Attention, roulement de tambour, cymbales et trompette ! C'est l'heure des duels ! Je ne m'attarde pas et vous laisse à ce chapitre en espérant qu'il vous plaira !

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Chapitre 32

Le bruit est assourdissant. Les cris des centaines d'élèves qui remplissent la gigantesque arène se déversent sur le parc et viennent pénétrer avec force mes oreilles bourdonnantes. Seule la main chaude d'Arkwood m'empêche de fuir de nouveau à toutes jambes et ancre mon esprit affolé dans l'instant. Plusieurs fois, je le vois se tourner vers moi, s'attendant sans doute à ce que je lui lance un sort pour m'échapper. Il ne dit cependant rien de tout le trajet que nous effectuons jusqu'au centre du parc quasiment vide.

Une fois à quelques mètres de la tente réservée aux champions de Poudlard, collée au bois de l'arène, nous apercevons Casper marchant droit vers nous. Il a son air sévère des mauvais jours et, une fois à notre hauteur, il remercie Arkwood d'un geste sec de la tête. Ce dernier me lâche finalement et me gratifie d'un regard encourageant, avant de s'éloigner vers l'entrée des spectateurs.

-Mais où est-ce que tu étais passé, bon sang ?! me demande mon ami avec brusquerie, une fois le Poufsouffle disparu.

Ne me voyant pas répondre, il me prend par les épaules et me mène dans la tente où attendent déjà Jasmine, Rabastan et Galaad. Lorsque mon amie m'aperçoit, elle se précipite vers moi et me saute au cou avec un petit cri.

-Ne me refais plus jamais ça ! s'exclame-t-elle immédiatement en me secouant comme une forcenée. Tu veux que j'ai une attaque cardiaque ? C'est ça ?!

Je vois nos amis Serpentards s'approcher, mais Jasmine continue.

-Et où est-ce que tu t'étais planquée, hein ?! J'ai fouillé tout le château et j'étais prête à aller annoncer ta disqualification par forfait à Dumbledore !

Je déglutis devant la remontrance et lui glisse un "désolée" penaud qui lui tire une moue agacée.

-Désolée ?! Oui, tu peux être désolée de m'avoir fait perdre des cheveux par centaines et courir comme une idiote à travers tout le domaine !

Casper vient vite poser une main sur son épaule pour lui intimer de se calmer et elle accepte de cesser de me secouer. Rabastan s'adresse ensuite à moi en parlant par-dessus le chahut des spectateurs qui passe la porte que je vois plus loin.

-J'ai bien cru que tu ne viendrais jamais, me dit-il d'une voix dure. Peut-on savoir ce qu'il s'est passé ?

Mes joues se colorent instantanément et je jette un regard à Casper qui lève les yeux au ciel avec humeur.

-Il va être l'heure, s'exclame-t-il alors d'une voix forte pour couper court à toute discussion. Il vaut mieux aller se placer.

Rabastan acquiesce sans me quitter des yeux et rejoint vite Galaad qui a déjà ouvert la porte menant à l'arène. Ce dernier semble soucieux, mais je ne peux pas me moquer car je le suis cent fois plus, même si j'essaye de faire un minimum illusion. Sans Arkwood, jamais je ne serais pointée ici, ça c'est clair !

Repenser à lui me tire un sourire niais et me donne l'impression que je vais m'envoler. J'aimerais tellement pouvoir être seule avec Jasmine, me couler à nouveau sous ses draps et parler de cet homme qui fait battre mon cœur bien trop fort pour que ça soit décent. Elle évoquerait Rabastan à son tour et on rigolerait comme des idiotes pendant toute la nuit, sans s'inquiéter du lendemain. Ou d'une stupide compétition.

Devant-moi, Casper me fait signe de les suivre et je me laisse entraîner dans les coulisses en inspirant longuement.

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Vue de l'intérieur, l'arène est encore plus impressionnante que son extérieur pourtant colossal. Des tentures colorées partent du centre du plafond pour habiller le bois et des centaines de fanions s'agitent sur des hauts mâts. Une très longue tribune court sur toute la circonférence de la titanesque pièce et elle est remplie à ras bord d'élèves hystériques brandissant de nombreuses banderoles animées.

