Mot de l'auteur
/!\ Cette histoire est une réécriture en version boy x boy de "La quête des Livres-Monde" de Carina Rozenfeld, l'histoire et les personnages lui appartiennent ! Les livres peuvent être acheter sur amazon, fnac et en librairie ! (Environ 5 à 14 euros le livre et environ 30 euros l'intégrale) pour soutenir l'auteur et la financer dans ses projets ! /!\
PS : Les personnages autres que Nathan, Zayn, Lia et Aela ne m'appartiennent pas ! Ils sont de Carina Rozenfeld, une écrivaine très talentueuse que j'admire !
Lenny fumait une cigarette, les coudes appuyés sur le garde-fou de sa fenêtre, observant le ciel, là-haut, qui changeait de couleur. Du bleu il était passé au mauve et s'assombrissait un peu plus à chaque instant. Un léger liseré lumineux se devinait dans le reflet des fenêtres de l'immeuble d'en face, et Lenny devinait que, s'il avait pu regarder le paysage derrière lui, il aurait assisté à un beau coucher de soleil. Mais il était coincé de ce côté-ci du monde et son horizon se limitait à la rue qui dégringolait une vingtaine d'étages plus bas et aux tours qui l'encadraient.
Il tira une dernière fois sur sa cigarette dont le bout rougit dans l'obscurité. Derrière lui, son appartement était plongé dans la pénombre, ce qui n'était pas plus mal. Il n'avait pas envie de penser à la décrépitude de son intérieur. Le lino gondolé et noirci, le papier peint délavé par les années, le canapé déglingué, la table laquée de blanc écaillé qu'il avait récupérée à la mort de sa grand-mère..., tout était vieux chez lui. Sauf l'ordinateur qu'il avait acquis récemment et qui représentait une porte vers l'extérieur, vers le monde et, depuis quelque temps, vers le mieux, avec les enchères qui montaient sur sa page eBay.
Qui montaient... sauf depuis trois jours, où rien n'avait bougé. Personne n'avait fait grimper le petit magot qui clignotait sur son écran. La fin des enchères approchait et Lenny s'inquiétait. Cela faisait trois jours à présent que PassiondesLivres ne se manifestait plus. Trois jours sans la moindre enchère. Au début, Lenny avait patienté. Après tout, le gars n'était pas obligé de passer sa vie derrière son écran d'ordinateur. Mais à présent ce silence virtuel le rongeait. Était-il parti en vacances ? Avait-il abandonné, refroidi par le prix qui avait dépassé les cinq mille euros ? Sous son pseudo LennyFiant, il avait surenchéri autant que possible, poussant PassiondesLivres à faire monter le prix un peu plus chaque fois, comme un jeu idiot. Il devait vraiment avoir de l'argent à jeter par les fenêtres, ce type ! Mais tant que ça atterrissait dans son escarcelle, Lenny s'en moquait bien. Ce que les gens faisaient de leur argent, ce n'était pas son problème. Il repensa à Eden962 et ferma les yeux en jetant son mégot d'une pichenette dans la rue. Il s'enfonça dans la pénombre en laissant derrière lui une traînée d'étincelles. Il avait disparu, celui-là, il avait abandonné les enchères alors qu'il avait prétendu vouloir acheter le livre à n'importe quel prix ! Heureusement qu'il n'avait pas cédé et avait maintenu la vente !
Hier, inquiet de l'absence prolongée de PassiondesLivres, il lui avait envoyé un message pour se renseigner : était-il toujours intéressé par le produit ? Et PassiondesLivres venait de lui répondre il y a quelques minutes, juste avant que la lumière ne décline et que la nuit ne s'étende sur le sommet des tours du quartier. Lenny frissonna. Depuis l'orage de l'autre jour, les températures avaient baissé, ce qui n'était pas désagréable. Mais, ce soir, il se demandait s'il tressaillait de froid ou de peur.
