Note de l'auteur : Surprise ! Je sais qu'on est pas mercredi, mais bon, je crois que je ne suis plus trop à ça près. J'ai tendance à m'enfermer avec le rythme de mes publications, et même si la cadence hebdomadaire du mercredi me convenait au début, je ne sais plus trop si c'est ce que je veux faire maintenant, donc, ne vous étonnez pas si de temps en temps il y a des variations de rythme. Mais aucune inquiétude, vous aurez la fin de cette histoire.

Enfin, mon emploi du temps n'est pas tellement le sujet du jour, puisque vous avez le droit à un nouveau chapitre de cette histoire qui s'épaissit pas mal... Ecoutez, je ne vais pas vraiment vous faire le résumé de ce qu'il y a dedans, cette fois ! Vous verrez bien en le lisant.

J'en profite pour remercier encore une fois mes cher.e.s reviewveur/euse.s , et sans plus attendre, je vous souhaite une très bonne lecture.


Chapitre 32 – Convalescence

Deux jours passèrent ainsi. Peu de choses changèrent, mis à part l'état de Milo. Celui-ci, au rythme des injections que lui faisait Camus, passa d'abord plus de temps éveillé, puis graduellement, il commença à pouvoir bouger un peu plus. Il avait moins de difficulté à mouvoir ses bras, même si pour le moment, il avait passé le plus clair de son temps allongé, entre quelques voyages porté par le mage.

Ce jour-là, Milo fut même redressé en position assise par Camus. Il n'arrivait pas à se mettre dans cette posture sans aide, mais il ne menaçait pas de tourner de l'œil en étant plus à la verticale. Et en soi, c'était un net progrès. La vue était tout de même plus agréable lorsqu'il était assis. Il n'en pouvait plus, de devoir mater ce plafond blanc en permanence.

Milo s'était réveillé ce matin-là dans l'étreinte réconfortante de Camus, à son côté. Cela avait été la première fois qu'il s'était éveillé avant lui. Tous les autres jours, il avait trouvé Camus déjà habillé et levé depuis un moment… Mais c'était son visage endormi qui lui avait fait face, cette fois-là. Milo l'avait contemplé un moment, ne croyant pas à sa chance de le voir ainsi. Abandonné au sommeil. A chaque fois qu'il s'éveillait dans le lit de Camus, il avait l'impression un instant que ce qu'il vivait ne pouvait pas être réel. Le matelas était trop confortable pour être vrai, et les draps étaient empreints de son odeur familière… Tout était beaucoup trop beau. Et Camus… S'occupait de lui, pendant la journée, avec une patience légendaire. Il l'aidait à tout faire sans se fatiguer une seule seconde, un air résolu au visage. La veille, Milo avait été suffisamment réveillé pour le voir lui faire une injection pour la première fois. Les autres lui avaient été faites sans qu'il n'en ait été conscient. Et Milo avait effectivement l'impression qu'à chaque fois que Camus lui administrait une dose nutritive, son corps gagnait en énergie. Et son cerveau arrivait à tenir plus longtemps. Il était graduellement plus alerte… Et beaucoup plus en état de se rendre compte que ce n'était pas du tout un rêve, ce qu'il vivait. Que Camus était bien venu l'enlever, et qu'il continuait de lui sauver la vie en s'occupant de lui ainsi.

Le mage s'était illuminé, ce matin-là, en ouvrant les yeux et en découvrant que le chevalier s'était réveillé avant lui, et de lui-même. Il l'avait étreint un instant, avec possessivité. Milo, dans ce contact, avait nettement pu ressentir l'angoisse que Camus nourrissait toujours pour lui. Ainsi que son soulagement immense de le voir aller mieux de jour en jour, même si le rétablissement serait très lent.

Milo, qui pour une fois était plus en forme, n'avait pas eu envie de se rendormir immédiatement, à la grande satisfaction de Camus. Celui-ci lui avait alors proposé de lire un livre pour occuper sa matinée d'alitement. Le mage avait essayé de reprendre tant bien que mal son entraînement avec Hyôga, entre les soins qu'il lui prodiguait, et c'était ce qu'il avait en tête de faire ce matin-là également. Camus avait redressé Milo contre des oreillers pour qu'il se retrouve en position assise, et il lui avait glissé un livre entre les mains.

Pendant que Camus fut à l'extérieur en train d'enseigner son art à Hyôga, Milo tenta tant bien que mal de se concentrer sur les lignes du bouquin qu'on lui avait prêté. Lire était divertissant… Mais cela lui demandait beaucoup d'attention. Seul dans la chambre, il lut laborieusement un chapitre ou deux, entre quelques instants de somnolence. Il s'assoupit régulièrement dans sa position assise. Ce furent des siestes de courte durée, ponctuées par sa lecture. D'habitude, lorsqu'il dormait, il avait davantage l'impression de faire un coma. Cela le changeait. Il était toujours fatigué, il le sentait, mais son corps semblait commencer à lui demander un peu moins de sommeil.

