Cette histoire est une traduction de Blood Is, d'eiahmon, traduite et publiée avec son accord.

Bonne lecture !


3.

Gabriel trébucha en terminant l'ascension. Cela faisait quatre nuits qu'il avait fui la maison de ses parents, deux nuits qu'il avait laissé Trevor avec Maître Liam. Il avait couru aussi vite qu'il le pouvait, ne s'arrêtant ni pour se reposer ni pour se nourrir, utilisant l'épaisse canopée forestière pour se cacher de la lumière du soleil. Une partie de lui se rendait compte qu'il avait avancé incroyablement vite, achevant en moins de six jours un voyage qui en durait habituellement quinze, mais il n'y prêta aucune attention alors qu'il vacillait sur ses jambes tremblantes, sortant de la forêt dans les collines à proximité du village de Wygol.

Il n'était pas certain de ce qui l'avait conduit jusqu'ici, mais puisque il l'était, autant aller voir si les ruines du château n'avaient pas un coin sombre où il pourrait se reposer un moment. L'aube arrivait dans quelques heures, et il ne voyait aucun refuge suffisant pour assurer de rester enténébré avec l'avancée du soleil. Non, bien qu'il détestât l'idée de s'en approcher, il allait devoir aller au château pour le moment. Il pourrait continuer à la tombée de la nuit, et également trouver un moyen de se nourrir.

Il atteignit le sommet d'une colline et s'autorisa à tomber à genoux un bref instant pour observer la scène. Wygol s'étendait sous lui, et au-delà, dans les montagnes, il pouvait voir les ruines du château qui l'avait abrité après la défaite de l'Oublié. Il laissa échapper un soupir et baissa la tête, remarquant avec détachement les guenilles qui avaient été des habits fins. Eh bien, ce n'était plus important. Les créatures comme lui n'avaient pas besoin de ce genre luxe de toute manière. Ce n'était pas comme s'il avait encore à s'inquiéter que ses parents se tracassent de son apparence…

Il secoua la tête pour éjecter ces pensées et se força à se lever. Il trébucha quand ses jambes se dérobèrent, mais il se remit droit et commença la lente descente vers le village en contrebas. Le son des battements de cœur lui parvint, et la fois lui brûla les veines, mais il se força à se détourner vers la route prisent par les mauvaises herbes qui menait au château en ruines. Le chemin abandonné était plein d'ornières, recouvert de boue et étouffé par la végétation, et il avait du mal à avancer et à rester droit.

Il entendit le léger bruit des premiers oiseaux quant il approchait des portes, qui étaient rouillées et tombées de leurs gonds. De l'autre côté, la cour était dans le même état que la route. Les premières marches étaient à moitié dissimulé sous une montagne de terre, de feuilles mortes et autres débris, ainsi que d'une des immenses portes d'entrée. L'autre porte était tombé vers l'arrière, et était partiellement enterrée sous ce qui avait été le toit. Les murs s'étaient écroulés vers l'extérieur.

Il se tint à la base des escaliers pendant un long moment, les yeux fixés sur les gravats de ce qui avait été un grand château, avant de soupirer à nouveau et de les grimper. Il devait pouvoir trouver un réduit ou un trou où se dissimuler du jour. Il parvint à la dernière marche, dépassa l'endroit qui avait été l'entrée, et entra dans les décombres du hall.

Contre sa poitrine une chaleur le fit marquer une pause, et il tira le crucifix d'argent que sa mère lui avait donné, trois ans plus tôt, de son col. L'argent brillant ne s'était pas terni, et il fit distraitement glisser son pouce sur le dessin complexe jusqu'à ce qu'une bouffée de chaleur lui monte à la tête. Il referma le poing sur la petite figure.

« J'en ai assez. Plus jamais. Tu m'as abandonné pour la dernière fois. »

Il tira sur la chaîne –

Non, Gabriel, ne fais pas ça !

– et le métal fragile se brisa aisément. Il jeta le crucifix et sa chaîne cassée au loin, et immédiatement, la température baissa drastiquement, au point qu'il pouvait voir sa respiration glacée.

