Bonsoir tout le monde ! Me revoilà avec un nouveau chapitre, et pas des moindres, parce qu'il risque de surprendre certains d'entre vous. J'espère que vous l'aimerez autant que moi, j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire :)

Bonne lecture !


« J'ai revu Théodore Nott. »

Je restai comme pétrifiée après cette déclaration. Je fus pendant quelques secondes, incapable de penser à quoi que ce soit, ou de faire le moindre mouvement. J'observai Zabini ricaner. Comme d'habitude, il avait bien préparé son coup et avait fait en sorte que son annonce ait l'effet escompté. Je décidai de rentrer dans son jeu, et de cacher le trouble qui m'envahissait. Je haussai les épaules d'un air négligent, l'air de dire « Qu'est-ce que cela pouvait bien me faire ? ». Blaise n'insista pas et nos conversations habituelles reprirent. Sa dernière conquête, ma dernière conquête, sa carrière de mannequin, les fortunes qu'il dépensait, toutes ces choses ordinaires dont nous parlions tout le temps. Mais cette fois-ci, je ne parvenais pas à me concentrer sur les bijoux que mon ami avait achetés à la Greengrass, son éternelle soupirante. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser à Nott. Pourquoi Zabini avait-il commencé à le revoir ? Qu'était-il devenu ? A quoi ressemblait-il ? J'avais envie de poser des milliards de questions à Blaise, mais je ne voulais pas lui donner le malin plaisir de lui laisser voir le malaise qu'avait instauré en moi son information. Epuisée par tant de questions, désespérément troublée alors que je ne voulais pas l'être, j'invoquai l'excuse de la fatigue et du travail qui m'attendrait demain pour pouvoir quitter la soirée au plus vite. Je devinais derrière le sourire sardonique de Blaise, qu'il voyait clair dans mon jeu, mais lasse de faire semblant, j'ôtai mes talons et transplanai pieds nus jusqu'à mon appartement. Il était déjà tard. 1h46 pour être précise. Cependant, je n'étais pas fatiguée. J'étais épuisée moralement par les souvenirs que faisait remonter en moi le simple nom « Nott ».

Comme souvent, quand j'étais dans un état de stress mêlé à de la fatigue trop longtemps contenue, je choisissais de me plonger dans le travail, pour ne prendre le risque de me coucher. Après la guerre, je m'étais mise à avoir peur de la nuit, non pas parce que j'avais peur du noir, mais parce que j'avais peur du sommeil, enfin de ce qui précédait le sommeil. J'avais peur, parce que je savais que sitôt au lit, je me mettrais à ruminer de sombres pensées, à me rappeler la guerre et le massacre, les attaques des Mangemorts, la disparition d'Opale, puisque je n'avais aucune idée de l'endroit où elle pouvait être, les morts qui revenaient me hanter, le divorce de mes parents, et des tas de choses toutes plus désagréables les unes que les autres. Alors souvent, je m'enfilais vers deux heures du matin, après avoir travaillé une grande partie de la nuit, deux ou trois verres de rhum ou de whisky, pour pouvoir sombrer dans le sommeil sans penser à rien. C'est ainsi que cette nuit-là, je choisis de me consacrer à mon enquête. Je repensais malgré moi à ce que m'avais dit Blaise à propos de cette fameuse enquête. Il est vrai que je n'avais interrogé que des Gryffondors ou des anciens membres de l'AD. Sur ce point, il avait raison. Mais je ne voyais pas l'intérêt d'interroger des gens qui avaient choisi de ne pas s'engager. D'un autre côté, ces gens-là avaient malgré eux été pris aussi dans le tourbillon du conflit, et il se pouvait qu'ils aient eux aussi été affectés par la guerre. Mais avaient-ils le droit de figurer dans un numéro spécial qui célébrait une victoire qu'eux-mêmes n'avaient pas désirée ? Peut-on sincèrement avoir le droit de donner son avis sur la guerre, quand, comme Pansy Parkinson, on avait eu la volonté de livrer Harry aux mains de Voldemort ? Et que dire de tous ces gens qui étaient restés passifs ? Pouvait-on sincèrement se permettre de rester passif alors que le monde magique tout entier était au bord du gouffre ? La grande question était donc celle-ci : avait-on le droit à la parole quand on avait refusé l'action ?