Il se répéta intérieurement la réponse de PassiondesLivres, qui devait encore s'afficher sur l'écran de son PC, derrière lui, dans son appartement miteux.
De : PassiondesLivres
À : Vendeurdetrésor
Objet : Re: Avez-vous abandonné ?
Cher vendeur,
Non, je n'ai pas abandonné l'idée d'acquérir le livre extraordinaire que vous avez mis aux enchères, il y a de cela quelques jours. Toutefois, je vous ai demandé, lors de notre premier échange, de bien vouloir me renseigner sur le contenu de ce livre et vous m'avez promis un jeu de photos des pages intérieures et je n'ai, à ce jour, toujours rien reçu.
Or il me semble important, vu le prix qu'atteint l'objet aujourd'hui, de recevoir enfin cette information. Si les pages du livre sont à la hauteur de sa mystérieuse couverture, je peux vous assurer que je me battrai à nouveau pour remporter cet objet.
Bien à vous,
Pierre, alias PassiondesLivres
Lenny se pinça l'arête du nez en grimaçant, puis farfouilla dans les poches de son gilet à la recherche de son paquet de cigarettes et de son briquet. D'une main tremblotante, il en alluma une autre. Il aspira longuement la fumée qui lui brûla l'intérieur de la gorge et la relâcha en volutes dans l'air frisquet.
Ainsi, PassiondesLivres n'avait pas oublié sa requête. Il voulait connaître le contenu du livre avant de finaliser son offre. C'était de bonne guerre. Qui achèterait un objet à ce prix sans savoir ce qu'il contient ? Lenny aurait dû s'en douter. Après la lecture du mail, impatient, il avait sorti de son tiroir un petit appareil numérique argenté, un cadeau d'anniversaire de l'année dernière, et l'avait placé près du livre. Posant sa main sur la couverture, prêt à l'ouvrir, il avait interrompu son geste. Malgré lui, il ne pouvait se sortir de la tête l'avertissement d'Eden962 : « Je tiens à vous prévenir aussi que cet objet est reux. Je sais que vous l'avez ouvert. Surtout ne recommencez pas, sous aucun prétexte ! » Il aurait bien voulu se persuader que cette mise en garde ne l'inquiétait pas, mais ce n'était pas le cas. Eden962 n'avait aucun moyen de savoir qu'il avait ouvert le livre. La languette n'apparaissait sur aucune photo. Et pourtant, il savait, et il lui demandait de ne pas recommencer. En aspirant une nouvelle bouffée de fumée, il ferma les yeux. Et si le livre était vraiment dangereux ? Après tout, c'était un vestige trouvé dans une tour, un monument historique. Il en avait vu, des films où des héros trouvaient des bibelots anciens qui, actionnés dans un certain contexte, provoquaient des catastrophes terribles.
Si Lenny le rouvrait, qu'allait-il se passer ? Était-il vraiment en danger ? Que risquait-il ? Il imaginait le livre lui exploser à la figure, ou alors fondre entre ses mains en émettant des gaz toxiques...
Il ricana dans le noir. Il devait arrêter de regarder des films débiles. Ce n'étaient que des histoires inventées, rien de plus ! Et puis, Eden962 s'était retirée des enchères, non ? Si il avait vraiment dit la vérité, il aurait tout fait pour le récupérer, coûte que coûte, mettant les services secrets sur le coup, ou un truc comme ça.
Maintenant, si lui, Lenny, voulait se faire un maximum de fric, il fallait qu'il prenne les pages du livre en photo et qu'il les envoie à PassiondesLivres. En haussant les épaules, il jeta sa cigarette dans le vide, se retourna et fit quelques pas dans son salon pour trouver l'interrupteur. L'ampoule incandescente qui pendait mollement au bout de son fil depuis le plafond inonda la pièce d'une clarté trop vive. Sur la table blanche, le livre reposait toujours, mat et silencieux. Près de lui était posé l'appareil photo.
