Le bureau des héros - 7
Ombres
Chat Noir s'élança sur la silhouette de Volpina qui faisait face au faux Chat généré par Rena Rouge.
Alors qu'il bondissait pour atterrir sur elle, il entendit la voix de Rena hurler dans son écouteur :
— C'est une illusion !
Il ne put modifier sa trajectoire. Mais au moins, il ne fut pas surpris quand, à son contact, sa cible se déroba et disparut. Il roula immédiatement sur lui-même pour se déplacer. La vraie Volpina, qui sauta à ce moment sur lui, le manqua et s'écrasa au sol. Tous deux se relevèrent et se toisèrent.
— La vraie a une ombre, indiqua utilement Rena.
Chat jeta un regard sur le dallage qu'il foulait. Effectivement, le ciel était dégagé et la lune les éclairait assez pour leur dessiner des ombres. Voilà comment sa coéquipière avait deviné.
— Rena, nourris Trixx, chuchota-t-il. Je peux m'occuper d'elle, ce n'est pas la première fois. (Il prit un ton gouailleur pour continuer plus haut :) Alors, reine des menteuses, je te manquais ?
— Oh, c'est le grand retour de Chat Noir et Ladybug, répondit leur ennemie d'une voix méprisante. Pas bien réussi, ce come-back. Ta précieuse Ladybug n'est pas belle à voir, tu sais.
— C'est toi qui auras une sale tête quand j'en aurai terminé avec toi, rétorqua Chat Noir, faisant de son mieux pour ignorer son inquiétude pour son amoureuse.
Il n'avait pas terminé sa phrase que les Volpina se multipliaient autour de lui. Il bougea immédiatement. Bien lui en prit. Il évita ainsi partiellement le coup de pied de son ennemie. Il chuta, mais il se releva rapidement. Les yeux fixés à terre, il se fia aux ombres et arriva à atteindre la vraie Volpina avec son bâton et à la faire tomber à son tour.
Ils se battirent un moment, sans prendre l'avantage ni l'un ni l'autre. Le long bâton de Chat Noir lui évitait de prendre trop de risques mais, de son côté, Volpina n'avait pas de mal à repérer où il se trouvait, alors qu'il devait louvoyer entre les illusions.
Au bout de quelques minutes de combat incertain, Rena lui indiqua :
— Je peux prendre la relève, je suis plus rapide qu'elle. Va chercher Ladybug. Elle est la seule à pouvoir purifier l'akuma de Volpina.
Rena bondit et il lui laissa la place. Il resta à proximité quelques instants pour vérifier que tout allait bien. Constatant que sa partenaire se débrouillait, Chat Noir bondit vers la partie du vaste toit où il avait auparavant repéré Ladybug grâce au radar de son bâton. Il la découvrit rapidement, cachée derrière un des petits murets qui découpaient la plate-forme. Le fait qu'elle soit toujours transformée montrait qu'elle allait bien, mais il eut un coup de cœur en la voyant à terre, totalement immobile. Il se pencha sur elle et la redressa en la prenant par les épaules.
— Buguinette ?
Elle avait les yeux vides et semblait ne pas le voir.
— Qu'est-ce que tu as ? Tu ne peux pas bouger ?
En position accroupie, il recula un peu, tentant de voir si elle était blessée. Il sentit quelque chose rouler sous sa botte. Il y jeta un regard distrait, voulant seulement éviter de trébucher, puis son attention s'éveilla. Cela ressemblait à une pierre brillante, qui n'avait rien à faire là où ils se trouvaient. D'instinct, il l'écrasa violemment du pied.
À ce moment, Ladybug se crispa et son corps s'arqua, avant de retrouver une posture normale.
— Non ! hurla-t-elle.
— C'est bon, Buguinette, je suis là, c'est fini ! dit-il en l'enlaçant.
Elle se laissa faire, haletante, puis s'écarta pour le regarder.
— C'était horrible, confia-t-elle d'une voix pleine de sanglots. Je te voyais mourir et je ne pouvais rien faire. J'étais attachée, je ne pouvais pas bouger !
Il la reprit tout contre lui quelques secondes avant de se détacher d'elle.
— Je dois retourner aider Rena. Tu peux aller chercher Carapace. Il doit comme toi avoir été hypnotisé. Tu trouveras une pierre auprès de lui et tu dois la casser.
Elle inspira profondément pour reprendre sa maîtrise sur elle-même.
— D'accord ! Je m'en charge.