Bienvenu chez vous, mon prince.

Gabriel s'immobilisa en plein pas, un pied au-dessus de la porte grêlée et érodée au sol.

Nous vous attendions.

« Non… » Souffla Gabriel alors que des voix, des centaines de voix, gémissantes, pleurantes, criantes, l'appelaient, emplissaient l'air froid autour de lui. Il se retourna pour partir…

… et fut violemment repoussé dans les air, alors que le sol détruit et éparpillé sous ses pieds semblaient en éruption.

Tu ne partiras plus jamais !

Quelque chose enserra fermement sa taille et l'entraîna par terre, mais au lieu d'atterrir au milieu de pierres brisés et de verres cassés qui recouvraient le sol, il finit dans une mare qui grandissait rapidement, de liquide rouge poisseux qu'il reconnut rapidement.

« Lâchez-moi ! »

Des cordes, faites de sang comme celles qui l'avaient attachés des années auparavant, jaillirent de la mare de sang et se saisirent de ses poignets et de ses chevilles.

Tu m'appartiens !

« Non ! » Les cordes se resserrèrent tandis qu'il se débattait, et il se rendit compte qu'il coulait dans la mare de sang. Elle ne pouvait pas être aussi profonde ! N'y avait-il pas une pile de gravats là, il y a quelques secondes ? Il n'aurait pas dû s'assoiffer sur le chemin ! Il aurait dû prendre le temps de dormir ! Alors, peut-être aurait-il eu la force de se libérer.

Nous ne te laisserons jamais !

Gabriel hurla en sentant quelque chose l'envelopper, comme une lourde couverture, étouffante et suffocante, et sa première réaction fut d'essayer de la repousser d'un coup de pied mais les cordes enroulées autour de ses chevilles se resserrèrent.

« Allez-vous en ! Laissez-moi ! »

Nous avons besoin de toi ici !

Il sentit un grondement sourd tout autour de lui, et glapit alors qu'il sentait son pouvoir, le pouvoir qu'il avait hérité de Laura, le pouvoir qu'il avait pris à l'Oublié, être aspiré. Son corps le brûla et il arqua le dos, le feu lui tirant des hurlements de douleur. Les décombres tremblèrent, et malgré la douleur qui rendait sa vue floue, il vit les murs se reformer. On aurait dit qu'il voyait l'effondrement en inversé. Des pierres brisées s'élevaient du sol et s'installaient les unes sur les autres, alors que des bris de verres s'envolaient vers les ouvertures des fenêtres et recréaient les vitres.

« Je vous prie, cessez ! »

Nul ne t'enlèveras plus jamais à nous.

Tu es chez toi désormais.

Nous sommes ta famille.

Les restes du toit s'élevèrent du sol et se réinstallèrent à leur place, et un bref instant il cru entendre des cris de terreur du village. Il hurla alors que le drain de son pouvoir augmenta, le privant de ses forces, et sa vision perdit toutes couleurs alors que le sang autour de lui montait. Ses épaules étaient immergées, et son visage était encerclé, et les cordes se serraient encore et encore et l'entraînaient vers le fond à nouveau. Il ne pouvait pas sentir le sol sous lui – avait-il disparu ? Il tira et se tordit, mais les cordes étaient tellement serrées qu'il crut que ses os allaient se briser sous la pression. Alors que le sang recouvrait son visage, il parvint à lever un bras, il n'était pas sûr pour quoi faire, et ses hurlements s'étranglèrent alors qu'il disparaissait sous le liquide.


Edeline se pressait dans un coin de la cellule, près de la porte. Son estomac grondait perpétuellement, et sa seule source d'eau venait de la condensation des murs. Depuis combien de temps était-elle ici ? Quelques heures ? Quelques jours ? Elle n'avait aucun moyen de le savoir dans ces ténèbres. Quelqu'un allait descendre éventuellement, n'est-ce pas ? Ils avaient parlé de brûler de corps de Wolfram, alors tôt ou tard, quelqu'un allait descendre le récupérer et la trouver.