Milo en était à déchiffrer le milieu du chapitre deux lorsque Camus revint dans sa chambre. Il devait être à présent un peu plus de midi. Milo leva le regard vers le mage, qui s'avançait dans la pièce avec un plateau à la main.

Le chevalier le regarda arriver vers lui d'un air absent. Il y avait une assiette remplie de nourriture, sur ce plateau, se rendit-il compte avec un brin de stupeur. Soit Camus avait décidé de manger dans sa chambre, soit… Soit c'était pour lui, en conclut immédiatement Milo.

Camus ne dit rien en arrivant face à lui, et il s'assit sur le rebord du matelas en silence. Ce faisant, il déposa le plateau sur les jambes de Milo. Celui-ci le regarda faire sans rien dire.

« C'est pour moi, c'est ça ? S'enquit le chevalier, qui de ce fait brisa le silence étrangement solennel entre eux.

- Oui, confirma gravement son interlocuteur. Je crois qu'il est temps. Tu commences à reprendre des forces… Et il me semble qu'il va falloir te réhabituer à avaler quelque chose, maintenant. »

Milo regarda l'assiette qui était devant lui avec inquiétude, tout à coup. Il devait… Recommencer à s'alimenter ? Comme ça, d'un seul coup ? Il n'en serait pas capable, il le savait.

« Camus, je ne sais pas si je pourrai manger quoi que ce soit, lui avoua-t-il craintivement. J'ai pas faim.

- Il faut que tu essayes, Milo, c'est important, répondit doucement Camus. Je ne te demanderai pas de tout manger, bien sûr. Simplement… Il faut au moins tenter… Faire un premier essai. »

Le mage regarda le chevalier avec sollicitude. Il ressentait son angoisse. Et il comprenait parfaitement que Milo ressente de l'appréhension. Elle était palpable. Mais il fallait faire le premier pas. Sinon, le chevalier ne le ferait jamais. Il fallait qu'il puisse vaincre ses craintes… Et ce n'était qu'en s'y mettant que cela serait possible.

Milo ne répondit rien. Maintenant qu'il faisait vraiment face à ça… Il n'était plus trop sûr de vouloir essayer. Il n'avait pas faim… Et rien que la perspective de manger le nouait. N'y avait-il pas moyen de faire ça plus tard ? Il ne s'était absolument pas préparé mentalement à l'idée de remanger quelque chose. Tout ceci était brutal, pour lui.

« C'est le seul moyen pour que tu ailles mieux, continua Camus sur un ton rassurant. C'est ce que tu veux aussi, n'est-ce pas ?

- Oui, confirma le chevalier d'une voix hésitante.

- Dans ce cas-là, essaye au moins d'avaler une bouchée de ce que tu veux, lui indiqua le mage. Fais-le pour moi. S'il te plaît. »

Milo acquiesça à contrecœur. Puisqu'il le fallait… Il allait tenter. Mais c'était bien pour Camus. Il se forcerait pour lui. Un peu de courage, s'admonesta-t-il.

« Tu veux que je t'aide ou tu vas le faire toi ? L'interrogea Camus en l'observant.

- Je vais le faire moi, lui annonça résolument le chevalier. Je préfère… »

Milo voulait garder au moins ce contrôle-là. De prendre la quantité de nourriture qu'il voulait dans l'assiette face à lui, et de la porter à sa bouche à son rythme. Si on le lui imposait… Il risquait de ne pas le supporter. Ce serait sans doute plus traumatisant qu'autre chose.

Camus acquiesça face à la demande, et garda le silence. Il attendit simplement que Milo ne se résolve à attraper quoi que ce soit dans son assiette.

Ce qu'il fit, au bout d'un temps d'hésitation. Sa main appréhensive se saisit d'un couvert, et alla attraper un peu de nourriture sur le plateau. Camus le regarda porter lentement ce qu'il y avait pris à sa bouche. Milo essaya de faire fi de la tension qu'il y avait à la fois dans la pièce et dans son propre corps, à l'idée ce qu'il allait faire. Cela l'impressionnait, tout à coup. Mettre fin à tout ça… Toutes ces résolutions de ne rien avaler… Tout ce travail qu'il avait entamé pour se laisser mourir… Il faudrait balayer tout ça, considérer… Que c'était une sorte d'erreur. Prendre la responsabilité de changer d'avis… De vivre. Oui. Quand il ferait passer de la nourriture entre ses lèvres, il prendrait la responsabilité de vouloir recommencer à vivre. Et cela lui faisait peur. Parce qu'il y avait une marge entre ce qu'il voulait, et… Ses actes. Même s'il savait, et même s'il avait dit à Camus que c'était son souhait… De vivre… D'aller mieux… Il avait l'impression de revenir de loin. De fait, c'était le cas.

