Mot de l'auteur
/!\ Cette histoire est une réécriture en version boy x boy de "La quête des Livres-Monde" de Carina Rozenfeld, l'histoire et les personnages lui appartiennent ! Les livres peuvent être acheter sur amazon, fnac et en librairie ! (Environ 5 à 14 euros le livre et environ 30 euros l'intégrale) pour soutenir l'auteur et la financer dans ses projets ! /!\
PS : Les personnages autres que Nathan, Zayn, Lia et Aela ne m'appartiennent pas ! Ils sont de Carina Rozenfeld, une écrivaine très talentueuse que j'admire !
Nathan courait depuis une bonne heure déjà, et ne se sentait pas près de s'arrêter. Ni le soleil l'écrasant de ses rayons brûlants, ni la réverbération de la lumière sur le gravier clair qui heurtait ses yeux n'étaient des prétextes suffisants pour le faire abandonner. Il y avait trop de choses dans sa tête qui le secouaient pour qu'il ressente le besoin de se poser.
Une silhouette, toute de mauve vêtue, aux longs cheveux blonds et raides, qui lui faisait signe du bord de la pelouse, le força à interrompre le rythme régulier de ses baskets frappant le sol. Il s'arrêta d'un coup, ses semelles crissant sur le chemin, et il retira les écouteurs de son iPod de ses oreilles pour les fourrer dans sa poche.
- Aela ? s'étonna-t-il, tout ruisselant de sueur. Qu'est-ce que tu fais là ?
- Tu m'as dit que tu venais au parc, j'ai décidé de te faire une petite surprise ! lui répondit-elle, radieuse.
Nathan ne put s'empêcher de lui sourire.
- C'est sympa, mais je ne suis pas tellement présentable, là. Tu aurais dû attendre que j'aie pris ma douche.
Et, pour souligner ses dires, il s'essuya le front avec le bas de son tee-shirt déjà trempé de transpiration.
- Ça ne me dérange pas. Je trouve ça très sexy, un homme en plein effort.
Nathan leva les yeux au ciel en murmurant « N'importe quoi » et fit quelques pas vers elle.
Sans hésiter, elle se mit sur la pointe des pieds et déposa un léger baiser sur ses lèvres.
- Tu cours souvent ? lui demanda-t-elle en le prenant par la main pour l'attirer vers le centre de la pelouse grouillante de familles qui pique-niquaient.
- Moins ces derniers temps, mais d'habitude tous les jours.
- Ouah ! Le truc que je déteste faire ! s'exclama-t-elle en faisant une petite grimace. Le moindre effort physique est une corvée pour moi !
Nathan ne savait pas quoi répondre. Aela s'assit en tailleur dans un petit carré de pelouse libre et ôta ses ballerines pour plonger ses orteils dans l'herbe, alors il s'assit près d'elle. Il faisait tellement chaud qu'il se sentait déjà sécher.
Ils restèrent silencieux un moment. Puis Nathan, mal à l'aise de n'avoir rien à raconter à sa petite amie, se lança finalement :
- Hier soir, j'ai retrouvé la trace du deuxième Livre-Monde, murmura-t-il.
- C'est vrai ? Comment ? Raconte-moi tout !
Les yeux d'Aela brillèrent d'intérêt. Heureux d'avoir trouvé un sujet de conversation, il lui fit le résumé de sa découverte de la nuit passée.
- Le seul problème, c'est qu'il faut attendre presque deux semaines pour le récupérer. Zayn a déjà posé une enchère (à la mention du jeune Chébérien, Aela se raidit imperceptiblement), mais rien ne nous assure qu'on va la remporter. C'est une sacrée galère...
Aela hocha la tête.
- Tu m'étonnes. Mais au moins tu en as retrouvé la trace, c'était assez inespéré !
Nathan se laissa tomber sur la pelouse et ferma les yeux pour ne pas se faire éblouir par le soleil haut perché dans le ciel bleu.
- C'est vrai, mais ce n'est pas simple. Et si on perd l'enchère, on fait quoi ? A un moment, je me suis dit que pour éviter d'en arriver là, il fallait que je trouve un moyen de pirater le compte du vendeur. Comme ça, je récupère ses coordonnées et je me pointe chez lui par la fenêtre, en pleine nuit, pour lui piquer le livre. Ainsi, pas d'angoisse de perdre ou de gagner.