LE BLOG DU BRIC-À-BRAC !
Finalement, je ne suis pas un super héros...
Il y a quelques jours, je m'étais lancé dans un grand délire, genre je suis un super héros.
En fait, je me suis trompé. Je ne suis qu'un mec ordinaire, doué en rien, mauvais en beaucoup de choses. Les super héros, ils portent un costume et je n'en ai pas. Je passe ma vie en jean et t-shirt, comme tout le monde. Et ce n'est même pas une tenue de camouflage.
Les super héros, sur leurs costumes, ils ont un logo, pile au milieu de la poitrine. Comme le « S » de Superman ou l'araignée de Spiderman. Je n'ai pas de logo, même pas de « Z » comme Zorro. Sur ma poitrine, aujourd'hui, il n'y a qu'une vilaine cicatrice, une espèce de trait rougeâtre, pas beau, boursouflé et qui fait mal.
Rien de glorieux, rien de super top. Juste une rature moche, symbole de mes échecs.
Finalement, je ne suis pas un super héros. Je suis juste moi, Nathan, et je ne sais pas si j'arriverai au bout de ma mission. J'ai pensé abandonner et finalement je me suis dit que non, je dois continuer. Mais j'ai sacrément la trouille. Je trouve ça super compliqué d'avoir à jouer un rôle de superhéros sans en être un. Je ne sais pas ce que ça va donner au final.
On verra…
Posté par Eyver à 17h13 :
Cher James, les vrais héros se cachent dans le courage, la ténacité et la générosité des gens ordinaires. Les superhéros, ça n'existe que dans les livres et les BD. Tu es un véritable héros, sois-en certain.
Posté par Lialabg à 17h45 :
Écoute ce que dit Eyver. Il est la sagesse incarnée. Ça va pas la tête de dire des trucs aussi débiles ? Qui te raconte que tu es nul ? Tu as vu ce que tu fais, ce que tu traverses ? Mon pote, je me demande si tu n'as pas reçu un coup sur la tête aussi... Je ne veux plus jamais lire des stupidités pareilles, ou j'arrête d'être ta Robine ! Bon, il est l'heure, je descends chez toi aider ta mère...
Posté par ThéAuJambon à 17h57 :
Nathan, je ne sais pas ce qui se passe dans ta vie, mais les articles de ton blog sont de plus en plus chelous. En tout cas, même si je ne comprends pas tout, je ne pense pas que tu sois un loser. Et si vraiment c'est un costume de superhéros qu'il te faut pour retrouver le moral, je suis prête à prendre des cours de couture rien que pour t'en faire un. Et tu pourras choisir le logo que tu veux dessus...
Je t'embrasse, Nath, je te trouve super.
Posté par Aela à 18h02 :
Nathan, arrête de te rabaisser comme ça. Tu ES un héros. Tu as été très chevaleresque avec moi à plusieurs reprises. Tu le sais très bien. Et Zayn m'a raconté comment tu l'as aidé aussi, il n'y a pas longtemps. Tu vaux bien plus que tu ne le penses. Alors, va te regarder dans un miroir et dis-toi que tu le vaux bien ! ;-) Et ta cicatrice, elle est le logo de ton courage... Bon, moi, je suis en retard pour aider ta mère. Je me déconnecte et j'arrive.
Posté par Ifeelgood à 18h22 :
Nathan, comment tu te débrouilles pour venir en aide à tous ces gens ? Donne-moi ton secret, ça m'aiderait peut-être à conclure ! Et pourquoi tout le monde doit aller aider ta mère ? Quelqu'un peut m'expliquer ce qui se passe ?
Une guirlande de lettres qui formaient le mot "Bienvenue" était tendue d'un mur à l'autre du salon. Il y avait des conversations et des rires dans la pièce.