Milo essaya de se sortir de ces réflexions compliquées. Il finit par mettre en bouche les légumes qu'il avait attrapés, d'un geste impulsif. Il fallait qu'il cesse de penser, sinon, il n'y arriverait jamais. Il ne pourrait pas avaler. Le peu de nourriture qu'il avait pris tomba dans sa bouche. Cela faisait si longtemps, pensa-t-il en sentant leur goût sur sa langue. Il n'avait connu que de l'eau, pendant les quelques dernières semaines. Il se força à mâcher, malgré son angoisse. Tout lui sembla… Mécanique. Peu naturel. Mais finalement, il avala péniblement. La nourriture se glissa douloureusement dans sa gorge, jusqu'à son estomac vide. La sensation fut… Vraiment difficile à encaisser. Milo n'arrivait pas à comprendre si c'était une victoire, une défaite… S'il regrettait de l'avoir fait… Il n'était plus trop sûr de ce que cela voulait dire. Il avait l'impression d'être horriblement conscient de ce qu'il avait avalé, et qui avait fait intrusion dans son estomac. C'était terrible. Il se sentait mal. Mais il faudrait continuer à manger, il faudrait vivre…

Camus, en voyant les yeux bleu ciel de Milo s'embuer, après avoir avalé quelque chose pour la première fois depuis autant de temps, décida d'attraper sa main libre, pour la serrer doucement dans la sienne. La détresse de Milo était extrêmement visible, et cela lui faisait un peu peur, à lui aussi.

« Comment tu te sens ? L'interrogea-t-il timidement.

- Je ne sais pas », lui avoua la voix tremblante de Milo.

Camus choisit de ne faire aucun commentaire. Ce n'était pas le moment. Et la dernière chose à faire était de dire quelque chose de maladroit.

Le chevalier choisit d'aller chercher une nouvelle dose de nourriture à avaler.

Le mage le laissa faire tranquillement. Il essaya de ne pas le fixer pour éviter de le mettre mal à l'aise, mais il fut très attentif. La deuxième bouchée sembla passer un peu mieux que la première, même si le chevalier grimaçait ostensiblement devant ce qu'il était obligé de faire. Milo essaya de d'avaler ce qu'il put, pendant les minutes qui suivirent, tremblant. L'exercice avait l'air de le secouer beaucoup. Ses mouvements étaient hésitants, et craintifs. On l'aurait été à moins, se dit Camus en le regardant avaler péniblement une autre cuillérée. Milo était déjà très courageux d'essayer de faire ça lui-même. Sans aide. Alors, pour l'encourager, son pouce faisait une caresse discrète sur sa main pendant qu'il mangeait. Le mage voulait lui faire comprendre qu'il n'avait rien à craindre. Même si l'essai était difficile, cela allait s'améliorer.

Seulement, au bout de quelques autres bouchées, Camus vit Milo pâlir subitement.

« Camus… Ça va pas du tout », murmura-t-il précipitamment.

Le mage, en le voyant poser une main sur son estomac et avoir un haut-le-cœur, eut tout juste le temps de se saisir d'un bol vide pour le mettre devant lui. Il eut bien fait, car à peine lui eut-il donné le récipient que me chevalier commença à rendre douloureusement tout ce qu'il avait avalé. En fait, ce n'était pas grand-chose. Il n'avait pas eu le temps de manger beaucoup… Mais son estomac n'avait pas dû apprécier le changement soudain, se dit Camus en voyant Milo vomir. Il aurait fallu s'y attendre. Le mage retint une grimace désolée en le regardant faire. Le pauvre avait l'air d'avoir des sueurs froides.

Lorsque le chevalier eut craché tout ce qu'il avait à rendre, Camus éloigna instantanément le bol dans lequel il avait vomi, et il alla essuyer ses lèvres avec une serviette qui se trouvait sur le plateau. Il tenta aussi d'éponger la sueur sur le visage en état de choc qui lui faisait face. Le mage n'eut pas le temps d'en faire plus avant que Milo n'éclate violemment en sanglots. Camus s'alarma tout de suite de le voir exprimer une telle détresse. Cela devait faire beaucoup pour lui. Camus ne prit pas le temps de réfléchir. Il attrapa immédiatement Milo entre ses bras et le serra tout contre lui. L'une de ses mains trouva ses cheveux, et commença à les caresser tendrement. Le chevalier, calé contre son torse, tremblait beaucoup. Le mage ne sut dire si c'était la fatigue ou les émotions. Sans doute les deux.

