Note de l'auteur : Bonjour tout le monde, publication sauvage, je crois que je vais fonctionner encore comme ça pendant un petit temps... Et puis comme ça vous aurez la surprise ! Donc, chapitre 34, déjà... Avec un Camus qui est parti en catimini et un joli tête-à-tête entre Milo et Hyôga. J'espère que tout ceci vous plaira.
Je remercie toutes les merveilleuses personnes qui me reviewvent, et vous tous de me suivre encore jusqu'ici, et je vous souhaite une très bonne lecture !
Chapitre 34 – Absence soudaine
Lorsque Milo s'éveilla ce matin-là, il eut la drôle de surprise de trouver non pas Camus à ses côtés, mais Hyôga. Celui-ci était posté à son chevet, sur une chaise, en train de lire un grand livre. Le jeune disciple avait à peu près les mêmes mimiques que son maître lorsqu'il lisait, se rendit immédiatement compte le chevalier, et cela fut assez troublant à constater pour lui.
Qu'est-ce que Hyôga fichait là ? Se dit-il en posant son regard azur sur sa silhouette concentrée. Pas qu'il n'aimait pas le disciple des neiges, mais… S'il était là, c'était sans doute parce que quelque chose d'inhabituel devait se passer. Il n'y avait pas d'autre conclusion à en tirer. Milo devina tout de suite que c'était Camus qui lui avait ordonné de se trouver là. Il pensait à juste titre que le jeune homme ne viendrait pas spontanément dans la pièce, comme ça, sans y avoir été invité. Les quelques fois où Milo avait vu le disciple de Camus, cela avait été parce qu'il avait eu l'autorisation de son maître pour entrer dans sa chambre. Il ne l'avait jamais, au grand jamais, fait de sa propre initiative. D'ailleurs, Milo se disait que Camus devait être assez intransigeant avec ce genre de choses. On ne pénétrait pas dans son intimité comme ça. Il en savait quelque chose, d'ailleurs, réfléchit-il en ricanant intérieurement, fier de son double-sens tendancieux.
Si Hyôga était là, et sans Camus… La grande question était… Où était passé le mage ?
Le gamin pourra sans doute me renseigner, se dit Milo en l'observant attentivement. Si le jeune disciple était là, c'était qu'il devait le savoir, lui.
« Hyôga ? » L'appela-t-il depuis son lit.
L'intéressé tourna immédiatement la tête vers lui. Il y avait de l'angoisse sur ce jeune visage, analysa très vite Milo. Oui… Il se passait bien quelque chose.
« Vous avez bien dormi, Milo ? S'enquit timidement celui-ci.
- Oui, confirma l'intéressé, mais… Qu'est-ce que tu fais là ? Où est Camus ? »
A ces mots, le visage du jeune homme exprima quelque chose entre de la peine et de l'angoisse.
« Maître Camus n'est… Plus ici, expliqua-t-il, appréhensif de la réaction de Milo.
- Plus ici ? Releva le chevalier, incrédule. Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Il est… Il est parti. En bateau. Ce matin, tôt.
- Quoi ?! » S'exclama Milo en tentant de se redresser.
Il n'y arriva qu'à moitié. L'effort fut un peu brutal, surtout au réveil. Son torse tremblant retomba aussi sec au fond de son matelas.
Hyôga, en le voyant faire, s'angoissa immédiatement. Maître Camus lui avait dit que Milo risquerait de s'agiter… Et une fois de plus, il était tombé juste dans ses prédictions. Le disciple espérait surtout que celles-ci soient avérées concernant ce qu'il devait faire à la Citadelle. Depuis que son maître était parti, l'adolescent écumait d'angoisse.
Le disciple se leva prestement de sa chaise et se précipita sur Milo. Il se pencha sur lui pour vérifier qu'il allait bien.
« Milo ! Ça va ?
- Dis-moi où il est parti ! S'affola tout de suite le chevalier, visiblement paniqué.
- Il… Il est allé à la Citadelle Bénite… Pour… Hésita Hyôga. Pour… Obtenir le pardon du Grand Pope concernant votre désertion. »
A ces mots, Milo se figea. De l'horreur nette se peignit sur son visage. Hyôga le vit avec inquiétude pâlir de plusieurs tons.
« Il n'a pas fait ça, prononça-t-il d'une voix blanche.
- Si, lui avoua Hyôga avec une grimace inquiète.
- Non ! Il n'a pas fait ça ! » S'exclama Milo en tentant de se relever à nouveau.