- C'est une idée... Pourquoi tu n'essaies pas ? demanda Aela le plus sérieusement du monde, en jouant avec le fil de l'iPod de son ami qui dépassait de la poche de son short.
Nathan ouvrit un œil qu'il pointa sur la jeune fille.
- Je ne suis pas sûr que ce soit possible...
- Mais si, bien sûr ! s'enflamma Aela. André, mon beau-père, s'est fait pirater son compte eBay comme ça. Un type a utilisé son adresse pour envoyer des spams à d'autres abonnés sur le site. Il a dû changer son mot de passe. Il était super embêté.
Le jeune Chébérien ouvrit son deuxième œil et se redressa sur les coudes.
- C'est vrai ?
- Bien sûr. Pourquoi je te raconterais ça, sinon ?
Aela lui fit un grand sourire et, oubliant qu'il était encore couvert de sueur, Nathan s'avança pour l'embrasser. Elle était irrésistible !
Après un long baiser qui le laissa hors d'haleine, il se rallongea sur l'herbe et marmonna :
- Quand bien même ce serait possible, je n'ai aucune idée de comment on pirate un compte Internet. Je sais juste naviguer, et je n'aurais jamais eu l'idée de faire un truc pareil en temps normal.
- Moi, je connais quelqu'un qui pourrait le faire, lança Aela d'une voix mystérieuse.
- Vraiment ?
- Vraiment. Il s'appelle Éric, c'est un malade d'informatique, un geek quoi. Il passe sa vie derrière son écran. Il a piraté le serveur de son lycée pour changer ses notes, l'année dernière.
Nathan se redressa complètement, très intéressé par ce que lui racontait son amie. Peut-être que, finalement, lui aussi pourrait agir à sa manière pour essayer de récupérer le Livre des Lieux ?
- Il a réussi ? demanda-t-il.
- Mmmmh... Il s'est attribué une moyenne générale de dix-sept. Il s'est juste rajouté dix points...
- Et il ne s'est pas fait choper ?
- Bien sûr que si, et il s'est fait virer. Mais il a réussi quand même à le faire. On pourrait lui demander de nous aider ?
Nathan fixa Aela longuement. Intérieurement, il se demandait si c'était bien ou mal de faire une chose pareille. Mais, après tout, le vendeur était un voleur lui-même, il avait pris un livre qui ne lui était pas destiné. Et si Nathan arrivait à le récupérer avant la fin des enchères, non seulement cela ferait faire des économies à tout le monde, mais, en plus, il pourrait se réconcilier avec Zayn ! Sans parler, bien entendu, de l'Avaleur de Mondes qui n'aurait plus les moyens de s'en emparer avant eux.
Ignorant tous les arguments qui pouvaient le pousser à refuser, il répondit :
- Oui, demande-lui s'il est capable de le faire et s'il accepterait de nous aider.
N'attendant que cette réponse, Aela sortit son téléphone portable d'un petit sac qu'elle avait passé en bandoulière.
Elle chercha contact dans son répertoire et colla l'appareil rose bonbon contre son oreille. Au bout d'un moment, son visage s'éclaira et elle fit un petit signe de tête à Nathan.
- Salut, Éric, c'est Aela. Oui, ça va et toi ? Dis-moi j'ai un truc à te demander...
Éric habitait dans le nord de Paris. Ses parents travaillant tous les deux, il passait ses vacances d'été tout seul, principalement enfermé dans sa chambre, derrière un écran d'ordinateur. Ses journées consistaient à jouer en ligne pendant des heures à des jeux de rôle, ou à chatter avec d'autres types qui cherchaient tous un moyen ou un autre de se faire remarquer sur la toile immense de l'Internet. L'appel d'Aela l'avait sorti de sa léthargie quotidienne et il attendait son arrivée avec impatience.
Quand la porte de l'appartement s'ouvrit, Nathan eut un léger mouvement de recul en découvrant Éric. Ce dernier était aussi pâle qu'un mort. Sa peau semblait couverte d'une couche de craie blanche. Ses cheveux d'un blond décoloré étaient coiffés en arrière, lui donnant un air sévère. Et ses yeux, à moitié cachés derrière des verres légèrement fumés, étaient d'un bleu curieux, aux reflets rouges, là où la pupille rencontrait l'iris. Éric était albinos. C'était cette caractéristique physique qui sautait aux yeux de toute personne le découvrant, faisant oublier que ses traits avaient la finesse d'une poupée de porcelaine. Car si on savait faire abstraction de sa différence, il était beau. Très beau, même.