« Je n'y arriverai jamais, Camus, pleura Milo, blotti contre lui.

- Mais si… Ne dis pas ça, Milo, le rassura doucement celui-ci. Ne dis pas ça. C'était très bien, ce que tu as fait… Tu as été très courageux. Ce n'est pas grave, ce qu'il s'est passé. Calme-toi…

- Je crois que tu t'acharnes pour rien… Fit le chevalier d'une voix brisée. Mon estomac est tout cassé, de toute manière, et…

- Chhhhut, souffla Camus dans son oreille. Ne le pense pas une seule seconde. Tu n'as rien mangé depuis longtemps… Ton estomac doit se réhabituer, c'est tout. C'était beaucoup, pour toi, c'est normal. Ce n'est pas un échec, Milo. Vraiment. On réessayera plus tard… Et ça ira peut-être mieux. D'accord ? Il ne faut pas abandonner. »

Milo ne répondit rien. Il se contenta de continuer de pleurer. Camus ne le lâcha pas de son étreinte.

« Pour le moment, je vais simplement te faire une autre piqûre, déclara le mage sur un ton apaisant. Et on réessayera au prochain repas. Je vais faire en sorte de te donner quelque chose de peut-être plus facile à avaler… Et je suis sûr que ça ira. Tout va bien se passer, Milo, crois-moi. Tu vas y arriver. J'en suis certain. »

Camus n'eut aucune réponse. Cela ne faisait rien. Il montrerait à Milo qu'il n'était pas cassé, comme il disait. Parce qu'il ne l'était pas. Il avait même fait l'effort conséquent de se remettre à manger malgré ses craintes et une longue période sans toucher à une seule assiette. Camus continua de caresser ses cheveux sans se fatiguer.

« Ne pleure pas, Milo, continua-t-il dans un murmure. Tu vas guérir, je le sais. Moi, je n'en doute pas. »

En sentant celui-ci se calmer un petit peu, contre lui, Camus se rassura. Il ne voulait pas que Milo se fatigue trop. Vomir et pleurer aussi fort avaient dû lui coûter en énergie.

« C'est bien… Ne pleure plus… Mon amour… » Laissa échapper le mage des glaces.

A ces mots, Camus sentit les bras de Milo trouver faiblement son dos. C'était la première fois que Milo lui rendait vraiment une étreinte, se rendit compte le mage. Avant, il n'avait pas eu la force pour le faire. Touché au-delà du possible, celui-ci enfouit son nez dans son cou.

Ce n'était pas un échec, pensa-t-il fermement. Le courage de Milo n'en était jamais un. La prochaine fois, il réussirait.


L'après-midi passa calmement, une fois que Milo eut reçu une autre injection. Après que cela fut fait, le chevalier entreprit de faire une sieste pour se remettre de ses émotions. Camus le laissa faire, soucieux qu'il se repose, et il retourna s'occuper de son disciple. Ce dernier était d'ailleurs très heureux de voir que son maître ne le négligeait plus autant. Il avait presque ressenti un peu de jalousie à l'égard de Milo en le voyant lui voler le temps qu'il passait normalement avec son maître. Mais il devrait s'y faire. L'arrivée de Milo bousculait les habitudes, dans la maison… Et il fallait accepter le changement. Au moins, se disait Hyôga, son maître remangeait correctement, comme avant, et il avait l'air beaucoup moins malheureux depuis que le chevalier était là. En cela, c'était une nette amélioration.

Lorsque le soir tomba sur la maison, Camus prépara cette fois une soupe pour le repas. Hyôga l'aida gentiment à la préparation. C'était pour lui une bonne excuse pour passer un peu de temps avec Camus. A défaut d'avoir des soirées avec lui… Il avait au moins les repas. Camus mangea d'abord avec son disciple dans leur modeste cuisine, et tous les deux échangèrent quelques paroles sur leur journée et leur entraînement. Le maître des glaces était satisfait du travail de son élève. Hyôga faisait de son mieux pour comprendre ce qu'il voulait lui apprendre, et il s'appliquait vraiment, ce qui était une très bonne chose. Camus trouvait qu'il progressait bien. Cela ajoutait à sa satisfaction et cela palliait son inquiétude concernant la santé de Milo.

Une fois que le repas fut terminé pour le maître et le disciple, Camus attrapa le bol de soupe qu'il avait réservé à Milo, et il souhaita bien vite une bonne nuit à Hyôga. Depuis que Camus veillait sur Milo, celui-ci devait occuper ses soirées seul dans sa chambre. Il prenait son mal en patience. Lorsque le chevalier irait mieux, il pourrait sans doute partager plus de soirées avec son maître, s'encourageait-il.

