Le bureau des héros - 8
Faire de la place
Quand Marinette ouvrit les yeux, elle découvrit Adrien, couché sur le côté, qui la regardait. La veille, après leur combat contre Volpina, ils avaient oublié de fermer les volets. À la tonalité de l'éclairage, la journée devait être bien avancée. Elle lui dédia un sourire ensommeillé.
— Salut, Petit Cœur.
— Bonjour, Pucinette. Tu as bien dormi ?
— Comme une masse. Et toi ?
— Moi aussi. Je viens juste de me réveiller et j'étais en train de savourer la joie de te trouver là.
— Tu avais peur que je sois partie ?
— Pas ce matin. Mais hier soir, quand je suis rentré, quand j'ai vu le salon rangé, sans aucune affaire à toi qui traînait, j'ai cru que tu étais allée te mettre à l'abri.
— Non, Chaton. On est partenaires, je te fais confiance.
Le regard d'Adrien se fit intense.
— Ma Lady, souffla-t-il en lui caressant la joue. Je n'aurais pas dû douter de toi ni te crier dessus.
— Adrien, avec ce qui se passe, tu as le droit de douter ou de t'énerver. C'est de ma faute si tu as pensé que je n'étais pas prête à discuter. Mais c'est du passé, promit-elle en ouvrant les bras pour le serrer contre elle.
— J'aimerais un présent plus facile, soupira-t-il, la figure enfouie dans son cou.
— On est là tous les deux et on fera face ensemble à ce qui va advenir, promit-elle. Comme toujours.
— Heureusement que tu es là, dit Adrien.
— Je suis heureuse qu'on se soit révélés, reconnut-elle. Je commence même à me dire que le couple Ladybug - Chat Noir n'est pas une si mauvaise idée, après tout.
— C'est vrai ? vérifia-t-il en se reculant pour voir son visage.
— Oui, tu avais raison. Satisfait ?
— La rareté d'une telle affirmation lui donne une valeur inestimable, la taquina-t-il.
— C'est vrai. Peut-être qu'on devrait s'embrasser moins souvent, on apprécierait davantage, le taquina Marinette.
— Quoi ? Ah non, pas question !
Comme pour l'empêcher de mettre sa menace à exécution, Adrien se jeta sur Marinette et se mit à la couvrir de baisers. Elle le repoussa au début pour rire, puis accepta sa défaite, avant de lui rendre ses marques de tendresse avec passion quand elles prirent un tour moins innocent. Un long et plaisant moment plus tard, Adrien souffla :
— Ce n'est pas une mauvaise manière de commencer la journée.
Marinette s'étira langoureusement et approuva :
— On va dire que la loi du marché ne s'applique pas à ce cas précis.
— Je vais prendre une douche, tu viens avec moi ?
— Pour gagner du temps, je suppose.
— Quel autre intérêt pourrais-je y voir ? interrogea innocemment Adrien.
Les ablutions se firent dans la bonne humeur, avec des chatouilles, des éclats de rire, et de la tendresse. Ils savaient que rien n'était terminé, qu'ils allaient devoir replonger dans leurs combats, mais ils avaient besoin de ce moment d'insouciance pour mieux repartir au front plus tard.
Quand ils arrivèrent dans le salon, Nino et Alya étaient eux aussi levés. Ils étaient dans la partie cuisine en train de préparer de quoi manger.
— Ça a l'air sympa de prendre une douche chez toi, Adrien, fit remarquer Nino. Si la salle de bains est libre, je prends la place.
— Vas-y, mais, sans moi, cela ne marche pas aussi bien, prévint Adrien. Tu veux que je t'accompagne ?
— Sans vouloir te vexer, je préférerais Alya.
— J'irai plus tard, je termine la pâte à pancake, répondit l'intéressée.
— Pff, y'en a qui ont des copines plus sympas que d'autres, ronchonna Nino en partant se laver.
— J'adore les pancakes, déclara Adrien. Ton sacrifice n'est pas vain, Nino !
— Les serviettes sont dans le grand placard à côté du lavabo, compléta utilement Marinette.
Alya passa rapidement à la salle de bains après Nino puis ils s'attablèrent pour le brunch qu'ils avaient collectivement préparé. D'un commun accord, ils restèrent sur des sujets légers pendant qu'ils mangeaient. Quand ils eurent terminé, la défense de Paris revint sur la table.
— On devrait peut-être faire l'analyse de nos deux derniers combats, proposa Marinette.