Elle se leva, encore un peu flageolante, et ouvrit son yoyo. Elle hocha la tête pour confirmer qu'elle avait bien repéré la position de leur coéquipier. Chat Noir retourna en vitesse vers le lieu du combat. Il arriva juste à temps pour sauver Rena, plaquée au sol par Volpina, sur le point de se faire arracher son Miraculous. Il sauta sur leur ennemie et la renversa et tenta à son tour de lui prendre son pendentif, qui contenait sans doute son akuma. Mais elle arriva une fois de plus à lui échapper. Heureusement, Rena s'était relevée et empêcha leur adversaire de se replier sur le toit voisin. À deux, ils tentèrent de saisir son akuma, sans y réussir.
Ladybug et Carapace arrivèrent enfin et entrèrent dans la bataille. Mais même à quatre, ils n'arrivaient pas à immobiliser Volpina. Elle suscitait sans cesse des illusions, notamment sur leur environnement. Elle créait des trous dans le sol quand il n'y en avait pas et masquait ceux qui existaient vraiment. Les héros tentaient donc par réflexe d'éviter des obstacles inexistants et se prenaient les pieds dans des irrégularités du dallage qu'ils ne voyaient pas. Elle avait aussi créé de faux murets sur le large toit-terrasse dallé où ils se trouvaient ; ils formaient des obstacles d'autant plus inextricables qu'ils se mélangeaient à ceux qui existaient déjà. Elle réussit même à faire continuer le sol au-dessus du vide, ce dont Chat Noir fit les frais : il bascula brusquement dans la rue. Heureusement, il réussit à se rétablir grâce à son bâton.
Les pouvoirs de protection de Carapace ne leur étaient que de peu de recours, car Volpina ne les attaquait pas frontalement. Rena, de son côté, n'osait pas ajouter d'illusions à celles qui existaient déjà. Le bâton de Chat Noir, la carapace de Carapace et le yoyo de Ladybug étaient par contre efficaces pour faire disparaître les illusions en les touchant. Cela empêchait Volpina de s'enfuir. En effet, cela lui était impossible sans se dissimuler derrière ses créations, et elle devait sans cesse les renouveler, ce qui la clouait sur place.
Finalement, Chat Noir en eut assez.
— On va descendre d'un étage, prévint-il ses coéquipiers. Pendant un moment, elle n'aura plus de leurres derrière lesquels se cacher.
— Carapace, enferme-nous dans ta bulle protectrice dès qu'on atterrit sur le plancher du dessous, compléta Ladybug. Elle ne pourra pas en sortir. On va bien finir par la coincer ! Nous sommes quatre, bon sang !
— Ce sera le moment d'utiliser ton Lucky Charm, suggéra Chat Noir.
— C'était bien mon intention, assura Ladybug. Rena, garde ton pouvoir en réserve, si rien ne marche.
— Entendu !
— Cataclysme ! lança Chat Noir.
Quand la magie s'activa, il parcourut un large cercle, se tenant courbé pour laisser sa main traîner par terre. Quand il rejoignit son point de départ, le disque sur lequel se trouvaient les quatre superhéros et Volpina s'effondra brusquement dans un craquement assourdissant.
Ils ressentirent tous un choc, puis furent entourés par la poussière générée par l'affaissement. Carapace lança son sort, ainsi que Ladybug. Quand les particules retombèrent, ils virent qu'ils avaient atterri dans le bar de l'établissement. Des chaises et des tables renversées les entouraient. Le dôme vert de Carapace, impossible à franchir, les entourait. Ladybug tenait à la main une bombe de mousse pouvant envoyer des serpentins. Ils ne s'attardèrent pas : ils se jetèrent tous sur Volpina. Celle-ci invoqua une nuée d'oiseaux et plongea à terre. Elle arriva à leur échapper en se dissimulant derrière les débris de mobilier.
Les autres s'immobilisèrent, la cherchant des yeux, gênés par les faux volatiles qui trompaient leur vision, tournant en rond dans l'espace restreint où ils se trouvaient.
— Pas sûr que le confinement soit une bonne idée, protesta Rena.
— Je retire la protection ? demanda Carapace.
— NON ! s'écria Ladybug. Elle est enfermée avec nous. On va l'avoir.
Elle leva sa bombe et commença à projeter tout autour d'elle des rubans de mousse qui faisaient disparaître les oiseaux qu'ils touchaient. Chat Noir utilisa son bâton pour faire le ménage et pousser tables et chaises dans un coin. Peu à peu, les cachettes où pouvait se terrer Volpina s'amenuisèrent.