Camus prit effectivement rapidement le chemin de sa chambre pour aller voir comment se portait Milo. Le mage prit soin de refermer la porte derrière lui pour éviter d'être dérangé, et il s'avança vers le lit. Le chevalier était allongé dedans, et il somnolait, visiblement. Camus posa son bol de soupe sur la table de nuit, et il s'assit sur son matelas, aux côtés de la silhouette étendue du chevalier.

Le mage posa simplement le dos de sa main contre la joue de Milo. Celui-ci ouvrit tout de suite les yeux à son contact.

« Il est quelle heure ? L'interrogea-t-il lorsqu'il reprit ses esprits.

- Dans les vingt heures trente, sans doute, le renseigna paisiblement Camus.

- D'accord. »

La caresse sur sa joue ne cessa pas.

« Je t'ai ramené un bol de soupe, cette fois, lui dit le mage en le regardant sérieusement. J'aimerais que tu réessayes ce que tu as fait à midi.

- Je risque de vomir encore, répliqua immédiatement Milo.

- Je le sais. Et j'ai prévu le coup si tu devais te sentir mal, lui assura Camus. Mais j'ai quelques raisons de croire que ça n'arrivera pas, cette fois. »

Milo acquiesça légèrement.

« Il faut que tu me redresses, lui indiqua-t-il.

- J'allais le faire. Je ne voulais simplement pas te brusquer. »

Transformant son discours en actes, Camus passa ses bras sous les aisselles de Milo pour agripper son dos, et le redresser contre quelques coussins.

« Tu es bien, comme ça ? S'assura Camus. Pas d'inconfort ?

- Ça va, le rassura Milo.

- Tant mieux. »

Camus alla rapidement se saisir de son bol de soupe.

« C'est liquide, cette fois, lui indiqua-t-il. Je pense que ton estomac supportera mieux. Après tout, tu arrives déjà à boire de l'eau. Tu veux bien essayer d'en avaler un peu ? »

Milo acquiesça rapidement. La soupe, étrangement, cela lui faisait moins peur. C'était lisse, moins compact… Et à présent qu'il avait eu le courage de mâcher et d'avaler quelque chose de solide, la dernière fois, ce que lui présentait Camus avait l'air davantage inoffensif.

Celui-ci lui tendit son bol et une cuillère à soupe, que le chevalier attrapa sans les renverser. Il les posa avec attention sur ses genoux.

Le mage ne fit aucun commentaire en voyant les yeux de Milo analyser la nourriture devant lui. Il savait très bien que celui-ci devait se réhabituer à l'idée d'ingérer ce qu'on lui donnait, et ce ne devait vraiment pas être facile. Il l'avait constaté en le voyant essayer d'avaler péniblement le repas de midi.

Milo finit par porter à ses lèvres, et avec davantage de facilité qu'à midi, une cuillère de soupe. Camus le regarda faire sans broncher. Le chevalier mit moins longtemps à aller en chercher une deuxième et l'avaler, les sourcils légèrement froncés. Au bout de la troisième cuillère, il reposa un instant l'objet sur le rebord du bol.

« C'est bon, annonça-t-il en regardant confusément sa soupe. C'est… C'est très bon, même… »

A ces mots, Camus s'illumina. Si Milo lui disait cela… C'était que l'expérience d'avaler quelque chose ne lui était plus trop désagréable. Le chevalier avait lui-même l'air un peu étonné de ce qu'il avait dit. C'était assez normal… Il n'avait plus mangé depuis longtemps, et… Que ce qu'il ingère ait bon goût devait sans doute l'encourager. Camus nota dans un coin de sa tête que Milo aimait la recette. Il lui en referait, puisqu'il trouvait ça bon.

« Tu m'en vois ravi, déclara sincèrement le mage en lui faisant un grand sourire. Comment tu te sens ? On dirait que tu as moins de mal à avaler.

- Oui… C'est… C'est un peu bizarre pour moi, lui avoua Milo. Mais… C'est moins difficile que tout à l'heure.

- Mange ce que tu peux, mais ne te force pas, lui conseilla Camus. De toute manière, j'ai prévu de compléter avec une piqûre.

- D'accord », accepta Milo en reportant son attention sur le bol de soupe.

Milo en prit une autre cuillère, qu'il avala lentement. La chaleur de la soupe dans son estomac était un peu agréable. Il ne se sentait pas noué comme avant. C'était un miracle, pensa-t-il, rassuré de voir qu'il se sentait mieux. Il n'avait pas la sensation d'avoir très faim, lui… Mais il avait l'impression que tout ceci allait faire du bien à son corps.