Au moment où nous montons les marches menant à la gigantesque estrade disposée au centre, une vague sonore nous percute de plein fouet et je tangue sous sa force. Tout autour de nous, les cris et applaudissements font vibrer la structure de bois et résonnent dans ma poitrine en se superposant aux battements de mon cœur.

Les six concurrents que nous sommes, accompagnés de leur second, viennent rapidement se positionner en ligne face à une deuxième tribune plus richement décorée. Dans celle-ci, de larges fauteuils confortables ont été installés et les trois Directeurs trônent fièrement en son centre. Autour d'eux, sont assis nos professeurs ainsi que quelques parents.

Avec une grimace que j'essaye de faire passer pour un sourire, je m'incline en même temps que les autres élèves et aperçois mon père assis un peu plus loin sur la droite. Il tire sa trogne qu'il a chaque fois que je fais une connerie et ma mère a les lèvres pincées. Sans doute parce que mes cheveux sont un peu en bataille et que mon pull n'est pas impeccablement repassé. À croire qu'un grand Poufsouffle est passé par là...

-Bienvenue à vous tous, commence Dumbledore en se levant de son fauteuil et en pointant sa baguette sur sa gorge. Aujourd'hui, nous accueillons la soixante-douzième compétition inter-écoles de duel et sommes ravis de voir concourir les meilleurs élèves de leur génération.

Il est suivi d'une salve d'applaudissements plus tonitruante encore et doit agiter la main pour demander un peu de calme.

-Cette compétition est là pour entretenir les traditions de nos prédécesseurs et encourager l'entente entre les écoles de magie. C'est pourquoi, je remercie chacun de nos concurrents de faire preuve de fair-play et d'honorer ses couleurs. Le moindre écart de conduite sera bien évidemment sévèrement sanctionné.

Il se tourne ensuite vers deux professeurs montés à notre suite sur l'estrade.

-Pour ces quatre jours de compétition, l'arbitrage sera réalisé par les professeurs Mc Gonagall et Binine qui seront seules habilitées au poste. Leurs remplaçantes sont le professeur Chourave, ici présent, ainsi que le professeur Harvey.

Je vois les deux femmes assises près du Directeur faire un bref signe de tête, comme tout salut, puis ce dernier reprend.

-Aujourd'hui verra se dérouler trois matchs, comme indiqué ci-contre.

Il agite sa baguette et un immense tableau noir apparaît au-dessus de la tribune des professeurs. Des inscriptions ne tardent pas à s'étendre sur la surface lisse et nous pouvons alors observer le nom des concurrents du jour.

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Jour 1 - Matchs sélectifs (début)

-M. Hans Van Der Stegen / M. Sébastien Morel

-M. Rabastan Rowle / Mlle Eléonore Picard

-M. Sébastien Morel / Mlle Alya TIO

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Comme de juste, je suis dernière. J'aimerais me dire que ça va me permettre d'appréhender la chose, mais je sais pertinemment que je vais simplement stresser cent fois plus. En jetant un œil à Rabastan, je le vois hocher très légèrement de la tête et me renvoyer mon regard.

-Bien ! s'exclame à nouveau Dumbledore en couvrant le chahut ambiant. Que les champions aillent se mettre en place, je déclare la compétition ouverte !

Un tonnerre d'applaudissements lui répond et je suis docilement Casper lorsqu'il me mène jusqu'à un escalier montant jusqu'aux tribunes. Du côté des élèves de ma maison, un petit coin m'a en effet été arrangé et celui-ci comprend plusieurs chaises confortables, séparées du reste des supporters par des petites barrières de bois.

Au moment où je traverse la foule, je reçois un tel nombre de tapes sur l'épaule et d'encouragement, braillés à tue-tête, que je manque de perdre l'équilibre. J'arrive finalement à la hauteur de Jasmine déjà installée et pénètre avec bonheur dans ce carré VIP insonorisé par ses bons soins.

-Je t'aime, lui dis-je en m'asseyant le moins élégamment du monde. Je crois que j'ai perdu une partie de mon audition.

-Et moi, dont ! me répond-t-elle avec humeur en jetant un regard noir à un garçon de première année qui semble vouloir passer les barrières. Si je pouvais tous les mettre sous mutisme, je le ferais !