— Pour commencer, je pense que le contact téléphonique proposé par Alya est génial, remarqua Nino. Je ne sais pas comment on aurait pu gagner sans ça.
— Ce sont les consignes de Milady qui ont fait la différence, estima modestement Alya.
— Tout le monde est donc d'accord sur l'immense avantage que cela nous donne d'être en contact, synthétisa Adrien. Ce qui a changé par rapport à avant, c'est d'avoir un regard extérieur, comme pour le combat d'hier matin, ou de nous coordonner à quatre, pour celui d'hier soir.
— Ça a été un atout considérable contre les illusions de Volpina, abonda Alya.
— Dites, il y a un truc que je n'ai pas compris, remarqua Nino. Pourquoi n'a-t-elle pas pris les Miraculous de Ladybug et Carapace, quand elle en a eu l'occasion ?
Ils réfléchirent tous à la question.
— Peut-être qu'elle pensait les récupérer plus tard, avança Marinette. Elle croyait qu'on était très près les uns des autres, et préférait nous guetter pour être certaine de nous avoir tous les quatre.
— Papillon a dû bien insister, pourtant ! imagina Nino.
— Le seul avantage que je peux trouver à Lila, c'est qu'elle est suffisamment peste pour ne pas l'avoir pris en compte, fit Marinette d'une voix ironique.
— Le Papillon propose un marché, rappela Alya. Il peut retirer les pouvoirs si on ne suit pas ses directives.
— Je suppose qu'elle a réussi à négocier en promettant de les prendre après nous avoir immobilisés tous les quatre, avança Marinette.
— Mais oui, c'est logique, sembla comprendre tout à coup Alya. Si vous aviez été détransformés, on ne vous aurait plus vus sur nos radars et elle ne pouvait plus se servir de vous comme appât. Ils ne pouvaient pas savoir que nous étions en contact par téléphone et qu'on savait où vous étiez.
— Mais cela ne l'a pas empêché d'échouer, remarqua Nino avec satisfaction.
— Avec un peu de chance, le Papillon ne la réutilisera plus, espéra Alya. Elle ne s'est pas montrée à la hauteur.
— On était quatre contre elle, rappela équitablement Nino.
— Je ne suis pas certaine que le Papillon y soit sensible, estima Marinette. En tout cas, à la place du Papillon, je serais un peu dégoûté. Il n'a pas pu profiter de l'absence de Ladybug et, maintenant, je suis de retour avec deux nouveaux alliés. Le problème, c'est que ces attaques rapprochées l'épuisent moins que nous. Il peut se trouver de nouvelles personnes à akumatiser facilement.
— Pour les attaques conventionnelles, on pourrait décider de n'agir que deux par deux, proposa Adrien. Le duo Mister Bug – Mister Cat a fait ses preuves. Je suis certain que Ladybug - Rena peuvent très bien se débrouiller aussi. Cela nous reposerait.
— Pourquoi pas, accepta Marinette, alors que leurs deux amis approuvaient vigoureusement de la tête.
— Par contre, pas de repos total pour Milady, pria Nino. On a besoin de ses conseils.
— Je pourrai tenir, si je n'ai pas à courir sur les toits à chaque fois, estima-t-elle.
— S'il le faut, on fera un duo Mister Bug – Rena, proposa Adrien. Il faut que tu te remettes parfaitement, ma petite coccinelle, ajouta-t-il d'une voix tendre en la serrant contre lui.
— Tu vas devenir pire que ma mère, protesta Marinette d'une voix amusée.
— Mais j'ai très peur de ce que ta mère me ferait si je ne veillais pas bien sur toi, assura Adrien.
— Tu parles de Sabine ? s'étonna Alya.
— Elle se transforme en dragon quand Marinette est malade, lui indiqua Adrien.
— Elle était très inquiète pour moi, reconnut Marinette.
— Bien, conclut Adrien.
Il sembla hésiter, puis demanda d'une voix qu'il s'efforçait manifestement de rendre neutre :
— Pour ce qui est du Papillon, qu'avez-vous décidé ?
Alya et Nino se tournèrent vers Marinette, pensant manifestement que c'était à elle de faire le compte-rendu de leur discussion. Elle décida de ne pas prendre de gants :
— Comme nous l'avons déjà exprimé, le premier suspect est ton père, rappela-t-elle d'un ton factuel. J'ai demandé à Alya de rassembler tout ce qu'elle peut sur son agenda public. Nous espérons pouvoir prouver qu'il lui a été impossible, au moins une fois, d'être à l'origine d'une attaque. Cette piste fermée, nous verrons ce que nous pouvons lui dire.