Un sourire ironique étira ses lèvres quand il vit Nathan qui se tenait planté derrière Aela, sur le pas de sa porte.
- Aela, ma toute belle ! s'écria-t-il en lui déposant un baiser un peu trop près de la bouche. Ça fait un moment que je ne t'ai pas vue ! Tu es toujours aussi magnifique !
Aela rosit légèrement et se recula.
- Salut, Éric, ça me fait plaisir de te voir. Tu n'as pas bronzé, depuis la dernière fois !
Éric éclata d'un grand rire et s'effaça pour les laisser entrer.
- Bienvenue dans ma crypte, plaisanta-t-il en leur faisant un geste pour leur montrer le chemin vers sa chambre.
Nathan suivit son amie dans l'appartement plongé dans la pénombre. Tous les volets étaient fermés et les lumières éteintes. Devant, Éric parlait avec Aela comme s'ils étaient seuls.
- C'est ton nouveau mec ?
Aela approuva d'un signe de tête.
- Oui, c'est Nathan.
Éric eut un ricanement.
- Tu me déçois, tu sais ! Il n'a pas grand-chose de bizarre, celui-là. Il n'a pas sa place dans ta galerie d'horreurs...
Aela lui donna une tape légère sur le bras.
- Arrête de dire des bêtises. Je ne t'ai jamais considéré comme un monstre, tu le sais bien.
- Je sais aussi que tu cherches toujours les mecs les plus zarbis possible..., murmura Éric à son oreille de façon langoureuse.
À cet instant, Nathan en voulut à Aela de ne pas l'avoir prévenu qu'Éric était un ex. S'il l'avait su, il aurait refusé de l'impliquer dans leur quête. Et puis cette histoire de monstres... Qu'est-ce qu'il voulait dire par là? Il était sur les charbons ardents et il aurait bien dit sa façon de penser à Éric, mais, s'il pouvait vraiment les aider, ce n'était pas le moment de se fâcher avec lui.
Éric se retourna et détailla Nathan de son regard étrange, rougeâtre.
- Ah ! Totalement normal... Tu peux mieux faire, ma chérie, question bizarrerie...
Aela eut un petit rire cabotin et lui souffla à l'oreille, assez fort pour que Nathan l'entende.
- Tu ne sais pas tout... Il cache peut-être bien son jeu...
Éric éclata de rire et leva les mains en signe de reddition.
- Ouh ! Alors ne me dis rien de plus, je ne veux pas connaître tous les détails !
Nathan rougit. Mais Aela et Éric avaient déjà repris leur conversation insouciante qui les avait menés jusqu'à la chambre. Nathan, en pénétrant dans la pièce, se sentit pris de claustrophobie : ici aussi les volets étaient clos et seule une petite veilleuse apportait un semblant de lumière au désordre qui régnait partout. Des vêtements en tas jonchaient le sol, côtoyant sans complexe des boîtes de repas livrés à domicile. Il y avait des livres en piles instables, des CD et des DVD jetés en vrac dans des caisses en carton. Des centaines de câbles de toutes épaisseurs couraient sur le parquet nu, entre le lit défait et le bureau, tels des serpents entremêlés.
- Alors, que puis-je faire pour vous ? demanda le pâle garçon en se laissant tomber sur un énorme fauteuil de cuir pivotant qui faisait face à une table à tréteaux surchargée de claviers, d'écrans allumés tous en même temps, de disques durs, et d'autres trucs clignotants que Nathan n'identifiait pas.
Sans faire de manières, Aela s'assit sur le lit de son ami, écrasant au passage un tee-shirt roulé en boule sur le drap. Nathan prit soin, quant à lui, de déplacer un sweat à capuche qui traînait, avant de prendre place à côté d'Aela.
- Nathan a besoin de craquer un compte eBay pour retrouver les coordonnées d'un mec qui met en vente un objet qu'il a volé, expliqua la jeune fille d'une voix parfaitement naturelle, comme si cette requête n'avait rien d'extraordinaire.