— Là, hurla soudain Rena en se précipitant derrière une table renversée.
Tous la suivirent. Rena s'était effectivement jetée sur Volpina, qui arriva à la repousser. Carapace prit la relève, mais leur ennemie parvint à lui échapper. Elle roulait sur elle-même pour gagner un autre abri quand le yoyo de Ladybug l'immobilisa enfin. Chat Noir se jeta sur elle et lui arracha son pendentif. Il le jeta à ses pieds et l'écrasa. Ladybug lâcha Lila et attrapa l'akuma avec son yoyo, avant de le relâcher, purifié.
— Miraculous, Ladybug, cria-t-elle enfin, en lançant la bombe à serpentins en l'air.
Alors que le restaurant et le toit se réparaient, Volpina laissa la place à Lila. Chat Noir, qui l'avait cloué au sol avec son bâton, l'attrapa par son col :
— Je commence à en avoir sérieusement marre de toi, laissa-t-il échapper entre ses dents d'une voix glaciale. Tu es perverse, vicieuse et toxique ! Je ne veux plus jamais te voir en Volpina, c'est compris ? Parce que si ça arrive, je te jure que je ferai en sorte que ta vie devienne un enfer. Je m'arrangerai avec les autorités pour que tu sois internée ! Tu seras considérée comme une folle et plus personne ne te croira jamais ! Quoi que tu dises ! Tout le monde te regardera avec pitié ! Tu seras la pauvre fille malade dans sa tête qui ne raconte que des craques. On se rappellera toutes les salades que tu as racontées et on saura que c'est faux ! Tu ne seras plus rien ! Plus rien, tu m'entends ?
— Mec, intervint Carapace en lui mettant la main sur le bras. Ça ne vaut pas le coup !
— Tu n'as plus qu'un seul coussinet ! le prévint Ladybug. Tu vas te détransformer, et moi aussi.
À ce moment, la sonnerie ultime retentit dans la bague de Chat Noir.
— Rena ! appela Ladybug.
Celle-ci était déjà en train de porter sa flûte à sa bouche.
— Derrière moi ! dit-elle avant d'émettre un son.
Les trois héros, qui arrivaient au bout de leur temps imparti, se précipitèrent. Juste quand les étoiles commençaient à apparaître autour de Chat Noir, un faux mur les dissimula. Ladybug avait eu le temps de voir le visage effrayé de Lila avant de se cacher. Il faut dire que Chat Noir avait été impressionnant. Toute la tension causée par les cinq combats de la semaine, toute l'inquiétude qu'il avait ressentie pour la santé de Marinette, tous ses questionnements sur l'identité du Papillon l'avaient poussé à bout. Son ton, son regard, sa violence envers Lila témoignaient qu'il était au bord de la rupture. On sentait qu'il ne s'était retenu qu'à grand-peine de se laisser aller à être brutal envers elle.
Juste après lui, ce fut Ladybug qui se détransforma derrière leur abri. Immédiatement, elle s'avança vers Adrien et le prit dans ses bras. Il la serra contre lui avec force, tentant de reprendre le contrôle de ses nerfs. Carapace arriva lui aussi au bout de sa transformation. Il regarda le couple et s'éloigna autant qu'il le put, comprenant qu'ils avaient besoin de calme.
De l'autre côté du mur, Rena et Lila se toisaient. Cette dernière tentait de reprendre contenance, mais il était visible que la diatribe furieuse de Chat Noir l'avait secouée. Rena la surveillait, sachant que ses coéquipiers comptaient sur elle pour préserver leur anonymat.
— Bon, tu ne vas pas rester là toute la nuit, apostropha-t-elle finalement leur ennemie. File d'ici et rentre chez toi.
— Oh, ça va, pas besoin de prendre de grands airs ! riposta Lila, en un sursaut de fierté.
— Je te conseille vraiment de filer avant qu'il ne revienne, répondit Rena. Tu l'as vraiment énervé.
— Oh, si Chat Noir a ses vapeurs… persifla Lila, mais sa voix manquait d'assurance.
Elle ne s'attarda d'ailleurs pas. Elle prit les escaliers pour rejoindre le rez-de-chaussée, où elle pourrait sans doute trouver un veilleur de nuit qui la ferait sortir et avalerait tous ses mensonges pour justifier sa présence.
Du côté des autres héros, Adrien finit par lâcher Marinette.
— Merci, Pucinette. Ça va mieux. Je ne sais pas ce qui m'a pris.
— Lila a tendance à faire cet effet, fit Marinette avec dérision.