« C'est toi qui l'as faite… La soupe ? Interrogea-t-il Camus en en reprenant une cuillère.

- Oui. Et Hyôga m'a aidé. Il a coupé les légumes. »

Milo avala de nouveau. Puis il fit un léger sourire.

« Ça a l'air d'être un gentil gamin, ton disciple, commenta-t-il.

- Oui, confirma Camus. Il est serviable. Cela dit, il est parfois horriblement têtu. Depuis qu'il est adolescent, il est un peu plus difficile… Mais dans l'ensemble, oui. Je suis content de sa conduite.

- Tu m'étonnes. Avec un maître comme toi, il ne pourrait pas être mal élevé. »

Camus secoua la tête pour tenter de cacher à la fois sa gêne et son amusement. Milo le regarda faire avec un ravissement non dissimulé. Cela lui avait terriblement manqué, ça… Ce détail. Que Camus ne sache pas où se mettre à la moindre louange.

« T'as eu le temps de te déshabituer à mes compliments, déclara distraitement Milo.

- Je ne m'étais jamais habitué, je croyais te l'avoir dit, répliqua Camus du tac au tac.

- C'est vrai, pardon. Un point pour toi. »

Milo arriva à boire deux autres cuillères de soupe avant que de poser délicatement le couvert dans le bol.

« Camus… Je ne crois pas que je pourrai en avaler plus.

- Ce n'est pas grave, le rassura le mage. Je suis impressionné que tu aies pu en ingérer autant. C'est déjà très bien, Milo. Tu ne te sens pas mal ?

- Non… Je ne crois pas, l'informa-t-il, confus.

- Tu vas rester un petit peu assis, d'accord ? Ce sera mieux, pour que la nourriture reste dans ton estomac. Ensuite, je te rallongerai, et tu pourras te reposer.

- D'accord. »

Sur ces paroles, le maga reprit le bol des mains du chevalier, et il se leva pour le ramener à la cuisine. Lorsqu'il revint dans la chambre, il avait un verre d'eau à la main. Il le tendit directement à Milo en s'approchant de lui.

« Tiens, bois ça pendant que je trouve ce que je dois t'injecter. »

Milo attrapa le verre sans rechigner, pendant que Camus fouillait dans un sac, non loin. Le chevalier le vida lentement, alors que le mage préparait sa seringue. Milo guetta avec appréhension la réaction de son estomac. Mais rien ne se passa. Cela lui faisait bizarre, comme sensation, d'avoir le ventre un peu rempli, mais tant qu'il ne se sentait pas nauséeux, il était satisfait.

Camus le sortit de ses pensées en saisissant gentiment son bras. Milo le regarda lui injecter le produit dans les veines. La sensation était singulière, là aussi, mais le chevalier avait intégré que la potion lui faisait du bien.

Une fois que Camus eut terminé de lui administrer son médicament, il rangea le matériel proprement et méthodiquement. Puis il se retourna pour observer un instant Milo. Celui-ci le regardait aussi, sereinement. Il n'avait pas l'air d'avoir mal ou d'avoir envie de rendre son léger repas. Cela soulageait immensément le mage. Si Milo continuait ainsi, il n'aurait bientôt plus besoin de lui faire les injections nutritives. L'idée que celui-ci puisse recommencer à avoir de l'autonomie le comblait.

« Camus, l'appela Milo depuis son lit.

- Oui ?

- Tu pourrais venir un peu contre moi ? »

Le mage acquiesça en silence. Il enleva son pardessus d'abord, pour être plus à l'aise, et, maintenant en simple chemise, il contourna le lit afin de venir s'assoir à côté de Milo. Il lui prit doucement la main lorsqu'il fut installé.

Le chevalier tourna la tête vers lui, et plongea son regard azur dans le sien.

« Tu ne voudrais pas… Réfléchit-il à voix haute. J'aimerais bien être dans tes bras, et…

- Et ? L'invita Camus en le regardant.

- Et t'es trop loin », compléta Milo.

Camus, de son autre main, remit en place une mèche rebelle derrière l'oreille de Milo.

Sans l'avertir de ce qu'il allait faire, le mage s'approcha davantage du chevalier. Il attrapa avec fermeté ses épaules, et il le souleva des oreillers sur lesquels il reposait. Avec une grâce et une discrétion naturelles, le mage se coula dans le lit et se cala derrière lui. Il écarta les jambes dans son assise pour que Milo puisse tenir à la verticale contre son torse. Ses cuisses se glissèrent sous les couvertures autour du bassin du chevalier. Ainsi installé, il réinclina Milo en arrière pour qu'il puisse prendre appui contre son corps. Ses mains se déposèrent alors tendrement sur le torse de l'alité. Elles y firent une caresse légère, circulaire, apaisante. Milo laissa retomber sa tête en arrière, sur son épaule, savourant le contact. Ses mains allèrent d'elles-mêmes trouver celles de Camus, devant lui.