Hyôga, sentant que le chevalier allait se mettre à paniquer et à s'épuiser pour rien, choisit de le maintenir en place sur son matelas. Milo fit plusieurs tentatives pour essayer de se déloger, dans sa crainte pour le mage, mais il n'y arriva pas.
« Lâche-moi ! Cria-t-il. Camus est parti ! Il faut que je…
- Vous n'irez nulle part, le contredit Hyôga d'une voix ferme. De toute manière, nous ne pouvons pas bouger de l'île… Camus a pris notre unique bateau pour en partir.
- Non… Non, c'est impossible ! Se désespéra Milo.
- Je suis désolé, Milo, fit sincèrement Hyôga.
- Mais il est parti sans rien me dire, en plus ! S'irrita tout à coup le chevalier. Il se rend compte qu'il met sa vie en danger, cet abruti ?! Il va se faire tuer !
- Hé ! Ne parlez pas comme ça de maître Camus ! Se vexa le disciple.
- Je parle de lui comme je veux ! Tonna Milo en essayant de se redresser à nouveau. C'est pas un gamin comme toi qui vas m'en empêcher ! Camus est complètement inconscient, là ! Bordel, mais pourquoi il m'a rien dit ?! »
En le voyant mettre toute la force du monde pour tenter de se lever du lit, et s'agiter comme un fou malgré son état de fatigue, Hyôga écarquilla des yeux. Il posa tout de suite ses deux mains sur ses épaules pour le maintenir en place. Camus lui avait bien dit de ne pas le laisser s'affoler.
« Milo ! Calmez-vous ! S'écria le disciple. Nous ne pouvons rien faire pour le rattraper. Cessez de bouger ainsi, vous allez vous épuiser ! »
Sous l'emprise du jeune disciple, Milo finit par s'arrêter de bouger complètement. Le chevalier sentit ses yeux s'embuer, lorsqu'il se calma un peu. Camus allait se faire tuer ou se faire emprisonner et c'était sa faute. S'il avait su… Il aurait tout fait pour l'empêcher de partir. Si seulement il n'avait pas été dans cet état !
« Comment il a pu me faire ça ? Continua-t-il à s'énerver, au risque de ne plus rien maîtriser. Comment ?!
- Il a l'air de beaucoup tenir à vous, hasarda le blond d'une petite voix.
- Je sais ! S'écria Milo, au désespoir. Je le vois bien ! Il ne… Il ne devrait pas… Pourquoi est-ce qu'il a fallu qu'il prenne un tel risque ?! »
Hyôga le regarda, désemparé. Lui, il le savait encore moins.
« Et toi ! Tu le savais ! S'exclama soudain le chevalier. Tu le savais qu'il allait partir, n'est-ce pas ?! Et t'as rien fait pour l'en empêcher ?!
- Si ! Prit tout de suite la mouche le disciple. Bien sûr que si ! Mais maître Camus ne m'a pas écouté ! Il n'écoute jamais personne ! Il est tellement têtu qu'il m'aurait transformé en statue de glace pour que je ne me mette pas dans son chemin ! Je n'ai pas eu le choix ! »
Milo essaya de ravaler sa profonde envie de pleurer. Il ne répondit rien. Il ne doutait pas de la sincérité de Hyôga. Il savait que son amant était une tête de bois lorsqu'il s'y mettait.
« Je suis désolé, Milo, fit plus doucement Hyôga. Moi aussi, j'aurais voulu qu'il reste, et je suis très inquiet pour lui. Mais il m'a fait promettre de veiller sur vous. »
Milo secoua la tête, résigné à son angoisse.
« Il a vraiment intérêt à revenir entier sur cette île, annonça-t-il d'une voix sourde. S'il ne le fait pas, je… Je ne pourrai jamais me le pardonner.
- Il m'a promis qu'il le ferait, essaya de le rassurer le plus jeune. Il avait quand même l'air d'être assez sûr de lui…
- On ne peut jamais être sûr de ce genre de choses », fit Milo d'une voix brisée.
Le disciple ne sut quoi répondre. Pour le coup, il partageait le désarroi de Milo. Ils étaient unis dans un ressenti assez similaire. Un silence pesant se fit entre eux. Le chevalier continua de pester intérieurement, se retenant encore de ne pas éclater en sanglots, très en colère contre cette situation de pure impuissance. Camus était vraiment un imbécile.