— Oui, ça doit être ça. Ça va, Nino ? demanda Adrien.
— Oui, oui. Mais dis donc, fit son ami, tu ne m'avais pas dit qu'il fallait toujours s'habiller avant de se transformer, car on ne savait jamais où on pouvait se retrouver en rade ?
Adrien et Marinette s'examinèrent. Marinette et Adrien étaient tous les deux en pyjama et pieds nus.
— On a été pris un peu de court, avoua Marinette. On dormait.
— Et on a faim, nous ! protesta Plagg, échappant à la poigne de Tikki qui l'avait empêché de se manifester jusque-là.
— Voilà ton fromage, lui offrit Adrien, en le tirant de sa poche de pyjama. Et ton gâteau, Tikki.
Wayzz finissait déjà de manger les céréales que lui avait tendues Nino.
— Elle est partie, dit Rena.
— Nourris Trixx, lui conseilla Marinette. Il faut rentrer, maintenant.
— Je vais veiller à ce que personne ne vous dérange, promit Nino avant de demander à Wayzz de le retransformer.
Le mur disparut et Alya les rejoignit. Elle donna des fruits secs à son kwami pendant qu'Adrien reprenait Marinette contre lui.
— On ne la reverra pas, affirma Alya.
— Bon débarras, grogna Marinette.
Adrien ne répondit pas. Lila était loin d'être en tête de ses préoccupations. Bientôt tous les kwamis purent retransformer leurs porteurs.
— Tu as l'air épuisée, ma Lady. Laisse-moi te ramener, proposa Chat Noir.
— D'accord, dit Ladybug, qui ne voulait pas le contrarier et qui se sentait effectivement fatiguée.
— On vous suit, assura Rena. Je vais te donner un coup de main, Carapace.
Celui-ci, qui n'avait pas l'agilité des autres, accepta bien volontiers. Bientôt, les quatre héros retraversaient Paris, revenu à son état d'origine.
— Elle est belle, notre ville, dit rêveusement Ladybug, blottie contre Chat Noir.
— Et regarde comme les Parisiens font la fête, maintenant, répondit-il. J'espère qu'ils boivent à notre santé.
— Ce serait la moindre des choses, considéra Ladybug.
Ils atterrirent sur le balcon d'Adrien, bientôt suivis par Rena et Carapace. Dans les bras de Chat Noir, Ladybug se détransforma.
— Ça va, ma Pucinette ? s'inquiéta son partenaire.
— C'est juste de la fatigue, le rassura-t-elle.
Lui aussi reprit sa forme civile.
— Allez, au lit ! lança Adrien. Sinon ta maman va me tirer les oreilles.
— Pratique, tu es déjà en pyjama, plaisanta Nino, qui venait de se détransformer à son tour.
— C'est vrai, ça, on n'est pas supposés s'habiller avant la transformation ? demanda Alya.
— C'est la première fois qu'on oublie, assura Adrien en rentrant dans le salon avec Marinette.
— On dit ça, on dit ça… le taquina Nino.
Marinette eut un grand bâillement. Adrien la porta dans la chambre pendant qu'Alya tirait le battant de la fenêtre pour la fermer.
— On ne va pas trop tarder, indiqua-t-elle. On ne va plus avoir de métros.
— On peut rentrer par les toits, proposa Nino.
— Tu n'es pas fatigué ? questionna son amie.
— Un peu bien sûr, admit-il.
— Pourquoi ne dormez-vous pas ici ? proposa Adrien, qui revenait. Le canapé s'ouvre. Je vais vous chercher des draps et des vêtements de nuit.
— C'est pas de refus, apprécia Alya.
Adrien revint bientôt avec le linge promis. Ils déplièrent le canapé, firent le lit. Quand Adrien rejoignit le sien, il se blottit contre sa compagne. Celle-ci, à moitié endormie, en soupira d'aise et ajusta sa position pour se coller à lui davantage.
— Dors bien, ma Pucinette, souffla Adrien.
oOo
Sur le toit d'un d'un des immeubles qui surmontait le balcon de l'appartement d'Adrien, une ombre se redressa. Cette ombre avait suivi la retraite des quatre héros après le combat. Elle avait assisté à leur détransformation et leur entrée dans le salon.
— Ah, petite renarde, souffla Mayura. J'ai trouvé ton terrier et je sais qui sont tes amis. À moi de jouer, maintenant.
Bah oui, fallait pas oublier Nathalie / Mayura. Le prochain chapitre s'appellera "Faire de la place"