Nathan trouvait toute cette mise en scène un peu ridicule. Son « séjour » chez Ben n'avait duré qu'un peu plus de deux jours. Il s'était vite remis de sa blessure qui était en effet superficielle. Toutefois, Ben avait trouvé sa capacité de guérison étonnante.
- C'est peut-être ta condition de Chébérien qui fait cela, avait-il suggéré en admirant la cicatrice sur son torse, déjà bien résorbée au bout de quarante-huit heures.
Après cela, Nathan avait eu la permission de rentrer chez lui, pour son plus grand soulagement. C'était sympa de vivre sous le même toit que Zayn, de pouvoir parler et rire avec lui longuement, mais sa chambre lui manquait, et il savait que ses parents ne seraient pas rassurés tant qu'il n'aurait pas réintégré le foyer familial.
Ce soir, les parents de Nathan avaient tenu à célébrer le retour de leur fils et, par la même occasion, à remercier Ben de ses efforts pour l'avoir remis sur pied. Ils avaient organisé cette petite fête en l'honneur de Nathan. Depuis qu'il était rentré, sa mère passait son temps à s'assurer qu'il était bien là, en vie. Elle lui caressait le bras, lui ébouriffait les cheveux, passait ses doigts sur sa joue. Ça l'agaçait prodigieusement, mais il n'osait pas protester, car il s'en voulait déjà assez de tous les soucis qu'il lui occasionnait. De même, il avait accepté que cette soirée ait lieu pour lui faire plaisir, même s'il n'aimait pas être le centre de l'attention.
Ses amis étaient venus plus tôt pour aider sa mère à préparer le buffet. Ils avaient poussé la table contre le mur et accroché cette guirlande.
Mais finalement, il était content de les voir tous ici, même si la présence d'Aela et de Zayn dans la même pièce le rendait un peu mal à l'aise.
D'ailleurs son père contempla longuement les deux jeunes gens, comme pour tenter de comprendre ce qui se tramait ici. Puis il vint s'asseoir près de son fils sur le canapé et avança son verre pour trinquer.
- À la tienne, à ta santé, fils ! Heureusement que tu es costaud ! Tu tiens ça de mon côté, on est des durs à cuire dans ma famille.
Les verres de champagne tintèrent l'un contre l'autre dans un petit bruit léger. Nathan sourit, les joues légèrement rosies. S'il savait...
- Tu choisis bien tes amis, dis-moi, pour ça aussi tu tiens de moi. J'ai toujours eu bon goût en matière de femmes. Regarde ta mère, si elle n'est pas magnifique, ajouta-t-il en regardant son épouse d'un air attendri.
Nathan sourit et observa sa mère qui servait de la salade à Zayn. C'est vrai qu'elle était jolie, toute contente de recevoir du monde et soulagée de savoir son fils en bonne santé. Lia discutait avec Aela, Ben se servait un verre de vin blanc. C'était une petite pause de convivialité au cœur de la tourmente.
Zayn avait lui-même suggéré d'inviter Aela. Il savait que cette dernière se rongeait encore les ongles au souvenir de ce qu'elle avait été forcée de faire. La jeune fille était donc là, un peu timide, vêtue d'un t-shirt noir à manches longues ainsi que d'un pantalon sombre et ample. Ses cheveux tirés en arrière en une queue de cheval sévère, ainsi que ses traits las, ses yeux cernés, attestaient son état d'esprit. Plus de façons provocantes, plus de tenues minimalistes, rien de ce qui faisait l'ancienne Aela ne transparaissait aujourd'hui. Elle vint s'asseoir près de Nathan à la place libérée par son père.
- J'espère que tu me pardonneras un jour, pour ce que je t'ai fait, souffla-t-elle, les yeux baissés.
- Aela, tu n'as rien à te faire pardonner. On te l'a déjà répété. Tu n'y es pour rien. C'est la faute de... l'entité... et la mienne aussi. J'aurais dû penser, après qu'il eut attaqué Lia, qu'il s'en prendrait à d'autres personnes de mon entourage.