« Maître Camus m'a laissé un mot pour vous, fit Hyôga au bout de ce long silence. Je ne sais pas ce qu'il y a dedans, je ne l'ai pas lu. Mais… Je suppose qu'il a dû vous y expliquer…
- T'inquiète pas, c'est clair comme de l'eau de roche, pourquoi il l'a fait, grinça immédiatement Milo. Mais… Donne. Je veux le lire. Voir ce qu'il a à dire pour justifier de me faire un coup pareil… »
Hyôga sortit de l'une de ses poches un papier plié en quatre que Camus lui avait laissé. Il le tendit à Milo, qui l'attrapa tout de suite et le déplia devant son nez, allongé dans son lit. Clair comme de l'eau de roche ? Releva le disciple en son for intérieur. Pour lui, ce n'était pas clair du tout, et il aurait bien aimé qu'on lui explique.
Milo parcourut la lettre des yeux avec empressement, sous le regard attentif du disciple de Camus. Celui-ci n'avait pas osé regarder ce qui était écrit dedans. Il avait vu dans le regard sévère de son maître ce matin-là qu'il n'aurait pas intérêt à ouvrir le mot qu'il avait écrit pour Milo. Ne voulant pas trahir sa volonté, il l'avait gardé plié, religieusement, dans la poche de sa veste.
Lorsque Milo en eut terminé avec sa lecture, il reposa le papier à plat sur son torse, et il poussa un soupir désespéré et tremblant. Hyôga le regarda sans rien dire, ne sachant pas trop où se mettre.
« Il a intérêt à réussir, cet abruti… Il a vraiment intérêt… » Retentit sa voix brisée.
Milo,
Je sais que tu vas sans doute me détester pour ma conduite. Je n'aurai pas besoin d'être présent à tes côtés pour le savoir.
Je suis sincèrement désolé de partir sans rien te dire. Mais c'est nécessaire. Je sais que j'aurai du mal à t'en convaincre, et sans doute encore moins avec une pauvre lettre en guise d'excuse. Mais je dois partir pour que tu sois gracié. Je veux que tu le sois. Et pour que cela se fasse, je dois me rendre à la Citadelle, et m'exposer au danger. C'est le seul moyen.
Je vais aller voir Shion, et je vais tenter de lui expliquer. De plaider pour toi. Je lui exposerai les véritables circonstances de ta désertion, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'il veuille bien m'écouter. Même prendre le blâme à ta place. Après tout, tu n'es jamais parti de la Tour de Garde de ton plein gré. Je t'ai enlevé. C'est moi qui dois prendre l'entière responsabilité de mes actes. Même si je sais que tu les juges sans doute dangereux et irrationnels, en lisant ces lignes. Mais Milo… Je crois que si l'on devait réellement qualifier ce qui nous lie, tous les deux… Le mot « rationnel » ne conviendrait jamais.
Je sais que cela sera difficile, mais ne t'inquiète pas trop pour moi. Je n'ai pas prévu de les laisser me tuer ou m'emprisonner facilement. Si cela devait mal tourner… Je transformerai la Citadelle Bénite entièrement en palais de glace, avant qu'ils n'essayent même de m'attraper.
Pendant mon absence, je t'en conjure, continue de te soigner. Mange normalement, comme ce que tu as fait jusqu'ici, et ne te fatigue pas inutilement. Rétablis-toi. Hyôga m'a promis de t'aider. Je souhaite que vous vous entendiez bien, tous les deux. Je lui ai donné mes instructions. A toi, je ne peux pas t'en donner, parce que je n'ai pas à te dicter ta conduite… Mais je t'en prie… Ne cause pas trop de souci à mon disciple. Il est jeune, et il a beaucoup à apprendre. De plus, il va énormément s'en faire pour moi, je le connais bien. Dans la mesure du possible, occupe-toi bien de lui, je t'en prie, Milo. Même si je sais que tu dois être fâché contre moi… Fais-le en l'honneur de ce qui nous lie. Hyôga est autonome, mais il a encore besoin de sentir qu'on l'encadre. Et… En mon absence, tu seras le seul adulte dans la maison.
Je vais revenir, Milo. D'ici deux jours, je serai là. Avec un peu de chance, je porterai la nouvelle du pardon que je veux obtenir pour toi. Je veux que tu puisses vivre libre de ton passé. Tu l'as plus que mérité. Tu es un homme vaillant, droit, et noble, et je donnerai tout ce que j'ai pour que le souverain, et même le monde entier ne le comprenne.
Je te reviendrai, je te le promets.
Je t'aime
Camus
Sur l'Île de l'Aurore, la première journée passa dans l'angoisse.