-On se calme, les filles, intervient Casper en venant s'asseoir sur la chaise laissée libre. Il est temps de se concentrer maintenant. On n'a pas fait tout ce chemin pour ne pas passer les qualifs, alors il est temps de passer à la phase d'observation.

Nous acquiesçons toutes deux et nous accoudons à la barrière située devant nous. En contrebas, nous apercevons Sébastien Morel de Beauxbâtons et Hans Van Der Stegen de Durmstrang venir se placer à un bord respectif de la longue arène.

Bien que je ne combatte pas la première, ce match va être des plus instructifs et nous allons tous trois devoir analyser mes futurs adversaires avec précision. Car une compétition n'est pas un simple échange de sort mettant en scène deux combattants volontaires, dont le plus doué sera incontestablement vainqueur. Non, et loin de là d'ailleurs.

Bien évidemment, je ne peux nier que le talent brut du duelliste est important - nécessaire même - mais une grosse partie du jeu consiste, en vérité, à dévoiler l'autre avant qu'il ne vous cerne à son tour. Voyez-vous, les premiers combats sont ceux sur lesquels les futurs adversaires vont se baser pour apprendre à vous connaître. Ils vont vous observer, analyser votre style de combat, vos défenses, vos faiblesses, décortiquer vos enchaînements et se faire une idée de la façon dont ils vont faire pour vous battre.

Le jeu est donc de ménager vos forces pour les premiers combats, laisser penser que vous êtes plus faible qu'on ne peut se le figurer. Pour cela, l'astuce est de garder un nombre important d'atouts dans votre manche pour ne les révéler qu'en finale. Néanmoins, le risque est de tomber sur quelqu'un de véritablement fort qui vous obligera à jouer carte sur table dès les premiers matchs.

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-Tu crois qu'ils oseront faire de la magie noire ? me demande Jasmine en jetant un discret coup d'œil à Rabastan installé dans sa petite loge, du côté des Serpentards.

-Ne dis pas de bêtise, lui réponds Casper de sa voix grave, pleine d'une assurance contagieuse. Ils se battront à la loyale s'ils ne veulent pas être sortis d'ici par la peau des fesses.

Jasmine ne répond rien et je note son inquiétude malgré les paroles de notre ami. De mon côté, je tourne mon regard vers l'attroupement de Poufsouffle, un peu plus loin, et y aperçois Arkwood se marrer comme une baleine avec Caussman. Il ne fait même pas une seule fois mine de tourner son museau vers moi. Tss, ce mec ne sert vraiment à rien, en fait.

Un sourire mièvre ne tarde cependant pas à éclore sur mon visage et je vois Casper lever les yeux au ciel dans mon champ de vision périphérique. Sans plus m'attarder, je reporte mon attention sur le centre de l'estrade, celle-ci supportant une aire de combat délimitée par un rectangle de dix mètres sur vingt. J'aperçois également les professeurs Mc Gonagall et Bibine se placer respectivement de chaque côté de l'aire tandis que les deux combattants et leurs seconds marchent jusqu'au centre.

Mc Gonagall s'avance à son tour vers les quatre élèves et lance un "saluez !" sonore qui passe notre barrière. Les quatre hommes se saluent avec solennité et retournent ensuite à leur place respective.

-Comment je saurais à quelle extrémité je dois me placer ? je souffle à Casper qui donne l'impression d'assister à un cours de Binns.

-C'est noté sur le planning papier.

-Mais je l'ai jamais eue, ce truc !

-C'est moi qui l'ai. Maintenant, arrête de te stresser pour rien et observe, il faut que tu les analyses si tu veux avoir une longueur d'avance.

Je me rembrunis mais ne rétorque rien. À la place, je me concentre sur le professeur de Métamorphose qui lève maintenant une main en l'air.

-En garde. Allez ! crie-t-elle avant qu'un gong ne retentisse.

Sans m'en apercevoir, je retiens ma respiration et m'empêche de cligner des yeux pour ne rien louper du spectacle. Je vois le concurrent de Beauxbâtons fléchir immédiatement ses petites jambes et agiter sa baguette au-dessus de sa tête. Au même moment, Hans Van Der Stegen fait un geste vif du poignet malgré son éternel air endormi et c'est alors que la scène se fige dans son intégralité.