Le visage d'Éric s'éclaira.
- Ah ! Cool ! Vous avez prévenu la police de ce vol ?
- Bien sûr que non. Ce n'est pas un objet ordinaire et la police n'a pas besoin d'être au courant.
- Très bien. Donc j'ai juste à trouver le mot de passe de ce gars, parce que son identifiant, c'est son nom de vendeur. C'est quoi son pseudo ?
- Vendeurdetrésor, répondit Nathan d'une voix rauque.
Il toussota pour éclaircir sa gorge. Il n'aimait pas être ici. Il n'aimait pas ce qu'ils étaient en train de faire. Finalement, c'était une mauvaise idée. Mais c'était la seule qu'il avait, et le Livre des Lieux était suffisamment important pour qu'il tente tout ce qui était en son pouvoir.
Éric griffonna d'une écriture illisible le nom du vendeur sur un Post-it qu'il colla sur le côté d'un de ses multiples écrans.
- Bien, pour commencer, je vais tenter de rentrer les mots de passe les plus courants. Il faut savoir que les internautes, dans leur grande majorité, manquent d'imagination, quand il s'agit de se choisir un mot de passe, expliqua Éric d'un ton professoral, en ne regardant qu'Aela.
Nathan avait la désagréable sensation que le garçon espérait reconquérir la belle blonde en l'impressionnant avec son savoir.
- C'est-à-dire ? demanda Nathan, histoire de lui faire détourner les yeux d'Aela.
Son intervention eut l'effet escompté et les verres fumés d'Éric se tournèrent vers lui.
- Eh bien, il existe une liste - qui a même été publiée sur internet - des mots de passe les plus fréquents. Il y a par exemple 12345, abcde, azerty...
- Mais c'est idiot ! N'importe qui y penserait !
- Ah ! Nathan, les gens sont flemmards, ils ne vont pas chercher trop loin, ou alors ils ont peur d'oublier alors ils prennent un truc facile, qu'ils sont sûrs de retenir, et on retombe toujours sur les mêmes schémas. Aujourd'hui, certains sites refusent même ces mots de passe au moment de l'inscription !
Et aussitôt, il se tourna vers l'écran où il avait accroché son Post-it et se connecta sur eBay. Puis on n'entendit plus que ses doigts cliqueter à toute vitesse sur son clavier.
- Ça peut prendre combien de temps pour tester les mots de passe ? demanda Aela.
- Quelques heures.
- Et ensuite, si ça ne marche pas ? s'enquit Nathan.
- J'ai un petit joujou qui génère automatiquement des milliers de mots de passe à la minute. Je le ferai tourner pendant la nuit. Mais on n'est pas assurés de trouver. Il suffit que le gars soit particulièrement tordu et ait choisi une combinaison compliquée, avec plein de lettres et de chiffres et là, ça peut prendre des mois.
- On n'a pas des mois, murmura Nathan. L'enchère se termine dans deux semaines.
- Alors, je tenterai autre chose, mais ce sera plus risqué. On n'en est pas encore là ! s'exclama Éric d'un air enthousiaste.
Visiblement, cette mission était pour lui un challenge excitant. Après s'être frotté les mains, il reposa ses doigts fins et blancs comme ceux d'un fantôme sur le clavier et se mit à taper dessus comme un forcené, oubliant déjà qu'il avait un public.
Nathan se posa silencieusement sur la pelouse du parc, complètement désert, et referma ses grandes ailes derrière son dos. Avant cela, il avait déposé Aela en douceur sur l'herbe jaunie par le soleil brûlant du mois d'août. Tous les soirs, depuis leur premier baiser, elle lui demandait de lui faire faire un tour dans le ciel nocturne. Alors il la serrait contre lui et s'élevait au-dessus des toits de Paris quelques minutes durant. C'était le même cérémonial à chaque fois : elle se blottissait dans ses bras, frissonnante du plaisir de planer, d'admirer la ville illuminée de mille feux loin en dessous, puis ils redescendaient dans le parc vide, où ils pouvaient se retrouver en tête-à-tête dans l'intimité offerte par le silence de la soirée.
