots cruels qu'il venait de lui balancer à la figure. Alors qu'il ruminait toute sorte d'idées noires, la jeune femme le relâcha. Il l'imita, bien malgré lui.

"Allons nous asseoir," murmura t-il.

Il voulait à tout prix la dissuader de s'enfuir. La Gryffondor se contenta de le scruter sans réagir. Il saisit alors sa main et la sentit se raidit à ce geste, tandis qu'il l'entraînait vers le banc. Les jambes repliées contre sa poitrine comme un bouclier, elle se mit à contempler le lac d'un air absent. Le ténébreux lui jeta un regard en biais.

"Tu sais que je ne le pensais pas, hein ?" fit-il avec hésitation.

Elle ne répondit rien. De longues minutes s'écoulèrent, puis elle articula d'un ton vide : "ça va aller."

"Je n'aurais pas dû dire ça. C'était stupide."

Elle le regarda. Il put déceler la sincérité dans ses yeux, malgré son air absent. "Tu étais en colère," ajouta t-elle. "Parfois, la colère nous fait dire des choses stupides. Ne t'inquiète pas."

Ses mots le rassurèrent quelque peu. Hermione reporta son attention sur le lac et un long silence s'écoula. Lorsqu'elle reprit la parole, sa voix fut douce et teintée d'une émotion nouvelle.

"As-tu déjà perdu quelqu'un que tu aimes ?"

Tom releva la tête d'un coup. Il ne s'était pas attendu à ce qu'elle veuille lui parler, pas après les insultes qu'il lui avait lancées.

"Non," souffla t-il franchement.

Les lèvres de la brune s'étirèrent mais son sourire n'atteignait pas ses yeux.

"Tant mieux," chuchota t-elle. "Parce que ça fait mal."

Son sourire s'évanouit et elle posa un regard douloureux sur lui. "Et ça ne s'arrête pas."

Elle détourna les yeux, les bras serrés autour de ses genoux.

"Je ne sais pas pourquoi j'ai rêvé de lui. Je ne rêve plus de mon passé depuis un moment. Pas depuis cette nuit, au sommet de la tour d'Astronomie."

Il lui jeta un oeil. Il se souvenait parfaitement de cette nuit, où elle avait tenté de l'assassiner avec ses sortilèges. La nuit où elle était devenue sa petite-amie.

"Ce n'était pas un cauchemar, n'est-ce-pas ?"

"Je ne m'en souviens pas," répondit-elle, l'air perdue. "Mais je ne pense pas."

"Ces rêves, c'est... " Elle marqua une pause, cherchant visiblement ses mots. "Mes amis, ma famille, Ron... ils ont tous disparus. Les rêves et les souvenirs sont tout ce qu'il me reste d'eux. Pourtant, ces images me hantent."

Ses mots furent à peine audibles au-dessus de la bise froide d'Écosse mais Tom fut frappé par la douleur qui les imprégnait, comme si elle venait d'hurler. Sa camarade semblait immergée dans un autre monde, les yeux perdus sur la vague étendue d'eau glacée leur faisant face. Il aurait voulu l'enlacer mais elle semblait inaccessible à cet instant.

"Il m'a demandé en mariage," lâcha t-elle soudain.

Le Serpentard sentit son souffle se coincer. C'était une révélation à laquelle il ne s'attendait pas, ni n'aurait souhaité entendre.

"Qu'as-tu répondu ?"

Elle ne broncha pas, se contentant de le fixer d'un air triste. Il eut envie de la secouer pour la forcer à répondre. Il avait besoin de savoir. À nouveau, il fut stoppé par son regard mélancolique.

"La guerre nous a tellement fait souffrir," commença t-elle avec lassitude. "Les combats se prolongeaient, encore et encore... ils s'éternisaient. Et au bout d'un certain temps, tout finit par disparaître. Il ne nous restait plus rien. Juste le néant. J'étais épuisée. Je commençais à baisser les bras. Ça aurait été si facile. D'un côté, j'enviais –"

Elle suspendit sa phrase et il se demanda ce qu'elle avait bien pu envier. Il ne put s'attarder longtemps sur le sujet, car elle reprit :

"C'est au moment où je pensais tout laisser tomber, qu'il me l'a demandé. L'espace d'un instant, pendant ce précieux moment, rien d'autre ne comptait plus. Je me suis sentie heureuse."

L'air serein qui flotta sur son visage suffit à lui dire ce qu'il voulait savoir. Cette information le rendit foncièrement jaloux. Ce Ron l'avait demandée en mariage et elle avait accepté. L'idée qu'elle puisse en épouser un autre lui était tout bonnement inconcevable. Il réprima une nouvelle vague de colère, tandis qu'elle enchaînait avec un sourire :

"J'étais si contente. Je voulais passer le restant de mes jours avec lui."

La joie s'effaça lentement de ses traits, qui se transformèrent en une mine peinée et douloureuse.

"Et puis il est mort. Comme ça. Du jour au lendemain."