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Il nous faut deux secondes pour comprendre ce qu'il se passe et une vague d'exclamations retentit tout autour de nous.

-Qu'est-ce que… grommelle Casper en plissant les yeux de mécontentement.

Je ne dis rien, mais ma surprise n'est pas moins forte que tous ces élèves qui commencent à gronder et chercher une explication. Oui, car, lorsque je dis que tout se fige, je parle en réalité des deux combattant, de leurs seconds, ainsi que des deux juges. Tout ce petit monde semble désormais immobile, bloqué en pleine action pour certains, et sans que quiconque ne puisse donner une explication logique à cela.

En levant la tête, je remarque que Rabastan s'est remis sur ses pieds et qu'il semble prêt à descendre de lui-même voir ce qu'il se passe.

-Regardez Dumbledore ! s'exclame alors Jasmine en me donnant une tape sur l'épaule.

Nous suivons sa directive et un juron se bloque dans ma gorge au moment où je l'aperçois sur son grand siège moelleux.

-Mais il se marre !? lâche Casper avec sidération.

En effet, notre Directeur semble s'amuser comme un petit fou, alors que nous ne pouvons que râler et crier au complot. J'entends même un gars de notre maison hurler un "remboursez", mais je ne prends pas la peine de lui faire remarquer l'idiotie de son réquisitoire.

En parcourant les tribunes des yeux, je note l'hilarité de la dizaine de supporters de Durmstrang qui rient grassement en fixant avec attention le centre de l'arène. Ok, il se passe un truc pas net, mais quoi ?

Puis, au bout d'une bonne minute à hurler notre mécontentement, nous avons la stupeur de voir le duelliste de Beauxbâtons être éjecté de l'aire avec fracas. À ce même moment, l'intégralité des personnes auparavant figées se révèlent et plus aucune n'est au même endroit qu'initialement.

-Oh, bordel ! gronde Casper avec colère. C'est quoi ces conneries ?

Je suis également perdue et nous ne pouvons que supporter les applaudissements de Durmstrang qui fête la première manche remportée par leur duelliste. Près de l'aire, le professeur Bibine lève sa main et accorde le point à Hans Van Der Stegen. Je remarque d'ailleurs que ce dernier a subitement l'air moins endormi et que son second - qui est aussi son jumeau - fait de grands gestes au-dessus de sa tête pour conseiller son frère.

-Ce sont des cornes que je vois là ? me demande Jasmine en montrant Sébastien Morel du doigt.

Je tourne la tête à mon tour et ai tout juste le temps de voir une épaisse paire de cornes de bouc sur les côtés de sa tête, avant que celle-ci ne disparaisse. Un métamorphe, c'est un putain de métamorphe !

-Comment ça se fait qu'on ne l'ai pas vu se transformer ? je m'exclame en fixant avec plus d'attention le petit homme, occupé à recevoir des conseils de la part de son second.

-Aucune idée. Je ne sais même pas comment l'autre a fait pour l'éjecter après l'avoir figé.

-Avoir figé tout le monde, tu veux dire ! Mais je ne comprends pas comment Bibine a pu lui accorder le point, sachant qu'elle était immobilisée elle aussi… Mais attends, comment est-ce que son sort a pu passer la barrière de protection de l'aire ? Ça n'aurait pas dû être possible normalement !

Jasmine et moi échangeons un regard lourd de sous-entendu. Magie noire… À tous les coups !

Le gong sonne à nouveau et les deux concurrents retournent à leur place, tandis que la tension est à son comble dans la tribune étudiante. Le professeur Mc Gonagall lève à nouveau son bras et lance un "allez" sonore qui sonne funestement dans cette atmosphère à couper au couteau.

C'est alors que Hans Van Der Stegen agite sa baguette et la scène se fige de nouveau.

-Pas encore ! hurle Jasmine par-dessus le vacarme des élèves. Ça va me rendre folle ! C'est quoi ces conneries ?!

Autour de nous, ça braille à tout va et le niveau sonore de tout ce petit monde devient clairement insupportable, malgré le sort d'insonorisation. Je jette un œil à Casper, mais il a de nouveau sa tête des mauvais jours et je ne préfère donc pas interrompre ses sombres pensées.