Du moins elle l'espérait. Elle connaissant assez bien son beau-frère pour savoir qu'il n'hésiterait pas à la laisser mourir ici sans leur accorder ni à l'un ni à l'autre des obsèques descentes. Adelar pourrait peut-être protester, mais n'agirait pas tant que son père lui soufflerait dans le dos.

Le bruit d'un mouvement brisa son train de pensées inquiètes, et elle releva la tête pour fixer les ténèbres devant elle alors qu'un léger grognement surgit de l'autre côté de la cellule. Son cœur tressaillit et elle s'assit. Pouvait-il… ?

« Wolfram ? » Appela-t-elle. « Wolfram, est-ce que c'est toi ? »

Il avait l'impression de se noyer. Il n'arrivait pas à respirer, et son corps était si lourd. Que s'était-il passé ? Il n'arrivait pas à s'en souvenir… Quelque chose à propos d'un verre de vin ? Sa bouche l'élança, et son corps brûlait comme s'il se tenait dans des flammes. Que lui arrivait-il ?

« Wolfram ? » Une voix, familière. « Wolfram, est-ce que c'est toi ? »

Wolfram était lui, il réalisa, et la voix… Edeline. Edeline, sa femme depuis 39 ans. Son corps se réveilla alors, et il sentit le sol dur et froid sur lequel il était allongé, et il huma de l'eau. Il pouvait aussi humer du sang et entendre de nombreux sons battants. Des cœurs, il réalisa. Étrange, était-ce ce que Gabriel entendait ?

Gabriel.

Gabriel ?

Gabriel !

Wolfram s'assit, le souffle coupé, et ouvrit brutalement les yeux. Il cilla et fixa la pièce où il se trouvait. Une cellule du donjon, il comprit rapidement, et ses murs, son plafond et son sol étaient parfaitement visibles, dans diverses teintes de gris. Il pouvait même voir l'humidité brillante sur les murs de pierres grossières. En face de lui, à l'autre bout de la cellule près de la porte, était Edeline, le fixant alors que son cœur tressaillait et accélérait. Son nez se fronça quand il sentit son odeur, ainsi que l'odeur d'eau et de moisissures. Il leva un main pour repousser ses cheveux de son visage, mais s'immobilisa en la voyant. Il la tint devant son visage et observa les longues griffes blanches au bout de ses doigts, et une inspection rapide de son autre main montra la même chose. Il s'humidifia les lèvres, les implications commençant à faire leur chemin dans ses pensées, et il sentit quelque chose de métallique sur sa langue. Il s'essuya les lèvres et ses doigts frôlèrent un substance séchée et collante qu'il identifia rapidement.

« Du sang. » Il murmura, et sursauta en regardant autour de lui dans le petit espace, où sa propre voix lui sembla si bruyante.

« Wolfram ? »

Il se tourna vers elle, et son cœur tressaillit. « Edeline ? » Il demanda, et encore grimaça au son de sa propre voix.

« Wolfram ! » Elle se mit à quatre pattes pour ramper vers lui, et ses yeux passèrent immédiatement de son visage à son cou, où il vit l'artère large. Elle battait en même temps que son cœur, et ses dents se mirent à lui faire mal, comme si le feu dans son corps avait grandi. Il arracha son regard d'elle, tournant la tête.

« Wolfram, qu'est-ce qui ne va pas ? »

Il se pressa contre le mur derrière lui. « Reste loin de moi, Edeline. »

« Pourquoi ? »

« Que s'est-il passé – » il déglutit difficilement et fixa le mur, combattant le besoin grandissant de mordre et de boire. « Que s'est-il passé après que je me sois effondré ? »

« Que veux-tu – »

« Que s'est-il passé ! »

Elle resta silencieuse quelques secondes, et il l'entendit déglutir. Il ne devrait pas pouvoir l'entendre ! Pensa-t-il. Il ne devrait pas pouvoir la sentir à plusieurs mètres !