J'avais été profondément choquée par la guerre, et d'autant plus parce que je m'y étais engagée à bras le corps. J'avais perdu des amis, j'avais hérité d'une santé mentale plus que vacillante, j'avais sacrifié tellement de choses pour que nous puissions gagner. Alors je n'étais pas prête à pardonner à ceux qui s'étaient tranquillement terrés chez eux en attendant que l'orage passe. Je n'avais jamais été dans une optique de réconciliation. Je pensais que j'en voudrais toujours à tous ceux qui ne s'étaient pas battus à mes côtés. Cette victoire, c'était la nôtre, et je ne voulais la partager avec personne d'autre. Il était hors de question que j'amnistie les vaincus et les fuyards. Après la guerre, j'avais en somme continué le travail de journaliste que j'avais commencé en travaillant pour Potterveille. J'avais continué à interroger les vainqueurs et ceux qui avaient combattu. J'avais d'ailleurs acquis une vraie réputation dans le monde magique grâce à mes articles. Une réputation à double tranchant. D'un côté, on ne tarissait pas d'éloges sur mes efforts, puisque mes articles permettaient souvent à des personnes restées dans l'ombre d'acquérir une petite notoriété, quand je louais les actions qu'ils avaient menées pendant la guerre. D'un autre côté, et bien souvent pour des anciens Serpentards, on blâmait mon « manque de discernement » et « l'esprit vengeur » qui animait soi-disant mes articles. Je n'avais jamais, en effet, fait un tant soit peu d'efforts pour publier des articles qui ne me ressembleraient pas. Par cela, j'entends des articles qui mettraient en avant des personnalités qui n'avaient pas combattu. Ceux-ci ne méritaient pas qu'on leur accorde un peu d'attention. Alors, mes articles créaient toujours des débats d'opinion, ce qui voulait dire que j'étais peut-être une bonne journaliste, je ne sais pas. Je restais vindicative, et si mes partis pris se faisaient plus nuancés que dans ma jeunesse, je n'étais pas sortie des cases action/inaction/contre-action, qui régissaient les différents visages de l'après-guerre. Mes opinions d'adolescente avaient été cristallisées par le conflit, et tel fut le cas pour la plus grande partie de la population.

Après cette réflexion, je revins à l'idée de Blaise. Il avait raison, j'étais bien incorrigible. Mais peut-être que le moment était venu de rectifier le tir. J'avais grandi, et créer des débats ne feraient peut-être pas de moi une bonne journaliste. Si je voulais être une vraie journaliste d'investigation, et non une journaliste d'investigation faisant en réalité des articles à scandale, il fallait que je surmonte ma répugnance et que j'aille jusqu'au bout de mes recherches. Je sortis alors le carnet avec lequel je travaillais, ainsi qu'une plume, et commençai à écrire les noms de personnes qu'il me faudrait interroger. Malheureusement pour moi, au-delà de la Greengrass, et de de Pansy Parkinson, je ne connaissais pratiquement aucun autre Serpentard. Il y avait bien Thomas, mais je n'avais aucune envie d'aller le trouver au fin fond de l'Argentine. Je le contacterais par hibou. Il allait falloir que je passe par elles, ou par Zabini, pour obtenir des adresses. J'avais d'ailleurs inscrit le nom de Blaise tout en haut de ma liste. Je soupirai en pensant à l'ampleur du travail que cela représenterait. Et je soupirai une deuxième fois en pensant à quel point interroger des Serpentards me rebutait. Je détestai depuis la première année Greengrass et Parkinson, et je souris en repensant à Opale, qui les détestait autant que moi, au point de se battre dans la boue avec la première. Mon visage se ferma en ressassant qu'elle semblait être maintenant une des (nombreuses) fréquentations attitrée de Blaise. Je ne parvenais pas à imaginer comment je réussirais à contrôler ma colère, au moment de l'interview de Parkinson. C'était la première des Serpentards à avoir crié qu'il fallait livrer Harry. Je la détestais déjà, mais à présent, je l'exécrais. Toute cette enquête me donnait déjà à me donner le tournis. Je commençai déjà à regretter mon idée de départ, et maudis Blaise une fois de plus. Mais je savais que dans le fond, il avait raison. Je tenais une chance de prouver que mon travail n'était pas vain, et surtout, moins biaisé qu'à l'ordinaire.