Le ténébreux l'observait en ne sachant quoi penser. Ce Ron était un rival. Qu'il ne soit plus de ce monde l'arrangeait bien. Sans sa mort, il était fort probable que le Serpentard n'eût jamais rencontré Hermione. Mais cette tragédie la mettait dans un état épouvantable. Une immense détresse inondait ses prunelles noisettes et il n'aimait pas du tout cette vue. Une détresse qui la poursuivait constamment. Il en avait déjà plusieurs fois entraperçu des bribes et refusait de la voir souffrir de la sorte.

La voix d'Hermione ne le laissa pas tergiverser bien longtemps : "C'était ma faute."

"Comment ça ?"

Elle hésita. Elle ne voulait pas parler de cet incident. Une larme silencieuse glissa sur sa joue, la seule qu'elle sembla encore s'autoriser. Elle détourna les yeux, puis articula d'un ton dur et chargé d'émotions :

"On... on était en plein combat. J'affrontais cette sorcière en duel. Elle était très puissante, j'arrivais à peine à la repousser. Même quand bien même, elle était mon adversaire. J'aurais dû l'arrêter."

Son amertume était palpable. Elle semblait se détester à cet instant et l'expression sur son visage ne lui plaisait pas du tout.

"Mais j'ai été trop faible. Je les ai abandonné. Je me suis laissée distraire et elle a profité de mon hésitation pour jeter le sortilège de la Mort à Ron."

Tom écarquilla les yeux. Savoir qu'elle avait participé à la guerre contre Grindelwald était une chose, mais qu'elle eût été exposée aux combats de la sorte... Elle avait dû affronter des sorciers expérimentés qui n'hésitaient pas à tuer. Il frémit en se rendant compte qu'elle aurait bien pu être la cible de ce sort mortel.

Une douleur immense imprégnait ses belles prunelles noisettes. Il glissa près d'elle sur le banc, avant de l'enlacer par les épaules et l'attirer contre lui. À son grand soulagement, elle le laissa faire et pressa même la tête dans le creux de son cou. La caresse de son souffle sur sa peau provoqua chez lui une myriade de frissons agréables.

"Comment t'en es-tu sortie après sa mort ?" demanda t-il avec douceur.

"Je... j'ai tué cette sorcière," admit-elle à contrecoeur. "On était en guerre. Il n'y avait pas d'autre moyen."

Il resserra son étreinte autour d'elle. "Je sais. Tu n'as pas à te sentir coupable pour ça. Tu essayais de sauver ta vie."

"Mais si, je me sens coupable. Coupable d'avoir tué des gens et coupable parce que je n'ai pas pu sauver Ron. Je l'ai laissé tomber," se lamenta t-elle avec dégoût. "Il est mort à cause de moi."

Il y avait tant de désespoir dans sa voix. Pire même, de la conviction. Tom n'avait toujours pas d'avis sur ce Ron mais à présent, il se surprit à vouloir lui remonter le moral.

"Si Ron avait été là aujourd'hui, penses-tu qu'il t'en voudrait réellement ?"

La brune resta longuement silencieuse. Alors qu'il pensait qu'elle ne répondrait plus, elle articula dans un murmure :

"Non... il ne m'en voudrait pas."

Hermione passa lentement ses bras autour du Serpentard. C'était rassurant de pouvoir à nouveau le toucher, sentir la chaleur de son corps contre le sien. Sa profonde détresse commençait lentement à se dissiper. Quelque part, les paroles de Tom avaient réussi à l'apaiser.

Elle s'était sans cesse répétée que Ron ne lui reprocherait jamais sa mort. Il ne serait pas fâché contre elle. Elle avait essayé de s'en convaincre. Elle n'aurait rien pu faire pour le sauver. Mais la culpabilité avait continué à la ronger. Au fond d'elle-même, le doute avait persisté. Aurait-elle pu trouver un moyen d'empêcher Harry et Ron de se faire tuer ? Elle n'en était pas sûre. Aujourd'hui, prononcer ces mots à voix haute pour la première fois était un soulagement. C'était comme si ces mots lui avaient ôté un poids. Ron ne lui en voudrait pas. Cette phrase sonnait si vraie, comme une révélation.

Elle se blottit davantage contre son camarade, avant de déposer un baiser sur sa mâchoire. Elle croisa ses beaux yeux gris qui n'arboraient plus une trace de violence. Tom glissa deux doigts sous son menton et se pencha sur ses lèvres. Elle ferma les yeux. Ce doux baiser la fit soupirer d'aise.

Elle garda les paupières closes. En cet instant, elle était extrêmement heureuse d'être à ses côtés.

Tom fut ravi de la sentir se détendre contre lui. Toute cette histoire avec son ancien amant l'agaçait profondément, sans parler de l'intense jalousie qu'il éprouvait. Elle aimait toujours ce Ron, cela ne lui plaisait pas du tout mais il ferait en sorte de maîtriser son tempérament chaotique. Il ne voulait pas raviver son chagrin.

"Tu sais, tout est différent depuis la mort de Ron," avoua t-elle calmement.