Il se pencha un peu plus vers Aela et lui dit à voix très basse :
- Il existe un moyen de l'empêcher de recommencer. On va t'injecter du mémo, ce qui va modifier légèrement ton cerveau. Après ça, il ne pourra plus avoir la même emprise sur toi.
- Me modifier le cerveau ? Ça fait mal ? La voix d'Aela tremblait légèrement.
- On l'a fait à Lia... Bon, évidemment, je comprendrais que tu n'aies pas envie de finir comme elle (Aela éclata de rire, parce qu'à ce moment précis, alors qu'ils levaient les yeux vers lui, Lia faisait une grimace horrible à Zayn), mais ça peut empêcher l'Avaleur de Mondes de recommencer. Aela hocha la tête.
- Oui, je suis d'accord. Tant pis si je finis comme Lia ! En plus, ajouta-t-elle après une pause, Eyver était un ami de mon père. J'aimerais le rencontrer. Pourquoi n'est-il pas là ce soir ?
- Je l'avais convié, mais il ne veut pas rentrer en contact avec mes parents. C'est lui le médecin qui a géré la fécondation in vitro de ma mère, et, même s'il s'est beaucoup dégradé avec les années, il ne veut pas prendre le risque qu'elle le reconnaisse.
- En effet...
Leur conversation fut interrompue par la mère de Nathan qui fondit sur son fils pour le couvrir de baisers.
- Je sais que ça te gêne, devant tes amis, déclara-t-elle, mais je ne suis qu'une mère morte d'inquiétude pour son fils, alors ce soir tu redeviens mon bébé et tu me laisses te faire des bisous !
De bonne grâce, Nathan laissa sa mère le serrer contre son cœur...
Un peu plus tard, une fois que tout le monde eut été réquisitionné pour ranger le salon et décrocher la guirlande, les quatre adolescents se retrouvèrent dans la chambre de Nathan. Ben avait demandé à Zayn s'il rentrait avec lui. Il avait décliné sa proposition.
- J'ai mon propre mode de transport, plaisanta-t-il en lui faisant un clin d'oeil.
Il était content qu'il soit venu à cette soirée. Cette ambiance de fête, ces instants "normaux" lui prouvaient un peu plus qu'il n'avait rien à craindre pour son neveu. Lia, quant à elle, avait promis à Aela de la raccompagner car, depuis l'incident du parc, elle était terrorisée à l'idée de rentrer toute seule le soir.
Nathan était assis sur sa chaise de bureau, ses jambes tendues devant lui. Zayn et Aela s'étaient installés en tailleur sur le lit et Lia faisait les cent pas dans l'espace restreint qui restait disponible. Elle était tellement agité que ses camarades pouvaient presque entendre les cliquetis de son cerveau qui tournait à toute allure.
- Plan d'attaque ? s'écria-t-elle soudain en s'arrêtant pile au milieu de la pièce, faisant sursauter les autres.
- De quoi tu parles ? demanda Zayn.
Il coula un regard faussement exaspéré vers Nathan. Aela étouffa un rire nerveux.
- Bah, du plan d'attaque !
- Ouais, et en français ça donne quoi ? s'enquit Nathan en réprimant lui aussi un gloussement.
- Pendant que tu te remettais de ton agression et que tu te prélassais dans un lit toute la journée, j'ai bossé, moi, monsieur ! J'ai dressé toutes les possibilités concernant l'achat du Livre-Monde.
- Ah ! okay, et ça donne quoi ?
Lia farfouilla dans la petite sacoche qu'elle portait en bandoulière et en sortit un papier chiffonné qu'elle brandit fièrement sous le nez de Nathan. Le garçon s'empara de la feuille et plissa les yeux en tentant de déchiffrer les pattes de mouche tracées d'une main nerveuse.