Il était tard, mes pensées s'évadaient de plus en plus, je me mettais à songer. Je fixai la liste des anciens Serpentards à interroger, désespérée d'avance face au travail qui m'attendait, quand j'éclatai d'un rire franc, toute seule, dans ma cuisine, devant mon cahier, un verre à la main. Ce rire se changea en ricanement sardonique. Je m'esclaffais parce qu'une fois encore, j'avais été mise en face de mes propres contradictions. Je n'eus cette fois pas besoin de Blaise pour comprendre à quel point je faisais fausse route. En regardant de plus près les noms, je m'étais aperçu qu'un nom manquait sur cette liste, et pas des moindres, puisqu'il s'agissait d'un des élèves les plus actifs pendant la guerre, et qui se situait dans le mauvais camp. L'alcool aidant, je voyais deux yeux d'un gris métallique se refléter sur les murs de mon appartement, et petit à petit, les cheveux raides et d'un blond presque blanc, puis le teint pâle et les traits fins de Drago Malefoy se dessinèrent dans le miroir que je contemplais. A la place de mon propre reflet, je voyais le reflet de l'homme qui avait réussi à briser en mille morceaux les règles de conduite que je m'étais fixées. Mais pour cela, laissez-moi retourner en arrière, à ce fameux jour où Malefoy, sans avoir pris rendez-vous évidemment, avait fait irruption en trombe dans mon bureau.

Il y a deux ans de cela, j'avais publié un article dans lequel je dénonçais les privilèges obtenus par certains Mangemorts à la fin de la guerre. Je faisais notamment allusion, sans donner de noms, mais en rendant ces mêmes noms clairs comme de l'eau de roche, à la famille Malefoy, qui avait réussi à tirer son épingle du jeu. Aucun membre de leur famille n'avait été envoyé à Azkaban. Avec du recul, en repensant à cet article, je me disais qu'il s'agissait sûrement d'un des articles les plus honnêtes de ma carrière. Il visait juste, et malgré l'esclandre que cela avait provoqué, j'avais une fois de plus prouver que si nous n'oublions pas, nous ne pardonnions pas non plus. Et c'est ainsi que Malfoy avait fait irruption dans ma vie. Il était rentré, sans autorisation dans mon bureau, sans même prendre la peine de toquer, sans même prendre le temps de me saluer.

Sous le coup de la colère, il hurla des phrases assassines que je ne comprenais qu'à moitié, face à moi, qui me tenais debout aussi, la tête haute, le visage fermé par un rictus de mépris. J'opposai à son courroux une colère froide qui le déstabilisa. Il faut dire que j'étais moi-même quelque peu étonnée par mon comportement : j'avais l'habitude de m'emporter très vite, et il devait sûrement le savoir, puisqu'il m'avait vu de nombreuses fois à l'œuvre pendant que nous étions à l'école ensemble. Plus que tout, j'étais étonnée de ne voir aucune trace de haine dans son regard, ni dans le mien. Nous ressemblions juste à deux enfants en colère, qui, après avoir été ennemis pendant longtemps, décidaient de se disputer une bonne fois pour toute avant de reprendre le cours de leur amitié. Comme si le torrent d'aigreur et de fureur emportait tout sentiment d'amour ou de haine sur son passage.