Adrien hocha brièvement la tête, pour montrer qu'il avait compris. Son visage impassible dissimulait ses sentiments. Pour Marinette, c'était pire que lorsqu'il avait crié. Le contrôle qu'il exerçait sur lui-même lui donnait la mesure de la violence du désarroi qu'il réprimait.
— J'ai aussi réfléchi à la manière d'enquêter sur le personnel de la maison, compléta Alya sans doute désireuse de montrer à leur ami qu'ils souhaitaient réellement mettre son père hors de cause. Je suis pratiquement certaine que ma mère connaît le chef qui travaille chez toi, Adrien. La grande cuisine, c'est un petit monde. Je peux prétendre faire une enquête sur le travail dans une grande maison particulière, et ma mère pourra s'arranger avec lui pour que ses collègues de travail répondent à mes questions. Je pourrais ainsi interroger tout le monde sur ses horaires et ses contraintes.
— Très bien, fit Adrien, qui se força à sourire.
— Il y a Mayura, aussi, continua Alya. Il est probable qu'elle soit une proche du Papillon. Mais rien ne dit qu'elle habite ni même qu'elle travaille au Manoir Agreste.
Tout le monde pensa cependant à Nathalie, mais personne ne le dit. Après tout, c'était inutile. Nino et Alya se levèrent pour rentrer chez eux. Ils avaient des cours le lendemain et espéraient pouvoir y aller, malgré la pression des combats et l'enquête à mener.
Marinette les raccompagna à la porte de l'appartement.
— Alya… dit soudainement Adrien sur un tel ton qu'ils s'interrompirent tous et se tournèrent vers lui.
Les yeux baissés vers la table qu'il n'avait pas quittée, il continua d'une voix parfaitement plate :
— Je ne sais pas si c'est dans son agenda officiel, mais jeudi et vendredi, mon père était à Milan.
C'étaient les deux journées où les attaques s'étaient interrompues. Le silence qui suivit fut très lourd.
— Je le note, finit par dire Alya d'une voix neutre. On y va, Nino, ajouta-t-elle en entraînant son ami vers l'ascenseur.
Marinette ferma la porte et contrôla soigneusement son expression avant de se retourner vers Adrien.
— Je pensais aller voir mes parents aujourd'hui. Veux-tu venir avec moi ?
— Je te remercie, répondit-il, mais je pense qu'ils préféreront te voir toute seule. Je dois réviser mes cours, de toute manière. Tu… tu as prévu de dormir ici ce soir ?
— Oui. Aussi longtemps que tu le voudras, précisa-t-elle.
Adrien lui sourit timidement :
— Je pensais… te faire un peu de place dans mes placards, avoua-t-il.
— Ça me plairait beaucoup, affirma Marinette en venant vers lui.
Elle se plaça contre lui et entoura son buste de ses bras. Toujours assis, il posa sa tête contre sa poitrine.
— Il faut quand même que je te prévienne, dit-elle avec assez de légèreté dans la voix pour qu'il sache que ce n'était pas à prendre trop au sérieux.
— De quoi ?
— Il va falloir que tu pousses un peu les meubles pour que j'installe ma machine à coudre. Je ne peux pas vivre sans.
— On trouvera une solution, promit-il. Amène-la quand tu veux.
— Je demanderai à mon père, demain. C'est le jour de fermeture de la boulangerie.
oOo
Quand Marinette arriva chez ses parents, sa mère était en boutique. Elle l'embrassa entre deux clients et lui suggéra d'aller voir son père au fournil.
— Ah, voici ma petite héroïne ! l'accueillit-il.
— Chut, Papa, il ne faut pas dire des choses comme ça, protesta-t-elle en l'embrassant. C'est important que cela reste secret.
— Ne t'inquiète pas, mes macarons ne sont pas très bavards !
— Papa !
— C'est que nous sommes très fiers de toi, ma petite fille.
— Merci, Papa.
Marinette passa deux heures avec son père, à le seconder pour la préparation de la fournée suivante et à garnir les gâteaux. Tom lui posa des questions sur la façon dont elle avait obtenu son Miraculous et sur les combats. Marinette tenta de lui répondre sans donner trop de détails. Elle ne voulait ni se vanter ni laisser échapper des détails qui pourraient être mal utilisés si ton père les répétait.