Milo avait rapidement allumé son pendentif de lumière en sachant que Camus était parti. Il l'avait constaté, qu'il pouvait faire briller son faisceau vers une personne, et non pas vers un endroit… Alors, dans ces circonstances, autant utiliser l'objet pour se rassurer.
Hyôga, en voyant le phénomène, s'était immédiatement émerveillé. Milo lui avait expliqué que tant que le pendentif brillerait, c'était que Camus était vivant. Cela apaisa un petit peu le disciple. Tant que la lumière serait là… Cela voudrait dire que maître Camus était quelque part. Le pendentif pointerait tout droit sur lui au moindre problème. Cet artefact était un miracle, pensa immédiatement le jeune homme en le voyant.
Hyôga arriva à faire manger Milo correctement malgré sa tristesse et son inquiétude manifestes. Le chevalier voulait respecter la volonté de Camus. Il ferait cela pour lui. Et puis, le maître des glaces avait raison, il le savait. Hyôga était encore jeune, et il ne pouvait pas le solliciter trop. Il fallait qu'il soit responsable. Le jeune homme avait déjà très peur pour son maître… Il était inutile d'en rajouter une couche. Milo fut donc courageusement raisonnable, et il fit de son mieux pour être agréable avec lui.
Hyôga lui tint compagnie toute la journée. Du reste, il n'avait pas grand-chose d'autre à faire… Ce n'était pas comme s'il pouvait s'entraîner avec son maître. Milo, ce jour-là, arriva à se redresser tout seul dans son lit et même à se mettre en position assise de lui-même, sans avoir besoin de dossier. Il ne tenait pas extrêmement longtemps sans avoir quelque chose sur lequel reposer, mais cela lui permettait un peu d'autonomie. Milo en était heureux, car cela évitait que Hyôga ait complètement à transporter un poids mort à la salle de bain quelques fois par jour, et cela lui garantissait davantage de contrôle sur lui-même.
La lumière du pendentif ne bougea pas de toute la journée. Elle pointait avec persistance vers le Sud. Ce qui était bien normal, car c'était dans cette direction que se trouvait la Citadelle Bénite, à travers la Mer de l'Inconnu. Camus devait être en train d'y aller tout droit.
Dans l'après-midi, Milo se laissa aller à somnoler à moitié assis dans le lit, le fameux livre prêté par Camus entre les mains, pendant que Hyôga en lisait un aussi, perché sur une chaise à côté de lui. Milo avait souvent besoin de dormir un peu dans la journée en plus de ses nuits. Et il s'assoupissait régulièrement lorsqu'il lisait. C'était une activité qui était à la fois calme et malgré tout épuisante pour son esprit. Il n'était pas coutumier de lire autant, et cela demandait beaucoup de concentration pour son cerveau. Mais comme c'était une des seules choses qu'il pouvait faire pour s'occuper, il persistait. Il essayait d'avancer dans le livre… Entre plusieurs morceaux de sieste. Milo se réveilla quelques fois en sursaut pendant l'après-midi, le livre dans ses mains lâches, ne s'étant pas senti glisser dans le sommeil.
Puis, en fin d'après-midi, lassé de s'éveiller et de s'endormir de la sorte, Milo finit par proposer à Hyôga de faire une partie de cartes avec lui. Peut-être cela le tiendrait-il davantage alerte.
Le disciple de Camus accepta rapidement. Lui aussi, il n'était pas contre s'occuper à autre chose. Et cela le rassurait de voir que Milo restait calme malgré les évènements. Il avait eu peur d'avoir à s'occuper d'une furie ou quoi que ce soit d'autre, mais non. Cela se passait très bien, jusque-là. Hyôga commençait à se dire qu'en fait, Milo avait l'air d'être quelqu'un de gentil. Après tout… Si maître Camus l'aimait bien, et allait même jusqu'à vouloir se sacrifier pour lui… C'était qu'il devait sacrément en valoir la peine.
Hyôga alla chercher un jeu de cartes qui était rangé proprement dans le salon, et il revint avec aux côtés de Milo. Il s'assit près de lui, en tailleur sur le bout de lit qui était libre, et il commença à mélanger les cartes dans ses mains. Milo le regarda faire attentivement. Il avait un air légèrement méfiant au visage… Il devait sans doute avoir déjà vu des gens tricher aux cartes et ne pas aimer cela du tout, en conclut Hyôga. Ce n'était pas grave. Il n'avait pas prévu de faire cela, de toute manière.