Je continuais à ne pas comprendre ce qu'il me disait. Ses phrases étaient hachées et bientôt je me rendis compte qu'elles étaient surtout entrecoupées de sanglots. Après une nouvelle salve d'insultes, il se laissa tomber sur le canapé, à l'angle de mon cabinet, sans forces, et le teint d'une pâleur à faire peur. J'aurais pu saisir l'occasion pour comprendre le motif de sa visite, mais il semblait si accablé que je préférais partir faire du thé. Je m'assis à côté de lui, et nous restâmes muet, terrifiés par l'ampleur de la rage qui nous avait envahie tous les deux. Le monde semblait s'être arrêté de tourner, et l'air était si calme, si tranquille maintenant. Malefoy tourna son visage vers moi, et éclata en sanglots. Cela lui prit d'un coup, comme une crise de nerfs, comme l'éclatement d'une peine que l'on a contenue trop longtemps, comme un nuage lourd qui s'abat en gouttes formidables sur la terre. Ses épaules se secouaient au rythme de ses pleurs, ses mains tremblaient, et moi je ne savais pas quoi faire. Je n'avais jamais vu un Mangemort pleurer. Petit à petit, il se reprit, sa voix se posa et il esquissa un mince sourire. « Mary Smith, est-ce que tu as un jour cru au pardon ? Combien de temps te faudra-t-il pour arrêter de diviser le monde magique avec des articles à scandales ? Combien de temps devrons-nous payer pour des crimes que nous essayons d'expier ? Le monde n'est pas noir ou blanc, Smith, et même si cela peut ressembler à une phrase facile, elle n'en est pas moins véridique. Tu ne détiens pas le monopole de la vérité ou de l'engagement, tu as juste eu la chance et l'audace de te trouver dans le camp des vainqueurs. Alors je te le demande encore : quand aurais-je enfin remboursé mes dettes ? ». Alors il se leva, prit son chapeau, et sortit, comme il était venu. J'étais restée interdite.

La semaine qui suivit cet entretien fut hantée par le souvenir des mots de Malefoy. Je n'étais pas prête encore, à ce moment-là, à comprendre ce que Drago voulait vraiment dire. Je me rappelle avoir repensé plusieurs fois au mépris qu'il avait affiché en traitant mes articles d'articles à scandales. Je n'étais pas prête à pardonner à la famille Malefoy, ni à toutes les familles qui avaient collaboré. Malefoy avait tort : le monde d'aujourd'hui était effectivement en noir et blanc, comme une vieille photographie. Il y aurait pendant longtemps encore, la distinction entre les anciens Mangemorts, voire ceux qui étaient toujours fidèles au cadavre de Voldemort, et ceux qui s'étaient battus contre lui. La guerre avait polarisé le monde magique, et ce n'était pas de la faute de ceux qui avaient vaincus. Le monde magique était divisé en deux, c'était un fait, et surtout c'était un devoir. Je ne divisais pas le monde magique, je le décrivais tel qu'il était réellement. Au demeurant, je n'avais pas eu la chance d'être dans le camp des vainqueurs, j'avais créé cette chance. Malefoy avait donc tort sur toute la ligne, et c'était tout. Mais malgré tout, je ne comprenais pas pourquoi cette discussion était à telle point restée gravée dans ma mémoire.

En réalité, ce n'était pas la discussion qui m'avait réellement marquée. Dans ce qui avait été dit, le plus important se tenait dans l'espace vague du non-dit. Ce que je me repassais en boucle, ce n'étaient pas les paroles de Malefoy. C'était d'abord la force, la virulence de sa colère, les sanglots dans sa voix, son accablement quand il s'était jeté nonchalamment sur le canapé, son silence quand j'étais partie chercher du thé, et l'abondance de ses larmes, l'ampleur de son désespoir, et son triste sourire. Je n'étais pas prête à pardonner aux anciens Mangemorts, ni à la famille Malefoy. Mais je savais de source sûre que Drago s'était amendé. J'avais fait mes recherches. Il travaillait au Ministère et aidait à traquer les fanatiques de Voldemort. Même après sa mort, le réseau Mangemort était encore actif, et constituait une menace. Je me disais donc que, si je ne voulais pardonner à personne, je pourrais peut-être faire une exception. Je pardonnai donc à Malefoy. Et ce fut la seule exception que je m'autorisai.