« Gabriel est arrivé. » Elle finit par dire, et Wolfram se força à rester face au mur sans la regarder. S'il le faisait, il chercherait l'artère encore, et il ne savait pas s'il pourrait s'en empêcher.

« Et ? » Il la poussa à continuer, son propre cœur résonnant dans ses oreilles, lent, apathique, lourd.

« Il t'a supplié de ne pas le laisser et… » Elle marqua une pause et prit une profonde inspiration. Il frissonna quand il sentit son expiration sur son visage. Cela ne devrait pas arriver ! « Il t'a donné son sang. »

Wolfram secoua la tête et frissonna. « Tu sais alors, ce que je suis devenu. »

« Oui. » Sa réponse était si basse qu'il doutait qu'une ouïe humaine l'aurait entendu. « Je sais. »

Wolfram baissa la tête vers ses mains griffues et les ferma en poings serrés. L'odeur du sang de sa femme rendait ses dents douloureuses, et le feu dans son corps gagnait en intensité. Il agrippa ses avant-bras, ferma les yeux et pencha la tête. Quelques mètres plus loin, il entendit Edeline se rapprocher de lui à nouveau.

« Wolfram ? Qu'est-ce qui ne va pas ? »

« Reste loin ! » Il haleta, saisi du besoin de la mordre et de la vider. « Éloigne-toi de moi ! »

« Wolfram – »

« Tu mourras si tu t'approches de moi, alors reste loin ! »

Elle battit en retraite dans le coin où elle se trouvait à son réveil, mais son soulagement fut de courte durée. Doux Jésus, pas étonnant que Gabriel ait tué ces bandits des années plus tôt, s'il se sentait ainsi tout le temps ! Wolfram avait l'impression que ses veines charriaient du feu liquide, et sa respiration était hachée alors qu'il se battait pour rester contre le mur et loin de sa femme. Il avait si soif… soif… soif !

Seigneur, il fallait qu'il boive !

Il bondit sur ses pieds et se précipita sur la porte. Il fallait qu'il sorte ! Il fallait qu'il trouve du sang !

« Wolfram ! »

Il voulut se jeter sur la porte assez brutalement pour la briser, mais son plan fut réduit en miettes la seconde où il toucha la porte. Une lumière blanche douloureuse à regarder envahit la cellule et le couloir de l'autre côté de la porte, et Wolfram hurla en volant durement contre le mur opposé à la porte. Il s'effondra sans forces sur le sol, ses mains et ses bras fumant légèrement. Il leva ses mains tremblantes pour les fixer, cherchant de l'air, et vit que les brûlures dont il souffrait étaient déjà en train de disparaître. Il les laissa retomber, ferma les yeux et le feu de ses veines augmenta. Combien de temps… combien de temps pourrait-il y résister ? Combien de temps avant que sa femme ne meure sous ses canines ? Il rampa dans un coin et se recroquevilla sur le sol, opposé à la porte. Son corps tout entier tremblait alors qu'il se battait contre la part de lui qui exigeait le sang coulant dans les veines de sa femme. Il la combattrait, aussi longtemps qu'il pourrait.


Liam observa la lune monter dans le ciel à travers la fenêtre de sa chambre, et soupira quand la lumière d'argent envahit la pièce. Il devrait aller au lit et essayer de dormir, mais un regard rapide vers la literie lui promit qu'il ne se reposerait pas de sitôt.

Trevor Belmont était allongé là, toujours agrippé à la tunique de son père, s'étant endormi en pleurant les trois dernières nuits. Il aurait du mettre le garçon dans la crèche, mais il n'avait pas réussi à s'y résoudre. Gabriel lui avait demandé de prendre soin de l'enfant comme s'il était le sien, et il avait certainement besoin de plus qu'une nourrice après avoir été abandonné par son père.