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Il faut attendre deux bonnes minutes, cette fois-ci, avant que le combattant de Beauxbâtons ne soit à nouveau éjecté de l'aire et que tout le monde retrouve sa mobilité alentour. Du côté de Durmstrang, la joie est totale et ils se félicitent mutuellement les uns les autres, comme si c'était eux qui venaient de gagner en personne.

-Non mais de qui ils se fichent ! gronde Jasmine en levant un poing rageur vers la tribune opposée. Casper ! On ne peut pas laisser passer ça ! Tu dois aller porter réclamation !

L'interpellé ne daigne même pas tourner la tête vers la jeune femme et cela l'énerve encore plus.

-Aly ! m'apostrophe-t-elle en tentant de me percer les tympans. Tu dois…

Mais elle est coupée par le double gong sonnant la fin du match et la voix forte de Mc Gonagall déclarant Hans Van Der Stegen vainqueur. Le mécontentement de mon amie se mêle aux centaines d'autres, réclamant je-ne-sais quelle remise en jeu ou autre pénalty. On n'est pas en Quidditch, les petits gars, arrêtez de penser que le monde tourne autour de votre sport !

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-Ok, Casp. C'est quoi ? dis-je en me rapprochant de mon ami qui ne quitte pas l'aire des yeux. Magie noire ? Magie temporelle ? Comment il s'y est pris pour immobiliser tout le monde et dégager le petit blond, sans qu'on ne voit quoi que ce soit ?

Il hoche très lentement la tête de gauche à droite, mais ne répond rien de plus. Le connaissant, il va réfléchir son truc de son côté et trouver la solution au bout de deux heures, trois s'il lit un de ses bouquins cochon entre-temps.

Je me désintéresse de lui rapidement et tourne une mine curieuse vers Rabastan et Galaad qui descendent maintenant de leur tribune pour se diriger vers l'aire de combat. Ils croisent d'ailleurs Van Der Stegen, qui rejoint ses amis, et je remarque que les yeux de ce dernier sont de nouveau dans le vague, comme s'il se demandait ce qu'il foutait là.

Les deux Serpentards s'avancent ensuite vers Mc Gonagall avec cette prestance naturelle que je leur envie et qui cache si bien leur stress. Pour ma part, je suis de plus en plus livide à mesure que les minutes avancent et mes mains ne cessent de triturer nerveusement ma baguette que je fais tourner entre mes doigts.

-Arrête ça, me dit Jasmine d'une voix sèche en posant une main autoritaire sur mes doigts. Tu me déconcentres.

-Je te déconcentre ? Rappelle-moi qui va se faire humilier dans moins de quinze minutes ?

Mon amie me décroche un regard mêlé d'anxiété et de… pitié ? Hé, ho, venant d'elle c'est vexant tout de même ! Puis, elle enlève sa main et s'accoude davantage à la rambarde pour ne pas louper une miette du spectacle.

-ALLEZ RABASTAN ! hurle-t-elle à plein poumon au moment où celui-ci salue les deux femmes de Beauxbâtons.

Je remarque de nombreux regards incendiaires de la part des élèves de notre maison, mais je m'en désintéresse royalement. On a tout de même le droit d'être pote avec qui on veut, hein. Même de son futur adversaire !

Nos deux amis se dirigent ensuite au bout de l'aire et Galaad serre brièvement l'épaule du jeune homme en guise d'encouragement.

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-En garde ! s'exclame le professeur Mc Gonagall

Autour de nous, les cris des élèves de Serpentard se font plus forts et je sens la tension dans mes épaules s'accentuer. Je sais que Rabastan est fort, très fort même, mais je ne peux m'empêcher de stresser comme une malade pour lui. En face, la jeune femme de Beauxbâtons a attaché ses longs cheveux et toise son adversaire avec amusement.

-Il va lui rouler dessus en deux secondes ! grogne Jasmine, pour se rassurer elle-même. C'est pas une fille qui va réussir à lui tenir tête !

-Merci, dis-je avec humeur.

Mon amie ne fait pas mine de m'avoir entendu s'agite sur sa chaise comme si elle avait un niffleur sous sa jupe. Puis, le gong sonne et le second combat de cette journée est lancé.