Drago sortait à l'époque avec une jeune fille dont je ne connaissais même pas le nom. Quand je commençai à le côtoyer, je savais que leur relation ne tenait qu'à un fil, qu'elle était particulièrement houleuse. J'avais d'abord revu Drago à une soirée, où particulièrement alcoolisé, il lui avait été infidèle. A partir de là, nous nous revîmes régulièrement, toujours de la même manière. Nous étions dans mon petit appartement londonien, tous deux assis autour d'une table, à quelques centimètres l'un de l'autre. J'avais trouvé en Drago un compagnon de mélancolie. Il buvait beaucoup, tout comme moi, avec cet air de détresse perpétuellement imprimé sur son charmant visage. Il parlait de tout avec lenteur, en pesant ses mots, tout en ayant l'air de ne pas y accorder de l'importance. Nous ne parlions jamais de la guerre, ni du contexte politique de l'époque. Souvent, nous parlions littérature et philosophie. Il était bien meilleur que moi sur ce sujet, mais je rééquilibrais la balance avec mes notions sur les belles-lettres françaises.

La soirée commençait toujours de la même façon. Nous buvions une bouteille de vin chacun, entrecoupée de nombreuses cigarettes et de grandes tasses de café pour nous aider à tenir toute la nuit. Venait ensuite la bouteille de vodka, que nous ingurgitions aussi, entre deux cafés. Nous écoutions toujours les mêmes musiques, du rap moldu qu'il connaissait bien. Le Klub des Loosers, beaucoup. Le nom du groupe reflétait bien notre état d'esprit, même si malgré tout, nous nous sentions à l'aise dans la mélancolie. Je revois Drago, un verre de vodka ou de gin à la main, la tête posée dans sa main, avec cette expression qui m'était maintenant si familière, un mélange de profonde tristesse et de gaité à la fois. Et puis, d'un coup, et cela à chaque soir où nous nous voyions, il me soulevait de ma chaise pour m'installer sur ses genoux. Il trompait presque à chaque fois sa copine, mais cela m'était bien égal de n'être que sa maitresse. Son corps était puissant et il émanait quelque chose de tranquille, comme si après avoir écoulé toute notre tristesse, il ne nous restait plus qu'à nous enlacer pour retrouver ce que nous croyions perdu pour toujours. Après cela, nous fumions une dernière cigarette nus, à la fenêtre, et nous montions dans le lit en mezzanine. Il dormait toujours sur le dos, serein, d'un sommeil lourd et profond de ceux qui ne peuvent être provoqués que par l'alcool. Je mettais ma tête sur mon épaule, et nous nous endormions comme ça.

Encore aujourd'hui, les soirées que je passais avec Drago se déroulaient toutes de la même manière. C'était devenu un rituel, que deux ans passés n'avaient pas réussi à changer. Il était toujours avec sa copine, continuait à la tromper, et nous nous voyions environ une fois par semaine. Cela faisait deux ans que je me demandais si je n'étais pas amoureuse de lui. « Et j'me demande si Cupidon est un peu myope ou un peu con et si tu penses à moi lorsque tu fumes sur ton balcon ». C'étaient les paroles de notre chanson préférée. Moi aussi, je me demandais parfois si Cupidon n'était pas myope. Il semblait en tout cas sourd aux appels du cœur.