Hyôga trouvait parfois le regard clair de Milo un peu impressionnant. Celui-ci dégageait un certain charisme, de manière générale, que le jeune homme avait rarement vu ailleurs. Même ainsi, dans un lit depuis une bonne semaine, il n'était pas difficile pour lui de constater que le chevalier avait de la présence. En soi, c'était un peu comme maître Camus, mais en différent. Camus dégageait de l'intransigeance et une certaine sévérité dans ses manières, alors que Milo, lui, donnait facilement l'impression que n'importe qui pourrait être sa proie. Mais il n'avait pas du tout l'air mal intentionné, au contraire, et c'était le paradoxe dans ce que ressentait Hyôga en l'observant.
« Dites, Milo… Hésita Hyôga en lui distribuant ses cartes.
- Oui ? Fit l'intéressé, en les prenant et en les contemplant attentivement.
- Je peux vous poser une question ? »
Hyôga entendit la voix de son maître, dans son esprit, lui dire que c'était ce qu'il venait justement de faire. Il savait que s'il avait dit cela à Camus, il lui aurait sans aucun doute répondu ces mots.
« Vas-y », lui enjoignit distraitement Milo.
Hyôga joua une carte.
« Tiens, d'ailleurs, gamin, avant ça… Continua le chevalier en jouant à son tour.
- Oui ?
- Tu ne veux pas me tutoyer ? Vu que je suis parti pour rester là un moment…
- Vous voulez que je vous tutoie ? S'étonna le plus jeune.
- Ben, oui, répondit Milo en haussant les épaules. Quoi… Je ne suis pas si vieux que ça, si ?
- Non, pas du tout, s'empressa de nier Hyôga. Seulement, vous êtes un adulte, un haut gradé militaire…
- Un adulte, mouais, si tu veux, admit le chevalier. Mais pour le haut gradé, tu peux oublier. Je te signale que je suis considéré comme un déserteur, maintenant.
- Sauf si maître Camus réussit à vous faire gracier, lui rappela le disciple.
- Ça ne me rendra pas mon grade, répliqua Milo sans se perturber. Et ça n'invalide pas ce que je te demande. Tutoie-moi, s'il te plaît. Gradé ou pas gradé, je ne suis pas ton supérieur.
- C'est que… Je ne sais pas si maître Camus voudrait que je vous tutoie, hésita le disciple.
- Je ne suis pas sûr qu'il ait vraiment son mot à dire là-dessus, le contredit Milo. C'est encore moi qui décide si je veux que tu me tutoies ou me vouvoies, non ?
- Sans doute… » Fit Hyôga en jouant une autre carte.
Milo fit un sourire amusé face à la timidité de son interlocuteur. Il joua à son tour.
« Bon… En tout cas, moi, je suis plus à l'aise avec le tutoiement, de manière générale, lui annonça le chevalier en l'observant un peu. C'est pour ça que je te le demande.
- D'accord… Dans ce cas, je vais essayer de te tutoyer, si tu le veux vraiment, agréa le jeune homme.
- Merci. »
Les deux comparses continuèrent à jouer dans un silence léger.
« Alors ? Et ta question ? Lui rappela Milo en posant une autre carte.
- Ah ! Oui, c'est vrai, se souvint Hyôga. Voilà… Maître Camus ne m'a pratiquement rien dit de toi… Et… Je me demandais… Comment tu l'as rencontré ? Il m'a dit que vous aviez fait équipe pendant sa dernière mission, et… C'est tout.
- C'est vrai qu'il ne parle pas beaucoup, ton maître, quand il décide qu'il n'en a pas envie, commenta Milo avec un sourire attendri.
- Non, agréa l'apprenti en lui rendant un sourire timide.
- Le problème, c'est que si je te dis les circonstances dans lesquelles je l'ai rencontré, tu vas sans doute me détester. Ce serait quand même dommage.
- Comment ça ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? S'apeura le disciple.
- Ben, je suis tombé sur ton maître en tentant de l'assassiner », lui avoua Milo d'un air détaché.
A ces mots, Hyôga s'étrangla sur son jeu.
« Quoi ? S'étouffa-t-il.
- Mais t'inquiète pas, il me l'a bien rendu, il a failli me noyer en représailles », lui raconta Milo avec un sourire amusé.
Le disciple écarquilla les yeux. Mais quel genre de fou dangereux était Milo pour oser s'en prendre à son maître ?!
« Mais pourquoi est-ce que tu voulais le tuer ? S'horrifia Hyôga.
- Il me faisait concurrence », révéla Milo en haussant les épaules.