Je vois Rabastan prendre immédiatement l'initiative en enchaînant rapidement plusieurs mouvements de baguette. De nombreux liens apparaissent alors à différents endroits de l'aire en semblant sortir de terre. En face de lui, la jeune Eléonore Picard ne semble même pas s'en inquiéter et elle se contente de lever un sourcil un poil moqueur devant les gestes de son adversaire.

Enfin, le Serpentard termine sa dernière incantation et la centaine de cordes épaisses se met à sinuer sournoisement jusqu'à son adversaire qui n'a toujours pas bougé. De là où nous sommes, nous avons l'impression qu'une marée sombre a pris d'assaut l'aire et je me demande ce qui serait efficace contre un sort pareil. Un Protego maxima serait trop long à mettre en place, c'est clair et net. Un répulvis peut-être, mais même pas sûr que ça soit assez fort pour détruire la multitude de cordes louvoyantes.

Cependant, au moment où celles-ci arrivent à la hauteur de la jeune femme, prêtes à se jeter sur elle, une barrière de lianes luisantes sort de terre dans un fracas de bois brisé. Dans un même mouvement, elles s'enroulent autour des liens pour les réduire en charpie et font disparaître définitivement la menace. Puis, les longues plantes se rétractent pour se répandre doucement autour des jambes de la duelliste et venir lui créer un tapis mouvant la ceignant largement. Rabastan ne devait pas s'y attendre, car il a un très léger mouvement de recul qui ne passe pas inaperçu. Je le vois se reprendre rapidement et se jeter ensuite un protego, avant d'incanter à nouveau.

Soudain, une pluie noire se met à tomber au-dessus de l'aire et commence à goûter sur les épaules de la jeune femme. Celle-ci s'en aperçoit et elle ne tarde pas à lever sa baguette à son tour. Une des lianes luisantes s'élève au-dessus de sa tête dans le même mouvement et c'est alors qu'une gigantesque fleur bleue électrique se met à pousser à son extrémité. Autour de nous, des exclamations de surprise se font entendre et je me penche davantage pour ne rien rater de cette très belle magie.

En moins de trois secondes, la fleur vient étendre ses immenses pétales au-dessus de son incantatrice afin de la protéger de la pluie huileuse. Les lianes, s'ébattant doucement autour d'elle, se recouvrent à leur tour de ce liquide poisseux et c'est ce moment que choisit Rabastan pour abaisser sa baguette.

D'un fornacem sonore, il fait apparaître une immense corolle de feu autour de lui, avant de la transformer en un long serpent enflammé. Celui-ci se précipite directement dans l'huile et, au moment où les deux éléments se retrouvent en contact, l'intégralité des lianes s'embrasent dans un grésillement malsain. Les flammes se répandent ensuite dans toute l'aire, montant jusqu'au toit et laissant Rabastan à l'abri derrière son protego.

Autour de nous, les élèves reculent devant la fournaise qui nous chauffe immédiatement le visage, alors même que nous en sommes bien loin. Pour ma part, je n'ai pas bougé et je tente de percer des yeux les flammes voraces pour apercevoir Eléonore Picard au centre du maelström brûlant.

Il faut une petite minute au brasier pour s'éteindre et les élèves de Serpentard ne cessent pas une seule seconde de célébrer leur champion. Pourtant, quelque chose ne me plait pas. Je le comprends au moment où je vois Rabastan froncer les sourcils et tourner son regard vers Mc Gonagall qui ne semble pas vouloir mettre fin au combat.

Aussi vite qu'elles sont apparues, les exclamations de joies disparaissent et le feu s'éteint enfin complètement pour laisser entrevoir Eléonore, toujours debout au centre de sa barrière végétale. Je ne vois de trace de brûlure sur aucune des innombrables lianes l'entourant et seule sa large fleur bleue semble avoir reçu des dégâts. Celle-ci se disloque d'ailleurs doucement sous nos yeux, sans que cela n'ait l'air de chagriner la jeune femme.

-Putain, c'est quoi ces gens… souffle Casper à côté de moi.

Je ne réponds rien et jette un œil à Galaad qui semble aussi sidéré que moi. Mais je dois vite me reconcentrer sur le combat, car je vois alors les longues plantes s'agiter follement pour se précipiter sur Rabastan. En même temps, une large fleur - verte cette fois-ci - se met à pousser à une vitesse prodigieuse et lance plusieurs spores lumineux qui retombent tout autour du Serpentard. Un crépitement écœurant ne tarde pas à se faire entendre quand les projections atteignent son protego toujours levé et qu'elles le dissolvent entièrement.