Liam soupira : il avait réussi à soutirer quelques détails au garçon en pleurs, comme le fait que Wolfram Cronqvist était mort lors du cinquième anniversaire de son petit-fils, et que Cordrin Cronqvist avait blâmé Gabriel. En dépit de sa force et de ses qualités de combattant, Gabriel avait toujours eu un esprit fragile, ayant besoin de soutien pour rester fort lorsque tout allait mal. Seul l'espoir de récupérer Marie l'avait soutenu lors que sa quête pour anéantir les Seigneurs de l'Ombre. Liam était l'un des seul qui savait parfaitement ce que Cecil et William avait prévu pour lui ensuite, le laissant seul dans le Château Bernhard pour qu'il devienne fou, et se transforme en l'arme nécessaire pour détruire définitivement Lucifer. La pensée de ce qui aurait pu advenir de l'enfant qu'il avait aimé que le sien le rendait malade, et il avait été si heureux, si soulagé de savoir que Gabriel avait à nouveau l'amour et le soutien dont il avait besoin pour continuer à avancer.

Liam soupira encore et s'appuya contre la fenêtre, observant le paysage sans vraiment le voir. Grandir persuadé qu'on avait pas voulu de lui, être forcé d'assassiner sa propre femme, être envoyé pour une mission suicide, perdre le père qu'il venait à peine de retrouver, et être ensuite accusé de l'avoir tué… Non, Liam n'était pas surpris que Gabriel ait fui en laissant Trevor derrière lui. Combien de temps encore ce fragile esprit allait pouvoir tenir avant d'être brisé au-delà de toute rédemption ? Le besoin de le suivre, d'essayer de l'apaiser et de le ramener était si puissant qu'il devenait douloureux, mais Liam admettait qu'il n'en était plus capable. Il avait presque 75 ans, trop vieux pour arpenter les routes à la recherche d'un vampire plus rapide que n'importe quel cheval. Il n'avait pas la moindre idée de la direction qu'avait prise Gabriel, pas la moindre idée de sa destination finale, s'il en avait eu une. Gabriel pouvait tout aussi bien courir le reste de son existence. L'idée du garçon passant des siècles en fuite, sans jamais trouver une maison, dans une tentative vaine de fuir une culpabilité mal placée, força Liam à fermer les yeux, le cœur serré.

Et il devait aussi penser à Trevor. La route n'était pas un endroit pour un jeune garçon, et Gabriel lui avait demandé d'élever l'enfant comme le sien, ce qu'il avait la ferme intention de faire. Il allait donner à Trevor son nom, dès qu'il se sentirait mieux et se serait un peu calmé. La troisième requête de Gabriel, que Trevor l'oublie, Liam avait de la difficulté à la respecter. Tous les enfants méritaient de connaître sa famille, même si cette dernière l'avait abandonné. De plus, Trevor était le parfait mélange de ses parents, et il doutait que personne ne le remarquerait. Il était facile de voir qu'il était le même garçon que Wolfram Cronqvist avait récupéré dans ce même bâtiment trois ans plus tôt.

Lima se souvenait toujours aussi bien du jour où son père l'avait laissé, comme il se souvenait des nuits suivantes. S'endormir en pleurant dans la crèche, alors qu'on attendait de lui qu'il reste impassible pendant la journée avait été difficile pour lui, et il n'avait pas l'intention de forcer Trevor à faire de même. Il ne pouvait pas s'empêcher de remarquer que Trevor avait le même âge que lui lorsqu'il était devenu un autre enfant non voulu de la Confrérie. Un autre enfant abandonné en pleurs dans son sommeil, qui se demandait pourquoi son père ne voulait plus de lui.

Est-ce que Trevor connaissait sa mère ? Est-ce que Gabriel lui avait parlé d'elle ? Est-ce que le garçon savait que sa mère l'avait aussi abandonné, laissé Cecil et William le prendre sans s'y opposer ? Oh, Liam savait ce que le miroir leur avait montré, mais il avait toujours considéré les prophéties et les prophètes suspects au mieux, surtout quand il savait que quelqu'un avait essayé de la forcer à se réaliser d'une certaine manière. Peut-être que Trevor serait mort avec sa mère à l'époque, ou alors sa présence aurait empêché ses parents de rencontré le Seigneur de l'Ombre. Peut-être que Gabriel serait devenu fou à Château Bernhard, ou peut-être que savoir qu'il avait un fils qui l'attendait l'aurait convaincu de rentrer à la maison.