- Mmmh, je comprends pourquoi la prof de français t'enlève toujours des points de présentation. Tu as fait exprès d'écrire aussi mal pour être sûr que même l'Avaleur de Mondes ne pourra pas te relire ?
Zayn éclata de rire. Aela, que la seule mention de l'entité mettait mal à l'aise, se contenta de sourire. Lia haussa les épaules.
- Alors... Si je lis correctement, continua Nathan en plissant les yeux, première possibilité, PassiondesLivres ou LennyFiant remportent les enchères. Tu proposes de pirater eBay pour récupérer leurs coordonnées afin de faire une descente chez eux... Mouais... Je te rappelle que j'ai déjà essayé et que ça n'a pas marché !
- Oui, mais cette fois, on engage un vrai pro, un hacker de la mort qui a l'habitude de pirater les sites de la CIA et du FBI ! s'enflamma Lia en faisant des grands gestes des mains.
- Mais bien sûr. Tu regardes trop de séries américaines, se moqua Zayn, on en trouve à tous les coins de rue, des hackers, et puis si on se fait choper et qu'on finit derrière les barreaux, on aura tout gagné ! Ensuite ?
- Deuxième possibilité, nous remportons l'enchère, on va chercher le livre chez le vendeur. Ah ! j'aime bien cette solution. Je te propose d'opter pour celle-là...
Les épaules de Lia s'affaissèrent.
- Moi aussi, c'est celle que je préfère, mais si on n'y arrive pas ?
Éden poussa un long soupire.
- Si on n'y arrive pas, je ne sais pas du tout ce qu'on va faire. Comment retrouver le livre une fois qu'il sera passé aux mains d'un autre ?
- J'aimerais bien le « sentir » comme l'Avaleur de Mondes, dit Lia.
- Ne plaisante pas avec ça. Je n'avais qu'une peur, c'est que le vendeur rouvre le livre et que l'Avaleur de Mondes le retrouve avant nous. Heureusement qu'il a pris mon avertissement au sérieux.
- Pourquoi, ça fait quoi quand un des livres est ouvert ? demanda Aela un peu perdue.
C'était la première fois qu'elle assistait à une réunion comme celle-là et elle avait du mal à suivre.
- Ce n'est pas joli à voir, répondit Lia gravement.
- L'ouverture d'un Livre-Monde crée une distorsion dans l'univers que nous ressentons tous. Chébériens et Avaleur de Mondes inclus.
- Je suis à moitié chébérienne et je ne ressens rien du tout.
- Ne te plains pas ! C'est plutôt une chance, la rassura Nathan en grimaçant au souvenir des douleurs qui l'avaient transpercé le soir du feu d'artifice.
- En attendant, on n'a pas de plan d'attaque, répéta Lia qui n'avait pas perdu le fil de la discussion.
Il s'assit par terre, le dos contre le lit de Nathan, les jambes pliées devant lui.
- Tu sais, je vais tout faire pour gagner, lui répondit Zayn d'un ton grave. J'attends la fin de l'enchère et j'espère être celui qui proposera le dernier prix. Ce sera un timing serré, mais pas impossible. Et si je n'y parviens pas, il sera toujours temps de trouver ton fameux plan d'attaque...
- Mouais, moi je pense qu'on devrait y penser maintenant. Comme ça on pourrait réagir tout de suite. Je vous rappelle qu'il y a une entité hystérique qui est prête à tout.
- Merci de me le rappeler, je l'avais oubliée, riposta Nathan en passant une main sur son torse recousu, ce qui fit pâlir Aela.
Zayn se dépêcha d'enchaîner :
- Écoute, les enchères se terminent demain, on sera fixés à ce moment-là. Je n'ai pas envie de penser au pire.
- Je suis d'accord avec Zayn, ajouta Nathan.
- Ouais, ça va, depuis que vous êtes rabibochés tous les deux, je sens que ça va être ma fête !