Finalement, il sortit la fournée du four.
— Allons mettre tout cela en rayon. Je vais pouvoir tenir le comptoir. Ta maman sera contente d'avoir un peu de temps avec toi aussi.
Marinette et sa mère montèrent à l'appartement. Elles s'installèrent dans le canapé.
— Alors, ma petite fille, comment vas-tu ?
— Bien, Maman. Je suis totalement remise.
— J'ai vu ça hier soir.
— Ce n'était pas prémédité. Mais ça semblait tellement être la panique dans Paris, que je ne pouvais pas rester en arrière. T'en fais pas, on s'est partagé le travail. Et Adrien m'a ramenée dans ses bras pour que je me ménage.
— Je suppose que tu trouves mon inquiétude un peu tardive. Cela fait quatre ans que tu te débrouilles merveilleusement sans que je ne me rende compte de rien… Ton père et moi sommes tellement désolés de ne pas t'avoir aidée davantage.
— Non, Maman, il ne faut pas penser ça. Vous êtes des parents formidables. Vous avez été exactement ce dont j'avais besoin. C'est grâce à vous que j'ai réussi à faire tout ça. Tout ce que vous m'avez donné, toute la sécurité et l'amour que j'ai toujours eu ici m'ont donné la force, le courage de ne jamais baisser les bras. Vous m'avez appris à avoir confiance en l'avenir et dans les autres.
— Ma petite fille…
— Oui, Maman, je suis toujours votre petite fille, avant d'être une héroïne, dit Marinette en prenant sa mère dans ses bras. J'ai encore besoin de ma maman et de mon papa quand je suis malade, que j'ai un gros chagrin ou que je suis découragée.
— Mhum. J'ai quand même l'impression qu'un certain jeune homme est en train de prendre le relais. Ce qui est dans l'ordre des choses, ajouta-t-elle immédiatement. Nous en sommes heureux pour toi. Surtout que ce garçon nous paraît très bien et très amoureux.
Le visage de Marinette se mit à rayonner.
— Oui, j'ai de la chance, il est merveilleux.
— Je suppose que tu comptes t'installer chez lui, pronostiqua sa mère.
— Oui, nous le souhaitons tous les deux. Si papa et toi êtes d'accord.
— Tu es adulte, ma petite fille. Tu n'as pas à nous demander de permission. Évidemment, si nous ne l'avions pas jugé digne de toi, nous te le dirions, à titre de conseil… même s'il est bien connu que les amoureux n'écoutent personne.
— Je préfère quand même avoir votre bénédiction.
— Tu l'as, sans réserve. Ton Adrien nous a fait, à tous les deux, une très bonne impression. Bien entendu, ces dernières semaines, on se demandait pourquoi tu faisais autant de mystères avec ta relation et cela nous a un peu inquiétés. Mais nous avons maintenant compris tes raisons. Son attitude pendant ta maladie nous a montré combien ses sentiments étaient profonds, et ce qu'il était capable de faire pour toi. Nous l'admirons aussi beaucoup pour ses talents de héros.
— C'est vrai que, sans lui, je n'y arriverais pas.
— Vous faites un très beau duo, tous les deux.
— J'ai longtemps pensé que ce n'était pas une bonne idée dans l'absolu que nous sortions ensemble, mais j'avais tort. Nous sommes encore plus forts ainsi.
— Mhum, j'ai l'impression qu'il a dû faire preuve de beaucoup de patience pour t'amener à ce point de vue.
— Parfois, je ne le mérite pas, admit Marinette un peu piteuse.
— La clairvoyance est le premier pas vers le perfectionnement, dit Sabine.
— Oui, Maman, fit docilement Marinette.
— Bien. Tu veux que je t'aide à emballer quelques affaires ?
— Oui, Maman, je veux bien. Merci.
Sabine alla dans un placard sortir des sacs de voyage et une énorme valise.
— Maman, je ne vais pas pouvoir porter tout ça ! s'exclama Marinette.
— Je te conduirai avec la camionnette, proposa sa mère.
— Il y en a un qui va avoir une grosse surprise, estima malicieusement la jeune fille.
Les deux femmes s'activèrent pendant deux heures. Marinette mit de côté ce qu'elle viendrait chercher plus tard et bourra à fond ses sacs. Elle décida qu'elle pouvait se passer durant quelques jours de sa machine à coudre. Elle aurait sans doute beaucoup de cours à rattraper, et pas le temps de se lancer dans des créations pour le plaisir.