Et, comme tous les soirs, Aela passait un long moment à embrasser Nathan, jusqu'à ce qu'ils aient le souffle coupé, la respiration saccadée, les joues brûlantes. Nathan plongeait dans la même ivresse de tous ses sens, qui lui faisait oublier où il était. Et pendant que ses lèvres étaient occupées à embrasser Aela, il n'avait pas à parler, ce qui était mieux.
Il ne savait jamais quoi lui raconter. Au bout du compte, ils finissaient toujours par retomber sur le même sujet : Éric et ses tentatives de craquer le compte du vendeur du Livre-Monde.
Et ce soir-là encore, Nathan finit par lui poser la seule question qui rompait le lourd silence s'installant systématiquement entre eux:
- Alors, tu as eu des nouvelles d'Éric ?
- Oui, et c'est toujours pareil. Son petit logiciel n'a pas encore débusqué le bon mot de passe.
Nathan soupira et s'allongea sur l'herbe, les mains croisées derrière la tête.
- Ça ne sert à rien qu'il s'acharne comme ça. Ça fait déjà presque une semaine. À ce rythme-là, l'enchère sera déjà terminée et Zayn aura trouvé le moyen de la gagner.
- Peut-être mais ça vaut le coup d'essayer. Éric veut que nous passions le voir demain.
- Pourquoi ?
- Il veut tenter autre chose, mais c'est plus risqué.
Nathan ne répondit pas tout de suite. Depuis le départ, l'idée de violer le compte de quelqu'un d'autre ne lui plaisait pas. Il s'y était résolu seulement parce que la situation imposait une urgence qu'il ne savait pas résoudre lui-même. Mais si maintenant cela devenait dangereux ou risqué, l'affaire prenait une tournure qu'il n'aimait pas du tout et il sentit son estomac se contracter sous l'effet du stress.
- Je ne sais pas si c'est une bonne idée..., finit-il par murmurer.
- Pourquoi ? Tu veux récupérer le livre, non ?
Nathan haussa les épaules.
- Évidemment, mais pas à n'importe quel prix.
- Attendons de voir ce que va nous proposer Éric, le rassura Aela. Si ça se trouve, ce n'est pas si grave que tu l'imagines...
- Mouais…
Aela s'allongea près de lui et posa sa tête sur son épaule.
- J'ai l'impression que tu n'aimes pas tellement Éric, chuchota-t-elle à son oreille, le faisant frissonner.
- Je n'aime pas la façon dont il te regarde, expliqua Nathan.
Aela l'embrassa dans le cou.
- Tu es jaloux ?
Nathan prit le temps de réfléchir. Était-il jaloux ? S'il explorait minutieusement ses sentiments, il devait avouer que ce n'était pas le cas... Mais Éric regardait Aela comme si elle était un vulgaire morceau de viande. Et selon lui personne ne méritait d'être considéré ainsi. Il n'osa pas expliquer son point de vue à voix haute, de peur de paraître ringard, et il laissa échapper un petit rire qui pouvait être interprété comme Aela le voulait...
Visiblement, cela fonctionna à merveille : tout heureuse à l'idée que Nathan soit jaloux pour elle, elle se jeta sur lui pour l'embrasser encore sous le ciel piqueté d'étoiles tremblantes.
La chambre d'Éric était exactement dans le même état que lors de leur dernière visite, une semaine plus tôt. C'était à croire qu'il ne s'était pas couché, ou alors, s'il l'avait fait, il avait laissé ses vêtements roulés en boule sur ses draps tout ce temps. Il y avait juste quelques cartons à pizza supplémentaires empilés au pied de son bureau et une odeur de renfermé plus forte aussi. Nathan plissa le nez de dégoût en entrant à nouveau dans la pièce.
Éric semblait exténué. Sous ses yeux, deux ombres s'étalaient en croissants, contrastant fortement avec sa peau blafarde. Mais, pour l'heure, il était surexcité, et parlait à toute vitesse :
- Ce petit salopard de Vendeurdetrésor a inventé un mot de passe bien complexe, qui demande des efforts pour être cassé, et je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps. Alors j'ai mis tous mes contacts sur le coup (il fit un geste de la main vers l'un de ses écrans, couvert de fenêtres de dialogue Messenger), et un de mes potes, qui adore ce genre de délire, a tenté un truc.