« Comment tu te sens ? Murmura le mage à son oreille.

- Dans tes bras ? Terriblement bien, le renseigna Milo.

- Tu n'as pas mal nulle part ? S'enquit-il encore.

- Non… Ne t'inquiète pas, le rassura le chevalier. Je crois que… Mon estomac supporte très bien la soupe.

- C'est une très bonne chose, répondit Camus contre lui. Je suis désolé. J'aurais dû y penser avant, de te faire ça à manger. J'ai été stupide de ne pas l'avoir fait plus tôt. »

Milo étreignit légèrement l'une des mains de Camus, sous les siennes.

« Ne dis pas n'importe quoi, Camus, le gronda gentiment Milo. Tu es… Plus que parfait. Tu le sais ? Parfois… Parfois je me réveille, et je me dis que je fais un rêve, tellement tu es doux avec moi. J'arrive pas à y croire… Tu es vraiment un ange, Camus. »

Celui-ci ne répondit rien. Il ne sut trop quoi dire.

« Je ne fais que mon devoir, lâcha-t-il finalement.

- Oh, Camus, arrête deux minutes… Murmura Milo. Je sais que le devoir n'a rien à faire là-dedans… Laisse-moi simplement te remercier pour ce que tu fais. Tu sais… Jamais personne n'a été aussi attentionné avec moi de toute ma vie.

- Je m'en doute, soupira mélancoliquement le mage.

- Alors raison de plus pour te dire merci, insista Milo.

- Ne crois pas que je fais tout ceci par générosité, affirma platement Camus.

- Tu ne le fais pas par générosité ? Releva le chevalier en fronçant les sourcils. Euh… Là, excuse-moi, mais je vais avoir du mal à te croire. »

Camus garda le silence un instant. Il en profita pour prendre une inspiration profonde. L'odeur de Milo contre lui l'enivrait. Lui aussi, parfois… Il avait du mal à y croire… Qu'il avait Milo dans son lit tous les jours. Il avait rêvé de l'y mettre… En d'autres circonstances, certes. Mais il était là, dans ses draps. Il pouvait le toucher, l'enlacer… S'occuper de lui. Le chevalier avait été l'unique personne à envahir son intimité de la sorte… Et depuis qu'il était avec lui, Camus n'avait plus cette impression affreuse d'incomplétude, qu'il avait ressentie pendant les deux mois qu'il avait passés sans lui.

« Non, je ne le fais pas par générosité, appuya calmement Camus. Je suis même, sans doute, un peu égoïste.

- Egoïste ? Répéta Milo, incrédule. T'es sûr que tout va bien, Camus ? C'est du grand délire, ce que tu racontes.

- Non. Ce n'en n'est pas.

- Mais pourquoi tu dis ça, au juste ?

- Parce qu'en faisant toutes ces choses… En te soignant… Ce n'est pas ta vie que je sauve, Milo. Mais la mienne. »

Contre lui, Milo laissa échapper un léger rire. En l'entendant, le cœur de Camus se gonfla d'affection. C'était sans doute la première fois depuis longtemps qu'il entendait Milo rire ainsi. De manière aussi marquée et claire. Ses doigts, qui reposaient sur le torse du chevalier, accentuèrent un peu leur toucher. Il aimait tant son rire… Il aimait tant Milo.

« T'as vraiment des manières tordues de me faire des déclarations d'amour, toi, affirma Milo d'une voix amusée.

- Je viens juste de te dire que j'étais égoïste, le contredit Camus sur un ton uni.

- Oh, oui, t'es mortellement égoïste, Camus, ironisa Milo. Tu t'écoutes, parfois ? Je te jure… Je ne sais même pas si un jour je pourrai seulement cesser d'avoir une dette envers toi.

- Tu ne me dois rien, Milo, prononça Camus dans son oreille.

- Je te dois ma survie, oui, répliqua sérieusement celui-ci.

- Peut-être… Mais je crois que quelque part, je te dois aussi la mienne », compléta Camus.

Il y eut un silence. Milo ferma les yeux. Il était tellement bien, là, entre les bras du mage des glaces. Son corps, contre le sien, était chaud… Et ses mains contre son ventre, si douces. Milo était tellement comblé qu'il eut un instant l'impression qu'il pourrait s'endormir, là, au creux de ses bras.

« T'as une façon de raisonner bien à toi, murmura plus faiblement Milo, les paupières toujours closes.

- Peut-être, admit neutralement Camus. Tu m'aimes comme ça, n'est-ce pas ?

- Je t'aime tout entier… Tu le sais », fit Milo sans rouvrir les yeux.