Au moment où la protection du jeune homme disparaît, les lianes se jettent avec fureur sur lui et l'éjectent violemment hors de l'aire. Le gong sonne et de chauds applaudissements retentissent du côté des spectateurs de Beauxbâtons, tandis que des exclamations étouffées se font entendre dans les gradins.

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Ni Jasmine, ni Casper ne disent mot et je suis, moi aussi, silencieuse. Il est vrai que, comme le dit si bien Dumbledore, ici sont réunis les meilleurs duellistes d'Europe, mais tout de même ! Je n'avais jamais vu une si belle magie à l'œuvre, mais également si efficace !

-Des plantes qui résistent au feu, marmonne Casper en se grattant le menton. Je ne sais pas où elle a chopé ça, mais c'est rudement efficace.

-"Rudement efficace" ?! s'exclame Jasmine en me poussant pour se pencher vers notre ami. C'est carrément illégal moi je dis ! J'ai jamais entendu parler de fleurs qui crachent des trucs pas net et qui ne brûlent pas ! C'est de la triche, j'en suis sûre !

Nous ne répondons rien aux protestations de la jeune femme et je me tourne vers Casper qui semble perdu dans ses pensées.

-Je pense qu'elle a appliqué un sort de protection sur ses plantes, dis-je. Tu as vu comment elles brillaient ? On aurait dit une carapace d'eau ou un truc comme ça.

-Ouai, j'en suis venu à la même conclusion mais, pour le coup, c'est sacrément bien pensé. Elle réussit à se défendre d'un gros type de menace en faisant ça et elle peut attaquer dans le même mouvement. C'est beaucoup trop fort.

-Carrément.

-Mais vous allez arrêter de l'encenser comme ça ?! nous crie Jasmine en me secouant par le col. Il est hors de question qu'elle gagne !

Je ne réponds rien et laisse notre mauvaise perdante attitrée me houspiller allègrement pour se passer les nerfs. Au bout d'une minute et demi, le gong sonne à nouveau et Rabastan vient se replacer sur l'aire, tandis qu'un calme irréel se dépose autour de nous. Puis, le professeur de métamorphose lève la main en l'air.

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-Allez !

Lorsque Mc Gonagall lance le début de la seconde manche, je retiens ma respiration sans m'en apercevoir. Pourtant, il faut attendre de longues secondes avant qu'un des deux duellistes ne fasse le premier geste. C'est Eléonore Picard qui commence d'un mouvement ample de sa baguette et je ne peux m'empêcher de déglutir.

Après plusieurs gestes fluides, la jeune femme avance de quelques pas et crie un unique mot dans une langue morte qu'il me semble reconnaître. Rabastan paraît prêt à toute éventualité et, derrière son Protego, ses yeux balayent l'intégralité de l'aire pour espérer voir le sort à temps.

Ce sont finalement les cris des centaines de spectateurs qui l'alertent lorsqu'une gigantesque fleur rose sort de sous ses pieds. Il a tout juste le temps de la voir s'étendre et se glisser aisément sous ses semelles, avant que ses longs pétales ne s'élèvent en l'air pour redescendre vers lui. Il lui faut moins d'une seconde pour comprendre qu'il est pris au piège, coincé entre son Protego et les bords de l'aire, et il ne prend pas la peine de réfléchir plus avant.

Dans le même temps, il fait exploser sa protection et saute au travers pour se réceptionner d'une roulade souple sur le parquet. Une seconde plus tard, les pétales de l'immense fleur se referment violemment sur le vide dans un claquement sec. À ce moment, je sens mes poumons se remettre enfin à s'activer et je prends une grande inspiration.

Cependant, en plus d'être pleine de ressources, la duelliste de Beauxbâtons est également une très bonne stratège car, au moment où Rabastan atterrit sur le sol, des lianes s'élèvent autour de lui. Je pourrais presque croire qu'elle avait prévu son coup à l'avance et je ne peux qu'espérer que Rabastan ne subira pas son enchaînement.

