Les hiboux lui amenèrent une lettre de Percy, ce qui était une bonne nouvelle, et une convocation pour le bureau du Directeur Dumbledore après le petit-déjeuner. Cela, se dit Ginny, l'était moins.
C'est de ta faute, dit-elle à Tom alors qu'elle relisait le morceau de parchemin, essayant de ne pas paniquer. Elle n'avait jamais eu à monter dans ce bureau, pas même quand ses parents étaient venus et avaient fait un scandale après sa Répartition. Cette fille a balancé.
Mais non, répondit-il. Il avait réussi à négocier le fait de ne pas retourner dans le journal, se plaignant que c'était la première fois depuis des décennies qu'il avait eu l'occasion d'écouter d'autres personnes et de vivre, même par procuration. Et elle l'avait laissé faire, même si elle savait bien que ce n'était pas forcément une bonne idée. Elle aimait bien l'avoir avec elle.
On est jamais seul quand on partage son esprit.
Comment tu peux en être sûr ? demanda-t-elle.
Ça n'arrive jamais, répondit-il. Elle décida de ne pas insister, sachant pertinemment qu'il avait menacé, et probablement torturé, suffisamment de personnes pour en être sûr. Et pourquoi pas ?
Tu n'as jamais balancé pour Fred et George, dit Tom.
C'est pas la même chose.
C'est simplement une question de degré de gravité. Il avait l'air arrogant, et il essaya de prendre le contrôle de leur corps, mais elle savait que ça voulait dire qu'elle devrait boire du café et elle ne voulait absolument pas subir ça. Donc elle le poussa dans un coin de son esprit, se servit du jus, et se concentra sur Draco. Il s'était assis en face d'elle et la regardait avec le même air d'admiration un peu effrayé que la veille, mais quand elle frôla son pied du sien, un sourire ravi chassa les dernières traces de peur et il se mit à faire un quasi-monologue sur les faiblesses de l'équipe de Gryffondor cette année. A force de mater le cul de Potter, se dit-elle, on finit par bien appréhender les stratégies ennemies. Elle croisa les chevilles et pencha la tête sur le côté et l'écouta parler, observant la façon dont il vérifiait qu'elle était toujours intéressée.
Lorsqu'elle se leva, lissant ses robes d'une main et cherchant son sac de l'autre, Draco dit, "On se voit pour le déjeuner ?". Sa voix se brisa un peu sur le dernier mot et il rougit violemment, de la façon dont seules les personnes très pâles peuvent le faire. Ginny savait pertinemment à quel point la peau blanche pouvait être révélatrice et grimaça presque de sympathie pour son malaise.
"J'adorerais," répondit-elle. "Je crois qu'aujourd'hui c'est de la tourte."
"Génial," dit-il. "C'est génial." Il porta son poids d'un pied sur l'autre puis déglutit et se tourna vers Blaise pour parler de McGonagall. Apparemment, elle était infâme, avec tous les devoirs qu'elle donnait. Blaise croisa le regard de Ginny au-dessus de la tête de Draco et lui sourit. Elle répondit à son sourire, et le monde lui semblait être heureux, rempli d'amis, jusqu'à ce qu'elle se mette à grimper vers le bureau de Dumbledore. Chaque pas semblait plus lourd et plus lent que le précédent, et Tom s'agitait, irrité par sa nervosité, jusqu'à ce qu'elle frappe à la porte.
Lorsqu'elle s'ouvrit, Dumbledore était assis derrière son bureau recouverts de bibelots qui exaltèrent Tom mais qu'elle remarqua à peine. Dans sa main, il y avait le couteau que le Professeur Ombrage avait confisqué. "Ah," dit le Directeur. "Miss Weasley. Très ponctuelle." Ses yeux étincelèrent alors qu'il lui disait de s'asseoir, et elle se posa sur le siège face à lui, essayant de ne pas sembler nerveuse alors qu'elle restait tout au bord du coussin et posait ses mains sur ses genoux. Il lui proposa un bonbon, et elle refusa au moment même où Tom lui sifflait de ne jamais manger quoi que ce soit proposé par cette homme.
"Je voulais vous rendre ça," dit-il. "Dolorès m'a exprimé longuement à quel point il est dangereux pour une enfant d'avoir un couteau à l'école, mais je suppose que c'est pour vos travaux rituels, Miss Weasley ?"
Elle bégaya une confirmation.
"Cela fait pas mal d'années depuis la dernière fois que j'ai vu un étudiant avec un athamé," dit Dumbledore. "Fait par des Gobelins, en plus. Bel objet."
Ne le regarde pas dans les yeux. Tom insistait si lourdement qu'elle faillit perdre le contrôle de son corps, tant il avait peur qu'elle n'obéisse pas, mais elle garda les yeux sur le bureau de Dumbledore, et Tom s'agita en arrière plan mais ne dit rien.
"Merci," dit-elle.
Dumbledore lui rendit le couteau, poignée vers elle, et tenant la lame dans un tissu pour éviter de la salir. Elle le saisit, mais avant de pouvoir le mettre dans son sac, Dumbledore lui donna un fourreau de cuir. "J'ai fait faire ça pour vous, Miss Weasley. C'est un très bel outil, et il faut en prendre soin."
Elle prit le fourreau et glissa le couteau dedans. "Merci," dit-elle. Sa voix ne tremblait qu'un peu. "C'est très gentil de votre part."
"Je vous en prie." Dumbledore la considéra un instant. "Les motifs sur la lame sont très intéressants. Je n'ai pas vu ça depuis longtemps."
Ginny émit un bruit qui ne voulait rien dire.
"Est-ce que vous avez quelque chose à me dire, Miss Weasley ?"
Elle garda les yeux sur sa barbe. "Non, monsieur," répondit-elle.
Lorsqu'il la congédia d'un geste de la main, et qu'elle passa la porte au griffon, puis les escaliers, elle garda le pas le plus léger possible. Elle était juste une étudiante allant en classe, comme prévu. Elle n'était pas spécial. Elle ne valait pas le coup qu'on la remarque. Ce ne fut que lorsqu'elle vit une salle de classe abandonnée qu'elle se rua à l'intérieur, ferma la porte, et s'autorisa à trembler.
Il sait, dit-elle. Tom. Il sait.
Il soupçonne, répondit Tom. C'est tout. Et il ne peut pas savoir pour moi.
Elle glissa le long du mur jusqu'à être assise par terre, sur les dalles froides, les genoux repliés jusqu'à sa poitrine. S'il sait pour toi, commença-t-elle.
Il reprendrait ce couteau et transpercerait le journal, dit Tom. Après t'avoir forcée à m'expulser de ton esprit.
Ginny sentit sa mâchoire se serrer. Têtue, elle se dit que personne ne pouvait la forcer à se débarrasser de Tom, ou contrôler ses pensées. Il était à elle et elle, qui n'avait jamais rien eu à elle jusqu'à ce que Tom lui dise qu'elle pouvait prendre ce qu'elle voulait, elle, qui avait toujours eu des vêtements usés et des jouets d'occasion et des oh-on-ne-peut-pas-se-le-permettre-Ginevra, et tu-sais-que-ton-père-travaille-dur-Ginevra, et sois-gentille-avec-notre-nouveau-fils-l'orphelin-Ginevra, elle n'avait aucune intention de l'abandonner.
Jamais.
Il sentit toutes ces pensées et dit simplement, Dumbledore est un sorcier remarquable. Je ne sais pas ce dont il est capable.
Elle serra encore plus la mâchoire et Tom ajouta, On devrait aller en cours.