Je ressassai cette phrase quelques minutes, en fixant le miroir rond qui se trouvait en face de moi. Est-ce que Malefoy pensait à moi lorsqu'il fumait sur son balcon ? Il n'avait même pas de balcon. Son visage fin se dessinait dans le reflet et semblait se brouiller peu à peu. Les yeux gris en amande devenaient progressivement plus ronds et plus profond et je me surpris à contempler les grands yeux bleus de Nott. J'avais trop bu, encore une fois. Je n'avais pas les idées claires. Je me surpris à me poser de drôles de questions. Est-ce que Nott avait un balcon ? Est-ce qu'il pensait encore à moi ? Dans l'abandon de la liqueur, il me semblait possible de pouvoir oublier que Nott avait activement collaboré. Dans ce miroir, face à son visage qui semblait taillé dans le marbre, ses fossettes qui ajoutaient tant de charme à sa beauté, je pouvais retrouver le Nott que j'avais connu et que j'avais autrefois appelé Théo. Je pouvais retrouver la magnifique déclaration d'amour qu'il m'avait faite, la sortie à Pré-au-Lard, sa timidité et sa pudeur, son sourire en coin, sa suffisance et son orgueil qui aurait peut-être pu me plaire un jour, si nous avions eu l'occasion de nous revoir. Je pensais à ce qui se serait passé si j'avais embrassé Nott quand je pouvais encore le faire ? Serait-il parti alors ? M'aurait-il abandonnée comme il l'avait fait ? Nott était parti avant même qu'une quelconque histoire d'amour ait pu germer entre nous deux. A l'époque, j'avais surtout besoin de temps. Je méprisais déjà sa famille et son statut de Sang-Pur, mais en y repensant maintenant, maintenant que tout était terminé, peut-être que quelque chose aurait pu se passer entre nous. Cela m'aurait évité bien des déconvenues amoureuses, Thomas mis à part. Peut-être que la Mary de sixième année aurait pu tomber amoureuse de Théodore Nott. Alors je me repassais en boucle le film que je m'étais fabriqué autour de lui, comme je l'avais fait si souvent depuis toutes ces années. Et si…Et si…Et si Nott n'était pas parti grossir les rangs de Voldemort, serais-je tombé amoureuse ?

Alors je repensai aux paroles de Zabini. « J'ai revu Théodore Nott ». Je n'avais aucune envie de le revoir, ni d'aller lui poser des questions. La nouvelle de la nomination de Nott à la tête du Département de la coopération magique internationale avait fait beaucoup de bruit et couler beaucoup d'encre. Cela avait mené à de véritables débats en place publique. En effet, après la guerre, comme cela était notamment arrivé aux parents de Malefoy, nombreux furent les anciens Mangemorts qui se virent offrir certains postes haut-placés au Ministère. Cela se faisait beaucoup de nos jours. Ainsi, les ragots disaient, et j'étais prête à y croire, que Nott ne devait son poste qu'au rôle stratégique qu'il avait joué pendant la guerre, aux côtés de Voldemort. Parce qu'il était parti, et parce qu'il avait coopéré, et se servait ensuite de cela pour construire sa carrière, le Nott adolescent que je connaissais n'existait plus. Je l'avais déjà dit. Nott était mort pour moi. Je ne pouvais pas aller l'interroger parce que je ne voulais pas détruire l'image que je m'étais faite de lui, et qui s'était cristallisée sur les bons moments que nous avions passés à Poudlard. C'était la seule chose qui me restait, un souvenir. Je refusais que ce fantasme que je m'étais créé, soit terni par la réalité. Mon idylle avec Nott avait été avortée et il m'était impossible de faire machine arrière. Je résisterais à la pression de Blaise. Je n'irais pas voir Nott. J'avais trop souffert, et ma mémoire était tout ce qu'il me restait.