En voyant l'air visiblement choqué du disciple, celui-ci jugea bon de le rassurer un peu.
« Eh, j'ai jamais dit que je regrettais pas mon geste, me regarde pas comme ça, ajouta-t-il. Et puis comme je te l'ai dit, Camus s'est bien défendu. La preuve, il est revenu en un seul morceau. Pas besoin d'en faire un drame.
- Mais comment il a pu faire équipe avec quelqu'un d'aussi dangereux et malveillant que toi ? Lâcha Hyôga, qui n'en revenait pas que son maître ait pu se fier à quelqu'un d'aussi douteux.
- Il faudra que tu lui demandes, admit Milo avec un sourire en coin. Il m'a flanqué dans des rapides, et il a décidé de me sauver la peau, au lieu de me laisser couler. Moi non plus, je ne comprends toujours pas comment c'est possible. »
Mais avec qui je suis en train de faire une partie de cartes ? S'apeura franchement le plus jeune. Qui Camus allait-il risquer sa propre vie à essayer de gracier, au juste ?
« Tu ne mérites pas que maître Camus essaye d'obtenir un pardon pour toi, fit le disciple avec plus de colère.
- Non, je ne le mérite pas, je suis d'accord avec toi », répliqua le chevalier sans s'émouvoir.
Milo joua une carte, soudain plus sombre. Hyôga haussa les sourcils. Il ne s'était pas attendu à cette réponse.
« Quoi ? Hésita-t-il.
- Quoi, quoi ?
- Tu ne penses pas… Que tu le mérites ? Je croyais… Te mettre en colère, en disant ça.
- Parce que tu voulais me mettre en colère ?
- Je suis en colère contre toutes les personnes qui essayent de m'enlever mon maître !
- Oui, dans ce cas, tu dois être sacrément en colère contre moi. Mais vas-y, énerve-toi, si tu veux. C'est pas grave. Je ne le répèterai pas à ton maître. Je sais qu'il t'a passé un savon pour ça, hier. Mais je ne te balancerai pas. »
Le disciple contempla le visage très calme, trop calme, même, à son goût, de Milo. Il ne comprenait pas grand-chose à ce qu'il lui disait.
« Comment tu sais que maître Camus…
- Il a hurlé à en faire craquer le joint des murs, ricana Milo. Alors, comme c'est pas trop dans ses habitudes, je lui ai demandé ce qu'il s'était passé.
- Alors il t'a dit que…
- Ouaip. Il m'a dit que t'as mal parlé de moi. Mais t'inquiète, gamin. Je suis blindé. »
Hyôga ne sut pas s'il devait se sentir gêné ou toujours en colère. Il ne se démonta pas pour autant.
« Je ne comprends pas ce qu'il te trouve, c'est ça, mon problème, marmonna le plus jeune sur un ton colérique. Quand il est revenu de cette mission, il était dans un état inquiétant, et c'est à cause de toi, j'en suis sûr. Alors… Tu n'arranges pas ton cas en me disant que tu as voulu le tuer. »
Hyôga jeta son jeu de cartes pourtant gagnant sur le lit, dépité.
« J'ai plus envie de jouer », fit-il avec une moue boudeuse.
Milo le regarda faire, interdit. C'était mal parti. Hyôga vit tout de suite que cette fois, ses commentaires avaient eu un effet sur son interlocuteur.
« Camus et moi nous sommes mutuellement sauvé la vie, pendant cette mission, lui expliqua néanmoins posément Milo. C'est en partie pour ça que nous tenons l'un à l'autre. »
A ces mots, il y eut un regain d'intérêt dans le regard de Hyôga.
« Tu lui as sauvé la vie ? L'interrogea-t-il, circonspect.
- Oui… Je crois qu'on peut le dire, l'informa distraitement le chevalier.
- Et… Dans quelles circonstances ? » S'enquit le disciple plus timidement.
Milo fit un léger sourire en voyant qu'il avait réussi à capter l'attention du plus jeune.
« Eh bien… A la fin de notre mission, nous avons dû traverser un Désert de Lave, pour aller sauver la princesse, raconta Milo. Il faisait très chaud… Et ton maître n'était pas trop dans son élément. La chaleur lui avait fait consommer toute son énergie magique, tellement qu'il ne pouvait plus marcher. J'ai dû beaucoup le porter. Il était très affaibli. Et malheureusement, y'a un crétin un peu dans mon genre qui nous est tombé dessus pour nous éliminer et avoir la prime à notre place. Il a menacé Camus, alors qu'il n'était pas en état de se battre… Donc j'ai vaincu l'enfoiré en question, pour éviter qu'il ne lui fasse du mal. Après, je ne sais pas évaluer… T'appelles ça lui sauver la vie, ou seulement le défendre ? Je ne suis pas très bon juge. »
A ces mots, la mine de Hyôga se décomposa en une expression coupable. Bon, d'accord… Camus avait peut-être raison de lui avoir dit de ne jamais parler mal de Milo. D'après ce qu'il comprenait, son maître ne serait peut-être pas revenu vivant de la dernière mission, sans l'aide du chevalier.