Un reniflement venant du lit le fit se redresser et se tourner vers Trevor, assis et regardant autour de lui, le visage pâle et couvert de larmes.

« Papa ? » Appela Trevor d'une petite voix, mais il n'y avait aucun espoir dans sa voix. Il savait qu'il ne recevrait aucune réponse. Liam ne dit rien. Il s'avança et s'installa à côté de lui à la place, et Trevor n'hésita qu'un moment avant de grimper sur ses genoux. Il referma les bras autour de l'enfant en pleurs et le berça en essayant de ne pas penser à Gabriel. Trevor avait besoin de lui à présent.


Un cœur qui s'approchait.

Des pas.

Wolfram releva la tête et écouta avec attention, réalisant rapidement que quelqu'un descendait les escaliers depuis la maison. De la lumière dans la cellule, et il eut un bref aperçut des fissures des murs, de l'humidité du sol, et du vert passé des yeux d'Edeline avant que la lumière ne baisse, suivie par le bruit d'une porte qui se ferme. Elle ne disparut pas entièrement, et la lumière qui subsistait vacillait – la flamme d'une bougie – et il sentait l'odeur de mèche brûlée alors que la lumière, et celui qui la porte, s'approchait.

« Oncle Wolfram ? »

Wolfram s'assit avec surprise. « Caleb ? »

Un visage apparut derrière la petite fenêtre à barreaux, et Wolfram s'affaissa de soulagement un moment avant de se relever sur ses jambes tremblantes et d'avancer. Edeline en fit de même, et il dut serrer les dents en s'approchant d'elle.

« Caleb. » Edeline souffla, et elle tendit la main à travers les barreaux. Caleb lui serra la main. « Peux-tu nous faire sortir d'ici ? Ton oncle n'a pas pu toucher la porte. »

« Oui. » Il la lâcha et tendit un petit morceau de pain à travers la fenêtre. « Tiens, mange ceci pendant que j'ouvre la porte. Quelqu'un a accroché une énorme croix en travers de la poignée de porte de ce côté, et je pense qu'elle a été arrosé d'eau bénite également.

Edeline prit une bouchée et marqua une pause. « Mais Gabriel pouvait toucher ce genre de chose. Pourquoi pas ton oncle ? »

« Je ne suis pas l'Élu de Dieu. » Dit Wolfram en s'obligeant à détourner le regard de sa femme. Il avait besoin de mordre, de déchirer, d'arracher, de se nourrir, et… il secoua la tête et s'éloigna d'elle. Il se détourna de la porte alors que Caleb bataillait avec le verrou, son propre cœur battant dans ses oreilles, étouffant tous les sons autour de lui, comme le glas décomptant le temps qu'il pourrait encore se retenir…

Edeline poussa un cri perçant, et Wolfram se retourna brusquement pour voir un visage qu'il en venait à haïr derrière son neveu. Le son du métal contre de la chair, et la tête de Caleb bascula contre celle de son père, les yeux et la bouche bée.

« Cordrin ! » rugit Wolfram en s'approchant de la porte, et il dut se forcer à ne pas la toucher.

« J'aurais du t'arracher au ventre de ta mère l'instant même où elle m'a annoncé sa grossesse, gamin. » Siffla Cordrin à l'oreille de son fils, alors que le corps de Caleb trembla et s'affaissa contre lui. « Retourne à l'intérieur. »

« Caleb ! » Appela Edeline en essayant de l'atteindre à travers les barreaux.

Cordrin tira Caleb loin de la porte. « Remet ta main à l'intérieur, salope, avant que je ne la coupe ! Recule ! Loin de la porte ! »

« Recule, Edeline. » Dit Wolfram difficilement. Il pouvait sentir le sang frais, l'odeur amère de ce qui devait être la peur, et… Dieu, il avait tellement soif ! Il avait besoin de ce sang ! Il se sentit trembler alors que l'on tirait le verrou et que la porte s'ouvrait. Il s'avança encore, mais une croix lui fut mise sous le nez et le força et siffler et reculer, sa simple vue lui donnant l'impression de le brûler.