Le Serpentard se raidit légèrement à cette remarque. Il se demandait si cette différence était un bien ou un mal. Cela signifiait-il qu'elle se portait mieux avant ? Qu'elle aurait préféré être avec Ron ? Hermione ne sembla pas remarquer son malaise.

"Sans lui, plus rien n'est comme avant. Ma vie est juste sans dessus-dessous. Je suis à Poudlard, loin de la guerre. Je me suis même fait des amis. Et... je t'ai toi." Ces derniers mots murmurés le soulagèrent un peu.

"Même ma magie est différente," fit-elle d'un ton presque inaudible en resserrant les bras autour de sa taille.

Un pli confus apparut sur le front de Tom. Bien entendu, il ne put que rebondir sur cette remarque.

"Comment ça, ta magie est différente ?"

Elle releva la tête, l'air de soudain réaliser ses propos.

"Je... heu..."

Il soupira. Encore un secret qu'elle ne voulait pas divulguer.

"C'est bon. Tu n'es pas obligée de me le dire," concéda t-il dans un élan magnanime peu habituel au personnage.

La Gryffondor le détailla du regard, les yeux étincelants d'une lueur étrange. Elle se mordit la lèvre inférieure et ce geste le fit retenir son souffle. Elle semblait en proie à une intense hésitation, pensant le pour et le contre.

"C'est juste que... après la mort de Ron, quelque chose s'est produit avec ma magie. Je ne sais pas exactement quoi, ni comment c'est arrivé. Mais cela a changé ma magie."

"Changé ta magie ?" articula t-il avec précaution.

"Oui, sans que je le veuille. Cela ne m'a jamais quitté depuis... puis j'ai été transportée ici."

Il arqua un sourcil dubitatif.

"Que veux-tu dire par 'tu as été transportée ici' ?"

"Pendant une minute, je me trouvais sur le champ de bataille," expliqua t-elle, l'air de chercher les mots adéquats. "Puis, ce pouvoir m'a violemment attaqué, c'est comme s'il voulait me broyer. Ensuite, je me suis réveillée ici."

Elle s'interrompit un quart de seconde avant d'ajouter : "En Angleterre."

"Quoi, tu as atterri ici ? De France ? Mais la distance est bien trop grande pour transplaner."

Cela n'avait aucun sens pour Tom. Les modes de transport magiques étaient bien supérieurs à ceux des Moldus, mais même la magie avait ses limites. Hermione lui lança un regard frustré, comme s'il était long à la détente.

"Je n'ai pas transplané. C'était autre chose. Et très douloureux. J'ai vraiment cru que j'allais mourir. En fait, la douleur était si intense qu'à cet instant, j'avais souhaité mourir. Puis, j'ai perdu connaissance. Lorsque je me suis réveillée, je ne savais plus où j'étais. Mais je me suis vite rendue compte que quelque chose n'allait pas. Sans comprendre pourquoi, je me retrouvais à Londres. J'ai décidé de postuler à Poudlard. Je n'avais pas du tout envie de rentrer. Rien ne m'attend plus là-bas."

L'intérêt du Serpentard fut piqué à vif. Il ignorait pourquoi elle avait décidé de lui confier autant d'informations mais il n'allait certainement pas s'en plaindre.

"Tu as dit qu'un 'pouvoir' t'avait attaquée. Qu'est-ce que c'était ? D'où provenait-il ?"

La jeune femme baissa les yeux.

"Je n'en sais rien," répliqua t-elle, même s'il ne fut pas convaincu. Il avait l'impression qu'elle lui cachait la vérité. Il n'insista pas et l'écouta poursuivre.

"C'était là en moi, tout d'un coup. Mais je ne l'ai réalisé que bien plus tard. Aujourd'hui, je peux même parfois l'utiliser."

À présent, cette conversation avait atteint un point critique, songea t-il avec excitation. Sa voix fut parfaitement calme et posée lorsqu'il demanda : "Est-ce pour cela que tu peux transplaner à travers les champs de protection magiques ?"

"Oui."

Au son de sa voix, il comprit qu'il n'obtiendrait rien de plus. Mais il tenta le tout pour le tout : "Pourquoi as-tu volé le manuscrit de Peverell ?"

Comme c'était prévisible, Hermione lui afficha un air de reproche.

"Je te l'ai dit, non ? J'ai mes secrets tout comme tu as les tiens."

Il fut déçu qu'elle ne veuille rien dévoiler de plus. Cela dit, il en avait déjà appris plus qu'il ne l'aurait espéré. Ses yeux se perdirent sur l'étendue glacée du lac. Il enlaçait toujours sa camarade confortablement blottie dans ses bras, mais ses pensées étaient déjà ailleurs, tentant d'assimiler les informations qu'elle venait de partager avec lui. Ainsi, Hermione avait acquis un mystérieux nouveau pouvoir qui lui permettait de franchir des barrières de protection autrement réputées imprenables. Cela avait-il un lien avec Peverell ? Ou les Reliques de la Mort ?

.&.

TBC


Hermione en a pris plein la face... 0_0

Quand est-ce que je terminerai cette trad ?! ?!