Ce n'est pas le cas, car le Serpentard agite alors sa baguette si vite que je n'arrive même pas à deviner son mouvement. Au même instant, une colonne de bois s'élève sous ses pieds et le soulève de plusieurs mètres en hauteur, échappant de fait aux lianes voraces. Celles-ci s'entortillent rapidement autour du large mat sur lequel il est maintenant en équilibre, mais il ne perd pas de temps et incante ses sorts à la vitesse de l'éclair.

Entre les deux duellistes apparaît soudain un haut mur de pierre qui sort de terre avec fracas. Les lianes disparaissent rapidement et réapparaissent, par la suite, devant la jeune femme pour s'agiter sèchement face à la menace. Je remarque que celle-ci a perdu de son sourire confiant, mais qu'elle paraît toujours aussi déterminée.

D'un geste vif, Rabastan fait bouger son mur et l'envoie glisser vers son adversaire dans un raclement de mauvaise augure. Sur la dizaine de mètres qui les sépare, la manifestation prend de plus en plus de vitesse et le mur arrive sur la jeune femme en repoussant l'air devant lui.

Mais, alors que le mur se précipite sur la duelliste, nous voyons ses lianes s'enrouler sur elles même et transpercer avec force la pierre pour la faire exploser en mille morceaux. Des exclamations de stupeur sortent de la gorge des centaines de spectateurs et je ne peux, moi-même, m'empêcher de serrer davantage le bois de la barrière devant-moi.

Autour de la jeune femme, une poussière volatile s'agite en troublant sensiblement la vision que nous avons de la scène. Mais les particules en suspension n'ont pas le temps de retomber au sol, que deux autres murs s'élèvent de part et d'autre de l'aire. Sans attendre, ils glissent vers elle en voulant l'écraser. Des lianes plus épaisses encore sortent du sol pour les pulvériser sans effort.

Rabastan ne s'arrête pas là. Du haut de son pylône, il enchaîne les manifestations qui se précipitent vers son adversaire, sans lui laisser une seconde de répit. Ses murs lancés à vive allure tentent chaque fois de l'éjecter de l'aire, ou de l'enfermer, mais sans succès. La jeune femme est incroyablement réactive et ses lianes - maintenant plus épaisses que le torse d'un homme - la protègent chaque fois en démolissant la pierre menaçante.

Je prends conscience, à cet instant-là, des ongles de Jasmine plantés dans la peau de mon bras et j'émets un cri de douleur. Mais mon amie est bien trop concentrée sur le combat qui a lieu pour s'inquiéter de mes efforts pour la faire me lâcher. À la place, elle glisse son bras autour du mien et je la vois se mordre durement la lèvre avec anxiété.

Un fracas plus sonore que les autres me fait tourner la tête et je ne peux que constater la victoire écrasante de la championne de Beauxbâtons. En travers de l'aire gît maintenant le pylône de bois qu'à fait apparaître Rabastan et dont le socle a été détruit. De nombreuses lianes rampantes s'agitent encore à sa base et ne tardent pas à rejoindre leur incantatrice qui les fait disparaître d'un mouvement sec de baguette.

Le Champion de Poudlard, quant à lui, se remet tant bien que mal sur ses pieds, alors que Mme Bibine s'enquiert de sa santé. Il a été durement éjecté hors de l'aire, mais je pense que c'est sa fierté qui a pris le plus gros des dégâts. À côté de moi, Jasmine manque de s'arracher les cheveux et je sens la main rassurante de Casper sur mon épaule. Il me regarde, pour sa part, avec bienveillance, tandis qu'autour de nous le chahut est indescriptible.

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-Il y a du niveau, dis-je d'une voix un peu tremblante.

-Oui, me répond-t-il calmement en tentant de calmer mon angoisse grandissante. C'est maintenant à toi de montrer de quoi tu es capable.

Je déglutis difficilement et jette un œil à la longue estrade, rapidement réparée par nos deux arbitres ; puis à mon père que je vois discuter avec Soneïs qui s'est glissée dans leur tribune.

-Et si je ne réussis pas ? lui dis-je d'une petite voix toujours chevrotante.

-Ne présume pas de tes forces avant d'avoir livré combat, Aly, d'accord ? Il est temps d'y aller, maintenant.