Nathan attendait la suite, mais il ne semblait pas prêt à le faire. Ses yeux étaient perdus dans le vague, derrière ses verres fumés. Le Chébérien se demanda brièvement s'il ne se droguait pas. Pour lui faire quitter ce regard fixe et un peu fou, il lui posa la question qui le démangeait.
- Quel truc exactement ?
- Il a tenté de pirater l'interface administrateur d'eBay ! Carrément !
Éric éclata de rire, comme si on venait de lui raconter une bonne blague. Aela, qui se tenait debout près de la fenêtre obstruée, échangea un regard interrogateur avec Nathan, assis sur le lit. Finalement, la jeune fille demanda :
- Et ça veut dire quoi en français ?
- L'interface administrateur, c'est de là qu'on peut gérer tous les comptes de tous les gens inscrits sur le site.
- Tu veux dire que ton pote a tenté non pas de craquer le compte de Vendeurdetrésor, mais de pirater eBay carrément ? s'écria Nathan, de plus en plus mal à l'aise.
- Carrément ! répéta Éric, encore plus heureux. Il est dingue, je vous l'ai dit. Mais c'est son truc de hacker les comptes. Ça le fait marrer.
- Très drôle en effet, marmonna Nathan. Écoute, Éric, continua-t-il à voix haute, je te remercie d'avoir essayé tout ça, mais là, ça ne me plaît pas du tout. Pirater eBay, c'est beaucoup plus grave que trouver le mot de passe d'un mec, et je ne pensais pas que ça irait aussi loin.
Éric s'arrêta de rire d'un coup et scruta Nathan d'un air distant.
- Tu flippes ?
- Ben oui, je flippe, figure-toi. Si ton pote a accès à tous les comptes de tous les clients, il va en faire quoi, hein ?
Éric haussa les épaules et se tourna vers son écran. Un petit « ting ! » lui avait indiqué qu'il avait reçu une réponse sur l'une de ses nombreuses fenêtres de dialogue ouvertes. Puis, très lentement, il pivota vers Aela, la dévorant des yeux.
- Tu sors avec les poules mouillées, maintenant ? lui demanda-t-il d'un ton plein d'arrogance. Je te croyais plus fière que ça...
Aela se figea sur place puis elle jeta un long regard à Éric et, en rejetant une mèche de cheveux en arrière, elle se rapprocha de Nathan, jusqu'à s'asseoir sur ses genoux de façon sensuelle, provocante, et entourer son cou d'un de ses bras, se collant à lui autant qu'il était possible.
- Éric, tu ne sais rien de Nathan, ok ? Et sur ce point, je suis d'accord avec lui. Je trouve que tu es allé trop loin, répliquat-elle, la voix chargée de mépris.
Éric tressaillit mais se mit à ricaner :
- T'en fais pas, ma toute belle, mon pote n'a pas réussi. Le firewall d'eBay est efficace. Il s'est carrément fait éjecter de sa connexion. Il a laissé tomber...
Nathan se détendit imperceptiblement et il sentit Aela, toujours perchée sur ses genoux, faire de même.
- Tant mieux alors, conclut Nathan.
Il poussa Aela doucement et se leva, puis il tendit la main à Éric.
- Merci d'avoir essayé, en tout cas, c'était sympa d'avoir accepté de nous aider. J'espère que ton pote n'aura pas de problème à cause de nous.
Éric lui serra la main en retour et lui adressa une petite grimace en guise de sourire.
- Pas de quoi. T'inquiète pour lui, il en a vu d'autres. J'espère que vous récupérerez ce que vous cherchez.
- Moi aussi, murmura Nathan.
- Aela, c'était un plaisir de te revoir. Tu connais mon adresse, si tu as besoin d'autre chose, n'hésite pas, conclut Éric en attrapant la jeune fille par le poignet.
Nathan se redressa de toute sa hauteur. Il faisait un peu moins d'une tête qu'Éric.
- Maintenant, tu la lâches, ok ? lui demanda-t-il d'une voix menaçante.
- T'énerve pas, mec, ça va, je te rends ta meuf...
Éric laissa retomber le bras d'Aela et se rassit dans son fauteuil pour se plonger dans la contemplation d'un de ses écrans.
Nathan enroula son bras autour des épaules de son amie et la poussa dehors.
Ils n'avaient plus rien à faire ici.