Enfin, elles descendirent les sacs au rez-de-chaussée. Marinette passa embrasser son père, qui lui donna des gâteaux à emporter. Puis elle partit en voiture avec Sabine. Quand elles arrivèrent en bas de l'immeuble d'Adrien, elles déchargèrent les paquets et Sabine embrassa sa fille.
— Je pense que tu n'as plus besoin de moi et c'est bientôt l'heure d'affluence à la boulangerie. Donne-nous régulièrement de tes nouvelles quand même.
— Oui, Maman, bien sûr.
Une fois sa mère partie, Marinette appela Adrien.
— Tu es chez toi ?
— Oui, pourquoi ?
— Je suis en bas. J'ai besoin que tu viennes me chercher.
— Ça va ?
— Oui, ne t'en fais pas.
Une demi-minute plus tard, il ouvrait la porte de la rue. Il nota la valise et les trois gros sacs, puis la regarda avec un air ravi.
— La machine à coudre est dedans ? demanda-t-il.
— Non, sourit-elle. C'est juste le premier chargement. J'espère que tu m'as vraiment fait de la place !
Quand ils eurent déposé tous les sacs dans l'appartement, Adrien prit Marinette contre lui :
— Je suis tellement content que tu aies accepté de t'installer ici, lui dit-il tout bas.
— Moi aussi je suis heureuse, lui assura-t-elle en le serrant fort contre elle. C'était tellement frustrant de ne se voir que quelques heures par semaine.
— Ah, j'ai quelque chose pour toi, dit-il en s'écartant d'elle et prenant un petit objet sur la table du salon.
C'était une clé.
— C'est la tienne, dit-il. Parce que tu es chez toi.
— Oh Adrien ! répondit-elle émue.
Elle avait prévu de ranger ses affaires en arrivant, mais ils préférèrent s'installer sur le canapé pour se faire des câlins. Marinette sentait qu'Adrien avait besoin de beaucoup de tendresse pour supporter l'incertitude où il se trouvait. Elle ne savait pas quoi dire pour l'aider. Elle était de plus en plus persuadée que c'était bien Gabriel Agreste qui était derrière tout ça, mais elle n'arrivait pas à imaginer pourquoi il faisait une chose pareille. Tout ce qu'elle pouvait donner à son amoureux était son soutien moral. Elle avait envie de lui demander s'il voulait en parler, mais n'osa pas. Il n'aimait pas se plaindre ni parler de ses problèmes. Elle ne voulait pas le forcer. L'information qu'il leur avait donnée au petit-déjeuner avait déjà dû beaucoup lui coûter. Il aurait sans doute préféré garder l'information pour lui. Mais il était Chat Noir et depuis quatre ans, il avait pris l'habitude de faire passer son devoir avant son intérêt personnel ou même sa loyauté envers ses proches.
Quand ils eurent faim, ils allèrent se préparer à manger. Pendant le repas, Adrien se confia :
— J'ai été voir mon père, hier, et on a pas mal discuté. C'est rare qu'il ait autant de temps à me consacrer.
— Mhum, fit Marinette, pour montrer qu'elle était attentive, mais ne voulant pas poser de questions qui pourraient être perçues comme de la défiance.
— Je crois qu'il était content de me voir. Surpris aussi, un peu, car c'était la première fois depuis mon départ que je venais au manoir sans raison professionnelle. On a surtout parlé de la maison de couture. On a du mal à trouver d'autres sujets de conversation, en fait. J'étais étonné qu'il m'invite à dîner avec lui.
Marinette hocha la tête. Elle aurait bien aimé la veille qu'il la prévienne qu'il ne rentrait pas dîner, mais elle comprenait qu'il n'ait pas eu envie de le faire, après leur dispute.
— Il m'a demandé comment se passaient mes cours, continua Adrien.
— Parce que tu as manqué la semaine dernière ? s'inquiéta Marinette.
— Il n'en a pas parlé. Je crois qu'il voulait simplement savoir si cela m'intéressait et si j'avais de bonnes notes.
— C'est bien.
— Pour les notes, j'ai l'habitude. Mais j'étais content qu'il se préoccupe aussi de savoir ce que j'en pensais, dit Adrien d'une voix qui se voulait neutre, mais qui laissait filtrer l'importance que cette attention avait pour lui.