« Wolfram ! » Souffla Edeline à sa gauche, mais il l'ignora alors que Cordrin entrait dans la cellule, tirant Caleb qui trébuchait et levant une croix devant lui. Wolfram grogna et recula jusqu'à toucher le mur, et Cordrin sourit d'un air narquois en voyant ça. Il poussa Caleb au sol et recula de la cellule, la croix toujours devant lui. Wolfram la fixa jusqu'à ce qu'elle disparut, et il rugit quand son frère le salua moqueusement en refermant la porte, tirant le verrou fermé. Cordrin rit en partant, et Wolfram rugit encore en se précipitant contre la porte, pour simplement le même résultat qu'auparavant.

Il gronda en s'asseyant et se secouant, mais le son d'un cœur qui s'affaiblissait le tira de ses fantaisies de faire de son frère son prochain repas. Il se tourna et vit Edeline agenouillée près de Caleb, qui était immobile sur le côté, au sol. Une dague sortait de son dos, et du sang sortait de la blessure, tâchant ses robes.

Wolfram ignorant le hurlement de sa soif en se glissant au sol près de son neveu.

« Caleb ? »

« Mon oncle ? C'est… la blessure est fatale, n'est-ce pas ? »

« J'en ai peur. » Il passa doucement la main dans les cheveux du garçon, et sentit son cœur battre à travers son crâne lors qu'il accélérait, vaine tentative de compenser la perte de sang.

« Tout va bien alors. »

« Caleb ? »

Caleb leva les yeux vers lui. « Le destin de Gabriel a changé, mais un sacrifice était nécessaire pour le conserver sur le bon chemin. Il m'a été demandé peu de temps après que vous l'ayez ramené à la maison si j'étais près à être ce sacrifice, et j'ai accepté. »

Wolfram prit son neveu tremblant dans ses bras, le berçant comme un enfant. « Pourquoi toi ? Pourquoi pas quelqu'un d'autre ? »

« Parce que ma mort lui occasionnera le moins de souffrance, et empêchera une mort qui l'anéantirait. » Caleb le fixait. « Tu as très soif, pas vrai ? »

« Non, Caleb, je ne te ferai pas ça ! »

« Tu le dois. » Un violent frisson parcourut le garçon. « Si je meurs ici sans que tu te nourrisses, tu vas mordre et tuer ta femme dans quelques heures, incapable d'y résister plus longtemps. Le destin changera à nouveau, et ce ne sera pas un bon changement. Je t'en prie, mon oncle, tu le dois. »

« Comment le sais-tu ! »

Caleb réussit à sourire faiblement. « Je peux entendre Sa voix et les voix de Ses anges quand il le faut. « Gabriel a besoin de vous deux : il peut très bien vivre sans moi. »

Caleb se tut et ferma les yeux, et Wolfram le fixa sans trop savoir quoi croire. Il entendait la respiration rapide d'Edeline et son cœur aussi rapide juste à côté, et il déglutit alors que sa soif lui hurlait de la satisfaire. Il y avait du sang frais juste là, dans ses bras ! Prend-le ! Il se mordit les lèvres et releva les yeux vers Edeline. Des larmes glissaient sur ses joues, il pouvait tracer chaque veine et chaque artère sous sa peau.

Il baissa les yeux vers Caleb. « En es tu certain ? »

Caleb ne répondit pas, se contentant de hocher la tête. Wolfram ferma les yeux alors que son propre cœur résonnait comme le tonnerre dans ses oreilles. Il les rouvrit pour voir l'artère large dans le cou du garçon, battant en même temps que son cœur. Il se laissa aller, et avant d'avoir pu y réfléchir, il dénuda ses canines, souleva le garçon et le mordit. Caleb se tendit, mais n'émit pas le moindre son quand Wolfram commença à boire.