Mais malgré tout, un drôle de sentiment s'emparait de moi. Cela devait être à cause du whisky. Il me faisait perdre la tête. Mais qui me faisait plus perdre la tête : l'alcool ou Nott ? Malgré tout, je ne pouvais m'empêcher de l'imaginer, grandi, muri. Je tentai de me représenter les nouveaux contours de son visage. Sa mâchoire se serait sûrement durcie, peut-être aurait-il les cheveux plus longs, peut-être porterait-il des lunettes pour lire ? Serait-il heureux de me revoir ? Que me dirait-il en premier ? Quelque chose comme « A quelles questions dois-je répondre pour ton enquête ? » ou alors « Cela fait si longtemps » ou alors « Mary, je n'ai jamais aimé que toi ». Mon esprit s'emballait, je m'imaginai un baiser enflammé sur un balcon, ou une folle déclaration d'amour, une embrassade sous la pluie, comme dans les films. Et tout à la fois, je ne comprenais pas comment de telles pensées pouvaient me venir à l'esprit. Je ne me rappelai pas avoir aimé Nott un jour, pendant mon adolescence. Je n'avais jamais imaginé de telles choses à l'époque, et voilà que mon esprit brûlait d'un désir qui m'était totalement étranger. Mais il était tard, et les yeux fixés sur le miroir, je voyais danser à tour de rôle les yeux de Malefoy et de Nott, qui semblaient se donner la main pour ne faire qu'un, deux Serpentards Mangemorts que tout éloignait, mais qui hantaient mon esprit de la même manière.

Je me réveillai avachie sur le canapé, toute courbaturée. L'appartement sentait la vieille cigarette mal éteinte et l'alcool. J'avais visiblement renversé mon whisky sur un de mes coussins. Je soupirai, j'avais la désagréable impression que des ouistitis jouaient des maracas dans ma tête. Je réfléchissais au travail qui m'attendait et fit une moue caractéristique, relevant le bord droit de ma lèvre, ce que je suis la seule à savoir faire à ma connaissance. Petit à petit, les souvenirs de mes divagations d'hier affluèrent à ma conscience. Et petit à petit, ma colère augmentait, au fur et à mesure que je me rappelais les pensées que j'avais eu à propos de Nott. Je décidai de mettre au point une sorte de plan d'attaque mental. Nott m'avait abandonnée et avait rejoint le camp des Mangemorts. Nott était mort. La seule exception à la règle que je m'étais fixée, était Malefoy. Il était hors de question que cela change. Je ne le reverrais pas, tout d'abord parce que je n'en avais aucune envie, et ensuite parce que déontologiquement, je ne pouvais pas l'accepter. Enfin, je n'avais jamais aimé Nott. Pas un seul jour. La seule fois où j'avais eu envie de l'embrasser, j'avais beaucoup trop d'alcool dans le sang, encore une fois. Je ne l'avais jamais aimé. Il avait été tout au plus un ami, et je n'oubliais pas non plus la vigueur de son orgueil, qui m'avait humiliée tant de fois. La question était réglée. Je n'irais pas voir Nott. Quand les gens vous abandonnent une fois, ils sont capables de le refaire un tas d'autres fois, et je n'étais pas disposée à souffrir de nouveau. Je décidai dans le même temps que je ne rechercherais pas Opale. Si elle voulait un jour me contacter, ce serait à elle de me retrouver. Mais je n'oublierais pas qu'elle m'avait trahie, tout comme Nott.

Un hibou m'apporta plus tard dans l'après-midi, un de ses cartons qu'utilisait Blaise. Il me demandait si je comptais aller à la prochaine soirée d'un de ses amis fortunés. Il avait ajouté au bas de la page : « J'ai parlé de toi à Nott, il voudrait te revoir ».


Alooooors ? Qu'en avez-vous pensé ? Que dites-vous de l'apparition de ce nouveau personnage ? J'avais cette idée en tête depuis très longtemps, et je suis très fière de vous présenter ma vision de Drago. Il risque d'être beaucoup plus présent dans le reste de la fic je pense 😊

Encore une fois, tous les commentaires/retours et les follow sont les bienvenus, j'ai particulièrement besoin de votre avis sur ce chapitre pour orienter le reste de la trame…en quelque sorte, le sort de Drago est entre vos mains !

Je vous dis à la semaine prochaine pour un nouveau chapitre !