— Peut-être a-t-il accepté l'idée que tu avais assez grandi pour faire tes choix, avança Marinette, qui cherchait à être positive.
— Je ne sais pas, reconnut Adrien. C'est compliqué de savoir ce qu'il pense. Il m'a aussi demandé quelles étaient mes relations avec toi.
La volonté de Marinette ne pas émettre de jugement ou montrer de défiance ne résista pas à cette information.
— Comment ça ? demanda-t-elle d'une voix inquiète. Tu…
Elle s'arrêta. Elle voulait savoir comment Gabriel était au courant pour leur relation, mais ne voulait pas donner un ton accusateur à sa question.
— Quand tu es tombée malade, j'ai appelé Nathalie pour lui demander le numéro de mon médecin. Elle m'a demandé si c'était pour moi, et j'ai répondu que c'était pour une amie, expliqua Adrien. Il voulait savoir qui était cette amie et quel était notre degré « d'amitié ».
— Oh, je comprends, dit-elle.
— J'ai donné ton nom, précisa-t-il. Ne pas le faire aurait attiré son attention et il se serait demandé pourquoi je cherchais à le cacher, ajouta-t-il un peu sur la défensive.
— Tu as bien fait, dit-elle pour le tranquilliser.
— J'ai également rappelé qu'il t'avait donné un prix au collège pour le chapeau que tu avais créé et précisé que tu étais dans une école de mode. Je n'aurais peut-être pas dû.
— C'est gênant ? s'étonna-t-elle.
— Il m'a mis en garde contre les parasites qui tentent de profiter de mes relations.
Marinette éclata de rire.
— Oh, Adrien !
— Je sais, dit-il d'un ton piteux. J'ai tenté de dire qu'on se connaissait depuis longtemps et que je savais que ce n'était pas ton genre. J'ai expliqué que, pour moi, c'était sérieux. Il m'a dit qu'à dix-huit ans, cela paraissait toujours sérieux et que c'était rare que cela le soit. J'ai fini par répondre que je n'allais pas avoir une relation avec quelqu'un dans l'idée qu'il y en aurait éventuellement une autre derrière. Qu'une relation, cela se vit complètement ou pas du tout. Bref ! Il a changé de sujet.
— Mais trouvera-t-il un jour quelqu'un pour toi, dont il ne se défie pas ? questionna Marinette, qui refusait de se sentir personnellement blessée par les réticences du père de son amoureux.
— Il était assez favorable à Kagami. Sa mère est assez riche pour qu'il ne craigne pas que ce soit par intérêt. Il a aussi apprécié l'éducation qu'elle a subie. Nos deux parents ont en commun l'idée que ne pas se faire d'amis est le meilleur moyen de réussir sa vie, commenta Adrien d'une voix ironique. C'est la meilleure façon de ne pouvoir être ni berné ni déçu par quelqu'un.
— Ni aimé non plus, compléta Marinette.
— Voilà.
— Je crains que ton éducation ait été un échec, remarqua-t-elle d'une voix ironique. Tu es plutôt doué pour te faire des formidables amis et tu as réussi à te faire aimer passionnément.
— J'ai eu la chance de tomber sur des personnes extraordinaires.
— Non, Adrien. Cela n'aurait pas été nous, cela aurait été d'autres personnes.
— Ça n'aurait pas été pareil. Il n'y a qu'une seule Ladybug.
— Et un seul Chat Noir, ajouta-t-elle en l'embrassant.
Marinette serra son amoureux contre elle avec une forte envie de pleurer. Elle comprenait qu'Adrien ait eu besoin de voir Monsieur Agreste avant qu'ils n'enquêtent sur lui. Elle sentait combien il était important pour lui de lui rappeler que l'homme qu'ils suspectaient était son père, un père qui se préoccupait de son fils, même de manière imparfaite. Un père qu'il n'arrêterait pas de considérer comme tel, quelle que soit la conclusion de leur enquête.
Depuis trois ans, Marinette pensait que, en tant que Gardienne, c'était elle qui était en position de payer le plus lourd tribut. Elle s'était trompée. Il y avait des fardeaux pires que ce qu'elle avait pu imaginer.
Ils sont mignons nos deux amoureux, non ? Même si la période est compliquée pour ce pauvre Adrien.
Fan miraculous : c'est Volpina qui a hypnotisé Carapace et Ladybug avec des pierres