« Je suis désolé pour ce que j'ai dit, s'amenda alors le disciple, embêté.
- T'es désolé, maintenant ? S'enquit Milo en le toisant sérieusement.
- Tu lui as bien sauvé la vie, oui, je crois qu'on peut le dire, admit Hyôga. Je te remercie de l'avoir protégé. Je n'aurais plus eu de maître pour m'apprendre la magie, sans toi. »
Le chevalier haussa une nouvelle fois nonchalamment les épaules, un air mélancolique au visage.
« Tu sais, maître Camus ne m'a strictement rien dit de cette mission, avant que tu ne débarques chez nous, lui avoua le disciple. Je ne pouvais pas savoir…
- J'ai jamais dit que je t'en voulais, prononça Milo en soutenant son regard.
- Oui, mais je t'ai fait de la peine en disant ce que j'ai dit. J'ai été bête.
- Je te l'ai dit. Je suis blindé. »
Non, tu ne l'es pas, pensa malgré lui le disciple. Le chevalier avait l'air triste, vraiment. Milo était peut-être « blindé » en temps normal… Mais affaibli comme il l'était, il y avait peu de chances. Il s'était comporté comme un imbécile en se mettant en colère. Maître Camus aurait été terriblement déçu de lui, s'il avait été là. Et Milo avait été très patient avec lui.
« Je m'excuse quand même, déclara sérieusement Hyôga. Maître Camus a toutes ses raisons de vouloir te faire gracier, et… Et je t'ai jugé trop vite, apparemment. Pardon. »
Milo secoua de la tête négativement.
« C'est pas grave, Hyôga. C'est bon. »
Hyôga le regarda, un peu embêté malgré tout.
« T'aurais pas dû jeter ton jeu comme ça. Tu gagnais, commenta Milo d'un air pensif.
- Ça ne fait rien, fit Hyôga dans un murmure. Je ne sais pas si j'ai trop le cœur à jouer à ça, de toute manière. Je crois que je suis trop inquiet pour maître Camus.
- Moi aussi… J'ai très peur pour lui, lui confia Milo avec grand sérieux. C'est pour ça qu'il faut qu'on se serre les coudes, toi et moi. Tu veux bien ?
- Oui. »
Hyôga alla ramasser les cartes pour calmer sa nervosité.
« Dis-moi Hyôga, tu permets que je te pose une question ?
- Tu peux. Je t'en ai posé une moi aussi.
- Tu as dit tout à l'heure, en parlant de Camus… Qu'il était revenu de la mission dans un état inquiétant, retentit le timbre soucieux de Milo. Qu'est-ce que tu as voulu dire ? Il était dans quel état ? »
En effet, Milo se doutait que Camus n'avait pas dû être très heureux qu'ils se séparent… Mais c'était vrai qu'il n'avait même pas eu le temps de lui poser des questions. Il ne savait pas ce que Camus avait fait pendant les deux mois qu'il ne l'avait pas vu. Et il n'avait pas aimé ce que Hyôga avait laissé échapper dans sa colère.
Le regard bleu-gris de Hyôga se posa dans le sien avec timidité.
« Maître Camus n'allait pas très bien après sa mission, lui révéla le disciple après un silence.
- Qu'est-ce que tu appelles pas très bien ? L'interrogea vivement Milo.
- Il n'était plus comme d'habitude. Déjà, il parlait vraiment, vraiment beaucoup moins, expliqua-t-il. Et puis, il a refusé de me dire un seul mot sur son voyage. Pourtant, il avait l'habitude de me raconter ses missions. Sans compter le fait qu'il a fait une énorme crise de pleurs quand je l'ai revu, à la Citadelle.
- Je vois, ponctua sombrement Milo. C'est pour ça que tu étais en colère ?
- Non… C'était parce qu'il allait mal au point que je me faisais du souci pour sa santé, lui avoua le plus jeune.
- Sa santé ? Releva le chevalier avec angoisse.