Zayn se pencha en avant et ébouriffa les cheveux de Lia, qui était assise à ses pieds, en raillant :
- Quelle ronchonne ! C'est le mémo qui te rend comme ça ?
Lia allait lui répondre avec sa verve habituelle, quand elle s'arrêta net dans son élan. Le visage de Zayn vers lequel il s'était tourné était figé et sa main s'était crispée dans ses cheveux. Elle se tourna vers Nathan pour constater avec effroi qu'une horrible grimace lui déformait également les traits. Lia ferma les yeux en étouffant un juron. Doucement, il desserra les doigts de Zayn de la mèche qu'il retenait toujours.
- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Aela d'une voix inquiète en constatant elle aussi la tension qui s'était abattue dans la chambre.
- Tu voulais savoir ce que ça faisait, quand un Livre-Monde était ouvert ? Ben voilà...
Doucement, elle se releva et se tourna vers le lit. Zayn était secoué de soubresauts violents, comme victime d'une crise d'épilepsie. Les tremblements s'amplifièrent et alors sa silhouette sembla vibrer, s'étirer, se dédoubler. Tout doucement, le cœur retourné par le spectacle, Lia l'allongea afin qu'il ne tombe pas. Aela étouffa un cri en plaquant la main devant sa bouche. Elle recula ses pieds pour ne pas qu'ils touchent Zayn.
Lia se tourna alors vers Nathan, dont le visage était atrocement tordu par la douleur de la distorsion. Les tremblements de son corps étaient si intenses qu'ils faisaient cliqueter le fauteuil sur lequel il était assis et dont il commençait à glisser.
- Mon Dieu !... se lamenta Aela, les yeux élargis par l'effroi. On ne peut rien faire ?
- Non, il faut attendre que le livre soit refermé.
- Mais on ne peut pas les laisser souffrir comme ça !
Un peu agacé, Lia lui répondit vertement.
- Si tu as une solution à me proposer, je suis tout ouïe. Tu crois que ça m'amuse, moi, de voir mes amis dans cet état ?
Aela, penaude, fit non de la tête.
Lia reporta son attention sur Nathan, qu'elle maintenait fermement afin qu'il ne tombe pas et se fasse plus mal encore. Il lui fallait déployer toute sa force pour le conserver à peu près assis. Les convulsions du corps du Chébérien se propageaient dans ses bras qui devenaient douloureux à force de se contracter. Lia sentit un filet de sueur couler sur sa tempe.
- Mais qui est l'abruti qui laisse le livre ouvert aussi longtemps ? Ça devient insoutenable. Il va finir par les tuer !
- Lequel est ouvert ? chuchota Aela en fermant les yeux afin de soustraire de sa vue ce spectacle insupportable.
- Le premier, le Livre des Âmes, est enfermé dans le coffre d'Eyver et il ne peut pas l'ouvrir sans nous.
- Alors, c'est le second, celui qui est mis aux enchères ?
- J'ai bien peur que oui...
La distorsion n'en finissait pas. D'interminables minutes passèrent pendant lesquelles Lia retint Nathan de toutes ses forces.
À un moment, du sang se mit à couler du nez des deux Chébériens. C'était la première fois que la distorsion les atteignait à un tel stade, mais Lia garda ses pensées pour elle. Elle ne voulait pas affoler Aela plus que nécessaire.
Soudain, comme par miracle, tout s'arrêta enfin. Zayn et Nathan cessèrent de vibrer.
Puis, après un moment bien trop long, Zayn ouvrit des yeux hébétés et injectés de sang. Nathan le suivit de peu, un râle de douleur s'échappant de ses lèvres entrouvertes.
Il fallut attendre encore quelques minutes avant que Zayn ne dise d'une voix rocailleuse :
- J'ai parlé trop vite. Il a rouvert le livre. Cette fois, c'est mort, l'Avaleur de Mondes va le retrouver...