Le mage, à ces mots, resserra davantage son étreinte sur le corps de Milo. Il ne répondit rien… Mais il était touché, c'était certain.

Un silence confortable se fit entre eux. Les deux hommes restèrent l'un contre l'autre, à savourer leur présence mutuelle. Milo n'avait pas rouvert les yeux. Il se sentait un peu fatigué. Il avait beau aller mieux… Manger lui avait coûté. Et il avait du mal à rester réellement alerte plus d'une bonne demi-heure. Ses journées se ponctuaient de siestes plus légères… Mais il avait très souvent sommeil.

« Camus… Souffla-t-il au bout de quelques minutes. Je crois que… Je m'endors.

- Eh bien, endors-toi, retentit la voix calme de l'intéressé derrière lui. Tu peux, si tu veux. »

Un léger sourire se peignit sur le visage de Milo.

« Je voudrais bien, mais… Il faudrait que j'aille faire un tour à la salle de bain, annonça-t-il.

- Très bien, agréa calmement le mage. Tu veux que je t'y amène maintenant ?

- Oui… Ce serait mieux », confirma-t-il.

Camus manipula alors Milo entre ses bras. Il le fit changer de sens, contre lui, et le mit sur le côté pour avoir accès sous ses genoux. Une fois qu'il eut une prise, il souleva le chevalier du matelas et ils traversèrent la pièce.

« Il faudra que tu me fasses visiter le reste de ta maison, un jour, commenta Milo pendant qu'ils migraient à la salle de bain. Pour l'instant, je n'ai vu qu'un lit, des toilettes et une baignoire.

- On le fera quand tu seras moins fatigué, agréa Camus.

- Tu ne vas pas attendre que je remarche, quand même ? S'enquit Milo.

- On verra, fit évasivement le mage. Ce sera en fonction de comment ton état évolue. »

Quand ils eurent fini leur tour à la salle de bain et fait tout ce qu'ils avaient besoin d'y faire, Camus porta de nouveau Milo jusqu'à son lit. Il allait l'allonger dans les draps quand celui-ci se plaignit.

« Camus, tu ne pourrais pas… Ne pas me rallonger tout de suite ? J'aimais bien, comme on était tout à l'heure.

- Mais tu ne voulais pas dormir ? S'enquit l'intéressé en fronçant ses sourcils fourchus.

- Si, confirma le chevalier. Mais… J'étais tellement bien, contre toi… »

Le mage secoua la tête, un peu amusé. Il ne s'avouait pas non plus qu'il avait aimé avoir Milo contre lui… Mais pour que le sommeil du chevalier soit réparateur, il valait mieux qu'il soit allongé.

« Tu es sûr de toi, Milo ? L'interrogea Camus en redevenant insondable.

- Oui… S'il te plaît… »

Le mage poussa un soupir discret, mais il ne résista pas davantage. Il monta donc sur le lit avec Milo, et il ne mit pas longtemps à le caler une nouvelle fois contre son torse. Celui-ci lâcha un soupir d'aise, et il ferma les yeux.

« Merci… » Souffla-t-il.

Milo n'eut pas de réponse verbale. A la place, les mains de Camus, qui l'étreignaient, firent une caresse légèrement appuyée sur son torse.

« Dis-moi, Milo, se souvint soudain Camus. Le livre que je t'ai prêté, tout à l'heure… Qu'est-ce que tu en as fait ? »

Milo rouvrit les yeux. Il tenta de regarder un peu autour de lui.

« Euh… Je ne sais pas trop… J'ai dû le laisser quelque part dans le lit…

- Comment tu traites mes affaires, Milo, le gronda Camus.

- Désolé… Je suis un peu bordélique… T'as dû t'en apercevoir… S'amenda le chevalier.

- Je sais », marmotta Camus en scannant les couvertures des yeux.

Le mage finit par trouver ce qu'il cherchait sous un tas de draps mal mis.

« C'est bon, trouvé, annonça-t-il en se saisissant de l'objet.

- Tant mieux… »

Milo referma les yeux. Il entendit Camus ouvrir le livre, devant lui. Le mage allait sans doute lire un peu, et le laisser se reposer.

En effet, plus personne ne parla. Milo se laissa bercer par le calme et la sensation de bien-être d'avoir le corps de Camus contre le sien. De temps à autre, il entendit une page se tourner, dans le silence de la pièce. Et, appuyé contre lui, il pouvait sentir la respiration apaisante et profonde de l'être qu'il aimait. Tout ne fut que douceur. Camus était si attentionné avec lui… Et il l'aimait tellement…

Bercé par ces sensations familières et réconfortantes, le sommeil le trouva sans qu'il ne s'en aperçoive.