- Oui. Il dormait très mal… Il était souvent fatigué… Et il refusait tout le temps de finir ses assiettes. Je me suis pas mal disputé avec lui à ce sujet. »
A ces mots, Milo baissa la tête. Le récit était plausible… Et il n'imaginait pas un gamin comme Hyôga mentir sur ce genre de choses.
Hyôga écarquilla les yeux en voyant Milo se mettre à pleurer soudainement. Oui, c'était bien ce qu'il avait pensé. Le chevalier n'était pas du tout en état d'être « blindé » à quoi que ce soit.
« Milo ? S'inquiéta-t-il en posant derechef une main timide sur son épaule. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
- Rien, rien, Hyôga, pardon, fit celui-ci en essuyant distraitement ses yeux. Je crois que… Je n'en peux plus. Je rate tout…
- Quoi ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?
- Tu as parfaitement raison… Je ne mérite pas d'être gracié… Si seulement… Je pouvais arrêter de faire souffrir tout le monde autour de moi… »
Hyôga écarquilla les yeux. Il s'approcha davantage de Milo, qui, il le voyait, tentait de se contrôler malgré tout.
« Non, Milo… J'ai dit n'importe quoi, essaya-t-il de le rassurer maladroitement. Je ne voulais pas… Tu n'as pas à penser ça de toi-même. Si maître Camus estime que tu es méritant, c'est que tu l'es. J'ai toujours eu confiance en son jugement, et j'ai été bête de douter. Je ne sais pas tout, moi. Mais je sais que mon maître va beaucoup mieux depuis que tu es là. Il remange normalement, et il a même l'air de dormir un peu mieux. Tu vois ? Tu ne rates pas tout. »
Milo ne répondit rien. Il continua d'essuyer ses larmes.
« Tu veux un câlin ? Se hasarda Hyôga.
- J'ai l'air si défait que ça ? Rit tristement Milo.
- Honnêtement, oui…
- Vas-y, si ça te fait plaisir… »
Hyôga s'approcha alors doucement et passa ses bras dans le dos de Milo, qui était toujours appuyé contre les coussins de son lit. Le jeune élève n'aimait pas voir les adultes autour de lui pleurer. Il avait l'impression que lorsqu'ils le faisaient, c'était comme si le monde devenait subitement moins stable et sécurisé. Et il détestait ça, surtout si c'était lui le fautif. Il se sentait coupable, d'autant plus qu'il avait bravé un interdit de son maître en s'énervant contre le chevalier. Et puis… Milo était parti pour rester longtemps dans cette maison… Autant qu'il s'entende bien avec lui.
« T'es un bon gamin, Hyôga, déclara Milo en refermant distraitement ses bras sur lui. Camus a de la chance de t'avoir. Et t'as eu bien raison de te disputer avec lui pour qu'il mange. Merci de l'avoir fait.
- Je ne sais pas si je suis un si bon disciple que ça, lui avoua Hyôga. Surtout là, tout de suite… Je sais que Camus serait déçu de ma conduite.
- Mais non… Et puis, je ne lui dirai pas que tu t'es mis en colère, ne t'en fais pas. Ça restera entre nous. Je te l'ai dit, je ne suis pas fâché. Je crois que… Je suis très fatigué, et… Inquiet pour ton maître… C'est tout. Excuse-moi pour ça… »
Hyôga acquiesça silencieusement.
« Tu veux que je t'aide à te rallonger ? Tu as besoin de dormir un peu ? Je t'ai vu t'assoupir sur ton livre, tout à l'heure… Tu as l'air d'avoir besoin de te reposer… »
Milo prit le temps de faire le tour de son état.
« Je crois que… Oui… Je ferais mieux de me rallonger, confirma-t-il. Je me sens… épuisé, pour être honnête.
- Je vais t'aider, ne t'en fais pas », proposa serviablement le disciple.
Hyôga l'aida à s'incliner au fond de son lit. Milo avait l'air de s'être calmé sensiblement. Le câlin lui avait peut-être fait du bien, pensa le plus jeune. Une fois installé, le chevalier ne tarda pas à fermer les paupières. Oui, il était fatigué, se dit immédiatement Hyôga. Enfin… Au moins, il avait tout de même l'air d'aller beaucoup mieux depuis que Camus l'avait ramené dans cet état déplorable.
Entendant la respiration de Milo devenir lente et profonde, Hyôga retourna chercher son livre.
Il aurait sans doute le temps d'en lire un paquet, à ce rythme, d'ici à ce que Camus ne revienne…
En espérant qu'il revienne…
